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Par mer et par terre : le batard/IX

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CHAPITRE IX

COMMENT LE NUAGE-BLEU VINT EN AIDE À M. MARAVAL.


Un bruit assez fort se fit entendre dans les halliers, les branches craquèrent, repoussées par un vigoureux effort, s’écartèrent brusquement, et un homme parut.

— Me voici ! dit-il seulement, en posant terre la crosse de son rifle et en croisant les deux mains sur le canon avec une complète indifférence.

Cet homme de haute taille, aux traits énergiques, jeune encore et d’apparence très-vigoureuse, était un chasseur canadien Bois-Brûlé.

En l’apercevant, Belhumeur poussa un cri de joie, bondit hors de son embuscade, et s’élança vers lui en criant :

— Sans-Piste ! mon cousin !…

— Belhumeur répondit celui-ci avec surprise ; et il ajouta en apercevant Olivier qui, le rifle sous le bras, venait au devant de lui : La Chaudière-Noire ! Par ma foi ! il n’y a plus de soins ; allez, marchez, nous voici en pays de connaissance sur ce chien de territoire indien !

— Comme vous dites ; cousin, et bonnes connaissances, je m’en flatte, dit avec joie Belhumeur.

— Soyez le bienvenu, Sans-Piste, reprit gaiement Olivier ; fumerons-nous le calumet de l’amitié et boirons-nous un coup de bonne eau-de-vie de France, en réjouissance de cette heureuse rencontre ?

— Avec le plus grand plaisir, répondit Sans-Piste sur le même ton ; cela d’autant plus que je ne m’attendais guère à si bien tomber !

— Venez donc vous asseoir à notre feu de bivouac ; alors, tout en fumant et buvant à petits coups, nous causerons de nos affaires, car je ne pense pas que vous soyez venu ici au hasard et seulement par goût pour la promenade.

— Non pas, sur ma foi de Dieu ! s’écria le chasseur ; je viens au contraire causer de choses sérieuses.

— Mais, alors, vous saviez donc nous trouver ici ? s’écria Olivier.

Les trois hommes s’étaient accroupis autour du feu de veille ; les calumets avaient été allumés, l’eau-de-vie de France débouchée ; on fumait et on buvait, tout en conservant les yeux ouverts et l’oreille alerte.

À la question du jeune chasseur, le Canadien sourit d’un air narquois, et, après avoir vidé son gobelet rubis sur l’ongle :

— Précisons, dit-il : je vous guettais à distance depuis plus de trois heures ; je savais avoir devant moi des chasseurs blancs, voilà tout ; j’étais contraint de vous surveiller de trop loin pour vous reconnaître ; s’il en eût été autrement, je n’aurais pas perdu un temps précieux à vous épier, je me serais montré tout de suite, et depuis plus de deux heures tout serait, j’en suis convaincu, convenu entre nous. Malheureusement, vous connaissez trop bien le désert pour vous laisser ainsi approcher ; j’ai dû attendre ; lutter de ruse avec vous et vous suivre comme des fauves au remisage, avant de me risquer à vous aborder.

— Mais ce qui est fait est fait, cousin, répondit Belhumeur ; il est inutile d’y revenir. Seulement il résulte, à mon avis, de vos paroles, que, pour agir ainsi que vous l’avez fait, vous aviez un grand intérêt.

— Un énorme ! s’écria Sans-Piste.

— Lequel ? expliquez-vous ? demanda doucement Olivier.

— Sur ma foi de Dieu ! la Chaudière-Noire, dit rondement Sans-Piste, je ne ferai pas plus de diplomatie avec vous qu’avec mon cousin Belhumeur ; vous êtes d’honnêtes et loyaux chasseurs, des hommes sûrs, auxquels il faut parler franchement ; c’est ce que je vais faire.

— Vous aurez raison, dit Olivier, et, si vous le désirez, nous vous donnerons l’exemple de la franchise. Nous en savons sur votre compte plus que vous ne le supposez, Sans-Piste…

— Oui, cousin, ajouta en riant Belhumeur ; nous pouvons même assurer que, si vous nous épiez depuis trois heures, nous vous suivons, nous, depuis près de trois mois.

— Vous nous suivez depuis trois mois ! s’écria Bois-Brûlé au comble de la surprise.

— En disant que nous vous suivons, dit Olivier, mon ami Belhumeur a peut-être un peu forcé l’expression ; la vérité est que, depuis trois mois, nous vous cherchons, mais que c’est ce matin seulement que nous avons définitivement trouvé votre piste.

— Coupée par deux pistes indiennes, fit Belhumeur ; vous devez même, si je ne me trompe, avoir établi votre campement de nuit à une courte distance du nôtre.

— À une portée de fusil tout au plus ; mais vous me confondez ! ceci tient de la sorcellerie ; je vous avoue que je ne comprends plus du tout.

