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Poèmes (Vivien)/Les Êtres de la Nuit

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Pour les autres éditions de ce texte, voir Les Êtres de la Nuit.

PoèmesA. Lemerre. (p. 126-128).


LES ÊTRES DE LA NUIT


Les êtres de la nuit et les êtres du jour
Ont longtemps partagé mon âme, tour à tour.
Les êtres de la nuit m’ont fait craindre le jour.

Car les êtres du jour soin triomphants et libres,
Nulle secrète horreur ne fait vibrer leurs fibres,
Ils ont le regard clair de ceux qui naissent libres.


Les êtres de la nuit sont lents, passifs et doux,
Leur âme est comme un fleuve obscur et sans remous,
Leurs gestes sont furtifs et leurs rires sont doux.

Mais les êtres du jour ont des prunelles claires,
De ce bleu que volent seuls les aigles dans leurs aires.
Le jour fait resplendir ces prunelles trop claires.

Ce sont les yeux aigus des héros et des rois
Du Nord qu’on entend rire au fond des palais froids,
Et des reines dont l’âme a dominé les rois.

Les êtres de la nuit sont craintifs, — mais dans l’ombre
Un phosphore inconnu luit en leur regard sombre :
Les êtres de la nuit ne vivent que par l’ombre.

Les êtres de la nuit sont faibles et charmants :
Ils trompent, et ce sont les fugitifs amants,
Les amantes aux cœurs perfides et charmants.


Ils détournent, dans le baiser, leur froide bouche,
Et leur pas se dérobe ainsi qu’un vol farouche.
On ne boit qu’un baiser décevant sur leur bouche.

Il faut craindre l’attrait des êtres de la nuit
Car leur corps souple glisse entre les bras et fuit,
Et leur amour n’est qu’un mensonge de la nuit.