Page:Zola - Travail.djvu/548

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bonheur des places  ! Et quelle attention passionnée ils prêtaient à la parole du professeur, debout parmi eux, allant de l’un à l’autre, causant sa leçon, provoquant les contradictions parfois  ! Comme il n’y avait plus ni punitions ni récompenses, tous satisfaisaient leur besoin naissant de gloire, dans cette lutte à qui montrerait le mieux qu’il avait compris. Souvent le professeur cédait la parole à ceux qu’il sentait pleins du sujet, les cours prenaient ainsi un intérêt de discussion renouvelé sans cesse. Par les moyens les plus variés, le but unique était de rendre les études vivantes, de les tirer de la lettre morte des livres, pour leur donner la vie des choses, la passion des idées. Et le plaisir en naissait, le plaisir d’apprendre de savoir, et les cinq classes déroulaient l’ensemble logique des connaissances humaines, comme le drame émouvant et réel du vaste monde, que chacun de nous doit connaître, s’il veut y agir et y être heureux.

Il y eut une joyeuse clameur, c’était enfin la récréation. Toutes les deux heures, les jardins se trouvaient envahis, et il fallait voir le gai tumulte de la sortie des classes, ce flot de garçons et de filles qui fraternisaient en bons amis  ! On les retrouvait côte à côte partout, des jeux s’organisaient sans distinction de sexe, d’autres préféraient causer gaiement, d’autres se rendaient dans les gymnases ou dans les ateliers d’apprentissage. Les rires montaient très francs et très purs. Un seul jeu était tombé en désuétude, on avait cessé de jouer au petit mari et à la petite femme, car on n’était plus là qu’entre camarades. Dans la vie, on aurait bien le temps, puisque désormais on ne se quittait pas et qu’on poussait ensemble, pour se mieux connaître et s’aimer davantage.

Mais un garçon de neuf ans, très beau, très fort, vint se jeter dans les bras de Luc, en criant  :

«  Bonjour, grand-père  !   »