Page:Zola - Travail.djvu/551

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tournant le dos, se cachant. Luc pourtant avait reconnu Boisgelin, et il fut surpris de son singulier manège, quand il le vit se baisser, fouiller des yeux les herbes, comme s’il y cherchait une cachette, un trou ignoré  ; Puis, il crut comprendre, le pauvre homme devait s’inquiéter, dans sa folie, d’un coin discret, où il pourrait entasser ses incalculables richesses, pour qu’on ne les lui volât pas. Souvent on le rencontrait éperdu, tremblant de peur, ne sachant au fond de quel gouffre enterrer ce trop de fortune, dont le poids l’écrasait. Et Luc en eut un frisson de grande pitié, surtout lorsqu’il vit les enfants s’effrayer de l’inquiétante apparition, comme une bande de gais pinsons que le vol effaré d’un oiseau de nuit met en fuite.

Suzanne, un peu pâle, répéta très haut  :

«  En mesure, en mesure, mes chéris  ! Enlevez la phrase finale de tout votre bon petit cœur  !   »

Boisgelin, soupçonneux, hagard, avait disparu, ainsi qu’une ombre noire parmi les arbustes en fleur. Et, dès que les enfants rassurés eurent salué le soleil souverain d’un dernier cri d’allégresse, Luc et Suzanne les félicitèrent, les renvoyèrent à leurs jeux. Puis, restés seuls, tous deux se dirigèrent vers les ateliers d’apprentissage, de l’autre côté du jardin.

«  Vous l’avez vu, dit-elle très bas, après un silence. Ah  ! le malheureux, quelle inquiétude il me donne  !   »

Et, comme Luc regrettait de n’avoir pu rejoindre Boisgelin pour le ramener chez lui, elle se récria de nouveau  :

«  Mais il ne vous aurait pas suivi, il aurait fallu lutter, tout un scandale. Je vous le répète, mon unique crainte est qu’on ne le retrouve un jour fracassé, au fond de quelque trou.  »

Ils retombèrent dans le silence, ils arrivèrent aux ateliers d’apprentissage. Beaucoup des élèves venaient y passer