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Poissons d’eau douce du Canada/Engins de pêche

La bibliothèque libre.
C. O. Beauchemin & Fils (p. 365-444).

DES ENGINS DE PÊCHE



En écrivant mes dernières pages sur la truite de mer, poisson favori du ciel, il m’est arrivé, chose inévitable, de parler d’hameçons, en les désignant par leurs numéros, ce qui doit être incompréhensible pour les profanes, autant que l’est une langue pour ceux qui ne l’ont jamais apprise. Si j’ai pris occasion de la truite pour parler d’engins de pêche, c’est parce qu’elle représente les salmonidés, c’est-à-dire le plus beau genre de poissons qui habite nos eaux septentrionales, et parce que dans nos régions elle est à la fois la reine des eaux douces et des eaux salées. Je sais bien que le doré, le bars et l’achigan sont des poissons sportifs remarquables à plus d’un titre, mais sont-ils comparables au saumon et à la truite ? Par les espèces et les variétés ils sont déjà inférieurs, puisque nous comptons plus de cent variétés de truites et de saumons, pendant que le doré et l’achigan ne comptent chacun que deux variétés. Les Américains se vantent à pleine bouche de leur bars, de leur achigan, de leur blue-fish, de leur tarpan, mais ils ont beau se vanter des exploits que leur valent ces poissons valeureux, n’empêche que leurs pêcheurs ardents, piqués de l’hameçon sacré, ne se laissent surprendre, comme Barnwell, par la truite saumonée de la rivière Laval, qui, comme Charles Hallock, par le saumon de la Godbout, qui, comme Eugène McCarthy, par le huananiche du lac Saint-Jean, tous des salmonidés, des rois et des reines de nos lacs et de nos fleuves à qui ces pêcheurs endurcis s’empressent de rendre hommage. Ce sont ceux-là mêmes qui ont inspiré les premiers la fabrication des engins en question, pour leur malheur et pour nos triomphes, pendant que nous leur en faisons une gloire. C’est à cause de leur beauté que nous les avons autant recherchés, que nous avons inventé ces instruments de ruine et de destruction. C’est ainsi que nous couvrons d’ornements, de bijoux, de dentelles les femmes dont les charmes nous ont fait inventer ces terribles articles de séduction.

Si la truite est vraiment responsable des funestes progrès qu’ont produits les vingt dernières années dans la gradation du perfectionnement des engins de pêche, tous les autres poissons sportifs devraient susciter une révolution contre sa royauté et la griller sans miséricorde.

Autrefois, les progrès dans les engins de pêche se faisaient graduellement. Il a fallu des années pour passer de la ligne de fond à la pêche à la turlotte ou trolling, d’après les Anglais : ensuite est venu le moulinet, suivi lentement de la pêche au lancer, qui ne tarda pas à devenir la pêche à la mouche naturelle. C’est en 1724 qu’il est fait mention pour la première fois du fil de soie de Florence ; mais presque aussitôt, c’est-à-dire deux ans après, la pêche au saumon prit naissance en Angleterre. La mouche artificielle y fut introduite en 1746. C’était le retour d’un art disparu.

L’ichtyologie primitive ne comprenait guère plus que la connaissance superficielle des mœurs et des habitudes de quelques poissons, ainsi que leurs caractéristiques générales. Le saumon et la truite occupaient un rang remarquable parmi ceux qui attirèrent d’abord l’attention, car la famille des salmonidés compte parmi les plus anciennes des poissons d’eau douce post tertiaires, remontant de longue date avant l’époque glaciaire ; et parmi ses cent variétés, le saumon a conservé de tout temps sa suprématie comme chef. Les évolutions opérées par le temps ne paraissent pas l’avoir rendu plus brave ou plus beau ou plus mangeable qu’il n’était aux jours de Pline ou d’Oppien, qui tous deux ont apprécié ses qualités et fait son éloge, au deuxième siècle, aussi bien que d’autres dans les âges qui les avaient précédés. Sa distribution géographique est encore plus considérable que sa renommée. L’ancien salmo salar de l’Atlantique a rencontré un rival dangereux dans l’oncorynchus de l’océan Pacifique ; les appétits de l’homme ont augmenté, et les engins de pêche se sont multipliés. La pêche, qui n’était qu’un métier souvent ingrat, est devenue un art offert à l’avidité, à la convoitise, qui finit par enfanter le million.

Pour le moment nous ne parlerons que des engins destinés aux poissons sportifs et carnassiers, nous réservant de préparer bientôt les instruments de torture et la pâture destinés aux cyprins et à la gent goujonnière.

HAMEÇONS


Toute la pêche est dans l’hameçon. L’hameçon est l’instrument universel du pêcheur sauvage aussi bien que du pêcheur civilisé. Il est aussi naturel à l’homme que la lance ou la flèche, laquelle n’a pas deux manières d’être, et se retrouve partout la même, une tige armée d’une pointe à l’une de ses extrémités.

L’homme a importé avec lui, sur la terre, un certain nombre d’instruments qui semblent nés avec ses premières idées, qui répondent à ses premiers besoins et qui, de leur nature, sont si simples et si complets que le perfectionnement n’existe pas pour eux.

L’hameçon est de ce nombre : on en a perfectionné la matière — qualité non essentielle de son être — mais non la forme qui en est constitutive : l’hameçon est ou n’est pas, rien à perfectionner là dedans. Il a été inventé chez le sauvage, il se compose, encore aujourd’hui chez lui, d’épines, d’arêtes, d’os, de pierres même : chez les nations plus civilisées, il est en métal fondu plus ou moins grossier, bronze (fig. 62 à 64), cuivre ou fer : enfin les progrès de la fabrication l’ont amené à être aujourd’hui une tige d’acier trempé (fig. 70 à 86), plus ou moins fine, arrondie en crochet ; le bout le plus court se termine par une pointe barbelée, la tige principale ou hampe est légèrement aplatie à son extrémité (fig. 64), pour empêcher que la ligature qui réunit l’hameçon à l’empile, ne glisse et ne laisse échapper ainsi l’hameçon et la proie qui y est attachée.


Fig. 62. — Premier hameçon de l’âge de bronze : pas encore de dard barbelé, c’est un simple crochet de métal. Provient des habitations lacustre du lac de Zurich.


Fig. 63. — Hameçon de l’age de bronze ; deuxième forme. Apparition du dard et de l’anneau pour attacher à la ligne. Provient des habitations lacustre du lac de Zurich.


Fig. 64. — 3e forme. Perfectionnement. Non seulement le dard existe, mais la palette se montre pour l’empilage. De plus, elle porte des crans afin que l’adhérence de la ligature soit plus complète. Entre cet hameçon et ceux de nos jours il n’y a de différence que la perfection de l’outillage producteur et la matière. Provient également des habitations lacustre du lac de Zurich.

L’hameçon, comme la lance, étant inventé de toute antiquité, les modifications les plus profondes qu’il ait éprouvées ont porté sur sa grosseur surtout : il fallait déjà beaucoup d’adresse pour tailler un morceau de coquillage en hameçon de la grosseur de notre 00009 actuel ; or, il y a bien de la distance entre ce numéro et le 20 ou 22 des hameçons fins que nous fabriquons aujourd’hui. Mais il ne faut pas oublier que le nombre des poissons, et surtout leur taille, a diminué en même temps que la taille des hameçons, tandis que la difficulté de les prendre a suivi une marche encore plus rapide. La civilisation, partout où elle touche, rend défiants les animaux autochtones. Ainsi les premiers navigateurs qui abordèrent à certaines côtes privilégiées, y tuèrent à coups de bâton des oiseaux ahuris et ne sachant pas quel était ce nouvel agresseur ; ils y prirent à panerées, pendant la marée basse, les poissons les plus délicieux. De nos jours, les oiseaux ont fui, ou sont devenus défiants ; on ne les tue plus qu’au fusil, et encore : les poissons ont appris la lutte et la méfiance, et si l’on en prend encore là-bas un plus grand nombre avec plus de facilité que sur nos côtes dévastées, il faut l’attribuer à la prodigieuse fécondité de certaines espèces, quand elles sont aidées par la température admirable des climats chauds.


Fig. 65. — Hameçons allégés par des bouchons de liège.


Fig. 66. — Emploi, sur les côtes de Norvège, du bois pour soulever les empiles.

Sans remonter aux temps bibliques et sans nous occuper des animaux aquatiques que les Hébreux tenaient en petite estime, ne connaissaient que très peu dans leur pays sec et désolé — et qu’ils n’ont pu faire entrer dans l’arche de Noé — il faut constater, comme nous l’avons fait, que l’invention de l’hameçon ne peut avoir de date certaine ni même approximative, pas plus que celle de la flèche, de la lance, du bouclier, etc. Ce sont des créations pour ainsi dire instinctives, spontanées, chez tous les peuples répandus à la surface du globe, et tellement inhérentes au développement de leurs facultés, que le premier instrument que fait l’enfant sauvage ou l’enfant le plus civilisé est le même : c’est un arc et sa flèche.

L’enfant devenu jeune homme tourne sa flèche devenue plus grande contre les animaux de la forêt : il la tourne de même contre ceux du rivage. La tentation de manger les poissons que l’eau du fleuve grossi aura laissés sur les bords ou dans des dépressions à portée de la main, est naturelle et l’homme a aimé le poisson dès qu’il
Fig. 67. — Bricole primitive de l’âge de bronze, trouvée dans les habitations lacustres du lac de Neufchâtel. Cette première forme est excessivement remarquable.
a pu en prendre. Mais le fleuve ne grossit pas souvent, les réservoirs naturels sont vite épuisés, et cependant ils virent dans les ondes mille poissons se poursuivre, se dévorer, se jeter avidement sur les portions de matières assimilables qui tombaient à l’eau, sur une graine, sur un insecte jouet du vent ou du hasard… La pêche était inventée, et, du même coup, la destruction de l’homme — en tant qu’espèce — était devenue impossible, car la mer lui fournirait seule sa nourriture, si la terre pouvait la lui refuser.

Cacher sous un insecte ou sous une graine, dans un fruit, le crochet qui
Fig. 68. — Deuxième forme de bricole provenant également des habitations lacustres, mais du lac de Zurich. La fabrication est moins simple, il y a progrès ; on s’est aperçu que la hampe de la première (fig. 67) rend l’entrure de fer plus difficile, et que l’engin bascule dans la bouche du poisson.
ramènera le poisson, alors que celui-ci aura englouti le tout, voilà l’hameçon trouvé… y faire un trou, dans lequel on passe un brin d’aloès, de chanvre, de tout autre filament végétal, une tige de liane parasite des tropiques, un crin… et voilà la ligne complète, et telle qu’elle sert depuis la création du monde !…

En étudiant attentivement les curieux vestiges des instruments de pêche des peuplades qui ont habité notre pays et les pays d’Europe, dans des temps antéhistoriques, nous avons en quelque sorte acquis la certitude morale que l’hameçon, tel que nous le connaissons maintenant, n’est assurément pas le premier qui a dû servir. En effet, on a trouvé en même temps que les formes des figures 62, 63, 64, la forme 67 et 68 qui est une véritable bricole, mais si simple, si facile à faire et en même temps si efficace, qu’il est
Fig. 69. — Pierres perforés pour charger les filets.
impossible qu’elle n’ait pas été préférée, dès l’abord, par des peuples grossiers.

Cette forme, en effet, rend l’attache de l’hameçon à la ligne incomparablement plus facile et plus solide. À cette période où le dard n’était pas encore inventé comme dans la forme 63 et 64, celle-ci offrait en même temps une beaucoup plus grande sécurité que le poisson piqué ne se débarrasserait point.

Ainsi, fait remarquable ! la bricole que nos pêcheurs ont presque abandonnée, la bricole que, nous, nous recommandons comme un des perfectionnements de la pêche à venir, la bricole était probablement l’hameçon préféré et le plus employé par nos pères !

Tout nous prouve d’ailleurs que l’art de la pêche était en grand honneur parmi ces populations, et poussé aussi loin que leur mode d’outillage le leur permettait, mais certainement plus loin que beaucoup d’auteurs ne le soupçonnent. Ainsi l’emploi de la flotte leur était parfaitement familier, et nous n’avons pas eu de peine à en reconnaître un grand nombre, de formes et de grosseurs différentes, rangées parmi les objets curieux que les fouilles ont ramenés au jour. Ces flottes étaient en bois léger, tilleul, saule ou tremble — la décomposition à demi charbonneuse du bois rend la détermination de son espèce difficile — et de la forme d’une olive ou de deux troncs de cône opposés par la base, que les pêcheurs campagnards donnent encore à un bouchon lorsqu’ils le taillent pour le convertir en flotte grossière. Ces flottes sont assez grosses, la plupart approchent du volume d’un œuf de poule ; ce fait nous amène à déduire deux conséquences : la première, que la ligne devait être lourde, ce dont nous ne doutons pas un moment en pensant qu’elle était faite de tiges végétales grossières, perméables à l’eau, et réunies d’une manière très superficielle ; la seconde, que la pêche se faisait à fond, par conséquent avec une ligne longue et destinée à aller chercher dans leurs retraites les poissons les plus forts. La grosseur de l’hameçon indiquait d’ailleurs le choix de ces proies et rendait la pêche à la ligne propre seulement aux grosses espèces. Il est probable que certaines autres flottes de bois plus considérables, rapprochées, de frêne, rondes, oblongues et perforées (fig. 69), indiquent l’emploi de filets qui servaient à capturer les espèces littorales de moindre dimension.

Nous avons fait remarquer que les hameçons actuels étaient simples de forme et qu’ils se décomposaient en plusieurs parties dont chacune a son nom : la hampe ou la plus grande branche, le coude ou la partie courbée, la pointe ou la plus petite branche, celle qui est acérée et munie d’une barbe relevée en sens inverse, laquelle retient l’instrument dans les chairs resserrées sur elles, après le passage de la pointe principale. La manière dont sont construits les hameçons soignés, des plus petits numéros, est très importante comme emploi, et remarquable comme difficulté vaincue : certains de ces engins sont de véritables chefs-d’œuvre de précision.

En énumérant les diverses parties constitutives de l’hameçon, il n’est pas besoin de faire remarquer que la valeur finale de l’instrument dépend autant de la relation, de la proportion la meilleure entre ces parties principales, que de la matière même qui sert à composer l’instrument. Nous avons examiné à chacun des mots palette, hampe, dard, courte-queue, les différentes formes que ces parties comportent et les qualités variables qu’elles ajoutent à l’hameçon.


Fig. 70. — Hameçon carré (suisse), à pointe droite ; forme très recherchée pour la pêche aux lignes de fond sur le lac de Constance. Ces hameçons ne reçoivent qu’une trempe très faible qui leur permet de s’ouvrir facilement sous la traction du poisson. Les pêcheurs prétendent que c’est un avantage pour les pêches où le poisson se prend seul.


Fig. 71. — Hameçon français ordinaire.


Fig. 73. — Hameçon commun. Pointe défectueuse, dard bombé


Fig. 75. — Hameçon à gardon (anglais), mince, courte queue et sans avantage ; dit Short — shank Roach Hook.


Fig. 72. — Hameçon à boucle commun (français)


Fig. 74. — Hameçon limerick (anglais) sans palette No 1


Fig. 76. — Hameçon de mer, ordinaire, en fer étamé, avec avantage.


De nos jours, les hameçons se fabriquent principalement en Allemagne, en Angleterre et en France ; les allemands et les suisses (fig. 70) sont à très bon marché, mais très grossiers et de médiocre qualité. Les français sont aussi bons que les anglais (fig. 71) dans les sortes ordinaires et les fines de formes anciennes, mais les Anglais seuls cherchent et perfectionnent chaque jour la forme et la matière de leurs hameçons. Aussi, mettant tout amour-propre national de côté, devons-nous dire que les Français font tout aussi bien que les Anglais, que les premiers seront à la hauteur des derniers quand ils le voudront, mais qu’ils ne le veulent pas, soit parce que la consommation des hameçons fins, en France, est peu considérable et réservée seulement à quelques amateurs zélés, soit parce que la masse des pêcheurs de la campagne et des pêcheurs qui vivent de cet état sur les fleuves et les rivières, en sont encore à croire qu’il y a de l’économie à se servir d’hameçons au meilleur marché possible (fig. 72 et 73).

En Angleterre, au contraire, où tout le monde pêche, tout le monde achète des hameçons fins et des meilleures sortes (fig. 74 et 75) ; les pêcheurs de profession surtout. Par conséquent, les fabricants ont intérêt à progresser, ce qu’ils sont, et à produire très bien, ce qu’ils essaient toujours. Ils vendent cher, c’est vrai ; mais leurs instruments sont très bons : c’est un bon marché relatif, mais certain.

Il faut attribuer ces différences à ce que l’art de la pêche, — malgré les immenses progrès qu’il a faits en France dans ces dernières années — est encore chez nous, bien en arrière sur les habitudes des Anglais. Notre fabrication se perfectionnera avec notre savoir-faire en fait de pêche


Fig. 77. — Bricole ordinaire à pointes du même côté.


Fig. 78. — Bricole limerick à pointes contrariées.


Fig. 79. — Bricole sans avantage.

On doit remarquer que nous n’avons parlé jusqu’à ce moment qu’au point de vue des hameçons fins, et noirs ou bleus, servant à la pêche en eau douce : si maintenant nous passons aux hameçons étamés (fig. 76) qui s’emploient pour la pêche en mer, notre amour-propre national peut relever la tête, car ici ce sont les Anglais qui sont nos tributaires. Nos hameçons de mer sont de beaucoup préférables aux leurs comme tournure, comme forme surtout, et il paraît qu’ils ne peuvent parvenir à les imiter facilement, puisque leurs pêcheurs, sur les côtes de la Manche, viennent s’approvisionner chez nous.


Fig. 80. — Émérillon simple.


Fig. 81. — Émérillon à porte-mousqueton.


BRICOLES OU HAMEÇONS DOUBLES


La fabrication des hameçons comprend non seulement les hameçons simples de tous les numéros, mais encore les bricoles ou hameçons doubles ; parmi ceux-ci, les uns sont tournés du même côté (fig. 77), les
Fig. 82. — Émérillon de forme ancienne, commode par son petit volume.
autres à pointes contrariées (fig. 78) ou sans avantage (fig. 79) ; 2o les grappins ou hameçons triples ; 3o les émérillons de deux formes, les uns ayant une extrémité à boucle élastique formant porte-mousqueton (fig. 81 et 82) ; les autres ayant leurs deux branches fermées (fig. 80). Les émérillons se font comme les hameçons, en suivant une série de numéros. Le malheur est que les séries de numéros des hameçons, des bricoles, des grappins, des émérillons sont toutes différentes et n’offrent aucun rapport ; de même, entre deux fabriques d’hameçons, aucune des séries ne se rapporte. L’une commence à 0000, l’autre à 000 ; l’une finit à n° 18, l’autre à n° 20 ou n° 22 ; c’est un chaos auquel on devrait bien remédier par le choix d’un étalon à peu près immuable. Les pêcheurs y gagneraient de s’entendre, chose impossible dans ce moment, où il faut faire choix des hameçons à l’œil, et jamais sur le numéro de leur enveloppe.

Quand on emploie de petits hameçons, il est toujours bon de les prendre à palette (fig. 71) ; il en est de même des gros pour la pêche de fond ; on prend quelquefois ces derniers à boucles (fig. 72), mais nous sommes décidément ennemis de cette forme d’hameçons. Nous recommandons de choisir des hameçons à palette, parce que les petits offrent une certaine difficulté pour bien serrer l’empilure, et que la palette aide beaucoup, quelque petite qu’elle soit, à retenir la ligature. Quant aux gros, nous les préférons renforcés, à cause de leur pointe qui est grosse, forte, et résiste mieux sur les cailloux. Mais pour toute pêche au coup, c’est-à-dire avec la plume ou le bouchon flottant sur l’eau, les hameçons touchant à peine au fond ou n’y touchant pas du tout, il faut du n° 1 au 9, ne prendre que des hameçons sans palette, et, parmi eux, ceux dits limericks (fig. 74 et 75). Ils sont d’un maniement facile pour l’empilage et possèdent une pointe supérieure, mais ils ont en même temps le défaut de leurs qualités : ils cassent facilement.

Quant aux lignes employées en cordées pour la pêche de nuit ou de fond, il faut y employer des hameçons renforcés.

Il serait impossible de donner une nomenclature de toutes les formes d’hameçons usitées, cependant on peut classer ainsi les plus employés ; ce sont :


Les hameçons à palette ordinaire : mince, moyens ou renforcés.
Id. à palette ordinaire, courte queue : mince, renforcés.
Id. limericks droits : à palette, sans palette (fig. 74).
Id. limericks courbes : à palette.
Id. limericks à courtes queue, courbes, ronds, dits hameçons à gardon, en Angleterre (fig. 75) : à palette, sans palette.
Id. à palette, communs, renforcés.
Id. étamés : simples, renforcés, carrés, a, b (fig. 83) ou ronds (fig. 84).
Id. étamés : longue queue ou à maquereau (fig. 84).
Bricoles : minces, renforcées, contournées (fig. 77 et 78)
Grappins : acier blanc, acier bleu.

Les hameçons les plus petits, pour la pêche de mer, ont environ 16 à 18 millimètres de longueur (fig. 76) ; ils augmentent graduellement de longueur et de grosseur de fil d’acier jusqu’à la dimension moyenne de 20 à 22 millimètres, sur la grosseur d’une forte plume d’oie (fig. 83 et 84).


Fig. 83. — Hameçon de mer, en fer étamé. Bonne fabrication, usité au Pollet. Pas d’avantage. Bon pour la pêche du Congre, de la Raie ; faible pour celle de la Morue, pour laquelle on prend un numéro double, comme grosseur — a. Palette non coupante, bien émoussée. — b. Empilage sur ficelle de l’empile. Nœud simple ordinaire.


