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Page:Zweig - Émile Verhaeren, sa vie, son œuvre.djvu/54

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la moitié d’une existence humaine. Puis, il est rentré au pays. Cinquantenaire, il s’est réfugié à la campagne, dans la solitude, sous le ciel de son enfance. Il vit dans une petite maison, en un point de la Belgique où n’atteint pas le chemin de fer. Il y partage le bonheur de ces hommes qui, souriants et simples, demeurent là, attachés à de modestes travaux comme les amis et les compagnons de son enfance. Chaque année, il éprouve une plus vive joie à séjourner au bord de la mer, ses poumons et toute sa poitrine s’y dilatent, y respirent plus profondément, y vivent plus intensément, dans une exaltation magnifique. Dans cet homme de cinquante ans se retrouvent miraculeusement la santé et le bonheur de l’enfance. Ses premiers vers s’adressaient à la Flandre, c’est elle encore que glorifient les derniers. Les Pères de Sainte-Barbe n’ont rien pu contre un tel atavisme ; ils n’ont pu tarir cette source claire, cette vitalité flamande que rien ne pouvait anéantir. Tout ce qu’ils ont obtenu, c’est de détourner des basses matérialités ces désirs trop violents, pour les fixer sur la science et sur l’art. Le jeune homme dont ils voulaient faire un prêtre s’est échappé de leurs mains, mais il n’en a pas moins suivi