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Page:Zweig - Émile Verhaeren, sa vie, son œuvre.djvu/70

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Les lumières vives projettent de fortes ombres. Toute vitalité robuste et consciente engendre par contraste le goût de la solitude et l’ascétisme. Les races élémentaires, qui sont les plus saines — la Russie actuelle, par exemple — contiennent des faibles parmi les forts, des contempteurs de la vie au milieu de ses dévots, des hommes qui la nient à côté de ceux qui la proclament. Tout près de cette Belgique ambitieuse et féconde, il en existe une autre qui se recueille à l’écart et semble sur son déclin. Un art qui ne s’inspirerait que des tendances d’un Rubens ne tiendrait pas compte de ces villes solitaires que sont Bruges, Ypres, Dixmude. À travers leurs rues silencieuses les troupes noires des moines se pressent en longs cortèges, et les canaux reflètent les ombres blanches et muettes des nonnes. Là, au milieu du grand fleuve vital, s’étendent les larges îles du rêve, où les hommes se réfugient loin des réalités. Au milieu même des grandes villes belges, on trouve de pareilles solitudes silencieuses ; ce sont les béguinages, petites cités encloses dans les cités, où viennent, passé l’âge mûr, se retirer des femmes qui renoncent au siècle pour ne plus pratiquer qu’une existence monastique. Autant que