Fig. 84. — Hameçon de mer en fer étamé. Forme dits marseillaise, employée en Bretagne. Très mauvaise fabrication, dard bossu au-dessous de la barbe ; fort avantage à droite, du bon côté pour la facilité d’escher. Cet hameçon est employé pour le Congre, la Raie, le Germon, le Maigre, etc. Il serait un peu faible pour la grande pêche de la Morue sur les bancs. — a. Palette vue de surface. — b. Vue de profil.

Si la pêche, comme celle de la morue, par exemple, se fait sur un fond de roches, on se sert d’hameçons en fer étamé : au retour de la pêche, quand ils sont tordus, on les rabat sur l’enclume et le dommage est réparé. Si l’on employait des hameçons d’acier, on n’en rapporterait pas la moitié.

La forme des hameçons de mer est, avons-nous dit, toute différente de celle des hameçons d’eau douce : est-ce une nécessité ? Nous ne le pensons pas, et les hameçons d’eau douce nous ont toujours donné, quand nous les avons employés, une supériorité marquée sur ceux de mer, dont la pointe est beaucoup moins effilée et l’entrure bien plus difficile. Si maintenant nous parlons des lignes qui, en mer, peuvent traîner au fond sous l’impulsion d’un bateau à la voile, il est évident que les gros hameçons en fer étamé peuvent seuls résister ; mais, pour la pêche entre deux eaux, les petits et solides hameçons anglais dits limericks valent mieux que les hameçons à deux courbures que l’on emploie pour la pêche des petits poissons, tels que : merlans, limandes, vives, rougets et autres.


Fig. 85. — Hameçon en fer étamé sans avantage ; usité en Norvège pour la pêche en mer. Longue hampe et forme particulière du dard et de la pointe.


Fig. 86. — Hameçon commun à très longue hampe nue les pêcheurs de maquereau demandent et préfère en Bretagne. Forme défectueuse, dard bombé ; mais les pêcheurs les veulent ainsi.

On fait depuis quelques années des hameçons à hampe, forme de la figure 86 ; ils sont très commodes à boitter, et les pêcheurs les recherchent beaucoup pour la pêche du maquereau, par exemple, où il ne faut pas perdre un moment tandis que le poisson donne.


HAMEÇON À CHAS


Cette innovation présente, entre autres avantages, celui de s’empiler d’une manière très simple, très rapide et très solide, et celui que l’empilage, ne formant pas grosseur sur la hampe, ne gêne en aucune façon pour faire remonter autant qu’on le désire, les esches même les plus molles.

L’inventeur a pris soin de combiner la grandeur des chas suivant la hauteur des hameçons, de sorte que les forts numéros permettent d’employer de la florence double ou triple. Chaque chose, en ce monde, ayant ses désavantages, nous sommes obligé de signaler le prix trop élevé encore de ces hameçons, inconvénient qui disparaîtra probablement un jour, par suite de la concurrence et de la plus grande fabrication. En second lieu, nous remarquerons que cet hameçon n’est commode que pour la florence ou le crin simple. Dès qu’on emploie une cordelette de lin filé ou un margottin, le nœud devient trop gros, rugueux et peu solide. De plus, les bouts du crin qui dépassent en petit balai, gênent pour le passage du ver. Il est préférable, dans ce cas, de se servir du mode ordinaire d’empilage à la soie bien poissée et bien vernie.


Fig. 87. — Hameçon Warner à chas, forme Limerick.


Fig. 88. — Hameçon Warner à chas forme américaine.


Fig. 89. — Empilage de l’hameçon à chas. 1er temps. Passage de la florence et croisement, du brin.


Fig. 90. — Empilage de l’hameçon à chas. 2e temps. La florence est serrée, et l’empilage terminé par le nœud que le petit bout fait autour du grand au-dessus de l’hameçon.

Nous en dirons autant pour la corde filée, si précieuse en mer et quand on pêche le gros poisson. Malgré cela, ces hameçons seront d’une grande commodité dans beaucoup de cas, ne fût-ce que pour garnir rapidement une ligne lorsqu’on est démonté au bord de l’eau. Aussi conseillerons-nous à tout pêcheur soigneux d’en avoir constamment quelques-uns dans son portefeuille. On pourrait craindre, au premier abord, que l’ouverture du chas ne fît casser la hampe en l’affaiblissant à cet endroit ; il n’en est rien, et probablement le nœud de l’empilage est pour quelque chose dans cette solidité. Ces hameçons sont très commodes pour monter des mouches artificielles. Pour la pêche de mer, où l’on emploie beaucoup la florence, ils seront excellents, parce que l’eau de mer attaque et détruit assez vite les empilages à la soie même vernie. L’expérience seule dira si, par l’usage, la florence n’est pas coupée en passant sur le bord, même adouci, du chas à sa partie supérieure.


HAMEÇON À CONTREPOIDS


L’idée des hameçons à contrepoids et à pince est des plus ingénieuses, mais, en raison de la grosseur de l’appareil, ne peut être appliquée qu’à la capture de poissons de mer voraces et peu défiants. D’un autre côté, comme ce sont justement ceux-là qui se montrent les plus vigoureux et se défendent à cause de leur poids et de leur force, de manière à se décrocher souvent, il s’ensuit que l’invention porte précisément sur le point pour lequel elle est faite.


Fig. 91. — Hameçon-Flamm à contrepoids et à pince, pour la pêche de mer.

En A (fig. 91), est le point d’attache de la ligne. L’hameçon E est esché comme d’habitude ; B est un petit contrepoids lenticulaire en plomb, D une pointe recourbée aiguë, C une articulation de la hampe de l’hameçon sur le fléau coudé DAB. Tant que l’appareil est flottant dans l’eau, il conserve la position que montre la figure 91 ; mais dès qu’un poisson a mordu à l’hameçon, ses premiers efforts font basculer la pièce DB en A, la pointe D forme pince et vient s’enfoncer dans le museau de l’animal, et cela d’autant plus fortement que ses efforts sont plus puissants. Une fois l’animal dégagé, l’instrument reprend de lui-même sa position normale.


HAMEÇON-AIGUILLE


Pour les poissons de surface, qui ont une bouche très petite, comme l’ablette, le dard, le petit chevesne, le saumonet, l’ombre, etc., il faut se construire soi-même des hameçons particuliers, lesquels, à une grande longueur de hampe joignent un crochet fin, acéré, et de petite dimension comme courbure ; on n’en trouve pas de semblables dans le commerce.

On détrempe, en les faisant rougir au feu, des aiguilles à coudre de très
Fig. 92. — Hameçon-aiguille.
bonne qualité et aussi fines que l’on pourra trouver pour l’usage. Pendant qu’elles sont chaudes, on fait, au moyen d’une lame aiguë de ciseaux ou de canif, deux ou trois petites arêtes relevées en crochet vers leur pointe. Alors, au moyen d’un bec-corbin ou pince plate, on courbe cette pointe en forme d’hameçon, en l’inclinant un peu de droite à gauche, pour lui donner de l’entrage ; enfin, on fait rougir au feu vif les hameçons ainsi faits, et on les trempe dans l’eau froide.

Bien entendu, les aiguilles restent blanches : on pourrait si l’on était habile les recuire au bleu. Il vaudrait peut-être mieux les tremper au suif ou à l’huile, pour les rendre moins cassantes ; mais à l’eau on réussit bien ; c’est tout ce qu’il faut.

On monte des moucherons artificiels très petits sur ces hameçons, dont on peut se servir également avec des insectes naturels. On empile les hameçons-aiguilles de la même manière que les limericks sans palette ou comme des hameçons à chas, en conservant celui de l’aiguille.


HAMEÇON À RESSORT


L’emploi des hameçons à ressort est fort ancien ; quelques-uns ont été même proposés pour la capture des loups et autres animaux carnassiers. Mais tous ces engins avaient pour point de départ une bricole (fig. 95), ou un grappin dont les branches mobiles s’écartaient sous l’action d’un ressort intérieur, et offraient alors d’autant plus
Fig. 93. — Hameçon Flamm, à ressort et à pince, pour la pêche de mer.
d’effet que la résistance était plus grande. C’était surtout contre les brochets de grande taille que ces engins avaient été imaginés, et il faut convenir que ces poissons, surtout il y a trente ans, devaient y mettre une grande bonne volonté pour se placer une semblable poire d’angoisse dans la gueule. Les hameçons à ressort d’aujourd’hui même présentent toujours une importance beaucoup trop grande et qui rend très difficile leur dissimulation dans une esche. La figure 95 représente un hameçon de ce genre. Les branches formant ressort s’écartent dès que l’on tire sur le coulant qui les maintient fermées.

L’hameçon à ressort de la figure 93 est basé sur un tout autre système. Il agit en dehors de l’animal. Cet engin, assez volumineux, n’est destiné qu’à la pêche de mer, où la voracité des gros poissons est plus que suffisante pour qu’ils ne se préoccupent pas beaucoup de ce à quoi est attaché le morceau qui excite leur convoitise.

L’hameçon I porte l’esche, et l’appareil est tendu dans la position de la figure 93, la ligne étant attachée en A. Au moment où le poisson tire en I, parce qu’il est piqué, il fait basculer autour du point B le petit fléau EC, lequel est recourbé à angle droit à une extrémité C, de façon à encliqueter dans un cran du dos de la pointe DG et à la maintenir élevée, malgré l’effort du ressort F, bandé alors, et qui tend à la faire retomber sur I. Cette pointe I est articulée sur un arc qui la joint à la hampe F de l’hameçon T, et la petite tige GH permet tout le mouvement nécessaire pour le jeu facile du ressort F.


Fig. 94. — Hameçon à ressort fermé.


Fig. 95. — Hameçon à ressort ouvert.

Il résulte du décliquetage de D que cette pointe vient s’enfoncer dans le museau du poisson avec toute la force que lui communique le ressort F, qui s’oppose à ce qu’elle se relève, ce qui prévient la fuite par décrochement du poisson.


HAMEÇON CARRÉ


L’hameçon carré sert à prendre la lotte, le brochet, les truites et
Fig. 96. — Hameçon carré.
d’autres poissons à grande bouche et de forte taille. Il a l’avantage d’être très bon marché et de pouvoir être retiré du ventre des poissons sans les détériorer, parce qu’étant en fer doux, il se redresse facilement dans le ventre même des poissons qui l’ont avalé. En outre, sa forme carrée empêche les poissons à grande bouche de le dégorger. Il ne sert qu’en automne, et à cette époque le brochet est paresseux ; il prend l’amorce et se pose tout de suite pour l’avaler ; ce qui fait que le crochet de l’hameçon parvient dans les intestins et ne prend jamais le brochet au coin de la bouche. L’hameçon carré n’a donc pas besoin d’être bien ardent, et sa forme a une raison d’être, puisqu’elle est adoptée spécialement pour les pêches où le poisson se prend tout seul.

CUILLER (Pêche à la)


En Angleterre, en Irlande et surtout en Écosse, les rivières se livrent à une série de cascades et de rapides au milieu desquels se réjouit une population de truites magnifiques. C’est là qu’on trouve la truite saumonée (fario argenteus), que les Irlandais nomment la truite de mer, et les Écossais la queue noire. Les spécimens de ces poissons pèsent, l’un vingt-quatre livres et demie, et l’autre vingt et une livres, et ainsi de suite. C’est au milieu de ces eaux bouillonnantes qu’on va attaquer la truite du Loch-Leven (salmo cœcifer, Parn.), au pied de la prison de la belle reine Marie. La truite commune ne s’y fait pas remarquer non plus par son absence, mais bien par ses dimensions colossales. Quatre étant prises, on les met dans la balance… La plus grosse pèse dix-sept livres, les trois autres chacune quinze !… Vivent les Écossais !

Nous allions oublier la grande truite des lacs (salmo ferox) ; une amie des eaux profondes, pour laquelle on amorce sa ligne au moyen d’une petite truite montée en tue-diable, au milieu de 6 à 8 hameçons forts, dit Yarrell. On leur offre aussi en holocauste de jeunes brochets qu’elles acceptent avec reconnaissance. Il est vrai que l’une d’elles pesait trente-quatre livres ! c’était la plus grosse. Celle qui venait après ne pesait que trente-deux livres, et la dernière, une plume… un duvet !… seulement vingt-sept livres.

— Comment aller attaquer de semblables monstres ?

— À la cuiller.

— Oh !

— Pas tout à fait avec la cuiller qui sert à une belle dame pour prendre une glace, mais avec quelque chose d’analogue, et… disons-le hautement, cette cuiller-là, convenablement assaisonnée, ferait parfaitement notre affaire.

On n’en est pas arrivé là du premier coup.

Les pêcheurs habiles — et ils sont nombreux dans ce pays-là — ont commencé par mettre à leur hameçon un poisson vif. Celui-ci n’a pas plus tôt touché les ondes bouillonnantes, que, déchiré en mille pièces, emporté, il a disparu. D’expérience en expérience, les pêcheurs se sont assurés qu’un poisson vif ne présentait pas assez de résistance pour une traction semblable à celle que lui infligent ces bouillons d’eau tombant sur lui. De plus, ils se sont aperçus que la truite, toujours en chasse dans ce milieu infernal, et toujours aux aguets, déployait une force et une rapidité formidables pour atteindre sa proie qu’elle voit tourbillonner au milieu de l’écume. Elle s’élance la gueule ouverte, les dents prêtes, et coupe d’un coup la moitié du poisson, par où elle l’attrape, laissant le reste à l’hameçon du pêcheur désappointé.

De toutes ces déductions, et de nombreux essais, est né le tue-diable.

Mais quelque pêcheur malheureux ayant vu sans doute son tue-diable emporté ou mis en pièces par les rochers ou les racines de la rive, aura inventé la cuiller (fig. 97).

Figurez-vous la partie creuse d’une cuiller à dessert, coupée près du manche. Percez un trou en haut pour y passer une corde filée et une grappe d’hameçons, pendante sur la cuiller même. Percez un second trou à la pointe de la cuiller, et mettez-y une seconde grappe d’hameçons, pendante cette fois dans le vide. Attachez à 0m,20 au-dessus de la cuiller, deux bons et solides émérillons. Faites que la cuiller soit brillante comme de l’argent ou de l’or, et lancez dans la cascade.


Fig. 97. — Cuiller.

À l’instant même l’eau, frappant irrégulièrement dans la cavité de la cuiller, lui imprime un mouvement de rotation extrêmement rapide, quoique irrégulier. Les hameçons disparaissent, emportés par ce tourbillon, et le tout roulant sur lui-même figure un joli poisson d’argent emporté vertigineusement par les bouillons de l’eau furieuse. La truite n’y regarde pas de si près… d’ailleurs, elle n’en a pas le temps. L’eau la presse, la presse… il faut se hâter ! Elle s’élance d’un bond énorme, englobe la machine brillante, et la lutte commence entre le pêcheur et le pêché, deux animaux auxquels, en courant, le cœur bat aussi vite à l’un qu’à l’autre. C’est une bataille de 30, 40, 50 minutes, lutte à toutes jambes, emportée, à travers les ravins, les pierres, les taillis, par l’autre qui fuit à tire-d’aile et que le flegmatique cuillerier ne lâche point !…

Enfin la paix se conclut, et tous deux, harassés de fatigue, s’arrêtent… Le plus petit entre dans le panier du plus gros en attendant mieux, et la toile baisse sur cette tragédie, toute prête à se relever pour une autre scène, sur le même théâtre.

Du petit au grand, nous ne manquons pas, au Canada, d’eaux bouillonnantes, tant dans nos montagnes que vers les déversoirs de nos usines. Cette méthode devrait donc être essayée ; la truite, chez nous, mord aussi vivement que là-bas, et quand, au lieu d’une cuiller à potage qu’on emploie pour le férox, nous ne nous servirions que d’une cuiller à café — même que de la cuiller d’un ménage de poupée — nous prendrions de belles et bonnes truites que personne n’ose aborder dans ces endroits-là.

C’est la grâce que je vous souhaite, ô lecteur mon ami !


TUE-DIABLE


N’oublions pas de dire que le tue-diable n’a pas besoin d’être gros, au contraire. Le double des dimensions de la gravure 98 suffit ; son emploi est restreint aux eaux bouillonnantes des torrents et des chutes, à la pêche des truites et du saumon en eau douce, tandis que, en mer, on pourra l’adapter
Fig. 98. — Tue-diable.
merveilleusement à toutes les pêches à traîner, pour le maquereau, la dorade, la dorée, la pélamide, etc., etc. Mais alors il est bon qu’il soit plus gros et, comme l’eau salée le détruit en fort peu de temps, on ne se donnera pas la peine de confectionner un si joli modèle : on prendra de petits poissons de plomb dont nous avons expliqué l’usage au mot poissons artificiels.

Passons à la confection du tue-diable (fig. 98). On prend un morceau de plomb en forme d’olive très allongée ou mieux de crayon aminci légèrement des deux bouts. À l’une des deux extrémités, on attache, au moyen d’une solide ligature entrant dans de petites encoches faites au plomb, un morceau de clinquant d’argent, ou tout bonnement de ferblanc mince figurant une queue fourchue de poisson. On recouvre alors le corps de plomb, de soie de couleurs les plus disparates possible, on y mêle quelques tours de fil d’or et d’argent, et l’on obtient une chose qui n’a point d’analogue dans la nature, mais qui brille beaucoup.

Ceci fait, il s’agit d’armer notre engin. On prend une belle florence, ronde, blanche et solide que l’on plie en deux moitiés inégales ; l’une, la plus grande, doit être un peu plus longue que le corps du tue-diable à faire, l’autre moitié plus courte environ. À chaque extrémité de cette florence, on empile soigneusement une bricole formée de deux limericks no 8 à 12, suivant la grosseur du tue-diable. À moitié chemin du grand bout, on en empile deux autres, en bricole ou successivement, mais à l’envers, c’est-à-dire la pointe tournée vers la pointe des premiers.

Cette première branche armée, on passe à la seconde, la plus courte. À son
Fig. 99. — Autre forme de Tue-diable artificiel.
extrémité on empile, soit une bricole, soit un grappin des mêmes numéros ou un peu plus petit. Si l’on met une bricole seulement, on termine par un hameçon seul près de l’endroit où sera la tête (fig. 99).

On empile alors vers le bout opposé à la queue de ferblanc, cette florence ployée en ayant soin de former une boucle dans laquelle on pourra passer une des extrémités d’un émérillon. Si ce dernier n’a qu’un porte-mousqueton (fig. 100), on passera dans sa bouche fixe avant de monter les hameçons dont nous avons parlé.
Fig. 100. — Émérillon à porte-mousqueton.
Il sera bon de mettre à l’émérillon une longueur de une verge environ portant encore un autre émérillon à son extrémité opposée, afin que le mouvement de rotation dans l’eau soit facile et continu.

Tout ceci fait, il ne restera plus qu’à courber légèrement entre les doigts le corps flexible du tue-diable, pour que l’engin soit complet et prêt à servir. Cette courbure a pour but de permettre à l’eau de frapper obliquement sur le leurre et de le faire ainsi pirouetter sur lui-même.


LIGNE


Tout le monde sait ce qu’est une ligne à pêcher ; et cependant, le nom est étendu, tantôt à l’appareil tout entier qui se compose de la canne et de la ligne proprement dite, tantôt il est employé pour désigner des cordées, ou autre engin de fond en mer et en rivière.

La ligne, dans l’acception à laquelle nous devons restreindre ce mot, est un fil plus ou moins fin auquel on attache l’hameçon ou les hameçons. Qu’elle soit fixée par une extrémité à une canne, un grelot, une bouée, qu’elle soit tenue à la main, ou abandonnée dans l’eau, elle a toujours la même signification.

Quant à la confection des lignes diverses, nous devons renvoyer aux articles spéciaux qui traitent la manière de les faire, de les approprier à chaque pêche, et d’en reconnaître les défauts et les qualités. (Voy. Canne à pêche, Confection et choix, Canne fixe, Canne pour la pêche en mer, etc)

LIGNE À BROCHET

Si la voracité du brochet le rend facile à prendre à la ligne, d’un autre côté, l’armure de ses mâchoires et la dimension souvent respectable de sa personne exigent des engins d’une forme et d’une nature particulières. Tous les poissons ont la faculté de rejeter un aliment qu’ils viennent de prendre, et cette faculté semble chez eux être en proportion de leur voracité : il devait en être ainsi puisque les plus gloutons sont exposés le plus souvent à se tromper, et à ingérer dans leur estomac une foule de substances tout à fait inassimilables.


Fig. 101. 102 — Bricoles diverses.


Fig. 103. — Avancée et ligne à brochet.


Fig. 104. — Empile de chanvre noué, mais non tordu.

Le brochet, le chevesne rejettent ce qu’ils viennent d’avaler à la moindre tension suspecte ; au contact de la ligne, tout est dehors, hameçon et appât, et comme leur gueule, leur œsophage sont très larges, il y a beaucoup de chances que l’hameçon ressorte sans avoir rien attrapé de sa pointe. Aussi double-t-on et triple-t-on les chances en doublant et triplant les pointes, c’est-à-dire en employant les bricoles (fig. 101, 102) et les grappins. Ainsi donc, toute ligne à brochet (fig. 103) sera terminée par un grappin ou une bricole au moins, A, solidement empilée, par une ligature de soie poissée, sur une empile de corde filée B d’au moins 0m,15 de longueur. Car, quand le brochet a englouti le poisson vif dans son large estomac, sa bouche est garnie d’un tel luxe de dents, qu’en refermant ses mâchoires, il couperait d’un seul coup la florence la plus forte et la mieux choisie. Plus elle sera grosse mieux il la coupera ; deux ou trois très fines et non cordées lui résisteraient mieux, parce qu’elles peuvent passer entre ses dents ; mais ce qui lui résiste bien, quand on n’a pas de corde filée ou de fil d’archal, c’est tout simplement une empile de chanvre comme pour l’anguille (fig. 104).

