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Aubes, matins, midis et soirs, toute lumière
Est aussitôt muée en or et en beauté,
Il exalte l’espace et le ciel et la terre
Et transforme le monde à travers sa clarté[1]

Cette force qui, par l’enthousiasme, nous permet de nous reconnaître en tout, de communier avec tout ce qui a une existence tangible, c’est le panthéisme, c’est la conception germanique du monde. Mais, chez Verhaeren, le panthéisme parvient à son expression la plus haute. L’identité, pour lui, ne nous donne pas simplement une représentation intellectuelle du monde extérieur : elle nous fait participer à sa vie. Nous ne nous sentons pas seulement semblables aux choses, d’âme et de corps : nous nous sentons indissolublement liés à elles. Quiconque admire une force extérieure, au point de pénétrer jusqu’au principe intime qui l’anime, de se dissoudre et de s’anéantir pour s’absorber entièrement en elle, se sent vraiment identique à elle, en cette minute d’extase. L’extase n’est pas, ainsi que le signifie le sens grec du mot, le fait de s’extérioriser et de se perdre, mais au contraire de se retrouver dans les choses. Et c’est par là que la conception cosmique de Verhaeren

  1. « La Ferveur » (la Multiple Splendeur).