— Quelques mots suffiront pour vous mettre au courant de ce fait qui vous semble si extraordinaire, dit Olivier en souriant : en allant vendre des fourrures au comptoir d’échange de Little-Rock, Belhumeur a appris par hasard que vous et notre ami Poil-de-Vache, l’Éclair-Sombre, vous vous étiez engagés en qualité de guides et de batteurs d’estrade au service de quelques marins désireux de faire une excursion dans les prairies de l’Ouest.

— C’est la vérité pure, mais je ne vois pas…

— Attendez, interrompit Olivier : pour des raisons particulières, et qui ne touchent que moi seul, à tort ou à raison je me suis intéressé à ces marins explorateurs ; je me suis mis dans la tête de les trouver et peut-être de causer avec eux, lorsque je saurai pourquoi, eux marins, ils ont voulu pousser une pointe si avancée dans les grands déserts américains ; j’ai proposé à Belhumeur de venir chasser de ce côté : il y a consenti ; alors nous nous sommes mis en route pour le rio Gila, que nous avons atteint aujourd’hui seulement, au coucher du soleil ; voilà tout.

— Absolument tout, cousin, appuya gaiement Belhumeur.

— Je ne doute pas des paroles de la Chaudière-Noire, Dieu m’en garde ! dit Sans-Piste devenu subitement pensif ; seulement je trouve là une coïncidence bizarre.

— À mon tour, je ne vous comprends pas, Sans-Piste.

— C’est cependant bien facile à comprendre, reprit-il, vous allez voir.

— Nous ne demandons pas mieux, Belhumeur et moi, reprit Olivier en souriant.

— Ces marins sont au nombre de sept, trois officiers et quatre matelots ; tous sept sont des gaillards résolus, je vous en réponds, je les ai vus à l’œuvre ; mais neuf hommes, en comptant Poil-de-Vache et moi, si résolus qu’ils soient, n’offrent pas une grande résistance dans l’Apacheria, par les bandits, les Apaches et les Sioux qui rôdent sans cesse dans ce bienheureux désert, à la recherche d’une proie quelconque.

— C’est vrai, appuya Belhumeur en hochant la tête.

— Ces voyageurs ne sont ni des savants ni des trafiquants ; ce qu’ils viennent faire ici, nul ne le sait, excepté eux, tant leur secret est bien gardé. Poil-de-Vache qui, comme vous le savez, est un malin, toujours prêt à rire de tout, prétend qu’ils ne savent pas eux-mêmes pourquoi ils ont tenté cette folle expédition. Bref, les métis, les Outlaws, les Apaches et les Sioux se sont, à tort ou à raison, imaginé que ce sont des Américains du Nord, envoyés par le congrès de Washington pour reconnaître le pays, s’assurer de ses ressources ; en un mot, tout préparer pour une annexion prochaine aux États-Unis, qui chasseraient les Indiens, les refouleraient bien loin dans le nord, s’empareraient de toute l’Apacheria et la feraient immédiatement coloniser. Tout cela est absurde, et ne soutiendrait pas la discussion avec des gens sensés ; mais allez donc raisonner avec des assassins et des pillards de toutes les couleurs, qui ne vivent que de meurtres et de vols, et qui se croient sérieusement menacés dans leurs repaires ! Donc, ils ont juré la mort de ces braves voyageurs, qui n’en peuvent mais, et qui ne comprennent rien à la haine implacable à laquelle ils sont en butte, et que rien ne justifie ; car je sais pour ma part qu’ils se soucient aussi peu du gouvernement des États-Unis, que je me soucie, moi, du premier brocard que j’ai abattu il y a vingt ans.

— Ont-ils donc été sérieusement menacés ? demanda Olivier avec intérêt.

— Si sérieusement, répondit Sans-Piste, que c’est par miracle que nous avons pu échapper à la mort ; mais aujourd’hui les choses ont subitement changé de face, et cette fois nous sommes bien définitivement perdus.

— Que voulez-vous dire ? Belhumeur et moi nous vous sommes tout acquis.

— Je le sais, aussi vous dirai je tout ; d’ailleurs, alors que je ne vous avais pas encore reconnus, je m’étais bravement mis en marche pour venir vous demander votre aide, quoique deux hommes de plus ne signifient pas grand’chose, quand il s’agit de lutter contre plus de quatre-vingts bandits !

— Hum ! vous avez raison, dit Olivier devenu subitement pensif. Onze hommes, si braves qu’ils soient, ne peuvent tout au plus que retarder leur mort de quelques heures ; mais comment êtes-vous aujourd’hui menacés par une troupe aussi considérable ?

