Page:Zweig - Émile Verhaeren, sa vie, son œuvre.djvu/99

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où il erre sans guide aux bords de l’infini, que le malade se retrouve.

À chaque heure, violenter sa maladie ;
L’aimer, et la maudire…[1]

Tel est, dès lors, le leitmotiv le plus important de l’œuvre de Verhaeren : c’en est la clef libératrice. En effet, il n’y a rien là d’autre que sa maxime favorite : maîtriser toute résistance par un amour illimité, « aimer le sort, jusqu’en ses rages[2] », n’éviter jamais une chose, mais se saisir de toutes, les exalter jusqu’à la volupté créatrice et extatique, et s’offrir à toute souffrance avec un empressement, toujours, nouveau. Il n’est pas jusqu’à ce cri vers la folie — sans doute le document le plus significatif sur le désespoir humain — qui n’ait sa cause dans un immense désir de clarté. À travers les dégoûts et les affres de la maladie, c’est bien la joie de vivre qui crie d’une voix peut-être inconnue de nos jours. Tout ce conflit qui semble se résoudre par la désertion devant l’existence provient, au contraire, d’un héroïsme formidable et sans nom. Voici réalisée par la vie la grande parole de Nietz-

  1. « Celui de la fatigue » (les Apparus dans mes chemins).
  2. « La Joie » (les Visages de la vie).