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Page:Zweig - Émile Verhaeren, sa vie, son œuvre.djvu/129

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choses. D’un seul coup — sans l’avoir voulu — Verhaeren s’est affirmé poète social, le poète du siècle des machines, le poète de la démocratie, le poète de la race européenne. L’énergie remplit tout son poème : force enchaînée, enthousiasme, paroxisme, extase, quelque nom qu’on lui donne, c’est toujours une force agissante, ardente, sans cesse en mouvement et qui ignore le repos.

Plus de déclamation dans son poème. Il n’est plus le caveau marmoréen d’un état d’âme. C’est un cri. C’est un combat avec ses alternatives de défaite et de victoire, un véritable combat matérialisé. Toutes les valeurs se sont pour lui modifiées. Ses répugnances d’autrefois, Londres, la grande ville, les gares, la Bourse, lui imposent maintenant leur séduction de difficile problème poétique. Plus une chose semble se refuser à la beauté, plus il engage la lutte pour découvrir cette beauté. Et plus cette lutte est douloureuse, plus il en jouit extatiquement. La force, qui s’était tournée criminellement contre elle-même, se manifeste, maintenant, dans la joie de son pouvoir créateur, à travers le monde. Combattre la résistance, arracher la beauté de ses recoins les plus cachés, ne fait que décupler sa puis-