Quand on n’a pas de corde filée on se sert de la méthode que nous avons indiquée au mot bricole. L’autre extrémité de l’empile sera montée par une bonne boucle garnie de soie poissée, à l’anneau mobile d’un émérillon C (fig. 103) ; on fixera l’anneau qui ne s’ouvre pas à l’extrémité de la ligne elle-même, et de cette manière l’empile sera libre quand on aura besoin de la faire passer, au moyen de l’aiguille à enferrer (fig. 106), dans le corps du poisson vif.

Quant au corps de ligne proprement dit (fig. 105), on comprend qu’il doit être solide ; aussi le fait-on en fort cordonnet de soie bien dévrillée, peint et verni comme nous l’avons indiqué. En général, on prend ce cordonnet plus fort que moins, et de la grosseur d’une petite paille de blé (fig. 105), car il n’est pas besoin de dissimuler bien adroitement le piège à un poisson plus gourmand que fin, et qui, confiant dans sa force brutale, ne s’occupe pas de savoir si, à de certains cordons, la bête qu’il convoite se tient par la patte.


Fig. 105. — Corps de ligne en cordonnet de soie verni.


Fig. 106. — Aiguille à enferrer.

On peut faire la ligne en cordonnet de lin ou de chanvre, mais celui-ci est moins fort, à grosseur égale, comme nous le savons, et dure moins longtemps, parce qu’il pourrit très aisément. Dans tous les cas, ce n’est point un mal de terminer la ligne, avant l’émérillon, par une avancée d’un mètre, au moins, de sorte florence tordue en deux ou trois brins. Excès de précaution, à la pêche, ne nuit pas souvent.


Fig. 107. — Fort moulinet pour grosses lignes à Brochet.
Il est utile encore d’avoir à sa canne un bon moulinet (fig. 107), car s’il ne se défend pas longtemps, le brochet a un premier mouvement de rage qui n’est pas sans mérite. On n’oubliera pas non plus une forte épuisette. Quelque solidement monté qu’il soit, rien n’assure le pêcheur qu’il accrochera le brochet par l’estomac ; mais dans tous les cas, plus il se servira de bricoles minces, plus il aura de chances de prise, plus il y aura nécessité d’intervention de l’épuisette.

Nous arrivons à la flotte. Le brochet se tient à mi-hauteur de l’eau ; il veut pouvoir surveiller le dessus et le dessous, et tenir le tout à sa portée : la flotte sera donc placée de manière à assurer au poisson vif une position intermédiaire. Or, cette flotte a beaucoup de choses à porter, et devra nécessairement être sorte, car elle soutiendra le grappin et sa monture métallique, l’émérillon, assez de plomb pour que le poisson vif ne puisse remonter à la surface de l’eau. Il faut donc ne pas craindre de la choisir solide, et celles qu’on emploie sont de la grosseur d’une poire moyenne (fig. 108), afin qu’elles résistent bien aux mouvements de traction du poisson-appât.

Nous avons vu, à l’article Canne, que la demeure du brochet était loin du bord, et qu’il fallait y envoyer facilement l’amorce ; une assez grande longueur de la ligne trempera donc dans l’eau, et, faisant bannière renversée entre la flotte et le scion, elle forcera, par son poids, celui-ci à se rapprocher peu à peu de celui-là : enfin, en s’enfonçant de plus en plus dans l’eau, elle s’arrêtera aux herbes, aux racines, et pourra compromettre le succès de la pêche ; il faut remédier à cela, et soutenir toute cette bannière hors de l’eau. On y parvient en chargeant la ligne de deux ou trois petites flottes supplémentaires, grosses comme des olives (fig. 109), et qu’on appelle postillons ; on les place en arrière de la flotte principale et on les distance de manière à partager approximativement, en parties égales, l’espace que l’on suppose devoir exister entre la flotte et la rive.


Fig. 108. — Flotte à Brochet.


Fig. 109. — Postillons sur la ligne.


Fig. 110. — Le pliant du pêcheur à la ligne dormante.

Quand on tend plusieurs lignes à brochet — ce qui est la meilleure manière de faire une bonne pêche, car ce poisson est relativement plus rare que les autres dans les rivières où il habite — il arrive que ne pouvant les surveiller sans relâche, le poisson vif qui nage sans cesse et sent ce que sa position a de hasardé, cherche à s’introduire entre les herbes et les joncs : il n’aime pas à rester en vue. Il réussit presque toujours à se cacher, et en même temps, à emmêler la ligne de façon que souvent le pêcheur perd tout à la fois. Pour éviter cela, on peut disposer sa ligne de la manière suivante : il faut se munir de baguettes très légères d’osier, de coudrier ou de tremble dont on fendra le petit bout ; ces baguettes auront 2 ou 3 mètres de long et serviront tout simplement à éloigner la flotte du rivage. La ligne, maintenue ainsi par la fente de la baguette, n’aura plus qu’un mouvement très restreint de rotation à laisser faire au poisson vif, et l’autre extrémité, celle qui vient à terre, pourra être attachée à une branche flexible, à un grelot ou à une bobine qui amortira les bonds du poisson pris, et empêchera que le tout ne puisse être brisé.

Malheureusement, les baguettes piquées dans la rive sont bien courtes pour la majeure partie des rivières, où la pêche au brochet se fait par-dessus des masses énormes de joncs et de roseaux ; il faudrait les allonger jusqu’à en faire de véritables cannes à pêche, et c’est le moyen le plus sûr dans la majeure partie des endroits. On se construit trois ou quatre bonnes et solides cannes en roseau que l’on tend l’une à côté de l’autre et que l’on peut surveiller d’un coup d’œil ; on a un pliant (fig. 110), et l’on attend que la chance soit favorable.


GROSSEUR DES APPÂTS VIFS


C’est ici le lieu de dire un mot de la grosseur des poissons qui servent d’appât au brochet ; dans quelque lieu que l’on pêche ce poisson, il faut bien se souvenir que si un petit brochet n’attaque pas un gros poisson-appât, en revanche, un gros brochet ramasse tout ce qu’il rencontre, et ne dédaigne pas du tout une proie assurée qui semble de trop petite taille pour son appétit. Par conséquent, on doit pêcher, en général, au brochet de grosseur moyenne, et choisir le poisson vif en proportion : un appât de 0m,10 à 0m,12 de longueur est déjà capable de servir de pâture à un brochet d’une belle corpulence.

Quoique glouton ou peut être gourmet ; le brochet en est un exemple : il aime à varier son ordinaire, mais sans cependant faire de trop grands écarts de régime. Dans les étangs où il vit avec des carpes, on peut lui en donner : il en sait la valeur, et elles ont pour le pêcheur l’avantage de vivre longtemps, mais il ne dédaignera pas le goujon ni même le gardon.

Dans les rivières à cours lent et profond, à bords herbeux, eaux où il pullule et se plaît, il mangera volontiers le gardon, mais toujours et surtout le goujon, aussi le petit chevesne, le dard, et toujours le pauvre véron qui lui semble une friandise, un entremets sans conséquence, mais dont il goûte toute la délicatesse.

L’ablette sert, à défaut de mets plus délicat ; la grenouille qu’on laisse aller à la fleur d’eau, sans plomb, un petit oiseau nouvellement éclos… tout lui est bon : les petites lamproies, les sangsues… le simple ver rouge, qu’il attaque quelquefois ! La perchette sert encore, mais il faut lui couper les aiguillons du dos, et il paraît que maître brochet y voit assez clair pour s’assurer que ce hérisson a fait dos de velours… — ce qui me semble bien difficile, vu la rapidité avec laquelle il s’élance. — Mais enfin, c’est un article de foi chez le pêcheur, je le donne pour ce qu’il vaut !


LIGNE À GRELOTS


La ligne à mettre aux grelots est la même que celle à soutenir à la main ; elle se fait en fouet de lin (fig. 111) ou en cordonnet de soie (fig. 112) ; sa grosseur et sa longueur sont proportionnées à la grosseur du poisson qu’on espère prendre, et à la largeur du cours d’eau où l’on veut pêcher. Le cordonnet de soie étant plus fin pour une égale force est préférable, parce que la ligne, étant fine, offre moins de résistance au courant, s’il y en a où l’on pêche, ce qui aurait pour action de la ramener au bord.



Fig. 111. — Fouet de lin. Grosseur à choisir.


Fig. 113. — Avancée de la ligne à soutenir, passant dans l’olive de plomb.


Fig. 112. — Cordonnet de soie.

Il faut que le plomb se maintienne au courant et que la ligne en reçoive la plus petite action possible obliquement.

Enfin, la ligne de soie, quoique plus chère, dure beaucoup moins longtemps que la ligne de lin. De plus, il faudra toujours faire subir à ces lignes de soie l’opération du vernissage au gras qui leur donne, en même temps que l’inaltérabilité à l’eau, une certaine raideur très avantageuse pour le glissement du plomb, etc.


Fig. 114. — Bouchon carré et ligne pour la pêche dans les pelotes.

Souvent, au lieu d’employer au grelot une ligne à soutenir (fig. 113), on remplace l’olive de plomb par le bouchon carré long (fig. 114), mobile qui sert à la pêche dans les pelotes et qui s’arrête à 0m,05 de l’hameçon sur un petit plomb à demeure. On pêche alors avec des pelotes de terre glaise, et c’est la pêche la plus fructueuse pour le grelot.

CONFECTION DES GRELOTS


Le nom du grelot a été étendu à l’appareil lui-même auquel cet instrument est attaché, de sorte qu’on entend par ce mot, en langage de pêcheur, non seulement le petit instrument qui avertit, mais l’espèce d’engin qui le porte, et même souvent la ligne et le système de pêche qui en dérivent.

Dans cet article nous ne nous occuperons que de la confection de l’engin lui-même, car cette pêche n’offrant d’avantage qu’à la condition d’employer simultanément le plus de grelots possible, le pêcheur éloigné des villes sera content de pouvoir, à peu de frais, construire ses grelots lui-même.


Fig. 115. — Grelot ordinaire à bobine.
Le premier système est très simple. Il se compose d’un manche B (fig. 115), de 0m,12 à 0m,15 de longueur, sur un diamètre moyen de 0m,03. Ces manches, qui ressemblent à de grandes bobines, et pourraient très bien être remplacés par elles, dans les villes où l’on peut s’en procurer, seront faits par un tourneur qui en exécutera une douzaine dans une branche de hêtre, de frêne ou de houx. À l’un et l’autre bout on fait mettre, sur le tour, une virole en cuivre ou en fer, suivant ce qu’on trouve, puis, dans l’un des trous, on enfonce un morceau de gros fil de fer non recuit, de 0m,004 de diamètre, que l’on aplatit à la lime en B, en lui laissant, au dehors, une longueur moyenne de 0m,15, ce qui suppose qu’on l’aurait coupé à 0m,20.

À l’autre extrémité de la poignée, on perce un trou sur le tour, puis on y introduit un bout de baleine de 0m,20 de longueur bien effilé et flexible ; vers l’extrémité, on fixe un petit grelot, par une ligature qui retient un petit anneau de métal passant dans le trou de la queue, et la confection du grelot est terminée. Il ne reste plus qu’à peindre à l’huile et bien vernir le manche et le grelot. Avec une douzaine de ces engins on peut espérer une bonne pêche.

Il faut, avec un tel pied de grelot, monter et démonter la ligne pour la serrer et la plier à chaque fois que l’on s’en sert. On a cherché à remédier à cette perte de temps en construisant le grand grelot C (fig. 116).

Il peut être fabriqué à aussi peu de frais que le premier B (fig. 115). Le pied est le même, le manche est pareil : seulement, au lieu d’une baleine de 0m,20 à 0m,25, on en monte sur la bobine une plus forte, de 0m,60 à 0m,80.

On effile parfaitement l’extrémité seule, car il faut que le corps de la baleine conserve une certaine rigidité. On attache alors, à la base de la baleine, une petite pièce de bois formant un cran saillant, et retenue par deux ligatures solides. À l’extrémité de la baleine, on fixe le grelot d’une manière solide, et quand on a fini de pêcher on plie la ligne en la passant par la queue du grelot et par le cran de bois attaché près de la bobine.

Il est bon de tordre le dernier tiers de la ligne autour du faisceau formé par les tours de la ligne, car si l’un d’eux s’échappe du paquet il faut démêler le tout, ce qui produit un travail long et fastidieux.


Fig. 116. — Grand grelot pour ployer la ligne.


Fig. 117. — Petit grelot à manche rond.


Fig. 118. — Grelot horizontal.Fig. 119. — Grelot vertical.

On peut encore (fig. 117) construire les grelots A en leur faisant un manche rond, garni de ses viroles, et ne lui donnant pas cette forme de bobine ou de poignée qui ne sert à rien qu’à empêcher de lier facilement ensemble le faisceau de ces instruments, et n’aide ni la pêche ni l’effort nécessaire pour enfoncer le picot dans la terre. Le manche peut être en noyer, ou mieux, en hêtre verni et peint ; il est monté sur le tour de ses deux viroles en cuivre. Le picot peut avoir seulement 0m,12, s’il est fait en fer de lance, ce qui lui donne beaucoup plus d’assiette dans la terre.

Le grelot est attaché à une baleine de 0m,25, un peu raide, et la ligne se fixe au bas de la poignée, sur le fer, puis elle est pelotonnée sur la poignée, à l’extrémité de laquelle on forme une demi-clef qui l’arrête.

Enfin, le meilleur des grelots est représenté par les figures 118 et 119 ; malheureusement, il est embarrassant à transporter, et plus difficile à construire que les autres, sans cependant que la plus petite ville ne puisse offrir tout ce qu’il faut pour le faire parfaitement.

Un pivot de fer est enfermé dans un manche en bois muni de sa virole en bas : ce manche est une sorte de piquet qui porte à sa partie supérieure une fiche en fil de fer de 0m,004 de diamètre, traversant la poulie horizontale et lui servant d’axe. Le piquet est terminé en haut par une surface bien plane, sur laquelle tourne la poulie, laquelle porte en dessous un petit clou qui butte sur un ressort fixé par deux vis, au piquet, lequel ressort porte le grelot à son extrémité.

La ligne est enroulée dans la gorge de la poulie, et quand, par l’attaque d’un poisson, elle se dévide, elle ne peut pas faire exécuter un tour à la poulie sans frapper du clou le ressort et faire tinter le grelot. On pourrait simplifier le transport de cet engin en plaçant une tête à vis sur l’axe de fer, tête qui, en se dévissant, permettrait de détacher du piquet, la poulie garnie de la ligne roulée, et ainsi très facilement ployée.

La figure 185 montre la disposition verticale de la poulie d’un grelot confectionné d’après le même système. Nous préférons cette dernière disposition au moyen de laquelle la ligne court beaucoup moins le risque de s’échapper de la gorge de la poulie et de tomber sur le ressort à grelot où elle se mêlerait infailliblement.


LIGNES DE FOND


La ligne de fond varie dans sa forme et sa longueur depuis plusieurs kilomètres en mer, jusqu’à quelques mètres en rivière. On donne même, par extension, le nom de ligne de fond à la ligne à soutenir à la balle, parce qu’elle sert à pêcher seulement les poissons de fond.

Nous avons expliqué, à l’article câblières, grandes et petites, comment ces lignes s’établissaient et se mettaient à l’eau ; nous ne consignerons ici que des observations générales. Les lignes, en mer, sont destinées à reposer sur des fonds qui contiennent souvent de véritables prairies sous-marines d’une assez grande épaisseur. Si les empiles des hameçons étaient courtes, la ligne et les empiles seraient cachées par les algues et les fucus au milieu desquels peu de poissons pourraient les rencontrer. Aussi, les pêcheurs ont-ils soin de mettre à chaque hameçon des empiles qui ont jusqu’à 3 mètres de long.

Il s’agit d’empêcher ces empiles d’être cachées dans les herbes ; on emploie un moyen des plus simples (fig. 120), mais en même temps des plus ingénieux. À 0m,30 de l’hameçon, on met un petit morceau de liège de forme à peu près cubique, d’environ 0m,02 de côté. Ce morceau de liège, tendant à remonter, soulève l’empile et ne laisse pendre que l’hameçon, soit au-dessus du lit des herbes soit parmi leurs cimes les plus élevées, où le poisson chasse et se nourrit.



Fig. 120. — Empiles à corcerons, sur câblières.


Fig. 121. — Ligne de fond pour l’eau douce.


Fig. 122.


Fig. 123. — Plombs de différentes grosseurs pour lignes de fond.

Cette disposition pourra être imitée quand on voudra tendre des cordées ou lignes de fond dans les rivières profondes, herbeuses ou vaseuses et à courant faible ; elle rendra ainsi d’excellents services.

Les lignes de fond se composent donc d’une corde ou cordeau dont la grosseur varie mais devra toujours être proportionnée à la longueur totale de la ligne, aux obstacles qu’on peut rencontrer en la retirant, et au genre de poisson que l’on espère prendre. On choisit (fig. 121), pour les cordées ou traînées ordinaires à tendre en eau douce, un fil de fouet gros comme une bonne plume d’oie ; on le dévrille avec soin dans l’eau, et on en débite des morceaux de 50 mètres, environ. Quand on se sert d’un bateau pour tendre ses lignes, on attache, au fur et à mesure, ces morceaux les uns aux autres, et, de cette manière, on compose une ligne de fond aussi longue qu’on la veut.

On a, dans son bateau, les hameçons tout eschés ; il ne reste qu’à les attacher sur la ligne, au moyen d’un tour, et d’une demi-clef, à mesure que la ligne est débitée et mise à l’eau. On a soin également qu’il y ait entre les points d’attache de deux empiles consécutives, un peu plus de distance que la longueur des deux empiles réunies, afin que les hameçons ne puissent se prendre et se mêler l’un à l’autre.

On espace des pierres (fig. 122) en suffisante quantité pour faire caler la ligne ; quand on veut un peu plus de luxe — luxe non inutile, car la ligne se prend beaucoup moins entre les pierres et les herbes — on y enfile, de place en place, des balles de plomb oblongues, analogues à celles qui garnissent les filets (fig. 123).


Fig. 124. — Ligne de fond oblique au courant de l’eau.
Dans tous les cas, les cordes doivent être tendues dans le sens du courant A, mais un peu obliquement (DB), à sa direction (fig. 124). On jette souvent des lignes de fond de la rive ; elles se nomment fréquemment Jeux d’anguille, parce qu’elles servent surtout à prendre ces poissons. Nous renvoyons au mot Jeux, pour en avoir la confection ; elle est absolument la même, et ces cordes se jettent en avant de soi, en travers du cours de la rivière.


JEUX D’ANGUILLE


Tous les hameçons des lignes de fond sont ordinairement empilés sur fil de fouet très fin (fig. 125) ; il vaudrait mieux qu’ils le fussent sur cordelette de crin tordue en six, huit ou douze brins au plus (fig. 126) ; les empiles ne se tourmentent pas comme celles en ficelle, qui se nouent, se mêlent, et finissent par se prendre dans les herbes et entre les pierres.


Fig. 125. — Fil de fouet pour empiler les hameçons des lignes de fond.


Fig. 126. — Ligne en 6 brins de crin pour empilage des hameçons de fond.

On évitera également les hameçons à boucles, trop grossiers pour ne pas être rejetés par les poissons. Il faut laisser cela aux pêcheurs de la campagne, qui n’en ont jamais vu d’autres, et qui ne peuvent nous servir ni de modèles ni de guides.

Quand on a mis sa traînée à l’eau, au moyen du bateau, on fait une marque au moyen d’une balise ou d’une bouée pour retrouver sa première pierre, que l’on cherche au moyen d’une gaffe à crochet ou d’un grappin, et l’on relève doucement le tout de grand matin.

Il existe encore une ligne de fond très simple et que nous ne devons pas passer sous silence, car elle produit de bonnes récoltes quand on sait la placer à propos, près des berges creuses, des crônes ou des endroits marécageux.

Cette ligne se compose d’une corde de 4 à 10 mètres de longueur, portant à son extrémité une pierre ou un plomb capable de la faire caler, puis, un peu au-dessus, un hameçon plus ou moins fort, empilé, suivant l’espèce de poisson que l’on veut prendre, sur une florence forte, du crin tordu, de la corde filée ou du fil de laiton recuit, etc. On esche au moyen d’un gros ver rouge ou d’un petit poisson, véron ou autre. On attache la seconde extrémité de la ligne à un piquet que l’on enfonce, le soir, au bord de l’eau, ou même dans l’eau : on jette la pierre en face, et on va lever de grand matin.

Ces lignes de fond diffèrent des jeux, lesquels ont plusieurs hameçons, et le plomb placé d’une autre manière. Comme on prend souvent des anguilles, de grosses truites, des brochets, des carpes, etc., quand un gros poisson est accroché et se débat toute la nuit, il entortillerait les autres hameçons — si l’on en mettait plusieurs — autour des herbes, des racines ou des pierres ; et le lendemain, le pêcheur serait incapable de rien retirer de la rivière : heureux encore si, après ce beau chef-d’œuvre achevé, le poisson n’aurait pas fini par se décrocher à l’aide de cette résistance, ne laissant à l’homme que la perte de sa ligne et le regret d’une belle capture manquée.


Fig. 127. — Ligne de fond, d’hiver.

Quoique nous ne décrivions ordinairement que les pêches et les engins usités en notre pays, nous ne pouvons résister au désir d’apprendre à nos compatriotes que l’on emploie, chez nos voisins, des modes de pêche à la ligne de fond dont ils pourraient et devraient tirer parti. Ce système, que nous avons vu mettre en usage aux États-Unis, peut rendre les meilleurs services dans les grands étangs d’eau douce ou saumâtre que nous possédons sur notre sol, et serait certainement employé avec succès sur de nombreux points du littoral du golfe Saint-Laurent, où la marée se fait fermement sentir, soit en mettant ces engins tels quels dans les endroits dormants et tranquilles, soit en en modifiant les dispositions ou la direction, suivant les exigences de l’endroit.

