Page:Zola - Travail.djvu/562

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

c’est donc vrai qu’autrefois il y avait des fourneaux hauts comme des montagnes, et qu’il fallait se brûler la figure jour et nuit, pour en tirer quelque chose  ?   »

Tous se mirent à rire, et ce fut Claudine qui répondit.

«  Bien sûr  ! Grand-père Bonnaire me l’a conté souvent, et tu devrais connaître l’histoire, mon petit Maurice, toi dont le bisaïeul, le grand Morfain, comme on le nomme encore, a été le dernier à se battre en héros avec le feu. Il vivait là-haut dans un trou de roches, il ne descendait jamais à la ville, il veillait d’un bout de l’année à l’autre sur son fourneau géant, le monstre, dont on voit encore les ruines, aux flancs de la montagne, tel qu’un donjon éventré des anciens âges.  »

Maurice, les yeux arrondis par l’étonnement, écoutait avec l’intérêt passionné d’un enfant à qui l’on raconte quelque prodigieux conte de fées.

«  Oh  ! je sais, je sais, grand-père Morfain m’a déjà dit tout ça de son père et du fourneau haut comme une montagne. Mais, tout de même, j’ai cru qu’il inventait ça pour nous amuser, car il en invente d’autres, quand il veut nous faire rire… Alors, c’est vrai  ?

— Mais oui, c’est vrai  ! continua Claudine. Il y avait en haut des ouvriers qui chargeaient le fourneau, en y versant des charretées de minerai et de charbon, et il y avait en bas d’autres ouvriers qui veillaient sans cesse, toujours aux petits soins pour que le monstre n’eût pas une indigestion, dont l’embarras aurait empoché la bonne besogne de se faire.

— Et, reprit à son tour Céline, l’autre jeune fille, ça durait sept ou huit ans, pendant sept ou huit ans le monstre restait allumé, toujours flambant comme un cratère, sans qu’on put seulement le laisser se refroidir un peu, car, s’il se refroidissait, c’était une très grande perte, il fallait lui ouvrir le ventre, le nettoyer et le rebâtir presque à neuf.