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Poèmes (Vivien)/Flambeaux éteints

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PoèmesA. Lemerre. (p. 117-119).
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FLAMBEAUX ÉTEINTS


L’aurore a traversé la salle du festin
Traînant ses voiles gris parmi les roses mortes.
Elle s’avance, elle entre, elle franchit les portes
À pas lourds, à pas lents, tel un spectre hautain.

Un rayon est tombé sur les torches éteintes.
On voit enfin ces lys qui parurent si beaux
À la lueur fugace et fausse des flambeaux,
Et ces roses, et ces très tristes hyacinthes.


Voici la place où ton corps chaud s’est détendu,
Le coussin frais où s’est roulé ta chaude tete,
Le luth, qui souligna l’éloquente requête,
Le ciel peint, reflété dans ton regard perdu.

Tes ongles ont meurtri ma chair, parmi les soies,
Et j’en porte la trace orgueilleuse… Tes fards
S’envolent en poussière, et sur les lits épars
Tes voiles oubliés nous évoquent les joies.

Implacables, ainsi que d’ingénus témoins,
Les choses sont, dans leur netteté qui m’accuse,
Le rappel froid et clair de cette nuit confuse.
Des parfums oubliés persistent dans les coins.



Je m’éveille, au milieu d’une forêt, de torches
Éteintes froidement dans la froideur du jour,
Songeant à ma jeunesse, à son tremblant amour,
Aux jasmins qui faisaient plus radieux les porches.

Tel un supplice antique et savant, inventé
Par un despote aux yeux creusés par le délire,
L’horreur de n’être plus ce qu’on fut me déchire,
Et le soir envahit mon palais enchanté.

Je sens mourir l’odeur des jeunes hyacinthes,
La fièvre me secoue en des frissons ardents,
Tout s’éteint et tout meurt… Et je claque des dents
Parmi les lys fanés et les torches éteintes.