Première manière. — En automne : août, septembre, octobre. La ligne de fond se tend de la manière indiquée par la figure 127. À l’extrémité de la ligne se met une forte pierre qui la retient au fond de l’eau, par 3 à 4 brasses de profondeur, car les poissons se prennent, en moyenne, à 3 brasses sous l’eau. Cette grosse pierre ou câblière maintient une ligne qu’amène un flotteur à cinq pieds sous l’eau. Cette précaution est nécessitée pour que les bateaux circulant n’entraînent pas la ligne. Ils voient parfaitement les lièges ou bouées supérieures, qui sont espacés de 50 mètres à peu près.
Fig. 128. — Bricole ordinaire.
Les empiles sont espacées entre elles de 6 en 6 mètres, et l’on en met 10 entre deux flotteurs.

Les hameçons que l’on emploie sont des bricoles (fig. 128), et on les passe sous la dorsale des petits poissons vifs, ou en plein quartier d’une forte esche avec lesquels on amorce exclusivement, car la principale capture cherchée est celle du gros poisson. Ce sont des pêches de grand fond.


Fig. 129. — Ligne de fond, de printemps.
Deuxième manière. — Printemps : mars, avril et mai. Ici, la ligne de fond ou ligne dormante, comme ils l’appellent, est tendue droite, de manière que les hameçons se trouvent sur une seule ligne ; mais les fils qui soutiennent la ligne entre deux eaux n’ont que cinq à six pieds. Deux grosses câblières frappées à chaque extrémité de la ligne la retiennent en place.

À cette époque de l’année on n’emploie plus les bricoles, mais des hameçons simples que l’on enfile, de même, suivant la nature des esches.


Fig. 130. — Ligne de fond pour la pêche d’été (ligne dormante).

Troisième manière. — Été : mai, juin, juillet. La ligne de fond prend le nom de ligne dormante : elle n’est plus tendue entre deux eaux, elle porte au fond par ses câblières, mais est soutenue à une hauteur suffisante par elles, pour que les amorces seules touchent le fond et que les empiles n’y traînent point. À cette époque de l’année, on n’emploie plus que des hameçons simples et toujours le poisson vif ou des quartiers d’oiseau ou des grenouilles comme amorce. Les empiles sont espacées de 6 en 6 pieds et l’on prend ainsi les plus fortes pièces.


LIGNE À LA MAIN — LIGNE À SOUTENIR


Le corps de la ligne pour la pêche à soutenir doit être en solide fil de soie ou de lin (fig. 131) soigneusement dévrillé, peint et verni ; à l’extrémité sera placée une avancée de 1m,50 de très forte florence ou de plusieurs margotins de deux florences moyennes bien tordues.

On munit la ligne d’un limerick renforcé à palette, no 1, au printemps, pour le ver rouge ; 2 ou 3 en été, pour le fromage de Gruyère ; et 0 à l’automne, pour la viande crue ou cuite, et la cervelle.


Fig. 131. — Ligne à soutenir.


Fig. 132. — Petite plombée en cloche.

Cette pêche étant une pêche de fond, nécessite l’emploi d’une plombée à la ligne, afin de retenir sur le sol de la rivière l’hameçon et l’appât qu’il porte. On peut employer pour plomber la ligne plusieurs manières qui toutes ont leurs avantages et leurs inconvénients.

Quand on se sert d’une ligne de soie sans avancée, on plie la ligne sur elle-même, et l’on y pratique par un nœud ordinaire une boucle de 30 à 40 millimètres de distance de l’hameçon. La plombée est d’une forme quelconque et porte une petite anse de fil de fer. La meilleure forme est celle dite en cloche (fig. 132), dont l’assiette est la plus ferme dans l’eau. On passe la boucle de la ligne dans l’anse du fil de fer, on ouvre la boucle quand elle est assez engagée, et l’on y fait passer le corps même de la plombée, on tire, et l’anse de la plombée se trouve prise dans un nœud coulant que l’on défait à volonté. En refaisant cette manœuvre en sens inverse, on a ainsi fixé d’une manière indissoluble le plomb à la ligne, ce qui est une très mauvaise manière, car on détruit ainsi toute la sensibilité de la ligne, et pour ferrer il faut que le coup porte sur la plombée avant d’arriver au poisson. On a ainsi un choc terrible qui peut briser la ligne ou déchirer la gueule du poisson, ce qu’il me semble à peu près impossible d’éviter. Joignez à cela que la plombée est très saillante et peut tomber ou s’engager entre deux pierres d’où il n’est plus possible de ferrer le poisson ni de la retirer.


On a proposé un autre système : la plombée porte une anse de florence (fig. 133) ou de laiton dans laquelle passe une S de fil de cuivre recuit (fig. 134). On met à demeure un grain de plomb fendu sur la ligne, à 50 millimètres de l’hameçon, et l’S en cuivre s’arrête sur ce plomb qu’elle ne peut dépasser. Quand on lance la ligne, la plombée l’entraîne, mais quand tout est descendu au fond de l’eau, en rendant un peu la main, le fil ou la florence passe dans le coulant D (fig. 134), et la ligne libre, quoique retenue au fond de l’eau, conserve ainsi une grande sensibilité, puisque l’attaque du poisson se fait sentir sans interruption tout le long du fil ; de plus, quand on ferre, il n’y a pas de choc à craindre, puisqu’il existe assez d’espace, entre le plomb à demeure et le coulant de la plombée, pour qu’il n’y ait pas choc de l’un ni de l’autre.



Fig. 133. — Plombée à anse de florence et à coulant.


Fig. 134. — S en laiton (gr. nat.).


Fig. 135. — Balles oblongues percées.

On peut encore perfectionner ce système en ne se servant pas d’une plombée à coulant, dont l’S peut s’ouvrir toute seule, en tirant avec la ligne quand celle-ci est arrêtée entre les pierres. Il suffit d’enfiler sur la ligne une balle oblongue percée comme celles qui servent à lester les filets (fig. 135). On fixe également à demeure sur la ligne un petit plomb fendu, afin d’arrêter la balle, et l’on agit de même que tout à l’heure — avec la plombée à coulant (fig. 133), en rendant un peu la main quand la balle est au fond, de manière que la ligne soit libre dans son mouvement, quoique retenue au fonds par le poids du plomb.

LIGNES DE FOND — GRANDES CABLIÈRES


La pêche aux grandes câblières, pêche qui prend aussi le nom de pêche aux bauffes, dormante ou sédentaire, se fait de différentes manières, suivant le fond et la rigueur de la mer.

L’engin principal est une vraie et pure ligne de plomb (fig. 136), composée :

1o D’une bauffe ou maîtresse corde, AMB, d’une longueur indéterminée, et d’une force suffisante pour résister aux coups de mer, et à la
Fig. 136. — Grande Câblière, tendue.
traction des poissons qui agissent, sans intermédiaire sur cette corde attachée à deux points fixes. Ordinairement, elle se fait en corde de chanvre bien dévrillée et tannée avec soin, de la grosseur de la figure 137 ;
Fig. 137. — Corde de fond.

2o De deux fortes pierres A, B, ou câblières, servant à faire caler la ligne (fig. 136) ;

3o D’hameçons empilés s, o, q, r, et attachés par l’empile sur la bauffe avec un écartement de 1 m. 50 à 2 mètres ;

4o De petites pierres ou câblières m, n, u, pour bien équilibrer la ligne sur le sable ;

5o Quelquefois de corcerons C, D, destinés, au contraire, à l’alléger pour qu’elle ne se perde pas dans la vase ou les herbes, suivant la manière de la tendre.

Cette manière est différente, suivant les cas : ou bien l’on creuse à la bêche, dans le sable, un sillon dans lequel on couche la bauffe tout du long, ou bien on la recouvre de sable, et les hameçons amarrés sortent seuls avec une partie de l’empile ; ou bien, on laisse la bauffe à demeure sur le sable, comptant sur le poids des câblières pour que la mer n’emporte pas le tout.

L’inclinaison de la grève fait surtout varier le mode de tendre sur ou sous le sable ; le nombre et la grosseur des galets aide encore à déterminer quel mode doit être adopté.

Dans le golfe Saint-Laurent comme dans l’Océan, on tend également ces lignes à une certaine distance des côtes, mais alors en pleine eau. Ordinairement, ces bauffes-là ont de 50 à 60 mètres de longueur, et la corde est de la grosseur de la figure 138. La figure 136 donne une idée très exacte de cette ligne de fond. Les pêcheurs emportent leurs engins dans une barque et s’éloignent du rivage, en se portant au-dessus du fond ou du banc où ils veulent pêcher. Ils commencent par laisser couler doucement la grosse câblière B, et, à mesure, les empiles qui sont espacées de 4 mètres sur la bauffe, celle-ci étant lovée dans un panier ; les empiles restent en dehors, les hameçons sur les bords. On dévide doucement, en nageant, et les hameçons tout amorcés gagnent le fond de l’eau.


Fig. 138. — Bauffe de fond.


Fig. 139. — Bouée.

De temps en temps, sur la bauffe MN, on attache de petites câblières m, n, u ; enfin, quand toute la corde est à l’eau, on attache à la câblière A un orin muni de sa bouée (fig. 139), on laisse couler, et la corde du fond se trouve tendue.

Quand on veut relever cette ligne, on saisit la bouée, et, au moyen de l’orin, on retire la câblière A, puis, successivement, toute la corde que l’on roule à mesure dans son panier, laissant les hameçons empilés au dehors, afin que tout ne s’emmêle pas. On décroche le poisson, au fur et à mesure qu’il se présente. On arrive à la seconde grosse câblière B ; on la remet à l’eau ; on réamorce les hameçons dépouillés, et l’on recommence la pêche de la même manière.

Il est bon de calculer le nombre de lignes semblables que l’on met à la mer, à une petite distance les unes des autres, afin que, pendant qu’on les relève, il y ait assez de temps pour laisser arriver le poisson, et que la pêche soit fructueuse. Il faut que la ligne séjourne au fond de l’eau durant 2 à 3 heures. Si le pêcheur se décide pour ce dernier chiffre, et qu’il faille une demi-heure pour relever et remettre chaque ligne à l’eau, avec 6 de ces engins, ses hommes seront constamment occupés, et en relevant ces lignes à tour de rôle, et dans leur ordre d’immersion, elles auront toutes passé le même temps nécessaire à la mer.

Dans le nord, la maîtresse corde ou bauffe des lignes de fond a environ 1 centimètre de diamètre (fig. 138) ; elle est tordue avec soin et tannée fortement, ainsi que les empiles. On lui donne en moyenne 500 mètres de long, et elle porte 100 hameçons. Les empiles ont 2 mètres de long ; et sont faites en cordelettes de la grosseur d’une forte paille de froment, elles sont munies d’hameçons en fer forgé de 8 centimètres de long et gros à proportion. C’est avec cela que l’on prend les congres, les lingues, les turbots, les morues, les raies, etc. Les pêcheurs de profession préfèrent ces hameçons de fer étamés, très grossiers et très peu aigus, parce qu’ils plient et ne rompent pas sur les rochers et les autres obstacles. S’ils sont tordus, on les remet en forme, on leur donne un coup de lime sur la pointe, et ils sont comme neufs.

Il nous semble hors de doute cependant que s’ils se servaient d’hameçons plus petits et plus solides comme acier et mieux faits, quoique cassants, ils prendraient assez de poissons de plus pour être indemnisés de cette petite dépense ; mais la routine est là, et personne ne veut essayer.

Que de progrès à faire, en tout ce qui est pêche de mer comme profession ! et quelle fortune à réaliser pour celui qui osera une révolution en harmonie avec les progrès de la fabrication actuelle !

Les lignes de fond sont lovées ou roulées en cercle, deux par deux, dans un panier fait exprès, et quelques bateaux pêcheurs emportent jusqu’à quarante de ces paniers, les empiles sont ployées en deux et les hameçons attachés par une espèce de nœud coulant à environ 10 millimètres de la bauffe afin que les empiles ainsi ployées en deux ne se mêlent pas. Quand elles sont amorcés on les place en rond sur le bord du panier, et on les jette successivement à la mer pendant que le bateau marche bon vent et assez vite pour bien tendre la corde.

L’expression ligne de fond doit s’entendre de trois sortes de pêches, qui sont : la pêche à soutenir, la pêche aux jeux et la pêche aux cordées en mer et en rivières. Chacune de ces pêches a été traitée à part avec tous les développements qu’elle comporte. (Voy. Confection des lignes de fond.)


LIGNE DORMANTE


Nous référons le lecteur au chapitre qui traite de la Canne fixe.

LIGNE FERME (Pêche à la)


On appelle pêcher à ligne ferme, quand on a, sur sa canne, un moulinet dont la bobine est arrêtée par un cliquet ou un mécanisme glissant de côté qui fixe la ligne de façon qu’on ferre avec une ligne fixe, ferme, non extensible, et qu’on rend libre seulement quand l’animal est fatigué et qu’il faut le noyer. Le mécanisme du déclic à bascule (fig. 140) est préférable, parce qu’il est bien plus facile et plus prompt de presser sur un ressort que d’ouvrir un verrou (fig. 141).


Fig. 140. — Moulinet simple à déclic à bascule.


Fig. 141. — Moulinet simple, à verrou.

Il est, en général, plus favorable de pêcher à la ligne flottante.


LIGNE FILANTE (Pêche à la)


On pêche à la ligne filante quand on se sert d’un moulinet ouvert, libre, et sans entrave ni déclic ; le plus simple système est le meilleur dans ce cas, et une simple bobine montée sur du fer-blanc, comme nous l’avons indiqué au mot Moulinet, suffit amplement à cette affaire. Rien ne doit s’opposer à la liberté du moulinet et au passage de la ligne dans les anneaux de la canne. En effet, l’attaque du poisson est tellement instantanée, la force qu’il déploie pour fuir est si intense que pour peu qu’il offre un certain poids qui décuple la puissance de ses mouvements, tout sera brisé avant que le pêcheur ait pu rendre la liberté à sa mécanique.

Cependant il faut un léger arrêt sur le fil pour que le poisson, heurtant à un
Fig. 142. — Moulinet libre et à déclic.
obstacle, fasse entrer l’hameçon assez fortement ; ce petit obstacle c’est le pouce de la main gauche ou de la droite mis sur le fil du moulinet ouvert.

Au moment de ferrer, la résistance minime qui se produit suffit pour assurer l’efficacité du mouvement si le poisson est fort, et en soulevant si peu qu’on veut le doigt de dessus la ligne, on rend à celle-ci la liberté entière ou limitée dont elle a besoin.

Tous les avantages de la ligne filante sont au reste condensés par l’usage du moulinet libre et à déclic (fig. 141).

LIGNE POUR LA PÊCHE AU LANCER


L’observation la plus superficielle permis à tous les pêcheurs de constater que la truite et les autres poissons de surface s’emparent avidement de tous les insectes qui approchent de la superficie des eaux. De là est venue l’idée de garnir son hameçon d’un insecte et de le laisser tomber sur l’eau… d’où est venue la pêche à la mouche naturelle volante, à la surprise… mais on s’est très vite aperçu que si ces pêches réussissaient, c’est que la première se faisait du haut d’un pont ou d’un obstacle, la seconde de derrière les plantes du rivage… dans l’un et l’autre cas, parce que la ligne tombant perpendiculairement à l’eau ou à peu près, le poisson ne pouvait soupçonner la couverture de l’hameçon par un appât.

Or rien n’est subtil comme la vue et agile comme la défiance du poisson de surface. S’il aperçoit le fil qui va de l’appât au pêcheur, il restera sourd à l’appel de la meilleure esche et gobera, à côté, le premier insecte tombé, dès qu’il sera sûr qu’il ne cache aucun piège !…

Remarquons que les plus gros poissons habitent le plus loin possible du rivage. Si vous jetez vers ce point votre ligne amorcée d’un hanneton, d’une sauterelle, tout d’abord le fil se verra dans l’eau, puis l’insecte se détachera bientôt et, sautant au loin, sera happé prestement par le premier rôdeur de ces parages.

Il faut donc s’arranger pour que l’hameçon tombe perpendiculairement au plan de l’eau ou, du moins, sous un angle assez grand pour que la florence sur laquelle il est monté ne soit pas vue trop facilement du poisson. Mais, dans la pratique, une autre et non moins grave difficulté se présente. Pour maintenir l’esche dans la position voulue, il faudrait que le bout du scion fût très élevé, de manière que la canne fît avec la ligne un angle de 40 à 50 degrés, au lieu de 90 qui est l’angle moyen de la pêche à la ligne. Par conséquent, la base du triangle, c’est-à-dire la distance entre le pêcheur et le poisson, se raccourcirait, et l’on se heurterait à deux inconvénients : pêcher trop près du bord pour ramener de belles pièces, et découvrir trop le pêcheur, ce qui ferait fuir les pêchés aussi vite et aussi loin que le fameux chien que tout le monde sait.

Le remède est facile, allonger la canne jusqu’à 5, 6 et même 7 mètres, lui attacher une ligne plus longue de 10 mètres, et, avec cet engin, le pêcheur enverra dans de bonnes conditions son insecte naturel à 9 ou 10 mètres de lui. Autre inconvénient : la canne de 6 à 7 mètres faite, comment la lancer ? Une semblable canne, quand on s’en sert pour la pêche de fond, est déjà une solive peu commode à manier ; aussi, les paysans qui se servent de pareilles cannes pour la pêche du brochet, les laissent-ils à vau-l’eau appuyées sur le bord. Pour la pêche aux insectes, il faut tenir et toujours tenir la canne : peu de bras et de poignets y au contraire, résisteraient, et les pêcheurs doués de ces avantages d’Hercule se compteraient comme le phénix et ses descendants. Nous devons donc nous trouver mille fois heureux que la Nature ait pensé aux pêcheurs en faisant pousser le roseau, pour eux et leurs plaisirs.

Le pêcheur se procurera donc une bonne canne en roseau, en quatre brins, de 1 mètre 50 centimètres à 1 mètre 75 centimètres, ou en cinq brins de 80 centimètres à 1 mètre 40 centimètres. La seconde division, celle en cinq morceaux, est plus portative, ployée mais plus lourde et moins solide que la première en quatre, parce qu’elle a plus de viroles. On renforcera chaque entre-nœuds d’une ligature soignée et bien vernie ; l’on montera à la base de la canne, un bon picot d’acier, et l’on munira son extrémité d’un scion d’orme, d’épine ou de cornouiller, bien flexible et ligaturé également dans sa longueur. L’engin ainsi fait se trouvera parfaitement dans les conditions de flexibilité et de solidité nécessaires.

Muni de son moulinet libre, sur lequel un fin et solide cordonnet de soie bien verni et peint est enroulé, le pêcheur tient en main l’instrument qu’il a construit et qui doit répondre à tous les cas imprévus. Le choix du cordonnet n’est pas sans importance ; il faut que, par la nature de ses éléments, il soit capable de fournir sous le plus petit volume possible la plus grande résistance et puisse supporter, sans se détériorer, les alternatives de chaleur, de sécheresse et d’humidité auxquelles il serait cent fois par jour exposé. C’est pourquoi nous recommandons de peindre la ligne et de la vernir avec beaucoup de soin. Cette ligne aura 50 mètres de longueur sans nœuds, et il sera bon qu’elle puisse supporter, en l’essayant, un poids mort de 5 à 6 kilogrammes, afin d’être certain qu’elle résistera aux secousses d’un poids vivant de 2 à 3 kilogrammes au moins.

À l’extrémité de la ligne, on fera une boucle de 4 à 5 millimètres de long, soigneusement maintenue par une ligature en soie fine. Quelques pêcheurs se contentent d’y faire un simple nœud, et joignent la ligne à l’avancée par une demi-clef. Ce système offre bien assez de solidité ; il s’attache et se détache surtout en un clin d’œil, tandis que, avec la boucle, il faut passer dedans toute l’avancée pour que les deux soient liés ; ce qui, quand la ligne est mouillée, est souvent assez long.

La question de l’avancée est des plus importantes, car c’est la partie de la ligne que le poisson ne doit pas voir. La florence est la plus commode — mais non la meilleure — matière pour cet objet ; on en fera donc une avancée de la longueur de la canne. Cette avancée sera soigneusement composée de brins choisis et attachés bout à bout, la grosseur de l’ensemble décroissant de haut en bas, et chaque extrémité sera terminée par une boucle de 3 millimètres de longueur, ligaturée finement de soie blanche, cirée et vernie ensuite au vernis blanc.

Quelques pêcheurs remarquant les qualités si précieuses du crin, et sa facilité à s’étendre lors de la projection de la ligne, remplacent avec raison l’avancée de florence par une avancée de crin faite en queue de rat et finissant en bas par six brins : cette avancée peut avoir au moins la longueur de la canne, car elle n’est pas destinée à passer dans les anneaux.

On verra la manière de la ployer sur la canne, à l’article Pêche à la mouche naturelle, ligne volante.

L’empilage des hameçons se fait sur crin simple, si l’on est très habile, sur florence si on l’est moins ; on réussit en proportion de la difficulté vaincue. On peut faire l’empile un peu longue pour éloigner davantage de l’esche l’ensemble assez visible des deux boucles et des deux ligatures passées l’une dans l’autre.

Tout ceci étant prêt, les pêcheurs ont bien reconnu qu’envoyer au loin, avec succès, des insectes naturels, étant impossible, il fallait inventer quelque chose, et ils ont créé les mouches artificielles, dont nous supposerons notre bonne ligne munie.


LIGNES FLOTTANTES (Variété de)


La ligne flottante est tenue à la main par la canne ; elle suit le cours de l’eau, et force le pêcheur à rester attentif au moment où mord le poisson.

Cette pêche peut se faire par les méthodes suivantes :


Ligne flottante ; canne tenue à la main
Ligne courte
au coup.
au vif ( Voyez Droits.)
Ligne longue
à fouetter.
à rouler.
Ligne à la volée
à la mouche artificielle.
à l’insecte naturel. au fil de l’eau.
à la surprise.