— La raison en est simple : jusqu’à présent nous n’avons été attaqués que par des détachements isolés et assez faibles, dont nous avons eu facilement ; raison furieux d’être sans cesse repoussés avec perte, les démons se sont ravisés ; les Apaches, les bandits métis se sont alliés pour nous attaquer en commun : ils espèrent ainsi nous détruire définitivement. Aussi, ajouta-t-il avec un sombre sourire, quand je vous ai dit quatre-vingts, j’ai plutôt diminué qu’augmenté le nombre de ces démons, afin de ne pas trop vous décourager.

— Sommes-nous donc les seuls chasseurs auxquels vous puissiez vous adresser ?

— Les seuls, oui ; les autres sont beaucoup trop éloignés ; d’ailleurs, vous connaissez la loi du désert : chacun pour soi. Ils auraient craint de se joindre à nous contre des ennemis aussi redoutables ; et puis, je sais de source certaine que l’attaque combinée des bandits doit avoir lieu deux heures avant le lever du soleil : le temps m’aurait manqué pour les avertir.

— C’est juste.

— Notre situation est tellement critique qu’un moment j’ai eu la pensée de m’adresser à une tribu Comanche qui, depuis deux jours, est campée à une lieue d’ici, un peu au-dessus du confluent des deux rivières.

— Pourquoi ne l’avez-vous pas fait ? Les Comanches sont braves, loyaux et surtout ennemis implacables des Apaches et des Sioux…

— Oui, mais ils détestent les blancs ; d’ailleurs j’ai pensé que les faucons n’arrachent pas les yeux aux faucons, et que, par conséquent, les Peaux-Rouges ne consentiraient jamais à combattre d’autres Peaux-Rouges, surtout pour défendre et protéger des blancs, dont ils sont les ennemis, et qu’ils ne connaissent pas.

— Ce n’est malheureusement que trop vrai, dit tristement Olivier. Dans tous les cas, comptez sur Belhumeur et sur moi ; avant deux heures, nous serons embusqués aux environs de votre campement ; dès que le combat sera engagé, nous fusillerons vos ennemis par derrière, et tout ce que deux hommes peuvent faire, nous le ferons, soyez tranquilles.

— Je le sais et je vous remercie du fond du cœur ; nous avons établi notre campement dans la maison même de Moctezuma ; la position est forte et de facile défense ; nous y tiendrons longtemps.

— En effet, vous ne pouviez mieux vous embusquer ; qui sait ? peut-être cette fois encore échapperez-vous ?

— Dieu le veuille, mais je ne l’espère pas ; dans tous les cas, chacun fera bravement son devoir. Maintenant, merci encore, et permettez-moi de me retirer ; j’ai hâte d’annoncer à nos amis le succès de mon ambassade. À bientôt.

— À bientôt. À propos, savez-vous le nom de cette tribu Comanche dont vous m’avez parlé tout à l’heure ?

— Très-bien, d’autant plus que le hasard m’a fait rencontrer son principal Sachem ; c’est même lui qui m’a averti de ce qui se tramait contre nous, tout en paraissant regretter fort de ne pouvoir intervenir en notre faveur.

— C’était agir en brave homme.

— Pour cela, oui, et je lui en ai su gré ; d’ailleurs, je connais depuis longtemps le Nuage-Bleu et je sais que c’est un homme d’honneur, quoi qu’il soit Indien.

— Vous avez dit le Nuage-Bleu ?

— Oui ; le connaissez-vous ?

— Peut-être ! Ainsi cette tribu serait celle des Bisons-Comanches ?

— Précisément ; pourquoi diable me demandez-vous cela ?

Olivier sourit finement.

— Un simple renseignement, dit-il. Au revoir, ami Sans-Piste ; rejoignez au plus vite vos compagnons, et recommandez-leur de tenir bon, quand même. Si j’en crois mes pressentiments, vos ennemis pourraient bien cette nuit, comme dit le proverbe espagnol, en allant chercher de la laine chez vous, revenir tondus. Allez, et à bientôt, ajouta-t-il en lui prenant la main, qu’il serra vigoureusement dans la sienne.

— Notre camarade la Chaudière-Noire a raison, dit Belhumeur ; on ne tue pas tout le gibier que l’on vise ; peut-être rirons-nous bien demain. Au revoir, cher cousin, et espérez.

— Espérez, ajouta Olivier.

— Le ciel vous entende ! murmura Sans-Piste.

Et il partit.

Olivier prêta l’oreille, l’écoutant s’éloigner avec la plus sérieuse attention puis, lorsque le bruit des pas du chasseur eut cessé de se faire entendre, Olivier se frotta joyeusement les mains.

— À présent, à cheval dit-il a Belhumeur.

— Comment ! à cheval ! s’écria le Canadien ahuri. Pour quoi faire ?

— Pour aller rendre visite à nos amis les Comanches-Bisons.

— Bah ! vous les connaissez donc, alors ?

— Parbleu dit Olivier en riant, je suis un fils adoptif de la tribu.

— Ah bah ! Alors, vive la France ! tout est sauvé !

— Je l’espère, dit Olivier.

