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Page:Zweig - Émile Verhaeren, sa vie, son œuvre.djvu/217

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de page en page. Les épithètes aussi sont monotones, souvent même schématiques avec les froides désinences en ique. Ses images révèlent ce que le langage de la science appelle la pseudoanesthésie : c’est-à-dire que, chez lui, aux couleurs et aux sons correspondent toujours respectivement les souvenirs d’impressions précises d’un ordre sensoriel voisin. Le rouge évoque en lui tout ce qui est passionné ; l’or, ce qui est grand et solennel ; le blanc, ce qui est doux ; le noir, ce qui est hostile. C’est pour cette cause que ses images paraissent brusques et absolues. Suivant l’explication qu’en donne Albert Mockel, dans sa magistrale étude, il est en elles, à proprement parler, un mouvement décisif, spontané qui surpasse notre attente. Comme les couleurs et comme le rythme ces images sont puissantes. Elles ont la soudaineté de l’obus qui traverse l’espace et dont notre œil ne peut prendre connaissance qu’après son arrivée au but, lorsqu’il fait voler la cible en éclats. La raison en est sans doute dans la destination de ces poèmes : ils sont faits pour être dits. L’affiche, faite pour être vue de loin, ne produira son effet qu’au moyen de couleurs franches, d’images pathétiques qui fascinent