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Pleureuses/02

La bibliothèque libre.
Tableaux (1895)
PleureusesErnest Flammarion (p. 11-16).
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MESSE DU PASSÉ


Je te bénis d’amour…


TABLEAUX


Chaque parole est un sourire.


I


Au fond du vieux salon où le bal se précise,
Les traînes de satin, couleur de demi-jour,
Suivent avec lenteur la musique indécise.

Au fond du vieux salon, au fond de tant de jours,
Sur les danseurs errants et les formes assises,
Tous les reflets du ciel habillent les atours.


L’aile des éventails est prise, et tremble, lasse.
Un doux soleil fleurit, captif jusqu’au matin.
La danse éparpillée affronte en vain l’espace,

Elle obéit sans cesse, et retombe sans fin.
Toute la vie enclose entre les feux des glaces
Voudrait s’enfuir, et reste là, comme un jardin.


II


J’ouvre les yeux, lassé par la très longue veille ;
C’est la chambre dolente et l’ombre dans le coin,
Et la voix de l’horloge à voix toujours pareille.

La fenêtre confuse éclaire par un joint
D’une mince lueur le plafond qui sommeille ;
Dans la rue, une voix se lamente très loin.

La paix des grands rideaux où l’âme tiède est prise
Garde ses longs plis morts sur mon repos très lourd,
Et mon demi-sommeil rêve dans l’heure grise…


J’entends des bruits craintifs dans la maison, autour ;
Elle approche à pas doux pour n’être pas surprise,
Et par la porte blanche elle entre avec le jour.


III


Aux sentiers où je vais mon pas triste résonne.
Nous nous sommes quittés ; il fait froid, il a plu ;
Je viens dans le grand parc où ne vient plus personne…

Nous nous sommes quittés, puisque tu l’as voulu.
Ô pauvre cœur désert où trop de vent frissonne,
Ô pauvre cœur creusé de l’automne, salut !

Le silence et l’absence ouvrent la forêt nue,
La feuilles git, légère et lourde, en désarroi,
Je pense aux chemins clairs où ta grâce est venue !

Et le ciel s’assombrit lentement, il fait froid,
Mon âme douloureuse erre dans l’avenue
Et la grande nature est plus triste que moi.


IV


Au bord de la fontaine où je vais à pas lents,
La statue, au milieu de la pénombre, écoute
Le murmure de l’eau qui baigne ses pieds blancs

Et l’on perçoit au loin sous l’ombre de la voûte
Et le deuil transpercé des grands rameaux dolents,
La fontaine qui tremble et pleure goutte à goutte.

Oh ! tout est plein ici des pudeurs de l’adieu.
Un frisson morne court dans la forêt pâlie…
On croit voir en la nuit comme en un jour plus bleu,

La sainte qui venait, si triste et si jolie
Vers la clairière astrale où tout veillait un peu,
Avec son luxe d’ombre et de mélancolie…