Cinq minutes plus tard, les deux chasseurs partaient au galop ; la lieue qui les séparait des Comanches fut bientôt franchie ; après quelques instants, ils pénétraient dans le campement, où Olivier était accueilli par des cris de joie et de vives démonstrations d’amitié.

Laissant Belhumeur à la garde des chevaux, Olivier s’approcha d’un feu autour duquel étaient accroupis et fumaient les principaux chefs de la tribu, au milieu desquels il reconnut le Nuage-Bleu.

Le chasseur salua silencieusement les chefs et s’assit en face du Sachem.

Les chefs continuèrent à fumer. Après un instant, le Nuage-Bleu tendit son calumet à Olivier avec un sourire cordial.

— Mon fils est le bienvenu, dit-il.

Il y eut un nouveau silence, que le chasseur se garda bien de rompre ; après avoir fumé pendant quelques minutes, il rendit le calumet au Sachem.

— Je remercie mon père, dit-il.

Olivier connaissait trop les mœurs des Peaux-Rouges et la sévérité de leur étiquette, pour se hasarder à prendre la parole sans y être invité, si sérieux que fussent les motifs qui l’amenaient au campement.

Enfin le Sachem fit tomber avec sa baguette medecine la cendre restée dans son calumet, et le repassa à sa ceinture.

— Mon fils est le bienvenu, répéta-t-il ; pourquoi a-t-il tant tardé à revenir près de ses frères rouges ?

— J’ai longtemps chassé sur les bords du Meschacebé et du Missouri, répondit Olivier aujourd’hui seulement, au coucher du soleil, je suis arrivé dans la savane du Calli-en-Pierre ; c’est par hasard, il y a quelques minutes seulement, que j’ai appris, par un chasseur, que mes frères les Bisons-Comanches étaient campés près du Gila, sur leur territoire de chasse.

— Mon fils a vu Sans-Piste ?

— Je l’ai vu, dit Olivier en baissant tristement la tête.

— Et ce que j’ai refusé à Sans-Piste, mon fils la Panthère-Bondissante me le demande ?

— Telle était, en effet, mon intention en venant ici.

— Alors, mon fils a réfléchi ?

— Oui, malgré tout le désir que j’éprouve de sauver ces pauvres gens ; j’ai pensé qu’un aussi grand Sachem que le Nuage-Bleu, dont mieux que personne je connais la bonté et la sagesse, a dû avoir de sérieux motifs pour refuser de venir en aide à des malheureux qui n’espèrent qu’en lui, et j’ai renoncé à le prier de leur porter secours.

— Mon fils parle bien ; ces hommes me sont inconnus ; de plus ce sont des blancs, et l’on dit de mauvaises choses sur eux.

— Les Sioux, les Apaches et les chiens métis sont tous des voleurs et des pillards, dont la langue menteuse devrait être arrachée et jetée aux coyotes, parce que tout ce qu’ils disent est faux. Je connais ces Visages-Pâles, ce sont mes amis ; ils n’ont jamais fait de mal aux Peaux-Rouges et ne leur en feront jamais ; c’est afin de les voir que j’ai quitté le Haut-Missouri, où je chassais, et que je suis venu sur le Gila.

Il y eut un nouveau silence.

Le visage d’Olivier était impassible, mais son anxiété était grande ; son cœur battait à rompre sa poitrine ; un mot pouvait assurer son succès ou lui faire perdre la partie si habilement engagée.

Le Sachem songeait.

— Que fera mon fils ? demanda-t-il après un instant.

— Ma parole est engagée à Sans-Piste ; j’irai mourir avec mes amis.

— Mon fils ira seul ?

— Non, j’ai un ami, un Bois-Brûlé, il m’accompagnera.

— Mon fils n’est pas fou ? que peuvent deux hommes ?

— Mourir en combattant, pour la justice, contre des assassins.

— Cela ne sera pas ; mon fils restera près de moi.

— Je suis le fils adoptif du Nuage-Bleu, un guerrier des Bisons-Comanches ; mon père ne voudra pas me déshonorer en me faisant manquer à ma parole, parce que ma honte retomberait sur ma tribu. Je dois mourir pour dégager ma parole ; le Sachem ne saurait m’en empêcher, car c’est lui-même qui m’a appris qu’un guerrier Comanche ne doit jamais faillir.

Le Nuage-Bleu sourit, les traits durs et impassibles des chefs se détendirent, et ils fixèrent avec complaisance leurs regards sur le chasseur.

— Mon fils a bien parlé, dit le Sachem ; ce qu’il a dit, il le fera, c’est bien ; mais le Nuage-Bleu est son père, il ne le laissera pas aller seul contre les coyotes et les loups de la prairie : deux cents guerriers, commandés par le Sachem, accompagneront la Panthère-Bondissante. Mon fils est-il satisfait ? croit-il qu’il est aimé de ses frères les Comanches ?

