Aller au contenu

Page:Zweig - Émile Verhaeren, sa vie, son œuvre.djvu/114

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Pour pouvoir vivre toute la grandeur, toute la beauté, toute l’ardeur de ce monde, il sent qu’il lui faut se multiplier. « Multiplie-toi ! Donne-toi ! », ce cri jaillit ainsi, comme une flamme pour la première fois.

Multiplie et livre-toi ! Défais
Ton être en des millions d’êtres ;
Et sens l’immensité filtrer et transparaître.[1]

Cette fraternité qui l’unit à toutes choses décuple en lui les possibilités de chanter l’époque moderne. Ce n’est que parce qu’il se livre à chaque chose qu’il peut comprendre toutes les manifestations contemporaines et devenir le poète de la démocratie des villes, de l’industrie, de la science, devenir le poète de l’Europe, le poète de notre temps. Seule cette conception panthéiste peut engendrer l’étroit rapport entre le monde individuel et l’univers qui nous entoure, rapport qui doit se résoudre par une incomparable identité. Cette affirmation bienheureuse ne pouvait procéder que d’une négation aussi désespérée. Seul l’homme pourra aimer le monde de tout son être, qui l’a haï également de tout son être.

  1. « La Forêt » (les Visages de la Vie).