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Page:Zweig - Émile Verhaeren, sa vie, son œuvre.djvu/143

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foules ; l’envie gagne les hommes, et le démon aux mille têtes combat et verse son sang pour la possession de ce bien unique : l’or qui brûle et qui rayonne.

Mais la grandeur et la puissance des villes ne résident pas dans la passion. Elles sont dans la force mystérieuse que ces passions nous dérobent. Il est un ordre élevé qui les répartit et qui les domine. Dans ce chaos profond, au milieu de ce flot de choses périssables, se dressent trois ou quatre figures, qui sont comme des statues au sein des « villes tentaculaires », comme les dompteurs des passions. Autrefois, les rois et les prêtres savaient contenir l’énergie bouillonnante et refréner, d’une main de fer, le peuple ainsi qu’un animal dangereux. De nouveaux souverains remplissent aujourd’hui ce rôle : ce sont les hommes d’État, les généraux, les démagogues, les organisateurs. Dans ses mouvements et dans ses instincts, la ville est animale, de même qu’elle est bestiale dans ses passions. Elle a la laideur de toute fureur amoureuse. On ne peut prendre à la contempler un plaisir pur, comme devant un paysage régulier qui s’estompe doucement dans la verdure des forêts. On n’éprouve d’abord qu’horreur,