— Je n’ai jamais douté de l’amitié de mes frères les Bisons-Comanches ; je sais combien je suis aimé du Nuage-Bleu, mon père ; les mots me manquent pour lui exprimer la reconnaissance qui gonfle mon cœur.

— C’est bien ; mon fils a versé son sang pour ses frères, ils verseront aujourd’hui le leur pour lui.

Une heure plus tard, deux cents guerriers d’élite, en tête desquels marchaient le Nuage-Bleu, Olivier et Belhumeur, quittèrent le campement en file indienne, et glissèrent silencieux, comme de sinistres fantômes, dans la direction de la maison de Moctecuzoma, autour de laquelle ils s’embusquèrent, sans que le plus léger bruit eût dénoncé leur présence aux cruels ennemis qu’ils se proposaient de surprendre.

La nuit était sans lune, sombre et glacée ; on n’entendait d’autres bruits que les cris glapissants des coyotes, qui troublaient par intervalles le silence, ou les miaulements saccadés et stridents des jaguars à l’abreuvoir.

Certes, pour des étrangers complétement ignorants des mœurs indiennes, comme ceux par exemple qui, en ce moment, étaient réfugiés dans la maison de Moctecuzoma, cette immense solitude, à peine traversée pendant le jour par quelques troupes errantes, devait, par cette nuit lugubre, être complétement déserte ; pourtant il n’en était pas ainsi, et bientôt ils s’en aperçurent.

Tout à coup, sans qu’une feuille eût été froissée, un grain de sable écrasé sous un pas lourd ou maladroit, une volée de flèches incendiaires furent tirées sur la maison, avec un crépitement de grêle, des torches brillèrent dans la nuit, et la fusillade éclata avec fureur.

Les confédérés, métis, Apaches et Sioux, confiants dans leurs forces, et connaissant le petit nombre de leurs ennemis, contrairement à leurs habitudes de prudence, avaient commencé en apparence l’attaque à découvert, mais en réalité il n’en était pas ainsi. Chacun d’eux était embusqué et parfaitement à l’abri, les uns dans un pli de terrain, quelques-uns derrière des monticules de sable, beaucoup derrière des fascines apportées par eux-mêmes, dans cette intention.

Les confédérés étaient cent vingt en tout, y compris douze Outlaws métis, fort redoutables, non pas seulement à cause de leur férocité, mais surtout pour leur adresse comme tireurs ; les Peaux-Rouges possédaient à peine une quarantaine de fusils, et encore ils s’en servaient fort mal.

Le plan des Indiens était d’une simplicité terrible.

Le voici en deux mots :

Les Outlaws s’étaient embusqués de façon à surveiller toutes les ouvertures de la maison, fenêtres et œils-de-bœuf, contre lesquels ils faisaient un feu incessant et si bien dirigé, qu’il était impossible aux assiégés de se montrer et, par conséquent, de viser leurs ennemis avec quelque chance de succès.

Pendant ce temps-là, les Indiens s’étaient divisés en deux troupes, dont l’une essayait de défoncer les portes solidement barricadées, tandis que l’autre tentait de se cramponner après les saillies des murailles et de les escalader pour s’emparer du toit.

Malgré leurs énergiques efforts, les assiégés ne réussirent pas à empêcher l’envahissement de la maison, la défense leur étant rendue presque impossible par le tir des Outlaws contre les fenêtres. Après une heure d’efforts incessants, la porte principale vola en éclats, les Indiens se précipitèrent dans l’intérieur en brandissant leurs armes et poussant d’horribles clameurs.

Alors une mêlée terrible s’engagea corps à corps dans la première pièce de la maison, entre ces ennemis que la rage aveuglait.

Soudain, au plus fort de ce combat acharné, le cri de guerre des Comanches fut poussé avec une énergie formidable et domina le tumulte ; une décharge faite à bout portant sur les Outlaws les renversa tous sur le sol, tués ou affreusement blessés, et se tordant avec d’horribles blasphèmes dans les affres de l’agonie.

Deux cents démons, épouvantables à voir, se ruèrent alors sur les confédérés, qu’ils attaquèrent par derrière ; ceux-ci, surpris, épouvantés par cette attaque à laquelle ils étaient si loin de s’attendre, furent, malgré une résistance désespérée, tués, mis hors de combat ou réduits à chercher leur salut dans la fuite ; mais tous furent impitoyablement massacrés par leurs féroces ennemis.

Le combat, ou plutôt la boucherie, avait duré une heure et demie ; bandits et Indiens avaient tous succombé.

Les Comanches firent une ample moisson de chevelures sur les morts et les blessés, qu’ils scalpèrent, sans même daigner les achever, et qu’ils laissèrent froidement mourir sans leur jeter un regard de pitié.

