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Page:Zweig - Émile Verhaeren, sa vie, son œuvre.djvu/305

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Sa conception du monde se ramène à cet idéal d’une identité du Moi et du monde extérieur, identité qui s’impose comme une sensation continue et que la passion renouvelle sans cesse.

Lorsque tout nous apparaît, non plus comme un objet d’observation mais comme une sensation vitale, il en résulte un enrichissement tel de notre être, que la volupté pénètre dans notre vie jusqu’alors végétative, insouciante et somnolente. Ce n’est pas tel ou tel plaisir isolé auquel tend l’art de Verhaeren, mais le plaisir unanime que donne la vie sous toutes ses formes. Ce qu’il dit de Juliers, le héros flamand : « l’existence était sa volupté[1] », représente également l’expression de son désir le plus vif. Il veut la vie, non pas seulement pour remplir les courts moments qui sont accordés à chacun de nous, mais pour goûter pleinement le bonheur de vivre, la jouissance qui témoigne, à chaque instant, de la réalité de notre existence. C’est dans un semblable moment d’exaltation qu’il s’écrie :

Il me semble jusqu’à ce jour n’avoir vécu
Que pour mourir et non pour vivre.[2]

  1. « Guillaume de Juliers » (les Héros).
  2. « Un matin » (les Forces tumultueuses).