Page:Zola - Travail.djvu/545

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riait, le petit garçon étant une petite fille, ou bien le contraire.

«  Comment  ! dit-il en s’arrêtant devant un berceau, vous avez encore là deux jumelles  ? Quels amours d’enfants, si semblables d’une beauté si tendre  !

— Mais non, mais non  ! s’écria Sœurette amusée. C’est une fillette à qui le petit garçon du berceau voisin est venu rendre visite. Dès qu’ils peuvent se rejoindre, nous en retrouvons parfois trois ou quatre dans les bras les uns des autres.  »

Et tous s’égayèrent de cette belle moisson d’affection et d’amour en train de germer. Suzanne, qui, d’abord, avait témoigné les plus grandes craintes, même les plus vives répugnances, pour l’éducation et l’instruction en commun des deux sexes, s’émerveillait maintenant des admirables résultats obtenus. Ces garçons et ces filles, que l’on consentait bien autrefois à laisser voisiner jusqu’à l’âge de sept ou huit ans, mais qu’on isolait ensuite, entre lesquels on bâtissait un mur infranchissable, grandissaient alors dans l’ignorance les uns des autres, étaient devenus des étrangers, des ennemis, le soir des noces, où, brutalement, on jetait la femme aux bras de l’homme. Les cerveaux cessaient d’être de la même race, le mystère exaspérait le désir sensuel, c’était la chaude ruée du mâle et l’hypocrite réserve de la femelle, toute la bataille de deux créatures hostiles, aux idées différentes, aux intérêts opposés. Et, aujourd’hui, dans les jeunes ménages, Suzanne pouvait constater l’heureuse paix acquise déjà, une fusion plus étroite d’intelligence et de sentiment, la raison, la bonne entente, la fraternité dans l’amour. Mais, surtout, elle était frappée, dans les écoles mêmes, des bons effets du mélange des sexes, qui éveillait une sorte d’émulation nouvelle, donnant de la douceur aux garçons de la décision aux filles, les préparant par une pénétration intime, une connaissance