Les étrangers, eux aussi, avaient beaucoup souffert ; trois étaient morts, quatre autres étaient blessés ; deux seulement étaient sans blessures, leur chef et Sans-Piste ; quant à Poil-de-Vache, il avait été tué et scalpé par un Sioux, que Sans-Piste avait tué à son tour pour venger son ami.

Belhumeur et son cousin Sans-Piste, fort experts en blessures, avaient, aussitôt le combat terminé, installé une espèce d’infirmerie, ou plutôt d’ambulance, dans la maison ; ils avaient porté de prompts secours aux blessés, jusqu’à ce que les femmes Comanches, prévenues par le Sachem, fussent venues les rejoindre et les aider dans le pansement des malheureux blessés.

De leur côté, les Comanches avaient eu cinq guerriers tués et neuf plus ou moins grièvement blessés ; vu leur nombre, leurs pertes n’étaient pas considérables.

Olivier, comme toujours, avait été blessé : il avait reçu un coup de couteau à scalper dans le côté droit, un peu au-dessus de la hanche.

Il avait été, par ordre du Sachem, transporté au campement, couché dans une hutte, et confié à une vieille Indienne, renommée dans la tribu pour ses connaissances en médecine ; la brave femme partageait également ses soins entre le fils adoptif du Sachem et les blessés étrangers, laissés dans la maison de Moctecuzoma.

Le chasseur avait recommandé à Belhumeur et surtout à Sans-Piste, que cette prière chagrina beaucoup, de parler le moins possible de lui aux étrangers et surtout de leur laisser ignorer la part importante qu’il avait prise à leur délivrance ; se réservant de leur révéler lui-même plus tard le rôle important qu’il avait joué dans toute cette affaire ; ce que les deux hommes promirent en grommelant et fort à contre-cœur, il faut en convenir.

Belhumeur venait chaque jour passer plusieurs heures auprès de son ami, auquel iljdonnait des nouvelles des blessés ; le Canadien, était tout joyeux de ce que la blessure de son associé n’était qu’une égratignure ; en effet, en moins de quatre jours le jeune homme, dont la blessure était cicatrisée, entrait en pleine convalescence.

Les Apaches et les Sioux avaient d’abord montré quelques velléités de venger leur défaite ; mais les Comanches étaient nombreux, les Pawnies s’étaient alliés avec eux ; les vaincus réfléchirent, et, pour ne pas s’exposer à une seconde défaite, ils jugèrent prudent d’aller s’établir sur d’autres territoires de chasse, résolution qu’ils exécutèrent aussitôt avec cette rapidité de mouvements particulière à ces hordes errantes et vagabondes.

Dès qu’il se sentit à peu près guéri, Olivier résolut d’aller faire visite aux blessés étrangers et de lier connaissance avec eux.

Les recommandations faites par le jeune homme aux deux Canadiens avaient été rigoureusement suivies ; les étrangers n’avaient entendu parler de lui que sous le nom de la Chaudière-Noire, et encore ne leur avait-on dit que très-peu de choses sur son compte ; ils ne songeaient donc nullement à lui ; avaient même presque oublié son existence, d’autant plus qu’ils avaient de très-graves sujets de préoccupations.

Deux des étrangers avaient reçu des blessures affreuses. Le premier s’en allait mourant, sans qu’il fût possible de le sauver. Quant au second, la vieille Indienne, qui le soignait avec un dévouement véritablement maternel, n’osait encore se prononcer positivement à son sujet et répondre de sa guérison ; les deux autres entraient en convalescence.

Tel était l’état des choses à la maison de Moctecuzoma, lorsqu’un matin Olivier y arriva en compagnie du Sachem et de Belhumeur.

Le Canadien avait pris les devants afin d’annoncer sa présence au chef des étrangers, le seul qui n’eût reçu aucune blessure.

Tout à coup Olivier poussa un cri de joie auquel un autre répondit aussitôt : dans l’homme qui sortait de la maison et s’avançait au-devant lui, Olivier avait reconnu M. Maraval.

Les deux amis tombèrent dans les bras l’un de l’autre et se tinrent longtemps embrassés.

— Vous ! Vous ici ! s’écria le chasseur que le bonheur suffoquait. Oh ! je le savais, je l’avais deviné, mon cœur me l’avait dit.

— Cher ! bien cher Olivier ! je vous retrouve donc enfin ! reprit le banquier avec une joie impossible à rendre ; depuis deux ans je vous cherche !

— Voici près de trois mois que, de mon côté, je suis sur votre piste.

— Vous ?

— Oui. Je vous expliquerai cela. Mais parlons espagnol, je vous prie, afin d’être compris des amis qui nous entourent. Vous n’êtes pas seul ici ? Ivon !…

Le front de M. Maraval se rembrunit aussitôt ; un nuage de tristesse se répandit sur tout son visage.

— Ivon Lebris est ici, murmura-t-il.

— Cher Ivon ! Je le savais bien, qu’il ne m’oublierait pas. Où est-il ? Conduisez-moi vers lui, mon ami ; je veux l’embrasser.

