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Page:Zweig - Émile Verhaeren, sa vie, son œuvre.djvu/27

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Verhaeren. Poète du temps présent il en est encore le Prédicateur. Le premier, il en a senti la magnificence, sans vouloir, comme tant de mièvres embellisseurs, se livrer à ces retouches qui atténuent les noirs et renforcent les clairs. Nous montrerons, au contraire, par quel effort intense et douloureux la compréhension de la nécessité moderne s’est imposée à lui. Après l’avoir rejetée, il l’a enfin transformée en beauté selon ses fins dernières. Sans plus regarder en arrière, il a tourné ses yeux vers l’avenir et pour lui, comme pour Nietzsche, le siècle présent dépasse tous les siècles écoulés : car il est à la fois l’aboutissement de tout le passé et le point de départ de l’avenir. Que ceux qui déclarent notre siècle misérable et médiocre l’accusent d’exagération, comme s’ils pouvaient mesurer la grandeur ou la petitesse des époques révolues.

C’est uniquement la confiance des hommes qui y vivaient qui fait la grandeur d’un temps ; c’est l’admiration qu’ont pour lui ses poètes, la puissance que lui attribuent ses hommes d’État. Verhaeren dit de Shakespeare et de Hugo : « Ils grandissaient leur siècle[1] », et des génies

  1. « L’Art » (les Forces tumultueuses).