LIGNE À GOUJONS


Cette dénomination indique plutôt une forme et une grosseur de ligne qu’un instrument spécial destiné à la pêche d’un seul poisson. On adopte cette désignation faute d’une meilleure qui ne soit pas une longue périphrase. En un mot, la ligne à goujon sert à prendre tous les poissons de fond de petite et de moyenne dimension. Ce qui la caractérise, c’est qu’elle supporte au moins deux hameçons placés en général comme dans la figure 143.


Fig. 143. — Ligne à goujon.


Fig. 144. — Ligne de soie fine pour ligne à goujon.


Fig. 145. — Corps de ligne en 6 brins de crin.

On prend, pour composer cet instrument de pêche, une canne de dimension ordinaire, on la garnit d’une soie fine (fig. 144) et on y met une avancée la plus mince possible. Le meilleur moyen pour pêcher le goujon étant lorsque les grandes crues, les orages, la fonte des neiges amènent des crues ou des eaux troubles, il n’est pas nécessaire de se monter aussi finement que pour les eaux limpides où se tient généralement le gardon, d’autant plus que presque toujours là où se tient le goujon se trouve le barbillon. Ce dernier n’est pas toujours de petite taille, et je ne parle que pour mémoire, des plies, toutes les rivières n’en contenant pas. Aussi, beaucoup de pêcheurs croient devoir pêcher le goujon, montés très solidement sur florence, avec deux hameçons, il est vrai, dont le premier sera un peu plus fort que l’autre, un no 10 pendant que le second sera no 12. Si ces pêcheurs n’ont pas de moulinet ni d’épuisette, ils ont tort, on ne sait pas à cette pêche en eau trouble, ce qui peut arriver ; nous avons pris, un jour, une brême de 2 kilos, en pêchant au goujon dans 50 millimètres d’eau par une crue, et certes, monté sur un crin, nous ne l’eussions pas eue sans le moulinet et l’épuisette secourable !

Cependant, nous dirons aux pêcheurs sérieusement amis du progrès : montez votre moulinet, mettez une avancée fine, un bon limerick à palette no 12, D (fig. 143), monté sur un fort crin AB, un no 14 plus haut C sur un petit pater noster, et pêchez hardiment. La florence a toujours une certaine raideur que le crin ne garde jamais dans l’eau ; le poisson qui cherche un peu à tâtons concentre toute son attention sur le sens tactile de ses lèvres ; si ce qu’il essaie d’engamer résiste, il le laisse ; s’il ne sent aucune embûche, il mord : il est pris.


Fig. 146. — Ligne en pater-noster.
Nous ajouterons cependant ceci plutôt dans la prévision des heureux accidents qui amènent à la ligne à goujon une pièce plus difficile à prendre — brême, gardon, carpe — que pour le goujon qui est un goulu, lequel quand il a senti le ver, il ne le laisse plus. Il en est de même du barbillon, de la lotte et de l’anguille ; car vous pourrez prendre tout cela dans les brouillards des crues et des eaux troubles.



Fig. 147. — Ligne sur forte florence.
Sans épuisette, faites le corps de ligne en six brins de crin (fig. 145) finissant à quatre.

La ligne à goujon offre une difficulté sérieuse, c’est celle de toutes les lignes qui portent plusieurs hameçons ; comment les empêcher de retomber sur le corps de ligne, de s’y emmêler et d’y devenir inutiles ? On a proposé beaucoup de solutions, celle B de la figure 143 en est une, mais le pater-noster QR (fig. 146) est, à notre avis, la seule complète, tant que la ligne peut porter les deux petits plombs nécessaires pour arrêter la perle. S’il en était autrement, il faudrait faire des nœuds qui seraient un peu moins solides. On monte sur la perle R une soie de sanglier courte, de façon que, pliée et la boucle faite, le tout ait 6 millimètres ; dans cette boucle on passe celle de l’empile S courte, 5 millimètres, des hameçons dont on a besoin. De cette manière, la soie de sanglier ne ployant pas dans l’eau, l’empile de l’hameçon sera toujours isolée et ne pourra se mêler au corps de ligne que l’hameçon ne touchera jamais.

On adopte souvent la disposition de la figure 146, qui n’est pas mauvaise quand on monte la ligne et les deux hameçons sur de forte florence ; sur du crin tout se mêlerait.

On peut également adopter la balance à goujons, très bonne dans les rivières à courant doux et à fond uni.

La flotte sera, suivant la rivière, forte s’il y a beaucoup de courant faible, une simple plume, si c’est possible, afin de lui laisser toute sensibilité.


CANNES À PÊCHE (Choix des)


Les premiers hommes ont pêché avec leurs bras étendus pour première canne à pêche, puis ils ont bien vite remarqué que l’hameçon d’épine dont ils se servaient tombait trop près du bord. Peut-être, ils auront voulu le faire passer de l’autre côté d’un banc de roseaux qui poussaient près du rivage, et, pour cela, ils ont attaché la ligne à l’extrémité d’une branche d’arbre tenue à la main, ce qui allongeait ainsi leur bras ; car l’intention de l’hameçon a dû naître la première, celle de la ligne venir ensuite, et enfin, celle de la canne à pêche compléter le tout, en apparaissant la troisième.

De la branche d’arbre primitive à la canne à pêche actuelle la forme n’a pas changé, la matière seule a subi des améliorations successives ; et en effet, comme forme, le but aurait été atteint du premier coup en choisissant une jeune pousse de saule, de coudrier ou de roseau qui croissent auprès des eaux. Nulle canne n’est mieux effilée, plus également décroissante qu’une gaule naturelle, et cette vérité est palpable, que c’est à la nature que nous allons demander nos scions, la partie la plus délicate et la seule que nous ne puissions pas filer comme elle, d’un seul morceau concentrique, décroissant insensiblement, et conservant force, souplesse et élasticité.

Nous venons de nommer les trois qualités que doit posséder une bonne canne ; elles dépendent, en majeure partie, de la nature même des matériaux qui la forment, mais aussi de la manière dont il sont assemblés entre eux.

Dans un article spécial, nous donnerons toutes les explications utiles pour la confection de cette arme du pêcheur. Dans celui-ci, nous allons nous occuper de la classification des cannes diverses et de leur appropriation à chaque genre de pêche en eau douce et en eau de mer.

I. — EAU DOUCE


Longueur moyenne de la canne à pêche.
A) Pêche à la mouche :
À la volée, au lancer, à la surprise 
| 6 mètres au moins.
B) Pêche sédentaire :
1° Au brochet, à la truite, à la perche, au vif.
  Cette gaule n’étant pas tenue à la main, mais posée à terre, elle se fait pleine, avec une grande gaule de sapin ou de tremble, etc. 
8 à 9 mètres
2° Pêche à soutenir dans les pelotes ; pêche de fond, à la canne fixe 
5 mètres
3° Gaule à gardonner, à pêcher les perches, les chevesnes, avec le sang, à fouetter et à rouler 
4 mètres
4° Pêche au goujon, à l’ablette, au véron et autres petits poissons 
3 mètres


II. — EAU DE MER


A) Pêche à la mouche :
Saumon à l’embouchure des fleuves, etc. ; forte, en bambou et hicory 
6 mètres
Dorades, en bateau 
| 3 mètres
B) Pêche sédentaire :
Sur les rochers, à la canne fixe 
| 8 à 9 mètres.
C) Pêche en bateau :
Canne pour les maquereaux et autres poissons de surface 
| 2 mètres 50.


Le tableau de composition de ces longueurs, au moyen des différents compartiments des cannes, permet de se rendre très facilement compte de ce que l’on doit acheter ou construire soi-même, en vue de la pêche à laquelle on veut se livrer.

Quel que soit le genre de pêche choisi, même fût-ce pour prendre des ablettes ; quelle que soit la canne employée, jamais un pêcheur sérieux ne s’en servira sans moulinet ; c’est au moment où il s’y attend le moins que cet instrument le sauvera et lui fournira une capture aussi belle qu’inattendue. Le chasseur qui aurait le pouvoir de toujours posséder une balle dans un des canons de son fusil, serait un fou de ne pas en profiter ; car il n’est pas de vie de chasseur, où telle pièce magnifique a été renvoyée par lui, avec une charge de petit plomb dans le gras des parties charnues. Le moulinet du pêcheur, c’est la balle secourable du chasseur, à cette différence près, en sa faveur, qu’elle n’empêche pas son coup d’être chargé de petit plomb ; c’est mieux qu’une balle, c’est la charge de cendrée qui fait balle sur un animal, gardant une force suffisante pour amener celui-ci à vos pieds.


CANNES À PÊCHE (Confection des)


Les premières cannes à pêche que les hommes ont inventées étaient tout simplement une gaule empruntée à la cépée la plus voisine, et cet instrument, si simple et à la portée de tous, est encore le plus usité dans les campagnes et dans les petits centres de population écartés. Cette construction primitive, qui consistait a dégrossir une simple baguette en la privant de ses nœuds et de ses branches, fournissait une canne lourde, si elle était un peu longue, et peu élastique si elle était courte.

Or, ayant tout aussi bien, alors qu’aujourd’hui, besoin très souvent d’éloigner son hameçon du bord où le poisson voit trop bien et se méfie, le pêcheur s’ingénia de toutes les façons à augmenter les deux qualités qui manquaient à sa gaule, la légèreté et la souplesse.

L’esprit humain procédant du simple au composé, le pêcheur pensa à modifier l’instrument qu’il avait en main avant de songer à en créer un autre. Il s’aperçut que, sèche, cette gaule était plus légère et plus élastique, il fit sécher les gaules au four après le pain retiré ; c’est encore ainsi que se font les cannes à pêche dans les campagnes. La différence du poids vert au poids desséché n’étant pas très considérable pour une gaule d’une certaine longueur, le pêcheur dut chercher si, en ajustant les unes au bout des autres, plusieurs gaulettes plus fines, il n’arriverait pas à un résultat plus satisfaisant. Ce fut la création du scion, qui constata ce pas fait dans le progrès. On peut dire qu’à ce moment la canne a pêche civilisée était inventée ; car, en modifiant seulement le choix des matières, on arrive à la canne la plus compliquée et la mieux finie que l’on fasse de nos jours.

La question des ligatures a dû avoir sa période d’apprentissage, de progrès et de perfection, jusqu’à ce qu’enfin cette ligature, toujours fragile et difficile à faire, fut remplacée par les douilles simples et doubles qui permirent l’invention des cannes à compartiment.

Restait la question de matière ; on a essayé tous les bois possibles et l’on s’est vite aperçu que, parmi eux, un très petit nombre répondaient aux qualités que réclame la vraie et bonne canne à pêche. On peut diviser tous les bois employés en deux catégories : les lourds et les légers.

Les lourds sont : le hicory ou noyer blanc d’Amérique, le noyer, l’orme, le coudrier, le frêne.

Parmi les légers nous placerons : le sapin creusé, le bambou, et, tout à côté, son diminutif chez tous, la canne qui croît dans le midi de la France et en Italie avec une grande facilité.

Tout en renvoyant le lecteur aux articles spéciaux sur l’étude de chacun de ces bois, nous devons ici constater quelques-unes de leurs qualités et de leurs défauts avant de passer en revue la confection des cannes en chaque matière.

Le hicory est très élastique, mais très lourd ; il peut servir à faire toute la canne moins le scion ; mais son véritable emploi consiste dans la première moitié de la longueur, la plus grosse, celle que le pêcheur tient à la main. Il est en effet très important qu’une canne soit bien équilibrée, car elle se trouve entre les mains du pêcheur à l’état d’équilibre instable. On peut la comparer au fléau d’une balance dont la main du pêcheur est le support, fléau à deux bras de longueurs inégales et par conséquent dont les poids doivent être inégaux pour que l’équilibre s’établisse. La partie en avant doit être très légère, son centre de gravité sera toujours assez loin de la main du pêcheur, mais si celui-ci rend lourde la partie la plus grosse qui est au delà de son poignet, vers le coude, il rapprochera le centre de gravité du système entier, et pourra arriver à le faire venir dans sa main, position dans laquelle la canne sera en équilibre, comme le fléau de la balance dont nous parlions tout à l’heure. Ainsi équilibrée la canne demande le moins d’effort possible, puisqu’il ne faut que celui nécessaire et indispensable pour vaincre sa pesanteur.

Si, au lieu de cela, le pêcheur tient en main un instrument dont le poids est en avant, il lui faut un effort constant, non seulement pour porter la canne, c’est-à-dire vaincre l’effet de la pesanteur, mais un effort plus pénible pour en soutenir élevée la partie antérieure sans cesse sollicitée vers le sol. Cet effort, si petit qu’il paraisse, pendant un instant, devient une vraie fatigue, alors qu’il se renouvelle sans relâche pendant un assez long temps.

Si le pêcheur est sédentaire, ce n’est encore qu’un demi-mal, parce qu’il peut faire porter sa canne par une fourchette et son piquet, ou simplement il peut la poser à terre, si la berge est un peu élevée ; mais, qu’il s’agisse de pêcher à la mouche, et alors la question de l’équilibre de la canne prend une importance capitale, en raison de la fatigue que cette pêche un peu prolongée procure, si l’on est armé d’un instrument défectueux.

Ainsi donc tous les bois durs et compacts, tout en étant élastiques — le hicory, le frêne, le noyer — peuvent servir pour la plus grosse moitié de la canne.

L’orme peut être employé de même aux usages ci-dessus, mais il offre l’avantage que ses jeunes pousses fournissent d’excellents scions, quand il est coupé en temps opportun.

Le coudrier n’est pas dans le même cas ; les scions fournis par ses jeunes pousses sont mauvais, mais comme il donne, d’un seul jet, des gaules très longues et très droites, sans être par trop lourdes quand elles sont sèches, il a le privilège presque exclusif de former des cannes toutes faites pour les gens de la campagne. Dans quelques pays, la rapide végétation des saules de différentes espèces permet d’y choisir de très belles gaules qui ne manquent pas de qualité.

Le sapin s’emploie comme nous le verrons plus loin, mais artificiellement, pour faire d’excellentes cannes réunissant beaucoup d’avantages.

Le bambou, s’il était moins lourd, quand il est gros, serait le roi des bois propres aux cannes à pêche. Excellent cependant parce qu’il ne fend pas, il sert à faire la canne tout entière, y compris le scion, que l’on produit au moyen de bûchettes de bambou refendues, polies et ajustées l’une au bout de l’autre.

Il nous reste à dire un mot de la canne du Midi, qui, sans contredit, serait parfaite, sans la trop grande facilité avec laquelle elle fend, et sans sa fragilité capricieuse, souvent inexplicable : car le morceau de ce chaume énorme le mieux choisi, le mieux arrangé, cassera tantôt dans un nœud, tantôt dans une partie vide.

Aussi, est-ce la matière qui a fait naître le plus de systèmes différents, tous destinés à remédier à son peu de solidité, sans diminuer sa flexibilité et sa légèreté si précieuses.

Constatons enfin que, depuis dix ans, la confection des cannes s’est énormément améliorée au Canada, et que leur forme tend à devenir chaque jour plus svelte et plus fine. L’emploi des moulinets, qui se généralise chaque jour, mène au perfectionnement de la canne, qui doit demander plus à l’élasticité qu’à la force, plus à l’adresse qu’à la brutalité, plus enfin à la patience et au sang-froid qu’au bouillant emportement.

Autrefois — si l’on en juge par les méthodes qui nous en sont restées, — on enlevait le poisson d’autorité, qu’il fût gros, qu’il fût petit ; il est vrai qu’on ne prenait pas ce dernier ; la manière dont les lignes étaient montées devait s’y opposer absolument. Aujourd’hui, l’usage des montures très fines tend à prévaloir chaque jour, et le succès couronne ces expériences. Une vérité méconnue devient de plus en plus démontrée, c’est qu’on prend très bien un gros poisson — et beaucoup plus sûrement — avec un très petit hameçon qu’avec un gros, pourvu qu’on emploie les moyens d’action nécessaires et fournis par le perfectionnement des instruments de pêche.

En résumé, une canne à pêche doit se composer de trois morceaux, qui sont, en commençant par l’extrémité la plus fine : le scion, la seconde, nommée aussi branlette, dans certains endroits, et le pied de gaule.


CANNE DE CAMPAGNE, PLEINE


Cette canne, toujours un peu lourde, doit avoir pour qualités d’être raide, droite et élastique ; si elle décrit un grand C quand on la projette en avant en fouettant, c’est qu’elle plie du pied et ne vaut rien ; elle ne doit ployer que de la seconde et du scion, faire siffler l’air lorsqu’elle le frappe, et reprendre aussitôt la ligne droite.

Le pied de cette gaule sera fait avec l’un des bois suivants, en commençant par les premiers et choisissant celui que l’on trouvera à sa disposition à défaut des autres :

Coudrier, saule, marceau, sapin sans nœuds, noyer, érable, chêne.

On choisira une pousse bien droite d’un de ces arbres, ayant 5 mètres à 5m,50 de longueur, que l’on rognera par le petit bout, de façon à lui laisser une longueur de 4 mètres ou au moins de 3m,50. On la dressera avec soin et on la diminuera, au rabot s’il est besoin, de manière que le plus gros bout, en bas, ait un diamètre de 0m,040, au plus.

Ce bois doit être coupé avant la fin de janvier ou, au plus tard, dans les premiers jours de février, avant que la sève commence à monter, opération qui se fait de bonne heure, surtout pour le coudrier. Cette recommandation s’applique également au choix de tous les bois propres aux secondes et aux scions.

On laissera, à la plus petite extrémité de ce pied de gaule, un long bec oblique parfaitement dressé, forme que l’on appelle bec de flûte.

La seconde sera faite en coudrier : elle aura la même longueur (4 mètres) que le pied, et sera choisie plus mince que lui et bien filée ; on la trouvera parmi les pousses grises de la lisière du bois ou au bord des ruisseaux. Celles qui sont lisses et rougeâtres sont les meilleures. Elle sera taillée en biseau par ses deux bouts, et le biseau du bas sera aussi allongé que celui du pied, de façon à s’ajuster parfaitement sur lui.

Le scion, long et menu, peut être fait d’un brin de coudrier, d’orme, de troène, de cornouiller, d’épine noire, de lilas; il aura 1m,50 de longueur au moins ; le bas ou plus gros bout, taillé en biseau, sera adapté parfaitement au biseau supérieur de la seconde, et choisi de façon que cette partie soit un peu moins grosse que la plus petite extrémité de cette seconde.

La même précaution aura dû être prise pour la seconde, vis-à-vis du pied de gaule.

La seconde s’attache au pied avec du petit fil de fouet ciré et fortement serré tout le long de la jointure, ce qui forme une ligature solide à bouts perdus. Le scion s’ente sur la seconde au moyen de fil fort, également ciré et attaché de la même manière.

Dans les endroits où l’on peut se procurer du vernis copal, il est extrêmement avantageux d’enduire de vernis les deux biseaux, avant de les joindre et de les attacher, de même qu’on vernit toute la ligature, une fois faite, à une ou deux couches, en laissant bien sécher chaque fois.

Le vernis noir du commerce est aussi extrêmement propre à ce travail, parce que l’eau a moins d’action encore sur lui, mais il est beaucoup plus long à sécher. À défaut de vernis, on peut enduire chacune des surfaces, de poix de cordonnier, en couche mince ; cette substance produit une grande adhérence, et empêche tout glissement. Elle n’est pas attaquable à l’eau, mais, à la longue, elle se réduit en poussière, et perd ses propriétés happantes, surtout quand elle est souvent mouillée.

Après avoir lié sa gaule, le pêcheur doit l’agiter fortement en l’air : si elle est bien faite, elle ne doit produire aucun craquement et ne laisser éprouver aucun tremblement ; il sera bon alors de la polir, de la vernir et de la bien laisser sécher.


2e GAULE DE CAMPAGNE, CREUSÉE


Il faut choisir une gaule de coudrier, de marceau, de peuplier, de tremble, de sapin, ou de cornouiller, à laquelle on donnera une longueur de 4 mètres au moins pour former un pied de ligne convenable. Cette gaule aura, au gros bout, 0m,08 à 0m,10 de circonférence, et au petit bout, 0m,02 à 0m,03 ; on la rendra parfaitement unie en relevant les aspérités des branches et bourgeons, puis on la sera sécher dans un four encore chaud, après qu’on en aura tiré le pain, ou en la laissant une couple de mois dans un lieu sec et aéré : il est prudent, dans ce cas, de la lier sur une forte pièce de bois déjà sec, de manière qu’elle ne puisse se tourmenter et se gauchir. Cette gaule perdra ainsi environ la moitié du poids qu’elle avait étant verte.

L’opération du perçage se fait au moyen d’un gros fil de fer qu’on appointit et qu’on fait rougir au feu.

On attache la canne dans un établi de menuisier, ou, si l’on n’en a pas, sur une table, sur une forte planche ou pièce de bois, et l’on commence le forage. C’est une opération qui demande du temps, de l’adresse et de la patience. Quand un premier trou parcourt la canne dans toute sa longueur, on prend un fil de fer plus gros, et toujours par le même moyen, on agrandit le trou du côté de la poignée, de façon que le creux aille, comme la canne, en diminuant d’un bout à l’autre.

Lorsque le perçage est terminé, on met la canne pendant deux ou trois jours à tremper dans l’eau, puis on l’expose à la fumée dans une cheminée jusqu’à ce qu’elle soit parfaitement sèche. À la campagne cette opération est très facile.

Pendant ce temps on a fait subir les mêmes préparations, sauf le perçage, à des scions choisis de différents bois : coudrier, orme, épine noire, troène, lilas, etc. ; on en choisit un bien droit, de la longueur que l’on désire, et on le diminue par le gros bout, de manière qu’il entre dans le trou creusé à l’extrémité fine du pied de gaule. En général, ce scion a 1m,50 à 2 mètres, et il est d’une grosseur telle que, quand on veut démonter sa canne, il peut, en commençant, par la pointe, entrer dans le trou creusé au bas de la gaule et s’y renfermer parfaitement, ce qui rend l’instrument plus portatif et garantit en même temps le scion des accidents qu’il pourrait encourir au milieu des arbres, des branches et des herbes, etc.


