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Page:Zweig - Émile Verhaeren, sa vie, son œuvre.djvu/221

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ouïr un écho de la ballade qui, au lointain de nos souvenirs, berça nos rêves d’enfant, le Français perçoit une opposition à sa tradition nationale. En effet, au cours du développement de Verhaeren, dans sa personnalité comme dans ses vers, sous le vernis français apparaît de plus en plus la mentalité germanique. Ce ne fut que dans la première période, où sa poésie ne s’était pas encore rendue indépendante, qu’elle ne se différencia pas de celle des autres poètes. Mais, à mesure qu’il se détachait des liens de la pensée et des sentiments français, il se rapprochait inconsciemment de l’art allemand. Il est vrai qu’aujourd’hui Verhaeren semble revenir au classicisme. Ses derniers poèmes ont moins d’audace ; les images en sont plus schématiques. L’ensemble donne une impression de sérénité et de transfiguration. Mais il ne faut pas voir là un lâche compromis envers la tradition rompue, un repentir et un retour. Gœthe, Schiller, Hugo et Swinburne nous ont présenté un phénomène analogue quand l’âge eut refroidi leur sang, apaisé la sensualité de leur conception au profit de leur intellectualité. L’homme victorieux répudie la brutalité du combattant. L’homme mûr ne va pas vers la rébellion, mais vers l’harmonie. Et