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Page:Zweig - Émile Verhaeren, sa vie, son œuvre.djvu/20

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rons en une heure ; une nuit brève suffit à nous conduire dans des pays que jadis séparait de nous un voyage plein de difficultés et d’ennui. Les anciens devaient sacrifier un an de leur vie pour pouvoir contempler les ciels merveilleusement étoilés dans les monstrueuses forêts tropicales : nous, tout à coup, nous en pouvons rapidement gagner l’accès. Grâce à cette rapidité nouvelle, la mesure de la vie a, elle aussi, changé. De plus en plus le temps triomphe de l’espace. Notre regard, qui peut, dans les froides constellations, distinguer immédiatement les formes pétrifiées des aspects primitifs, sait encore apprécier d’autres distances. La voix semble être mille fois plus puissante depuis qu’elle peut se faire entendre à des kilomètres d’éloignement. Selon ces rapports nouveaux entre les forces naturelles, nous avons une sensation différente de l’étendue terrestre. La vie, dont la cadence s’est élevée et accélérée, nous semble battre sur un rythme plus neuf. La distance qui sépare le printemps du printemps, augmente et pourtant diminue ; l’heure est à la fois plus longue et plus courte ; plus longue et plus courte aussi toute notre existence.

C’est pourquoi nous devons nous créer une