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Page:Zweig - Émile Verhaeren, sa vie, son œuvre.djvu/293

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moins de risque que d’avantage à exagérer, par notre admiration, l’importance des choses, étant donné d’ailleurs qu’elles conservent leur valeur intrinsèque, indépendante de nos sympathies ou de nos antipathies ; cette exagération à laquelle nous conduit notre imagination est en effet purement psychique. « Aimer, c’est s’asservir ; admirer, se grandir[1]. » En développant sans cesse, avec une intensité toujours nouvelle, notre force d’admiration, nous nous enrichissons, et nous voyons au contraire s’appauvrir ces êtres pusillanimes qui n’ont que des conceptions fragmentaires et ne peuvent se représenter l’ordre général de l’univers. Plus on admire, plus on possède.

Il faut admirer tout pour s’exalter soi-même
Et se dresser plus haut que ceux qui ont vécu
De coupables souffrances et de désirs vaincus.[2]

L’admiration, dans sa signification la plus haute, c’est la subordination à une cause externe. Plus on dompte son orgueil, plus on s’élève. Il faut plus d’énergie pour se maîtriser soi-même et se dévouer, par admiration, que pour s’enorgueillir et mépriser les autres.

  1. « La Ferveur » (la Multiple Splendeur).
  2. « La Vie » (idem).