3e CANNE EN SAPIN, PLEINE


On coupe dans une planche de sapin neuf, à fil serré, droit, et interrompu par aucun nœud, une laize égale à l’épaisseur de la planche. On obtient ainsi une tringle de 4 mètres de long, ayant 0m,035 de côté, que l’on dresse à la varlope, et que l’on met à huit pans en abattant les angles. On diminue alors sa grosseur au moyen du même instrument et avec précaution, à partir de lm,30, du bas, jusqu’à la plus petite extrémité qui conserve un diamètre de 0m,010 à 0m,015. À partir de 2m,60, on arrondit tout à fait la tringle en abattant les angles ; on la polit au verre, au grattoir et à la peau de chien marin.

On pratique alors au bout, soit une entaille longue, à la scie, pour recevoir le scion, soit un biseau, comme plus haut, et on y fixe un scion de 2 mètres au moyen d’une solide ligature de fouet poissé et verni comme nous l’avons indiqué.

Si l’on a un ouvrier à proximité, une virole en fer-blanc, ou mieux encore en cuivre, sera préférable pour garnir l’extrémité du pied de gaule et recevoir le scion auquel, dans ce cas, il faut pratiquer l’opération du double épaulement que nous décrirons ailleurs.


4e CANNE EN SAPIN CREUSÉ


Toutes les fois que le pêcheur ne craint pas de se servir d’une canne qui ne se démonte pas, et qu’il peut, en rentrant chez lui, remiser sans inconvénient cette longue gaule sur le mur d’un corridor, rien ne vaudra jamais, pour lui, la canne que nous allons décrire ; elle est facile à faire, peu coûteuse, légère, solide et élastique.

On choisit, comme pour celle ci-dessus (3°), une planche de sapin du Nord à grain fin et sans aucun nœud, d’une longueur de 4 mètres au moins : on y scie une tringle de l’épaisseur de la planche qui doit avoir 0m,055. Ceci fait, on marque au trusquin ou à la règle, une ligne qui partage cette tringle pour la moitié de son épaisseur, sur deux faces opposées, puis, au moyen d’un rabot rond ou d’un bouvet, on creuse un sillon au milieu de chaque face non divisée.

Ce sillon doit être augmenté de plus en plus en prenant des fers d’un numéro plus fort, de façon que à l’une des extrémités il n’ait pas plus de 0m,01 de diamètre, à l’autre bout 0m,01.

Ceci fait, on scie la tringle suivant les lignes marquées ; on retourne les deux moitiés creusées l’une vers l’autre, et l’on colle fortement à la colle forte. On rabote en rond, de manière à suivre la décroissance du creux en laissant au gros bout : 0m,006 à 0m,007 de bois, et au petit : 0m,004 à 0,005.

On polit au verre ou au grattoir, on unit au papier de verre, puis on fait, à 0m,50 l’une de l’autre, de fortes ligatures en fil de fouet bien ciré ; on peint alors toute la canne à l’huile, et on laisse bien sécher ; on vernit ensuite.

Il ne reste plus qu’à garnir le gros bout ou le pied, d’une lance, et l’extrémité fine : d’une virole ou d’une ligature. La première vaut mieux pour recevoir un bon scion d’orme ou de coudrier de 2m,50 à 3 mètres.

CANNE EN 8 MORCEAUX (Système Lambert)


Le pied de gaule se fait en deux morceaux de planches creusées, collées et ligaturées par un procédé semblable au n° 4 ci-dessus : on peut le faire en chêne, en noyer, en acajou, etc. Si l’on ne veut pas creuser et coller on peut se servir d’un gros morceau de bambou.

Ce pied de gaule aura 0m,65 de long, et sera creusé de 0m,025 de diamètre de vide au petit bout, pour recevoir le deuxième morceau. Cette extrémité sera, de même que la plus grosse, garnie d’une forte virole en cuivre ; au gros bout l’on ajustera une lance ou picot.


Pied de gaule. Bois divers. Longueur 0m,65
2e morceau. roseau, 1 mètre.
3emo 0m,25
4emo 1
5emo 0 15
6emo 0 65
Scion
7emo épine noire, 0 80
8emo orme ou bambou fendu 0 50

Longueur totale 5m,00


Chacun de ces morceaux est garni de sa virole et doit être calculé, comme grosseur, de manière à entrer dans la cavité naturelle du roseau qui le précède. Chaque entre-nœud reçoit une ligature.

Le moindre inconvénient de cette canne est d’être lourde, parce que les huit viroles pèsent, les ligatures pèsent, le pied de la gaule plombée pèse ; enfin elle semble d’autant plus pesante que les petits morceaux placés au milieu y accumulent les viroles, et ne ployant pas, parce qu’ils sont trop courts, maintiennent une raideur qui rend la canne moins maniable. De plus, si l’on s’en sert pour le jet de la mouche, il est presque impossible d’empêcher les morceaux de sortir les uns des autres ; ce qui tient à ce que les uns plient tandis que les autres ne plient pas.

Quant à l’idée d’intercaler les petits morceaux pour maintenir la raideur, elle est excellente ; malheureusement, à la pratique, elle offre de sérieux désavantages comme solidité. Pour que ce genre de canne soit solide, il est indispensable d’établir chaque morceau à épaulement, et alors le poids de chaque goujon de bois s’ajoute encore à celui de la canne, et celle-ci devient insoutenable, à moins que l’on ne s’en serve que pour la pêche sédentaire. Mais, dans ce cas, une canne aussi compliquée est parfaitement inutile, une simple gaule n° iv est bien supérieure.


CANNE RUBANÉE (Système de Massas)


L’idée de préserver le roseau de la propension qu’il offre à se fendre au soleil ou à l’air, surtout après qu’il a été mouillé, a été parfaitement réalisée par l’application d’un ruban de fil, de soie ou de coton, roulé en spirale, aussi serré que possible, autour de chaque morceau de roseau. Ce ruban est imbibé, lors de sa pose, de bonne colle forte, puis, quand il est sec, recouvert d’un enduit imperméable et enfin d’un vernis.


Ces cannes sont excellentes, mais présentent également le défaut d’un poids plus lourd que celui qu’elles devraient avoir. Elles sont à peu près aussi lourdes que les cannes en bambou, et n’en ont ni la solidité ni l’élégance. Elles compensent cela par un prix moitié moindre — ce qui est bien quelque chose — et par l’avantage que l’on peut soi-même faire subir cet apprêt, soit à une canne de roseau que l’on fabrique pour soi-même, soit à une canne de roseau ordinaire que l’on achète toute fabriquée, et dont le prix, en définitive, est minime. Malgré la légère critique que l’usage de ces cannes nous a permis de faire, nous regardons l’application des rubans comme une idée neuve et un progrès réel.


L’inventeur fait remarquer en outre que l’on peut ainsi rassembler des matériaux de toute couleur, et de toute provenance, en ne s’occupant que de leurs qualités de souplesse et d’élasticité ; que ceux-ci, bien combinés, peuvent fournir une canne parfaite, sans offrir à l’œil un ensemble de morceaux disparates et choquants : on peut aussi alléger par le forage les pièces les plus grosses, etc.


CANNES DE ROSEAU (4, 5 bouts)


De toutes les cannes, la meilleure — sans aller chercher si loin, dès l’abord — est celle faite en morceaux de roseau bien égaux, bien choisis, et que l’on trouve dans le commerce à peu de frais, toute fabriquée, munie de ses viroles, etc. Ces objets se faisant en grandes quantités, il est toujours facile, en s’adressant à des marchands consciencieux — et l’on doit supposer qu’il s’en trouve parmi ceux d’ustensiles de la pêche — il est toujours facile, dis-je, de se rendre possesseur d’une très bonne canne. Seulement, elle est incomplète, si on l’a payée bon marché, parce qu’en fait de cannes à pêche, ce n’est pas la matière qui en augmente le prix, mais le temps que demandent les arrangements accessoires ; c’est là ce que l’amateur peut parfaitement faire lui même, à temps perdu, et ce que nous allons décrire ici.

Choisissons donc, suivant la largeur moyenne du cours d’eau où nous voulons pêcher, une canne en 4 ou 5 bouts. Chacun de ces bouts varie de 1 mètre à 1m,70, ce qui produit les combinaisons et longueurs suivantes :



À 4 BOUTS À 5 BOUTS
Chacun ayant 1m,00, longueur totale 4m,00. Chacun ayant 1m,00, longueur totale 5m,00.
Chacuayan1m,10,longueutotale4m40. Chacuayan1m,10,longueutotale5m50.
Chacuayan1m,20,longueutotale4m80. Chacuayan1m,20,longueutotale6m00.
Chacuayan1m,30,longueutotale5m20. Chacuayan1m,30,longueutotale6m50.
Chacuayan1m,40,longueutotale5m60. Chacuayan1m,40,longueutotale7m00.
Chacuayan1m,50,longueutotale6m00. Chacuayan1m,50,longueutotale7m50.
Chacuayan1m,60,longueutotale6m40. Chacuayan1m,60,longueutotale8m00.
Chacuayan1m,70,longueutotale6m80. Chacuayan1m,70,longueutotale8m50.


Remarquons d’abord que toute canne choisie doit être à goujons de bois et épaulements. C’est le seul moyen qu’elle s’emmanche solidement. Or, il y a perte, à chaque morceau, de la longueur qui entre dans celui qui le précède, soit environ 0m,05 par virole, soit 0m,20 pour la canne à 4 bouts, et 0m,25 pour celle à 5 compartiments. Si donc, dans la première rangée, on veut une canne de 6 mètres nets ou effectifs, il faudra choisir des morceaux qui, employés, aient en moyenne 1m,55 et ainsi de suite.

En comparant les colonnes du tableau ci-dessus, on reconnaît tout de suite qu’on peut arriver des deux manières à des cannes de même longueur. Il faudra donc calculer les avantages et les désavantages de chacune d’elles. 6 mètres en 4 bouts de lm,5 sont plus embarrassants, dans certains cas de transport par voiture, que 5 bouts de 1m,20, etc. D’un autre côté, quand la longueur de la canne ployée n’est pas un obstacle, il faut remarquer que la meilleure de toutes est celle en 4 bouts de lm,70. C’est celle que nous préférons, et voici pourquoi : elle est assez longue, et, quoique légère, assez lourde pour occuper les bras du pêcheur à la mouche ; diminuée d’un bout, celui du bas, elle donne encore une longueur de 5m,10, formant une excellente canne pour la pêche au coup, etc., et qui devient alors très portative.

Pour la pêche à la mouche, on se sert de 4 morceaux, dans un fleuve ou dans un étang, de 3 dans une rivière, et de 2 dans un ruisseau : souvent de 4 dans celui-ci, pour la pêche à la surprise, où l’on se tient alors si loin du cours d’eau, que l’on a l’air de pêcher dans le pré, mais où l’on fait ainsi des captures magnifiques. Ces petits ruisseaux renferment souvent de belles pièces, qui ne peuvent, à la distance de 5 à 6 mètres, entendre les pas ni voir les pêcheurs, deux causes de succès gagnées par ce système.

Nous avons dit, en commençant cette viie division, que les cannes marchandes avaient besoin d’être complétées ; nous allons maintenant expliquer en quoi consiste ce travail.

Le roseau plie et ne rompt pas, dit le bon Fabuliste ; c’est vrai du roseau vert qui se balance dans le marais, mais ce n’est plus vrai du roseau sec qui arme la main du pêcheur. Chaque nœud est un endroit faible, qui, quelquefois, se détache tout à coup ; chaque entre-nœud peut se fendre ou se ployer comme un rouleau de papier, une moitié dans l’autre. Il faut éviter cela au moyen d’une bonne ligature faite entre chaque nœud ; c’est long, mais c’est sûr. Il ne faut cependant pas employer de la corde trop grosse : la meilleure est un fin cordonnet de soie avec lequel on fait les lignes fines, et qui est à peu près de la grosseur du cordonnet qui sert à faire les ouvrages au crochet ; il est beaucoup plus tordu que celui-ci, mais, à son défaut, l’autre peut le suppléer, la couleur n’y fait rien.

Quand la ligature est bien faite, elle est plus facile à faire en cirant seulement le cordonnet ; on l’imbibe de vernis au moyen d’un petit pinceau, et on laisse sécher. En recommençant deux ou trois fois cette opération, on finit par recouvrir chaque ligature d’un anneau de substance imperméable et solide, qui rend le tout inattaquable à l’eau. Si la canne se brise à un nœud, il n’y a qu’un remède, c’est de remplacer le morceau entier, la forme du roseau en lui-même s’opposant absolument à ce qu’on puisse mettre une virole solide entre deux parties contiguës. En regardant en effet chaque nœud on s’aperçoit d’abord qu’il est saillant comme une bague, puis, qu’il est suivi, de chaque côté, d’une dépression, laquelle est suivie d’un renflement : aucune virole ne peut prendre cette forme en entonnoir, et être solide ; il faut donc limer le roseau pour le rendre cylindrique, et alors, il s’emmanche de travers. Il vaut mieux refaire ou acheter un autre morceau, c’est plus simple.

Toutes les deux ou trois ligatures on passera dessous un anneau, et quand on arrivera au scion, on le fera comme nous l’indiquerons à son article.

Il est bon également de munir sa canne d’une lance.

On y monte un moulinet, et l’on est possesseur d’un excellent instrument de pêche, dont on peut réparer au besoin toutes les parties, car il n’est presque pas de village où l’on ne trouve des cannes en roseau.

Les ligatures peuvent se faire également en fouet de lin, en fil de chanvre bien retors, et même en petit fil de cuivre ou de fer, mais, dans ce cas, le mode d’arrêt est différent.

Les quatre ou cinq compartiments qui forment la canne doivent être toujours serrés dans un étui de toile ou de coutil ; on peut y faire entrer également un ou deux scions de rechange, le manche de l’épuisette et celui du filet à papillons. Moyennant cette précaution on échappe au risque de perdre en route une ou plusieurs parties de cet instrument indispensable.


8e CANNE EN BAMBOU (4 ou 5 bouts)


Ces cannes, auxquelles on donne moins de longueur en général qu’à celles faites en roseau, sont plus lourdes, parce que le bambou est plus compact. Comme élégance, comme force, ce sont les meilleures, et rien ne saurait lutter contre le vernis naturel des roseaux d’Asie et d’Amérique. Il ne faut pas croire cependant que l’action de l’eau, de l’air et du soleil, n’ait pas de prise sur eux : ils y résistent victorieusement, tant qu’ils ne sont pas allégés par l’intérieur, mais quand cette opération est faite, ils fendent aussi.

Quoi qu’il en soit, pour les cannes destinées à la pêche à la mouche, c’est la matière par excellence, et c’est en effet celle des cannes de luxe qui vaut le mieux. Ceci tient à ce qu’en choisissant bien le bambou, on peut faire une canne longue et relativement très mince à la main vers le bas, quoique d’une grande force. Il faut surtout ne pas se servir de la pointe des bambous qui est cassante souvent comme le verre. Cette cassure a toujours lieu auprès de la virole du haut, si le vernis du bambou a été entamé pour le percer, et souvent au même endroit, quand même on aurait évité cet accident.


9e CANNE À PÊCHE (en forme de Canne de promenade)


Ce genre de cannes n’est pas seulement l’arme des pêcheurs honteux, elle est quelquefois utile quand on veut faire entrer, dans un bagage restreint, une canne à pêche qui puisse fonctionner à l’occasion ; et cependant, pour peu qu’elle ait une certaine longueur totale — et alors, le nombre des bouts supplée à la longueur de chaque — elle devient aussi volumineuse qu’une des cannes des nos 7 ou 8 dans son étui.

Comme les cannes sont composées d’une suite de morceaux creusés, rentrant les uns dans les autres, elles doivent être établies au moyen d’outils et d’ouvriers spéciaux.

Elles sont du reste à très bon marché ; le commerce en fournit de :


2 bouts qui ont, déployés, la longueur de 1m95
3 bouts quidéployés,la long 2 55
4 bouts quidéployés,la long 3 40
5 bouts quidéployés,la long 4 25



À voir ces dernières cannes fermées, on les croirait d’une longueur énorme ; tant s’en faut, et elles ne sont pas portatives comme cannes de promenade car elles ressemblent à un parapluie fermé.

Une pomme vissée à un bout et une virole de métal à l’autre complètent l’appareil qui permet au pêcheur timide de satisfaire sa passion, sans dénoncer aux passants ses projets hostiles aux poissons. Il a l’air de sortir pour une promenade : sa canne est bête au possible, c’est vrai ; elle ne ressemble pas plus à une canne qu’à une baguette, c’est vrai — car personne n’imagine qu’on puisse s’appuyer sur un roseau à pêche — mais enfin il est heureux, il cache son jeu ! Aussi, qu’il se présente un endroit bien seul, entre les saules, notre homme sera comme le limaçon qui sort ses cornes, il allongera furtivement sa canne, et… en fera une mauvaise machine à pêche !

Tant mieux ! Qu’elle lui apporte tous les désagréments qu’elle ne ménage pas à ceux qui s’en servent, il n’aura que ce qu’il mérite. Ce pêcheur me représente un chasseur qui ferait enfermer son fusil dans une canne, et se munirait seulement de pistolets, dans ses poches ; il rentrerait bredouille et n’aurait que ce qu’il mériterait. Chacun doit avoir la responsabilité de ses goûts et de ses actes ! Eh bien, si le pêcheur a peur, qu’il soit puni, et il le sera par où il a péché (sans calembour, je vous prie). En effet, pour n’avoir pas su mépriser les fades moqueries des passants, qui, sur la foi d’épigrammes surannées, raillent un goût dont ils ne soupçonnent ni le charme ni les jouissances, il emploie une canne sans force, sans ligatures, qui réparent la perte de la substance intérieure, sans anneaux possibles, à laquelle il ne peut attacher de moulinet, et dont il ne peut se servir en cachette que pour enlever quelques maigres ablettes ou quelques goujons imprudents à venir si près du bord !

Les succès de la pêche sont, comme ceux de la chasse, imprévus comme toute chance, et aléatoires comme le hasard : c’est au moment où il tendra une amorce au goujon qu’une grosse carpe, en train de s’amuser, lui emportera la ligne et une partie de la canne, en ayant soin de lui montrer coquettement son dos pour qu’il n’ignore pas à qui il a eu affaire, et quelle aubaine lui échappe.

En résumé, c’est la plus mauvaise de toutes les cannes ; elle n’est pas même bonne pour les enfants qu’elle rapproche trop du danger.

Vous tous qui pêchez ou voulez pêcher, confessez hardiment la foi du pêcheur, et, en fussiez-vous martyrs un moment, étudiez, et vous réduirez bientôt, par vos succès, vos détracteurs au silence. Alors, vous les dédaignerez, en savourant deux jouissances exquises : la pêche et la vengeance. (Voy. Perche ou Canne à pêche.)


CANNE FIXE (Pêche à la)


La pêche à la canne fixe ou à ligne dormante, car elle porte ces deux noms, s’emploie aussi bien en mer qu’en eau douce ; elle demande un attirail un peu
Fig. 148. — Panier de pêche.
encombrant, mais elle rapporte généralement du poisson de forte taille, car elle s’adresse à la classe des poissons de fond.

Les meilleurs endroits, en eau douce, sont les grands fonds d’eau tranquille ; en mer, ce sont les passages d’étangs salés, les entre-deux de rochers et autres endroits où l’eau est profonde, près du rivage.

Il est bon de se munir d’un panier (fig. 148) ou d’un sac de pêcheur (fig. 149), pour mettre non seulement les engins, mais encore des provisions pour la journée, car, une fois qu’on a choisi une place, il faut la garder, l’amorcer, et la rendre la meilleure possible, en y faisant arriver un remontage de poissons. Le pêcheur fait bien de se munir d’un trépied (fig. 150), ou d’un pliant (fig. 151), pour ne pas demeurer debout, le piétinement étant toujours mauvais, parce que c’est le bruit qui s’entend le plus loin, dans l’eau ébranlée par la terre. S’asseoir sur l’herbe humide n’est pas tentant ; il faut donc, quand on veut pêcher à la canne fixe, prendre toutes ses précautions, et apporter un peu sa maison avec soi, parce qu’on ne quittera plus la place choisie.

Trois ou quatre lignes et cannes suffisent parfaitement à cette pêche, et forment déjà un bagage assez volumineux, jointes à l’épuisette et aux provisions.

Les cannes sont à moulinet, d’une longueur appropriée au cours d’eau où l’on pêche. Comme c’est surtout à des poissons solides qu’on s’adresse, on les choisira en conséquence.


Fig. 149. — Le sac du pêcheur.


Fig. 150. — Trépied.


Fig. 151. — Pliant.


Fig. 152. — Fourchette.


Fig. 153. — Crochet.

S’il fallait tenir une seule canne à la main toute la journée, dans une eau dormante, sans mouvement, ce serait une bien fastidieuse besogne, d’autant plus que les poissons qui habitent ces eaux n’ont pas une attaque soudaine, mais entraînent brièvement et sans hésitation l’esche, qu’ils ont été longtemps à attaquer. Si l’on ne tient pas sa canne il faut la poser à terre : or, ceci constitue une pratique présentant de graves inconvénients, parce que, si une carpe ou un barbillon s’est enferré lui-même, il ne vous attendra pas, il entraînera ligne et canne au milieu de la rivière, ce qui n’offre pas l’agrément d’une promenade en bateau, quand souvent ce secourable véhicule n’existe pas à plusieurs kilomètres à l’entour. En second lieu, une partie de la canne trempe dans l’eau, et, à moins que cette canne ne soit d’un seul morceau, et non susceptible d’être montée, cette opération, le soir, ne sera plus possible, parce que le bois se sera gonflé.

