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Page:Zweig - Émile Verhaeren, sa vie, son œuvre.djvu/45

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d’hui. Il est devenu le « Carillonneur de la Flandre », le sonneur qui du haut du beffroi appelait jadis le peuple à la défense du sol, et qui l’exhorte aujourd’hui à l’orgueil conscient de sa force. Cette synthèse, nul autre que Verhaeren ne pouvait l’entreprendre. Seul, il représente tous les contrastes de la race belge, seul il en possède tous les avantages. Lui-même il n’est que contrastes, que forces nouvelles qui divergent et qui sont volontairement ramenées à l’unité. Du Français il a la langue et la forme ; de l’Allemand, la recherche du divin, la gravité et une certaine lourdeur, le besoin d’une métaphysique et l’aspiration panthéiste. En lui ont lutté les passions politiques avec les religions, le catholicisme avec le socialisme. Il est à la fois l’enfant des grandes villes et l’habitant de la glèbe natale. L’instinct le plus profond de sa race, c’est-à-dire la soif immodérée de vivre et l’ardeur fiévreuse de la volonté, fait le fond de sa doctrine et de son art poétiques. Mais, chez lui, la joie de l’ivresse s’ennoblit : c’est la volupté de l’extase. La joie de la chair épanouie n’est plus que la fête de la couleur ; la joie du bruit et du vacarme est devenue celle du rythme qui sonne,