Page:Zola - Travail.djvu/628

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être de notre famille, à l’heure où elle se rapproche, où elle se serre de partout, la main dans la main. Voyez, voyez  ! la voici qui se confond, les tables vont se joindre aux tables, il n’y aura bientôt plus qu’une table, pour toute une Cité de frères  !   »

Et c’était vrai, les convives commençaient à voisiner, chaque table semblait se mettre en marche vers la table prochaine, peu à peu les tables se soudaient les unes aux autres, comme il arrivait toujours à la fin de ce repas commun, célébrant la fête de l’été, par une belle soirée de juin. Cela devenait si naturel, les enfants servaient d’abord de messagers, allaient de dessert en dessert, puis les membres épars d’une même famille, au hasard des alliances, tendaient à se réunir, à se retrouver côte à côte. Comment voulait-on que Séverin Bonnaire à la table des Morfain, Zoé Bonnaire à celle des Bourron, et Antoinette Bonnaire à celle de Luc, ne fussent pas entraînés vers la table paternelle, où se trouvait leur frère aîné Lucien  ? Et les Froment, disséminés, comme le blé qu’on jette aux différents sillons, Charles chez les Bonnaire, Thérèse et Pauline chez les Morfain, comment n’auraient-ils pas donné le branle, emmené les autres, dans le désir d’être avec le père, le fondateur et le créateur  ? Alors, on vit ce prodigieux spectacle, les tables marchant, se rejoignant, s’ajoutant, finissant par ne plus faire qu’une même table, au travers de la Cité d’allégresse. Le long des avenues, devant les portes des maisons en joie, le repas commun n’avait plus d’interruption, la pâque de ce peuple fraternel allait s’achever sous les étoiles, en une immense communion, coude à coude, sur la même nappe, parmi les mêmes roses effeuillées. Toute la ville devenait un banquet géant, les familles se mêlaient, se confondaient en une famille unique, et le même souffle animait toutes les poitrines, et le même amour faisait battre tous les cœurs. Du grand ciel pur,