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Pauvres fleurs/Elle a voulu mourir

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Pauvres fleursDumont éditeur Voir et modifier les données sur Wikidata (p. 293-295).



ELLE A VOULU MOURIR.


Donnez-lui du mystère,
Au moins pour y mourir !
Donnez-lui de la terre,
Au moins pour la couvrir !
Jetez sur cette flamme
Votre froid élément ;
Puis, laissez aller l’âme
Chercher son Dieu clément !


Jetez un double voile
Sur sa nuit, sur son jour !
Priez qu’une autre étoile
S’ouvre à sa pauvre amour !
D’anathème et d’outrage,
Sauvez ses derniers pleurs ;
Laissez après l’orage
Un deuil paisible aux fleurs !

Hier encor sur sa tête
L’oiseau de juin chantait ;
De soleil et de fête
Tout son ciel éclatait ;
Et sa raison ravie
S’éteint dans un remords :
Que sait-on de la vie,
Un jour avant la mort ?

Dédain, blessure amère !
Double mort à passer !
Quand on n’a plus sa mère
Prompte à vous embrasser !

Plus rien pour vous entendre,
Plus rien, pour vous aimer ;
Plus rien, qu’un adieu tendre,
Pleurant, sans vous nommer !

Quand l’homme abjure et gronde,
Mon Dieu ! se croit-il dieu ?
Qu’elle est triste et profonde
Sa voix qui crie : « Adieu ! »
Mon Dieu ! dans leur querelle,
Tout votre enfer a lui.
Morte, pitié pour elle !
Vivant, pardon pour lui !


Paris, juin, 1838.