Pour remédier à ces inconvénients on se munit des deux petits instruments ci-joints (fig. 152 et 153), que l’on peut faire en fil de fer, et emporter (encore un poids de plus, mais c’est sûr) — ou couper dans un arbre voisin — et s’il n’y en a pas ? — on enfonce en terre la fourchette (fig. 152) en avant du moulinet (fig. 154), sur le bord de l’eau, vers le premier tiers de la canne, à partir du bas, et le crochet (fig. 153) sur la lance. La canne ainsi établie, se tient élevée au-dessus de l’eau, ce qui empêche le scion d’être mouillé. Le poisson ne peut plus l’entraîner, et le pêcheur a la plus grande facilité en dépassant, par un petit mouvement, la lame de dessous le crochet, de saisir la canne au moment opportun.

Mais le plus grand avantage de cette pêche — et celui qui en fait vraiment une spécialité — c’est la possibilité de mettre à l’eau un certain nombre de lignes et de les surveiller toutes sans fatigue.

Trois ou quatre cannes sont suffisantes pour ne pas faire de cette pêche une fatigue, si la rivière est un peu poissonneuse ; beaucoup de pêcheurs vont à six, à dix même, mais dans ce cas, ils remplacent les cannes par des lignes à grelots, ce qui rentre dans la pêche décrite à cet article. (Voy. Grelots).


Fig. 151. — Position de la canne fixe, pêchant.
Dans ce genre de pêche, il faut choisir des lignes fortes (fig. 155, crin en 12 brins, fig. 156, soie), des hameçons renforcés, des flottes bien voyantes et de couleur éclatante, et enfin, des cannes solides et à moulinet ; une bonne épuisette AR (fig. 157) est indispensable, et, si l’on ne voit pas mordre souvent, au moins quand cela arrive, c’est pour tout de bon, et la qualité dédommage de la quantité.

On peut encore, pour simplifier son bagage, n’emporter qu’une fourchette, et implanter obliquement la canne dans la terre, ou bien, mettre une pierre sur la lance, mais cet usage a l’inconvénient de ne pas offrir de facilités pour dégager la ligne ; il faut faire un mouvement brusque qui, souvent, suffit pour dégager ou perdre la capture.

La ligne que l’on monte à la canne fixe est en soie, semblable à celle de la figure 156 ; au bas, se fixe une avancée en florence double cordée, ou au moins en crin en 12 brins. À 0m,50 de l’hameçon, on met un petit grain de plomb (fig. 158), placé à demeure sur l’avancée, et au-dessus de lui, une olive de plomb, dont la grosseur varie avec le poids de la ligne, la force de l’eau, etc., et qui, glissant sur l’avancée, ne peut dépasser le petit plomb d’arrêt fixé à demeure. Le plomb en olive n’est pas destiné à équilibrer la flotte ni la ligne ; il descend au fond, y maintient la ligne, et lui permet cependant d’être libre, comme si elle n’était pas retenue. En effet, le mouvement imprimé à l’hameçon se communique à travers l’olive à la flotte aussi aisément que quand on pêche à la ligne flottante.


Fig. 155. — Crin en 12 brins.


Fig. 157. — Forte épuisette pour poisson de fond.


Fig. 156. — Soie forte.

Toutes les esches de fond sont bonnes pour ce moyen de pêche ; on les assortit au poisson qui habite le lieu, ce qu’on peut souvent préjuger par l’étude de la rivière.


CANNES FOUR PÊCHER EN MER


Les cannes qui servent pour la pêche à la ligne en mer doivent être plus grosses et plus longues que celles que l’on emploie pour la pêche en eau douce. En effet, les poissons que l’on se propose de prendre sont généralement plus gros, toujours plus voraces, et par conséquent, se défendent avec plus de succès et plus longtemps.


Fig. 158. — Ligne de fond pour la canne fixe.
L’inconvénient du plus grand poids de ces perches est compensé parce que, si le pêcheur est en bateau, il appuie sa canne et l’arc-boute de manière à n’en pas porter le poids ; l’attaque du poisson est si franche et si rapide, qu’en tenant seulement la main sur la canne le pêcheur est immédiatement averti du succès de son entreprise.

S’il pêche sur les rochers il pose sa canne à terre (fig. 125), la soutenant sur une fourchette (fig. 123), et maintenant la grosse extrémité par une pierre ou un crochet de bois ou de fer. (Voy. Canne fixe.)


PERCHES OU CANNES À PÊCHE, etc. (Choix et confection des)


La perche ou canne à pêche est à proprement parler un morceau de bois auquel on attache la ligne.

Nous avons indiqué, dans des articles spéciaux, tout ce qui a rapport à l’histoire, à la confection et au choix de cet instrument si utile au pêcheur. Ici nous ne donnons que quelques extraits et quelques renseignements secondaires, mais non dénués d’intérêt.

Isaac Walton, le père des pêcheurs à la ligne anglais, indique les précautions suivantes pour se procurer de bonnes perches :

« Entre la Saint-Michel et la Chandeleur, dit-il, on coupe une belle branche de saule, de coudrier, de tremble, etc., de 3 mètres de longueur et de 0m,10 à 0m,12 de circonférence. On la met à plat dans un four chaud, jusqu’à ce qu’il soit refroidi ; on la conserve ensuite dans un lieu sec, pendant un mois, puis on la lie fortement à une règle de bois carrée. Puis, pour la percer dans toute sa longueur, on prend un morceau de fil de fer de chaudronnier que l’on fait rougir à blanc, et on perce la gaule en l’enfonçant dans l’axe, tantôt par un bout, tantôt par l’autre, jusqu’à ce que les deux trous se rencontrent ; on élargit alors ce trou au moyen de mèches de plus en plus grosses, en observant de proportionner le diamètre de ce trou à la grosseur de la perche.

« Cette perche est ensuite bien unie à l’extérieur, on la fait tremper dans l’eau pendant deux jours, puis on la met dans un lieu couvert où on l’expose à la fumée, jusqu’à ce qu’elle soit très sèche. Le trou qui a été fait sert à recevoir deux baguettes, car la perche est en tout formée de trois morceaux qui s’ajustent les uns aux autres.

« Pour faire la baguette qui doit être ajustée au bout de la perche creuse, on cueille, dans la même saison, une baguette de coudrier que l’on fait sécher de même ; on la réduit à une grosseur suffisante pour qu’elle entre dans le trou dont nous avons parlé, et où elle doit pénétrer jusqu’à la moitié de sa longueur.

« Afin de rendre cette perche complète, on coupe des jeunes pousses droites et minces d’épine noire, de pommier sauvage, de néflier ou de genévrier, que l’on dépouille de leur écorce. On les fait sécher en faisceaux qu’on lie avec des ficelles, et on les amincit assez pour qu’elles puissent entrer dans le trou de la canne, du côté le moins gros. Ces trois pièces sont placées les unes au bout des autres au moyen d’écrous ou de vis, de manière que les trois morceaux ne fassent qu’un. De cette manière, lorsqu’on ne pêche pas, les trois morceaux peuvent être enfermés dans la canne. »

Au lieu de coudrier on peut employer le roseau des Indes ; on fixe alors chaque partie à celle qui la porte, au moyen de goupilles, pour qu’elles ne se séparent pas en pêche, quand un gros poisson résiste vigoureusement.

Il est facultatif encore de faire la pêche avec quatre, cinq ou six morceaux de bois, taillés en biseau, aux bouts qui doivent se rejoindre. Il est nécessaire que ces parties taillées se couvrent exactement sur un espace de 0m,10 à 0m,15 ; on les enduit de cire grasse et on les lie par un fil dont on entoure toute la partie ajustée. Ou bien, au lieu de fil, on se sert de soie verte frottée de cire blanche.

On peut faire encore ces perches avec des bois des îles. Il n’est pas nécessaire que la partie que l’on tient à la main soit légère ; les autres parties peuvent être faites avec du bambou, du cèdre, du cyprès ou d’autres bois légers et pliants qu’on colore, si on le juge à propos, en les frottant avec de l’eau-forte (acide nitrique) allongée d’eau, dans laquelle on a fait dissoudre un peu de limaille de fer. On polit ensuite avec de la prêle (Equisetum vulgare, Lin.). On met plusieurs couches de la solution ci-dessus, en polissant à chaque fois.

Lorsqu’on veut pêcher avec des lignes amorcées d’insectes artificiels ou naturels les perches doivent être légères et sont faites avec des roseaux de Provence.


MOULINET


Nous avons réuni dans une seule figure plusieurs systèmes de moulinets, afin que le lecteur puisse parfaitement se rendre compte des avantages et des inconvénients spéciaux des uns et des autres. Occupons-nous d’abord du moulinet en lui-même ; nous dirons ensuite quelques mots de la manière dont on le fixe à la canne.

Avant tout, répétons une fois de plus ce que nous avons déjà dit à plusieurs reprises, c’est que le moulinet est indispensable au pêcheur à la ligne, quels que soient la grandeur ou le genre du poisson auquel il s’adresse. C’est au moment où l’on cherche modestement de petits poissons de friture que l’on est mordu par une pièce de résistance : sans moulinet, tout est perdu. Il en est de même de l’épuisette — la croix du pêcheur — dont on ne sent jamais mieux l’utilité que quand, vous manquant, un beau poisson retombe lourdement à l’eau devant vos pieds.

Le moulinet, fig. 159 et 160, est un moulinet simple, c’est-à-dire non multiplicateur. On a, en effet, imaginé d’augmenter, au moyen d’un engrenage, la vitesse de rotation de la bobine centrale du moulinet sur laquelle s’enroule la ligne, ce qui permet de repelotonner celle-ci beaucoup plus rapidement que quand la bobine ne fait qu’un tour à chaque tour de manivelle : E est une sorte de verrou à coulisse qui fait saillir une petite tige hors de la platine opposée à celle F que nous voyons. Cette petite tige entre dans un trou percé dans la branche de la manivelle, et, par conséquent, empêche celle-ci de tourner, et par suite, la bobine de dérouler la soie.


Fig. 159. 160. 161. 162. 163. 164.
Il est très important, dans toute espèce de moulinet, pour qu’il soit bien fait, que les deux extrémités de la bobine joignent très exactement contre chaque platine, de peur que la soie de la ligne ne s’engage entre elles et ne soit coupée ou n’arrête brusquement le moulinet, ce qui aurait pour résultat, s’il était en action, de briser la gueule du poisson et de le faire perdre immédiatement. Pour éviter cet accident on encastre dans les platines les extrémités de la poulie, et, de cette manière, le fil ne peut s’y introduire.

De quelque cause qu’il vienne, le plus fâcheux accident qui puisse arriver en se servant d’un moulinet, c’est un arrêt subit dans sa marche.

Le moulinet (fig. 159) est un appareil simple également, mais à déclic à ressort, que nous avons imaginé et fait construire, car, nous ne le tairons pas plus longtemps, nous sommes partisans des moulinets simples, qui nous ont toujours semblé marcher assez vite pour repelotonner la ligne tout aussi rapidement que les multiplicateurs et bien plus délicatement qu’eux, quand un poisson entraîne le fil.

Le mécanisme de ce petit moulinet est d’une extrême simplicité et bien préférable au verrou — impossible à manœuvrer — du premier. Avec celui-ci, on pêche, le moulinet toujours à l’arrêt, et il suffit, au moment où l’on a ferré, d’une simple question de pouce pour lui rendre la liberté. À est un déclic que le pouce chasse un peu en avant, au moment voulu ; ce déclic presse légèrement par son biseau sur le ressort B qu’il soulève. Une goupille, entrant dans un trou d’une des extrémités de la bobine mobile, maintient celle-ci en position, et, lorsque la goupille est retirée, elle lui rend à l’instant même toute sa liberté.

Les moulinets multiplicateurs ont un inconvénient inhérent à toute mécanique, celui d’être compliqués, et par conséquent sujets à l’usure. Qu’une des deux roues se déforme ou s’ébrèche, et le moulinet est hors de service ; qu’un grain de sable s’introduise — on ne sait comment — dans son intérieur, et la mécanique ne tourne plus.

On a cependant construit un moulinet multiplicateur libre que nous représentons monté (fig. 161), et démonté (fig. 162 et 163), qui est un véritable perfectionnement et nous a rendu de grands services, surtout au lancer ; car il est assez lourd pour être mieux placé sur une forte canne que sur une légère. La platine, du côté de la manivelle, est double ; M (fig. 162) est le recouvrement qui tient à la platine fixe (fig. 163), par trois vis, 2, 3, 4 (fig. 162).

La manivelle N s’emmanche sur le milieu de la roue J engrenant avec le pignon 4, qui a le même axe que la bobine, par derrière, la platine fixe et qu’une roue K en avant, laquelle roue porte des dents de scie triangulaires et régulières. Un cliquet maintenu par le ressort circulaire K engrène dans les dents de cette roue, laquelle peut cependant tourner dans tous les sens, puisque le ressort et le cliquet sont libres. Il résulte de cette disposition, un arrêt léger, très faible, mais suffisant pour que la soie ne se dévide pas au moindre obstacle. Le cliquet présente en même temps un second avantage, c’est que, dès qu’il fonctionne, un tic tac avertit le pêcheur que le moulinet tourne. Si donc la soie est accrochée, au premier pas le moulinet parle, le pêcheur s’arrête et regarde. Il n’est plus exposé, comme je l’ai vu vingt fois avec un moulinet simple, à dévider sa ligne le long d’un chemin ou d’une haie, et à ne s’en apercevoir que quand, arrivé au bout du fil, la secousse lui fait entrer l’hameçon dans les doigts entre lesquels il le tient à l’abri.


FIXATION DU MOULINET


Arrivons au mode de fixation du moulinet à la canne. Je dois dire que bien des moyens ont été proposés et préconisés sans qu’aucun d’eux ait encore été imaginé sans reproche. Celui que nous indiquons (fig. 164), et qui a été construit par le fameux Montaignac, serait parfait s’il n’était un peu coûteux et n’augmentait en même temps le poids de la canne. Cette dernière considération perd de son importance, parce que le poids portant sur le pied de la canne est plutôt un avantage qu’un inconvénient.

Ce mode de fixation offrait d’ailleurs deux modifications, à la première desquelles je me suis tout à fait arrêté pour toutes celles qui composent ma collection et mon arsenal. L’une des barres reliant les platines (fig. 159) porte, en son milieu, un goujon carré en cuivre O entrant librement dans une pièce D, également en cuivre, et qui est fixé à la canne par une bonne ligature, à chaque extrémité. On pourrait remplacer les ligatures par de fortes bagues en caoutchouc, mais leur flexibilité offre beaucoup de dangers, en cas d’accroc à un obstacle quelconque. Nos ligatures ne bougent pas.

Sur le côté de la pièce D, une vis de pression entre, par la joue, dans la cavité carrée où elle serre le goujon O et retient très solidement le moulinet en place. Un tour de vis en arrière, et le moulinet rentre dans le carnier ; un tour en avant, tout est en place. Inconvénient : obligation d’avoir autant de pièces D que de cannes.

Montaignac, lui, avait imaginé l’appareil figure 164, composé d’une glissière en cuivre fixée à vis sur la canne, et portant deux coulants en demi-bagues G, H. On introduisait sous l’un, H, la pièce D (fig. 159) tenant au moulinet, on ramenait G vers H, et tout était fixé.

Revenons un instant à des méthodes plus simples et moins modernes. Quelques moulinets portent un goujon qui traverse la canne dans son épaisseur, et qui de l’autre côté, est serré et retenu par une vis à tête de différentes formes. Cela est bon, mais le trou pour le passage du goujon affaiblit beaucoup la canne dans cet endroit, surtout quand elle n’est pas de très forte dimension.

Quelques pêcheurs montent leur moulinet sur un ou deux cercles de cuivre à ressort et à vis serrantes comme ceux qui servent aux becs de clarinettes. D’autres se contentent de lier la patte du moulinet sur la canne, au moyen de quelques tours d’un large ruban de fil ; cet expédient, à notre expérience, a paru peu solide. C’est dommage, il est simple.

De tout ceci, il résulte que tout moyen sera bon pour fixer le moulinet sur la canne, pourvu que ce moyen permette de les séparer facilement et à volonté.


MOUCHES NATURELLES (Muscæ, Lin)


Genre d’insectes diptères de la famille des Athérinées, type de la tribu des Muscides.

Corps oblong, à peu près cylindrique ; tête globuleuse, un peu plus large que longue, portant deux yeux très grands et à réseaux, et trois petits yeux
Fig. 165. — Mouche domestique (Musca domestica, Lin.)
lisses distincts, front aplati, et présentant un espace arrondi, en haut duquel sont insérées des antennes à trois articles ; trompe membraneuse, coudée, rétractile et terminée par deux lèvres. Corselet cylindrique et abdomen ovalaire. Ailes grandes et horizontales. Pattes longues, grêles, terminées par deux crochets et deux pelotes couvertes de poils rudes.

Les larves sont les asticots.

Les mouches sont communes pendant les mois d’été ; quelques-unes sucent le miel des fleurs, mais la plupart des espèces s’attaquent aux matières animales ou végétales en décomposition. Il existe un grand nombre d’espèces de ces insectes.

L’espèce type est la mouche domestique (musca domestica, fig. 165), commune partout dans les appartements ou les cuisines, où elle est très importune.

Elle est longue de 15 millimètres, a le corselet cendré, l’abdomen cendré et jaunâtre en dessous, les ailes transparentes.

La mouche à viande ou mouche bleue, ou mouche pourrisseuse (musca calliphora, fig. 166), long. 1 centimètre, thorax noir, abdomen bleu métallique, tout le corps couvert de longs poils noirs et raides.

Variété : la mouche vivipare qui pond ses larves déjà écloses sur les matières animales qu’elle rencontre dans les habitations.

La mouche des bœufs (musca bovina) se distingue de la musca domestica par les côtés de la face et du front qui sont blancs ; elle porte une bande dorsale noire. Très commune dans les fermes.

La mouche césar ou des cadavres (musca cæsar, fig. 167) a le ventre vert doré, la tête et le corselet bleus ; la mouche bourreau, qui s’attaque aux bestiaux ; la mouche aplatie, etc., etc.

Les araignées ; les hirondelles, et la plupart des oiseaux font aux mouches une guerre continuelle. Les poissons en sont également très friands, et en dévorent le plus qu’ils peuvent, sans que la race de ces incommodes animaux semble diminuer. Les espèces principales que nous rencontrons facilement dans nos cuisines sont les mêmes qui nous ont fourni les asticots ; elles sont aussi bonnes pour la pêche à la mouche qu’elles l’étaient à l’état de larves pour la pêche de fond.

Ces mouches se prennent au moyen d’un filet V (fig. 168), et sont mises dans une boîte spéciale ABC (fig. 169), de laquelle on les extrait une à une, suivant le besoin.


Fig. 166. — Mouche à viande (Musca vomitoria.


Fig. 167. — Mouche César ou dorée (Musca cæsar, Lin.).


Fig. 168. — Filet à prendre les mouches.


Fig. 169. — Boîte à mouches, vue en dessus, du côté du tulle.


Fig. 160. — Boîte à mouches, vue en dessous, du côté de l’ouverture.

Les plus communes autour de nous, sont :

La mouche à viande (musca vomitoria, Lin., fig. 166), une des plus grosses de notre pays ; elle a le front fauve, le thorax noir, l’abdomen demi-bleu luisant, avec des raies noires.

« Doué d’un odorat très délicat elle est attirée de très loin par la viande et les matières animales, sur lesquelles elle vient déposer ses œufs. Son bourdonnement assez fort est connu de tout le monde. Les larves, au moment de passer à l’état de chrysalides, s’enfoncent en terre, ou se retirent dans un endroit écarté et sec, comme derrière des placards, armoires, boiseries, tentures où l’on retrouve les débris de lymphes en grand nombre.

La mouche dorée (musca cæsar, Lin., fig. 167) a le corps d’un beau vert doré, luisant, avec les pieds noirs. Elle est très commune dans les champs et au bord des eaux, pendant les chaleurs de l’été. Elle pond sur les matières d’origine animale, quelles qu’elles soient, et elle a une telle subtilité d’odorat qu’un simple petit poisson mis au soleil, pendant quelques minutes, suffit pour en attirer des quantités que l’on prend facilement au filet (fig. 168) et qui servent immédiatement à mettre à l’hameçon. La voracité de ces insectes est telle, en été, qu’il faut absolument laisser dans l’eau, au moyen d’un sac EFS (fig. 171) ou d’un filet à cercle FBP (fig. 172), le poisson que l’on prend à la mouche, si l’on veut que les pontes des mouches, volant de toutes parts, ne le décomposent pas en très peu de temps.

Comme toutes les mouches craignent l’humidité, il faudra, si l’on se sert d’un panier (fig. 173), le garnir, au fond, d’une couche épaisse d’herbes mouillées ; encore ce moyen n’est-il pas toujours efficace.


Fig. 171. — Sac à poissons.


Fig. 172. — Filet à cercles.


Fig. 173. — Panier de pêche.

La mouche domestique (musca domestica, Lin., fig. 165). — Thorax gris cendré à quatre raies noires ; abdomen brun noirâtre tacheté de noir, en dessous brun rougeâtre. La larve ou asticot vit dans le fumier chaud et humide.

La mouche vivipare (musca carnaria, Lin.), qui a les yeux notablement écartés l’un de l’autre, un peu plus grande et plus allongée que la mouche de la viande ; elle a le corps cendré, les yeux rouges, des raies sur le thorax, et sur l’abdomen des taches noires carrées.

La femelle est vivipare et dépose les larves qui remplissent la capacité de son abdomen sur la viande, les cadavres, les plaies de l’homme et des animaux.

Il faut remarquer, en terminant, que toute espèce de mouches vives sont bonnes pour la pêche des poissons de surface ; on les prend, au même moment on les enferre et l’on pêche. Comme la pêche à la surprise réussit surtout durant la grande chaleur, c’est aussi l’instant où les mouches et tous les insectes sont le plus nombreux. Cependant, si l’on a le temps de faire une provision avant de partir, on perdra moins de temps, et la pêche sera plus fructueuse.


