Aller au contenu

Page:Zweig - Émile Verhaeren, sa vie, son œuvre.djvu/190

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

force ; il vibre encore dans les caractères inanimés qui reflètent la pensée. Pour suivre la conception de l’auteur dans tous ses grands poèmes, il faut céder à la passion qui s’en dégage. Les lire avec calme, sans ardeur, serait en détruire l’harmonie musicale, au point que la forme ne tarderait pas à en paraître sèche, tourmentée et pleine de gaucherie. Certaines images reviennent sans cesse ; nombre d’adjectifs se répètent, comme des expressions typiques, — procédé naturel à l’auteur, qui résume en formules synthétiques ses pensées les plus hardies. Prononcez-vous le poème à voix haute ? le vers s’anime, les répétitions frappent l’imagination comme autant de notations où se sont cristallisées des impressions profondes ; et les images qui assiègent notre esprit semblent des bornes milliaires, échelonnées tout le long d’un sentier sauvage qui mène à l’infini.

Le lyrisme de Verhaeren, c’est une exaltation qui se propage, non pas comme une confidence d’homme à homme, mais comme un feu dévorant qui enflammerait une foule. Ses poèmes laissent une impression d’inachevé : ils semblent éclore à mesure qu’on les parcourt, tel un discours habile où s’accuse toujours l’improvisation ;