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Page:Zweig - Émile Verhaeren, sa vie, son œuvre.djvu/205

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la suprême « impassibilité ». Ce n’est pas vers l’harmonie qu’il le pousse, mais vers des rythmes farouches. Ses vers ont des vibrations profondes et gutturales, où les voyelles chantent une âpre musique. De toute part perce sa vraie nature, avec sa rudesse mâle et brusque. À cela s’ajoutent encore les résultats de sa transformation intérieure. Tant que la tendance poétique de Verhaeren demeura tournée au pittoresque, tant qu’il ne se souciait que de peindre, sans fièvre, la passion du peuple flamand, la vie austère des couvents, l’alexandrin lui suffisait pour ordonner les ondes rythmiques. Mais dès qu’une impression personnelle vient troubler cette primitive indifférence intérieure, le vers perd de sa quiétude. Plus l’alexandrin paraît sur le point d’éclater, plus le poète sent croître en lui le désir de le briser. Verhaeren prend le vers ternaire, le vers des Romantiques avec ses deux césures qui scandent les lignes en trois parties strictement égales de rythme et de poids, mais cet alexandrin libre, inauguré par Hugo, il le rend irrégulier : les syllabes sont de poids différents et de sonorités diverses, elles ne sont plus en équilibre stable, elles montent et elles descendent. Peu à peu l’uniformité grave du