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Page:Zweig - Émile Verhaeren, sa vie, son œuvre.djvu/246

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acquisitions qui en accentue la valeur. Après l’âge viril, la vie n’apporte sans doute plus rien de nouveau ; l’équilibre statique est réalisé, mais il s’y ajoute une compréhension plus large de l’existence. La vie, ce n’est plus la lutte, l’agitation, la course de tous les instants : vivre, c’est posséder. Tout ce que la passion a conquis par son élan et par ses combats, le repos à présent en règle l’ordonnance et en détermine l’appréciation. Chez Verhaeren, ce passage de la jeunesse à l’âge mûr s’est effectué, dans le sens de Nietzsche, du dionysien à l’apollinien, c’est-à-dire de la surabondance à l’harmonie. Le désir du poète est désormais : « Vivre ardent et clair », vivre passionnément, mais sans cesser de veiller sur la flamme intérieure ; il n’y a plus de nervosité fébrile. De plus en plus maintenant les livres de Verhaeren semblent se cristalliser : ce ne sont plus des bûchers à la flamme ardente et libre, ils scintillent et ils rutilent comme des pierres précieuses aux mille facettes. La violence du feu, les vapeurs de la fumée sont dissipées : il ne reste plus que les purs résidus qui brillent d’une lueur claire. Les visions sont devenues des idées. Et de la lutte intestine des énergies terrestres ressortent des lois immuables.