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Poètes Moralistes de la Grèce/Les Vers dorés

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Pour les autres éditions de ce texte, voir Les Vers dorés.

Traduction par Pierre-Charles Levesque.
Poètes Moralistes de la GrèceGarnier Frères (p. 303-309).

LES VERS DORÉS
ATTRIBUÉS À PYTHAGORE
TRADUITS
PAR M. P.-C. LÉVESQUE
de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres


I

Révère les dieux immortels. C’est ton premier devoir. Honore-les comme il est ordonné par la loi.

II

Respecte le serment. Vénère aussi les héros, dignes de tant d’admiration, et les demeures terrestres ; rends-leur le culte qui leur est dû.

III

Respecte ton père et ta mère, et tes proches parents.

IV

Choisis pour ton ami l’homme que tu connais le plus vertueux. Ne résiste point à la douceur de ses conseils, et suis ses utiles exemples.

V

Crains de te brouiller avec ton ami pour une faute légère.

VI

Si tu peux faire le bien, tu le dois : la puissance est ici voisine de la nécessité. Tels sont les préceptes que tu dois suivre.

VII

Prends l’habitude de commander à la gourmandise, au sommeil, à la luxure, à la colère.

VIII

Ne fais rien de honteux en présence des autres ni dans le secret. Que ta première loi soit de te respecter toi-même.

IX

Que l’équité préside à toutes tes actions, qu’elle accompagne toutes tes paroles.

X

Que la raison te conduise jusque dans les moindres choses.

XI

Souviens-toi bien que tous les hommes sont destinés à la mort.

XII

La fortune se plaît à changer : elle se laisse posséder, elle s’échappe. Éprouves-tu quelques-uns de ces revers que les destins font éprouver aux mortels ? sache les supporter avec patience ; ne t’indigne pas contre le sort. Il est permis de chercher à réparer un malheur ; mais sois bien persuadé que la fortune n’envoie pas aux mortels vertueux des maux au-dessus de leurs forces.

XIII

Il se tient parmi les hommes de bons discours et de mauvais propos. Ne te laisse pas effrayer par de vaines paroles : qu’elles ne te détournent pas des projets honnêtes que tu as formés.

XIV

Tu te vois attaqué par le mensonge ? prends patience, supporte ce mal avec douceur.

XV

Observe bien ce qui reste à te prescrire ; que personne par ses actions, par ses discours, ne puisse t’engager à rien dire, à rien faire qui doive te nuire un jour.

XVI

Consulte-toi bien avant d’agir ; crains, par trop de précipitation, d’avoir à rougir de ta folie. Dire et faire des sottises est le partage d’un sot.

XVII

Ne commence rien dont tu puisses te repentir dans la suite. Garde-toi d’entreprendre ce que tu ne sais pas faire, et commence par t’instruire de ce que tu dois savoir. C’est ainsi que tu mèneras une vie délicieuse.

XVIII

Ne néglige pas ta santé : donne à ton corps, mais avec modération, le boire, le manger, l’exercice. La mesure que je te prescris est celle que tu ne saurais passer sans te nuire.

XIX

Que ta table soit saine, que le luxe en soit banni.

XX

Évite de rien faire qui puisse t’attirer l’envie.

XXI

Ne cherche point à briller par des dépenses déplacées, comme si tu ignorais ce qui est convenable et beau. Ne te pique pas non plus d’une épargne excessive. Rien n’est préférable à la juste mesure qu’il faut observer en toutes choses.

XXII

N’entame point un projet qui doive tourner contre toi-même : réfléchis avant d’entreprendre.

XXIII

N’abandonne pas tes yeux aux douceurs du sommeil avant d’avoir examiné par trois fois les actions de ta journée. Quelle faute ai-je commise ? Qu’ai-je fait ? À quel devoir ai-je manqué ? Commence par la première de tes actions, et parcours ainsi toutes les autres. Reproche-toi ce que tu as fait de mal ; jouis de ce que tu as fait de bien.

XXIV

Médite sur les préceptes que je viens de te donner, travaille à les mettre en pratique, apprends à les aimer. Ils te conduiront sur les traces de la divine vertu ; j’en jure par celui qui a transmis dans nos âmes le sacré quaternaire[1] source de la nature éternelle.

XXV

Avant de rien commencer, adresse tes vœux aux immortels qui seuls peuvent consommer ton ouvrage. C’est en suivant ces pratiques que tu parviendras à connaître par quelle concorde les dieux sont liés aux mortels, quels sont les passages de tous les êtres, et quelle puissance les domine. Tu connaîtras, comme il est juste, que la nature est, en tout, semblable à elle-même. Alors tu cesseras d’espérer ce que tu espérais en vain, et rien ne te sera caché.

XXVI

Tu connaîtras que les hommes sont eux-mêmes les artisans de leurs malheurs. Infortunés ! ils ne savent pas voir les biens qui sont sous leurs yeux ! leurs oreilles se ferment à la vérité qui leur parle. Combien peu connaissent les vrais remèdes de leurs maux ! C’est donc ainsi que la destinée blesse l’entendement des humains ! Semblables à des cylindres fragiles, ils roulent çà et là, se heurtant sans cesse, et se brisant les uns contre les autres.

XXVII

La triste discorde, née avec eux, les accompagne toujours et les blesse, sans se laisser apercevoir. Il ne faut pas lutter contre elle, mais la fuir en cédant.

XXVIII

Ô Jupiter, père de tous les humains, tu pourrais les délivrer des maux qui les accablent, leur faire connaître qui est le génie funeste auquel ils s’abandonnent.

XXIX

Mortel, prends une juste confiance ; c’est des dieux mêmes que les humains tirent leur origine. La sainte nature leur découvre tous ses secrets les plus cachés. Si elle daigne te les communiquer, il ne te sera pas difficile de remplir mes préceptes. Cherche des remèdes aux maux que tu endures : ton âme recouvrera bientôt la santé.

XXX

Mais abstiens-toi des aliments que je t’ai défendus. Apprends à discerner ce qui est nécessaire dans la purification et la délivrance de l’âme. Examine tout ; donne à ta raison la première place et, content de te laisser conduire, abandonne-lui les rênes.

XXXI

Ainsi, quand tu auras quitté les dépouilles mortelles, tu monteras dans l’air libre ; tu deviendras un dieu immortel et la mort n’aura plus d’empire sur toi.



fin des vers dorés de Pythagore
  1. Chez les Pythagoriciens, la monade ou l’unité représente Dieu même, parce qu’elle n’est engendrée par aucun nombre, qu’elle les engendre tous, qu’elle est simple et sans aucune composition. La dyade, ou le nombre deux, est l’image de la nature créée, parce qu’elle est le premier produit de l’unité, parce qu’elle est inspirée, parce qu’ayant des parties elle peut se décomposer et se défendre. La monade et la dyade réunies forment le ternaire, et représentent l’immensité de tout ce qui existe, l’être immuable et la matière altérable et changeante. J’ignore par quelle propriété le quaternaire, le nombre quatre, est encore un emblème de la divinité.