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Page:Zweig - Émile Verhaeren, sa vie, son œuvre.djvu/41

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patriotes, les garçons et les filles au sang bouillant et prompt à la colère. Il a chanté l’ardent désir qu’il éprouvait d’une religion plus claire, plus libre, plus vaste, où notre âme se trouverait en communion plus directe avec la grande Nature. Avec la débauche de couleurs de son auguste ancêtre Rubens, dont la sensualité joyeuse faisait de la moindre chose une fête perpétuelle et jouissait de la vie comme d’une éternelle nouveauté, Camille Lemonnier a su peindre en prodigue toute vitalité, toute ardeur, toute abondance. En véritable artiste, il y a mis toutes ses complaisances et toutes ses dilections, persuadé que l’art n’est que de traduire la poussée ascensionnelle, l’ivresse de la vie. Pendant quarante années, il a ainsi travaillé, et le miracle, c’est que, pareil aux habitants de cette terre, ces paysans qu’il a décrits, chaque année la récolte nouvelle était meilleure, ses livres étaient plus chauds, plus palpitants, plus ardents, sa foi dans l’existence plus lumineuse et plus ferme. Le premier, il prit orgueilleusement conscience de la jeune vigueur nationale. Sa voix alors s’est élevée, et son appel ne s’est pas tu qu’il ne restât plus solitaire : d’autres artistes vinrent se grouper autour de lui. De sa main puissante il