Et il s’élança. Le banquier l’arrêta.

— Hélas ! dit-il.

— Mon Dieu ! vous tremblez, vous avez des larmes plein les yeux ; oh ! je pressens un malheur !

— Calmez-vous, mon ami. Ivon n’est que blessé, bien que très-dangereusement.

— Blessé, mon matelot ! Je veux le voir ! s’écria-t-il avec agitation.

— C’est impossible, mon ami ; je vous en prie, n’insistez pas ! Il est trop faible encore ; la joie de vous voir lui causerait une émotion qui, dans l’état de faiblesse où il est, lui serait peut-être funeste.

— C’est vrai ! murmura le jeune homme avec douleur, sans songer à essuyer les larmes qui coulaient lentement le long de ses joues ; vous avez raison, mon ami, j’attendrai.

— Que mon fils soit homme, dit le Sachem ; il est aimé du Wacondah, son ami vivra.

— Merci ! chef, vous me rendez à moi-même ; retournons au campement, j’ai besoin d’être seul pour me livrer librement à ma douleur.

— Ma présence est inutile ici en ce moment, reprit M. Maraval ; si vous y consentez, je vous accompagnerai, mon ami ?

Olivier le regarda, comme s’il eût voulu lire ses plus secrètes pensées au fond de son cœur.

M. Maraval baissa lentement la tête.

— Soit, répondit Olivier au bout d’un instant ; après tout, mieux vaut nous expliquer tout de suite ; venez donc, mon ami.

Les deux Européens regagnèrent le campement des Peaux-Rouges, en compagnie du Sachem. Pendant le trajet, ils n’échangèrent pas un mot.

Ils pénétrèrent dans le calli du chasseur. Par suite de cette délicatesse innée chez les Peaux-Rouges, le Sachem, ne voulant pas quitter son fils adoptif dans l’état de surexcitation nerveuse où il le voyait, mais ne voulant pas non plus le gêner dans son entretien avec son ami, s’était accroupi un peu à l’écart.

Il y eut un assez long silence ; sans doute les deux hommes redoutaient également d’entamer l’entretien.

Cependant Olivier, frappé déjà douloureusement par la nouvelle que le banquier lui avait donnée quelques instants auparavant, et trouvant, sans doute comme tous les cœurs blessés, une amère volupté à lutter contre la souffrance morale et à s’assurer quel point culminant elle peut atteindre sans briser tous les ressorts de l’âme, se décida enfin à prendre le premier la parole.

— Oh ! s’écria-t-il d’une voix navrante, oh ! mon ami, pourquoi faut-il que votre présence me désespère ! un pressentiment que je ne puis définir me dit que vous m’apportez le malheur !

— Mon ami, répondit M. Maraval d’une voix affectueuse qu’il réussit à rendre ferme, je vous apporte le devoir.

Le Sachem fit malgré lui un mouvement de surprise à ce mot, dont il devina toute la portée.

— Approchez-vous, chef, lui dit doucement Olivier, ne suis-je pas votre fils, encore plus par le cœur que par l’adoption ? Tout ce qui va se dire ici, vous devez l’entendre.

Le chef alla s’asseoir tout pensif près du feu, en face des deux amis.

— Mon cher Jose, reprit Olivier, il faut que ce que vous avez à me dire soit d’une bien haute importance pour que vous ayez tout quitté pour me venir chercher au fond de ces déserts !

— Depuis deux ans, mon ami, Lebris et moi nous sommes à votre recherche ; nous commencions à désespérer de vous rencontrer jamais, lorsque le hasard, ou plutôt la Providence, nous a mis il y a un instant face à face, à l’improviste.

— Vous avez raison, mon ami, le hasard n’est pour rien dans cette rencontre, dit Olivier en hochant tristement la tête ; c’est la Providence qui, dans ses voies impénétrables, a voulu qu’il en fût ainsi. Maintenant, mon ami, j’attends qu’il vous plaise de vous expliquer, et de m’informer, avec votre loyale franchise, de ce que vous attendez de moi.

— Je n’ai rien à vous expliquer ni à vous dire, mon ami.

— Alors pourquoi, malgré toutes les raisons qui auraient dû vous retenir, vous êtes-vous mis à ma recherche ?

— Parce que je suis chargé d’une lettre pour vous et que j’ai juré de ne la remettre qu’à vous seul.

— Une lettre à moi ! et apportée par vous ? c’est étrange ! Qui peut avoir intérêt à m’écrire ?

— Vous le saurez, mon ami, si vous consentez à ouvrir cette lettre.

Et il la lui présenta.

Olivier hésita à la prendre ; il fixa son regard avec une expression singulière sur celui de M. Maraval mais le banquier demeura froid et impassible.

Le chasseur passa avec effort la main sur son front ; il était pâle et agité par une violente émotion qu’il essayait vainement de dissimuler.

