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Page:Zweig - Émile Verhaeren, sa vie, son œuvre.djvu/97

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Mais cette pensée ne l’effraie pas. Verhaeren est un poêle qui aime le paroxysme. Et, de même que la souffrance physique s’était enivrée de soi jusqu’à souhaiter ardemment d’atteindre son plus haut degré : la mort, de même la pensée, dans sa maladie, réclame avec ivresse sa propre dissolution, où sombrerait tout ordre spirituel, où elle trouverait sa fin la plus magnifique : la folie. Là encore il se plaît à se préparer de la douleur, et ce goût morbide s’exaspère jusqu’à lui faire désirer sa propre destruction. Tel un malade qui, au sein de ses tourments, se prend à appeler la mort à grands cris, le supplicié n’a plus que ce cruel désir : la folie.

Aurai-je enfin l’atroce joie
De voir, nerfs par nerfs, comme une proie,
La démence attaquer mon cerveau ? [1]

Il a mesuré toutes les profondeurs de l’esprit ; mais toutes les paroles de la religion et de la science, tous les élixirs de la vie n’ont pu lui apporter le salut. Il n’est pas de sensations qu’il n’ait connues, mais toutes sont restées médiocres, semblables à des piqûres d’aiguilles ; aucune n’a su l’exalter, l’élever au-dessus de lui-même.

  1. « Le Roc » (les Flambeaux noirs).