Page:Zola - Travail.djvu/87

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plus vivre, Babette protesta, annonça des jours prospères, ensoleillés, de son air de confiante allégresse.

« Mais non, mais non ! Ne vous faites donc pas de mauvais sang, ma chère ! Vous verrez que tout s’organisera. On travaillera, on sera très heureux. »

Et elle emmena son mari, en le divertissant, en lui disant des choses si drôles et si tendres, qu’il la suivait docilement, plaisantant lui aussi, dans son ivresse domptée, devenue inoffensive.

Luc se décidait à partir, lorsque la Toupe, en train de ranger son ouvrage sur la table, y trouva la clé qu’elle avait jetée à son frère, et que celui-ci n’avait pas encore prise.

« Eh bien ! la prends-tu à la fin ? Montes-tu te coucher ?… On t’a dit que ta vaurienne t’attendait quelque part. Tu peux bien la ramasser encore, si ça t’amuse. »

Ragu, ricanant, balança un instant la clé, au bout de son pouce. Toute la soirée, il avait crié dans la face de Bourron qu’il n’entendait pas nourrir une fainéante, qui avait eu la bêtise de se laisser manger un doigt par une machine, sans se le faire payer ce qu’il valait. Il l’avait eue, cette fille, comme il en avait eu tant d’autres, toutes celles qui veulent bien qu’on les ait. C’était simplement du plaisir pour les deux, et quand on en avait assez, bonjour, bonsoir, chacun s’en retournait tranquillement chez soi. Mais, depuis qu’il était là, il se dégrisait, il ne retrouvait pas son obstination méchante. Puis, sa sœur l’exaspérait, à toujours lui dicter sa conduite.

« Bien sûr que je la reprendrai, si ça me plaît de la reprendre… Après tout, elle en vaut d’autres. On la tuerait, qu’elle ne vous dirait pas une mauvaise parole. »

Et, se tournant vers Bonnaire silencieux :

« Elle est bête, Josine, d’avoir toujours peur… Où donc s’est-elle fourrée ?