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Page:Zweig - Émile Verhaeren, sa vie, son œuvre.djvu/73

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l’incarnation du beau et du suprasensuel, le supraterrestre de son univers enfantin. Lorsque, plusieurs années plus tard, il voulut tracer dans ses poèmes l’image de la Flandre avec toutes ses couleurs ardentes et lumineuses, il lui fut impossible de ne pas chercher à rendre ce mystérieux clair-obscur, aux tonalités austères. Il se retira trois semaines au monastère hospitalier de Forges, près Chimay, où il prit part à toutes les cérémonies du culte, à tous les rites de la vie des moines. Ceux-ci, dans l’espoir de le gagner à la profession monastique, ne lui en cachèrent pas le détail. Mais déjà les relations intimes de Verhaeren avec le catholicisme n’avaient plus rien de religieux : il n’y avait plus en lui qu’une admiration d’ordre esthétique et poétique pour la noblesse romantique de ces rites, qu’une piété morale envers le passé. Il demeura là trois semaines. Puis, il s’enfuit, comme chassé par la poussée lourde des pesantes et tristes murailles. À ce souvenir, il consacra ses vers et dressa en un livre une image monastique.

Ce livre ne voulait être que pittoresque et descriptif. Dans des sonnets précis et nets de contour, le clair-obscur des couloirs conventuels