— Du courage dit le Sachem ; prenez ce collier, mon fils, dût-il receler la mort.

Le chasseur tressaillit, et, se redressant sous ce coup d’éperon :

— Donnez ! dit-il enfin, mieux vaut en finir.

Il décacheta la lettre d’une main fébrile, sans même remarquer le large cachet armorié qui lui servait de scel.

La nuit était venue, elle était sombre ; le Nuage-Bleu retira un tison enflammé du feu.

Olivier se pencha pour mieux voir.

Voici ce qu’il lut avec un frisson nerveux qui secouait tout son corps et le faisait trembler comme s’il eût été sous le coup d’une fièvre violente !


« Mon fils,

» Je suis seul, désespéré ; il ne me reste que vous. Dieu m’a châtié cruellement ; je veux réparer mes torts envers vous ; je vous attends ; venez au plus vite, si vous voulez me retrouver vivant.

» Votre père, qui sera heureux de vous dire lui-même son nom et le vôtre.

» Madrid, 17 juin 182.. »


C’était tout, mais c’était terrible !

Le chasseur pâlit affreusement ; il se dressa debout, battit l’air de ses bras, poussa une plainte inarticulée et tomba à la renverse dans les bras du Sachem, qui s’était élancé pour le recevoir et l’empêcher de se tuer dans sa chute.

— Mon Dieu ! il est mort ! s’écria M. Maraval ; maudite soit cette lettre fatale ! j’ai tué mon ami le plus cher !

— Rassurez-vous, ce n’est rien, un évanouissement passager ! bientôt il rouvrira les yeux, dit presque durement le Sachem.

Il prit de l’eau, mouilla les tempes du jeune homme, les poignets et le creux de l’estomac.

— Pauvre Olivier ! murmurait le banquier, pourquoi faut-il que ce soit moi qui lui apporte une douleur nouvelle !

Le chasseur fit deux ou trois mouvements convulsifs et ouvrit les yeux.

— J’avais espéré mourir ! murmura-t-il d’une voix faible.

— Est-ce un guerrier qui parle ? dit le Sachem d’un ton de reproche.

— Courage, mon ami ! s’écria M. Maraval, le coup est porté, maintenant ; vous l’avez bravement supporté, vous revenez à la vie.

— Oui, dit-il avec amertume, je recommence à vivre, car je souffre !

Et cachant sa tête dans ses mains, il éclata en sanglots et fondit en larmes.

C’était un spectacle navrant que de voir pleurer comme un enfant cet homme si fort, ce cœur si vaillant.

Le banquier et le Sachem étaient en proie à une douloureuse émotion ; ils comprenaient combien Olivier devait souffrir pour être devenu subitement si faible !

La nuit tout entière s’écoula sans que le sommeil fermât un seul instant les paupières des trois hommes.

Vers le matin, le chef et M. Maraval eurent à voix basse une longue conversation.

Olivier n’avait pas changé de position : les coudes sur les genoux, la tête dans les mains, il demeurait immobile comme s’il eût été changé en statue de pierre ; quelques soubresauts convulsifs témoignaient seuls que la vie persistait chez lui.

Lorsque le soleil se leva à l’horizon, le chasseur releva sa tête alourdie, il se passa la main sur le front.

— Mon fils est un guerrier au cœur fort et vaillant, dit le Sachem d’une voix profonde ; la sagesse est en lui : il sait qu’un père ne saurait jamais être coupable aux yeux de son fils, parce que pour lui il représente le Wacondah ! Mon fils pardonnera à son père qui se révèle enfin à lui, et ce qu’il veut, mon fils le fera, sans hésitation et sans regrets.

Un sourire d’une expression étrange crispa les commissures des lèvres pâlies du chasseur.

— Mon père a bien parlé, dit-il d’une voix rauque, mais ferme, je le remercie, il sera obéi, le sacrifice est fait !

— Bien ! dit le Sachem, mon fils est un homme.

— Cher Olivier murmura M. Maraval avec une tristesse navrante.

— Nous partirons, reprit le jeune homme, dès que mon matelot et vos autres compagnons seront en état de nous suivre. Y consentez-vous, mon cher Jose ?

— Je ferai tout ce que vous désirerez, ami.

— Merci ! Laissez-moi donc profiter à ma guise des quelques jours de liberté qui me restent encore.

Sans ajouter un mot, il sortit du calli, bondit à cheval et s’élança ventre à terre dans la campagne, où il ne tarda pas à disparaître au milieu des tourbillons de poussière soulevés autour de lui par sa course rapide.

— Pauvre Olivier il était si heureux ici ! murmura tristement don Jose en le suivant des yeux.

— Le bonheur ne passe qu’après le devoir, dit sentencieusement le Sachem. C’est un cœur puissant ; cette fois encore, il terrassera la douleur !