MOUCHE DE HAIES

C’est un petit insecte appelé moine, que l’on trouve au printemps sur les haies, et que l’on emploie pour la pêche des chevesnes. Il a le corps rouge et écailleux, la tête noire, et porte de longues pattes sous l’abdomen.


MOUCHE DE MAI (MAY-FLY)


Ce mot signifie proprement hanneton, mais il semble qu’on l’emploie également, par confusion, pour désigner l’éphémère à ses trois états, comme larve, nymphe et insecte parfait. On imite très bien ces animaux en insectes artificiels. Nous avons porté ici cette dénomination afin que les amateurs puissent se reconnaître dans la désignation des mouches artificielles anglaises.


MOUCHES ADDITIONNELLES


On donne ce nom aux mouches artificielles que les pêcheurs mettent sur leur ligne volante, en plus de la mouche qui termine cet engin. Selon nous, cette méthode est mauvaise, à moins que l’on ne veuille prendre que de très petits poissons blancs. En général, qui trop embrasse mal étreint ; ce proverbe est bon à méditer, à la pêche à la mouche.

Je ne pêche jamais avec plus d’une mouche, mais quelques pêcheurs en emploient deux et même trois, outre celle qui termine la ligne. À mon avis, une mouche suffit ; un plus grand nombre présente des inconvénients, est plus difficile à manier, et n’offre pas assez de compensation.

Il est certain qu’avec les mouches additionnelles on peut quelquefois prendre deux poissons d’un coup, mais ils sont généralement très petits. La chance de prendre deux gros se présente bien rarement, et si elle arrive, le pêcheur perd, ou très probablement l’une de ses victimes, ou toutes deux, et en même temps une partie de son attirail. Et, cependant, comme il en faut pour tous les goûts, si le pêcheur veut se servir de deux mouches ou plus, la première ajustée devra l’être à une verge au-dessus de celle qui termine la ligne, et la seconde, à une verge et demie encore au-dessus. Un plus grand nombre devient ridicule et tout à fait préjudiciable.

La mouche additionnelle s’attache en formant une anse avec le bas de ligne et engageant dans cette anse celle qui porte la mouche supplémentaire, ainsi qu’on le fait pour celle à l’extrémité de la ligne.

On peut encore couper la ligne au point où l’on veut mettre une mouche
Fig. 174. — Nœud anglais non serré, entre les nœuds D et E duquel on introduit l’extrémité de l’empile.
additionnelle, puis, à cet endroit, pratiquer un nœud anglais BD (fig. 174) non serré, entre les brins DE et NN, auquel on insère la monture de la mouche artificielle, terminée, cette fois, par un nœud. On lui laisse que 0m,10 de longueur de florence.

Cette méthode est la meilleure pour attacher la mouche additionnelle, parce que celle-ci se soutient mieux en dehors de la ligne principale, qu’elle est moins sujette à s’enrouler sur elle, et parce que les nœuds composant le nœud anglais sur la ligne principale, peuvent être séparés en les repoussant, comme dans la figure 174, et la mouche être enlevée facilement. Tout ce que nous venons de décrire ne s’applique évidemment qu’à un bas de ligne construit en florence simple.


MOUCHES ARTIFICIELLES (Confection des)


La truite, le saumon, l’ombre, le dard, le chevesne, le gardon, l’ablette, sont pour le Canada les poissons de surface les plus communs. Tous s’emparent avec avidité des insectes que le vent ou un accident quelconque précipite à la surface des eaux. C’est leur métier de faire incessamment cette chasse, et ils s’en acquittent consciencieusement. Or, de ce fait très connu, et depuis longtemps observé, car il est patent, est dérivée la pêche à la mouche artificielle et tous les engins dont elle exige l’usage.

Or, la pêche à la mouche artificielle est sans contredit la plus active et la plus aristocratique de toutes les pêches ; celui qui s’y livre n’est pas forcé de rester immobile comme le pêcheur de fond ou au coup. Toujours en marche le long de la rive, il n’a de limites à sa promenade que la valeur de ses jambes. C’est une chasse véritable au poisson, laquelle demande, non seulement de très bons jarrets, mais exige des bras solides et vigoureux. Autre avantage, plus d’appâts ni d’esches répugnants et sentant souvent moins bon que la rose mais moins fort, plus d’amorces qu’il faut pétrir avec soin pour les jeter à l’eau, plus de cuisine pour cuire les graines ; le pêcheur peut se munir de gants et de gants aussi fins et aussi délicats qu’il le jugera convenable. Il n’a plus à manier que des imitations de la nature qu’on pourrait appeler de véritables objets d’art plastique.

La pêche à la mouche artificielle est, en Angleterre, la pêche des gens comme il faut, des gentlemen, qui tous en font une affaire sérieuse, et, en général, y sont passés maîtres, non qu’ils dédaignent la pêche sédentaire, loin de là, mais ils montrent une prédilection évidente pour l’exercice qui nous occupe et qui permet, en s’y livrant, de garder cette tenue soignée et lissée si chère à la gentry.

Or, dans notre Canada, cette pêche est peu employée ; elle attire cependant pas mal d’étrangers, qui viennent en jouir sur notre sol, et nous, nous ne la pratiquons pas ou presque pas. On ne peut pas dire que la truite soit plus commune chez les Anglais que chez nous ; elle est autochtone dans les deux pays ; si elle est un peu moins rare dans certaines rivières du Royaume-Uni, en revanche, il n’existe que le thalweg du Saint-Laurent, entre le Saguenay et la chute Niagara, où les truites ne se pêchent pas, et encore peut-on y pêcher le poisson blanc de surface dans des conditions de grosseur extrêmement respectable. Il est certain que cette différence de goût tient à la différence de génie des deux peuples ; au peuple froid et passif, l’exercice extrême de cette pêche ; au peuple gai et actif, le repos de la pêche sédentaire. Rien de plus naturel, c’est la loi éternelle des contrastes.

Quoi qu’il en soit, nous pouvons sortir de cette apathie, tout Français que nous sommes, et nous bien figurer que, contrairement à ce qu’on dit, la pêche à la mouche artificielle n’a pas de mystères insondables, et se fait très facilement — comme les autres pêches — quand on peut y mettre le soin nécessaire.

On a longtemps cru, dans notre pays, que cette pêche exigeait l’achat d’engins très coûteux ; c’est encore une erreur ; en suivant les conseils que nous donnons dans ce livre, nous aimons à croire que le lecteur en aura acquis la certitude ; il est tout aussi facile de se faire une canne pour cette pêche que pour une autre. Reste donc le moulinet ; même celui-ci, on peut le faire ; mais quand on devrait l’acheter, il dure autant que le pêcheur ; ce n’est donc pas une grande dépense.

À l’article pêche au lancer nous décrivons la manière dont il faut monter sa canne, sa ligne, et apprendre à lancer la mouche sur la surface des eaux, de manière qu’elle y tombe comme un insecte naturel poussé par le vent. Car c’est surtout la truite qu’il faut chasser avec la mouche artificielle ; elle est la reine des poissons d’eau douce : aussi devons-nous examiner ensemble ses mœurs carnassières.

Faisons-nous petits, très petits, cachons-nous derrière un buisson, un arbre, un obstacle quelconque, et observons ; on dit que c’est une bonne manière d’apprendre. Que voyons-nous ? À chaque insecte qui tombe, ou qui seulement rase la surface de l’eau, la truite s’élance, et de sa dent impitoyable en fait une proie assurée. Ses mouvements sont tellement soudains, si rapides, que vous croiriez qu’elle n’a pas le temps d’examiner la proie qu’elle avale. Erreur ; essayez d’attacher un insecte par la patte et de le jeter à l’eau, vous verrez combien il sera respecté, et comme autour de lui les autres seront gobés. Il aura beau se débattre d’une façon engageante, la rusée commère ne s’y laissera prendre que bien rarement… et encore !

Il semble tout simple que le pêcheur, en voyant ce manège, se fasse ce raisonnement : puisque la truite aime les insectes, je vais lui en offrir ; puisqu’elle voit clair, je monterai mon hameçon sur une florence très fine. C’est parfaitement raisonné. Mais la truite se tient le plus loin qu’elle peut des rives découvertes ; il faut donc faire arriver sa mouche ou son insecte, là où est la truite ; il faut donc le lancer, et là est la difficulté. On a réussi une fois à mettre l’insecte au milieu de l’eau, très bien ! La truite n’était pas là ou n’a pas mordu, le courant a peu à peu ramené la ligne au bord ; il faut la lancer de nouveau ; mais le mouvement brusque nécessaire pour y réussir déchire l’esche ou la fait vaciller sur la pointe de l’hameçon. Au troisième coup l’insecte s’échappe ou se brise… c’est à recommencer.

Telle est la cause de l’invention des mouches artificielles. Celles-ci sont solides, elles ne se débattent pas aussi bien sur l’eau qu’un insecte vivant, mais le pêcheur y supplée par son habileté et son coup de poignet, et surtout… elles réussissent. C’est le principal. Mais il faut noter, en passant, que — semblable en cela à beaucoup d’animaux à poil et à plume — le poisson est avide de ce qui lui semble nouveau. Qu’un objet un peu éclatant tombe à l’eau ou voltige à sa surface, poisson de surface il obéit à son instinct, il y vient, et le plus souvent il se jette avidement dessus. C’est le secret de la réussite de la cuiller, du tue-diable.

Il faut donc se procurer des insectes artificiels. On peut en acheter, mais le plus simple est d’en faire, et c’est si simple, que tout le monde peut et doit y réussir, car l’insecte artificiel est une imitation très libre de la nature, et les meilleurs sont presque toujours ceux qui ne ressemblent à rien, et que les Anglais nomment fancy (fantaisie). Ils sont de couleur bien vive ; quelle qu’elle soit, la truite les aime. C’est bien ! Comme elle les gobe, elle est gobée, et tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles !

Ce serait tout un art à apprendre, s’il fallait faire des insectes vrais : l’expérience a prouvé que les poissons n’étaient pas si forts en histoire naturelle qu’ils ne se trompassent un peu sur les espèces et ne prissent jamais, pour leur repas, que tel papillon, pour leur dessert, que telle phrygane ou tel cousin délicat. Un petit faisceau de plumes, de soie et d’or qui voltige à la surface de l’onde est nouveau et brillant, donc appétissant, cela lui suffit ; il n’a pas besoin de savoir s’il est semblable à l’insecte qui vole en majorité, ce jour-là même ; et la prétention des pêcheurs de choisir dans leur portefeuille l’insecte qui ressemble le plus à celui qui tombe, pour s’en servir, nous semble une prétention outrée et inutile, contre laquelle l’expérience et le raisonnement protestent à qui mieux mieux.

Cinq ou six mouches bien faites (fig. 175), de grosseur et de couleurs variées, suivant la grosseur du poisson que l’on désire prendre, et suivant la pureté ou l’obscurité de l’atmosphère, sont suffisantes pour le pêcheur sage et expérimenté. Il en choisira une de nuance claire par un jour lumineux et serein, une plus foncée par un jour couvert ou une eau moins limpide. C’est tout ce qu’il faut. Et maintenant, il suffit de savoir les construire pour en posséder au besoin une provision inépuisable, car elle se renouvelle sans cesse ; pour savoir il faut apprendre, et nous allons essayer de montrer.


Fig. 175. 176. 177. 178. — Mouches artificielles variées de grosseur, de forme et de couleur.

La soie, la laine et la plume de différents oiseaux, les fils métalliques, telles sont les matières premières des insectes artificiels. Avec la soie, la laine et le coton, on confectionne le corps des gros insectes : leurs pattes, les ailes, les antennes se font avec de la plume noire, grise, jaune ou rouge. Mais il est un principe qui doit dominer toute cette fabrication : c’est que, quel que soit le talent avec lequel est faite une mouche artificielle, elle parait au poisson beaucoup plus grosse qu’elle n’est. Quelle est l’explication de ce mystère ? Nous ne le savons point, mais le fait est patent : prenez un insecte naturel — plus gros qu’une mouche artificielle ordinaire — les petits chevesnes, les dards, les petites truites l’attaqueront hardiment : mettez l’insecte artificiel de même grosseur à sa place, la grosse truite et les gros chevesnes l’attaqueront seuls. Or, le gros poisson attaque surtout la grosse esche ; donc, pour le petit poisson, cette petite mouche artificielle est grosse. Donc, pour bien pêcher, le moyen de réussir c’est de se servir d’insectes artificiels extrêmement petits.


Fig. 179. 180. 181. — Moucherons et cousins en plumes tournées autour de la hampe de l’hameçon.

Les petites mouches, les moucherons, les cousins (fig. 179 à 181) se font avec de la plume seulement — que l’on prend sur le coq, le chapon, la perdrix, la bécasse, la pintade, le canard mâle — les meilleures sont celles qui se mouillent le plus difficilement. Chez le coq et le chapon, les meilleures plumes sont celles de la collerette ; on en trouve de toutes les couleurs.

La barbe de la plume du paon ou celle de la plume d’autruche forment les meilleures matières pour construire les corps des insectes, et sont bien préférables aux chenilles en soie de différentes couleurs qui se mouillent et se déforment sous l’eau (fig. 182 et 183).


Fig. 182. 183. — Corps en chenille de soie de deux couleurs.


Fig. 184. — Limerick sans palette pour mouche artificielle.

On arrache le pennon des grosses plumes — du haut en bas — pour avoir un ruban barbelé ; quant aux petites plumes du coq on les emploie telles qu’elles sont. On choisit de la soie de la même couleur ; l’on place l’hameçon entre ses doigts, le dard en dehors de la main, c’est-à-dire en avant des doigts et en dessus ; cet hameçon porte la florence empilée soigneusement. Alors on fait deux ou trois tours avec la plume au bout de l’hameçon, vers le coude, et deux tours par-dessus, avec la soie, en ayant soin de passer celle-ci entre les barbes ouvertes, sans les ployer. On remonte ainsi le long de la hampe, en passant quelques tours de soie, tous les trois ou quatre tours de plume. On se sert ordinairement, pour monter ces mouches, d’hameçons limerick sans palette (fig. 184) ; ils ont la hampe plus longue et plus mince.

Arrivé donc à l’extrémité de la hampe, il faut arrêter tout cela. On prend alors un petit morceau de soie fine, d’environ 10 centimètres, que l’on double et que l’on place, la boucle tournée vers la palette, sur la plume et la première soie. On continue à faire passer sur les deux bouts de la boucle, la première soie qui retient la plume, et quand on a fait un certain nombre de tours — le moins possible — on passe l’extrémité de la soie dans la boucle, entre l’un des deux petits bouts de la boucle ; celle-ci se serre, et le tout est arrêté. Rien de plus simple, comme on le voit, que cette manière de faire ce que l’on appelle, en terme de pêche, les chenilles et les cousins.

Il faut maintenant apprendre à confectionner les mouches à corps ; cela n’est pas plus difficile. On empile un hameçon de grosseur appropriée, sur une florence bien choisie, ayant soin que la soie poissée qui a servi, reste libre aux deux extrémités de la ligature arrêtée, sur une longueur de 0m,20 à 0m,25. On pose alors sur le haut de la hampe, et les pointes fines tournées à l’opposé du dard de l’hameçon, une barde de plume de paon ou d’autruche, et une plume de la collerette du coq, longue, mince et bien velue. Après avoir attaché solidement ces deux plumes avec l’extrémité supérieure libre de la soie poissée, on tourne, en spirale pressée sur la ligature, la barbe de paon ou d’autruche, jusqu’en face de la pointe de l’hameçon, et là on l’arrête avec le second bout de soie poissée.

On a fait ainsi le corps de la mouche, et l’on peut le rendre plus brillant en l’entortillant d’un fil d’or ou d’argent placé en même temps que les deux plumes ; mais cet enjolivement n’est pas une nécessité, et rien ne prouve même qu’il soit un perfectionnement, quoique le poisson soit attiré — comme nous l’avons vu — par les brillants ou une couleur éclatante.

Pour revêtir ce corps des soies ou poils qui doivent l’entourer, on prend la plume de coq qui reste libre, par sa pointe, et on la tourne aussi en spirale sur le corps de la mouche. Arrivé en bas, on la lie aussi avec la soie libre, et on coupe les bouts de soie et de plume : la mouche ou chenille est terminée par le bas.

Pour couvrir mieux le dard de l’hameçon, on fait dessus avec le bout de soie supérieur, près de la palette, deux ou trois tours sur les barbules de la plume, de manière à les coucher un peu sur celles qui sont plus bas, et à leur donner en même temps une plus grande solidité. Arrêtez la soie et coupez-la, la mouche est prête à servir. Pour faire une mouche artificielle à ailes, il faut agir absolument de même, seulement choisir une plume de collerette de coq, à barbe la plus courte possible, car elle sera arrêtée à la moitié supérieure du corps de la mouche. On choisira alors deux petites plumes égales, minces et souples, de la couleur appropriée, on les attachera au haut de l’hameçon, les pointes des barbes tournées vers le dard de l’hameçon, mais en dessus de la courbure, et après avoir terminé le corps, on les fixera par quelques tours de la soie poissée qui reste à la partie supérieure de l’hameçon.

On terminera par quelques tours en dessus du tout, pour que les ailes et les barbes ne puissent pas se relever, et la mouche à ailes sera terminée et prête à servir (fig. 185, 186, 187, 188).


Fig. 185. — Mouche à ailes.


Fig. 186. — Mouche à ailes.


Fig. 187. — Mouche à ailes.


Fig. 188. — Mouche à ailes.

Il est facile de voir, en lisant ce qui précède, combien toute cette fabrication est simple, puisque le pêcheur reste libre de la couleur et de l’arrangement de ses mouches ; toutes sont bonnes, quelles qu’elles soient ; le temps seul de les appliquer à la pêche varie, et assortir les unes aux autres constitue la plus grande partie du talent à acquérir pour bien pêcher à la mouche artificielle.

Nous empruntons au traité de Grey Drake (London, 1862), quelques passages intéressants sur les mouches artificielles usitées en Angleterre : ces passages compléteront aux yeux du lecteur ce que les articles Choix des insectes artificiels, suivant les lieux et suivant le temps, pourraient avoir d’obscur.

« La grande quantité de mouches artificielles diverses est parfaitement inutile, et je suis convaincu que si le poisson est disposé à mordre sur la mouche, peu importe laquelle on emploie comme forme et comme couleur, pourvu qu’elle ait la grosseur convenable. Lorsque les truites ne sont point disposées à prendre la mouche, vous pouvez essayer sans succès toutes celles que vous avez en portefeuille. J’ai pêché par expérience, pendant une saison entière, avec deux mouches seulement, le coachman et le governor, et j’ai parfaitement réussi, même pendant le mois de mai, alors que l’eau est couverte de phryganes et que les poissons les saisissent avidement.

« Les mouches de mai, nos 4 et 5 ci-après, sont certainement très recherchées par la truite, et je ne conseille pas de pêcher avec d’autres, pendant le temps des phryganes, quoique la truite les prenne aussi bien avant qu’après ce moment-là. Ces insectes durent de la fin de mai à la fin de juin.

« Les mouches désignées dans la liste suivante suffisent amplement pour toutes les époques de l’année, et pour la majorité des pays ;


No 1. — The March brown
Se représente par une mouche à corps brun, avec des ailes brunes et la queue longue.
No.2. — The governor
Mouche à corps brun, ayant un point rouge à l’extrémité du corps, avec les ailes brunes.
No.3. — The coachman
Mouche à corps noir, avec les ailes blanches.
No.4. — The  green drake
No.5. — The grey drake
May-Flies
Mouche verte
Mouche grise
Phryganes ou mouches de mai.
No.6. — The red hackle
Mouche rouge sans ailes.
No.7. — The black hackle
Mouche noire sans ailes.
No.8. — The blue dun
Mouche couleur de fumée, sans ailes.
No.9. — The alder fly
Mouche à corps noir, avec les ailes rouges.
N.10. — The black gnat
Petit cousin noir.


« Le coachman, ou mouche n° 3, doit son nom, dit-on, à cette circonstance qu’il a été inventé et recommandé par un cocher, célèbre pêcheur. C’est une mouche fort utile, que la truite saisit promptement dans toutes les eaux et pendant toute la saison, bien qu’elle ne ressemble à aucune mouche naturelle ; elle est préférable même à la phalène blanche, pour la pêche du soir.

« Choisissez les mouches de mai avec des ailes grandes et relevées, le corps plein et de longues queues ; n’employez pas de mouches qui ne soient pas montées sur des limericks ; moitié petites, moitié grosses ; de chaque espèce, c’est tout ce qu’il en faut.

« Pêchez n’importe avec quelle mouche, sur monture fine, si le temps est brillant, l’eau claire et le vent faible ; grosses, avec une florence forte, si le temps est nuageux, s’il vente ou s’il pleut, et quand l’eau est trouble. La plupart des pêcheurs de premier ordre et les plus chanceux — les vieilles mains, comme disent les Anglais — n’emploient jamais d’autres mouches que le red et black hackles, le blue dun (nos 6, 7 et 8), et le black gnat (n° 10) de la ligne ci-dessus.


COULEURS DES MOUCHES ARTIFICIELLES


La couleur des mouches artificielles, en soi, n’importe point à la pêche ; le rapport de cette couleur au temps qu’il fait est seul de la plus haute importance, quoique de nombreuses exceptions prouvent à chaque instant au pêcheur, qu’il y a des moments où le poisson n’est pas difficile, et où il prend tout ce qui lui tombe sous la dent.

En effet, lorsque pleuvent, des arbres et de l’air, des insectes pendant l’été, le printemps ou l’automne, il en tombe de toutes sortes et de toutes couleurs. Quand même la rivière serait couverte d’éphémères blanches qui semblent une manne envoyée aux poissons, on peut pêcher avec une mouche artificielle brune, rouge ou noire ; le poisson la prendra, soit nouveauté soit habitude.

Il n’est pas si peu important de faire attention à la grosseur des mouches. Sur les eaux parfaitement limpides, sous un ciel clair et lumineux, on emploiera des mouches de couleurs claires, grises, jaunes ou blanches, et même à une grande profondeur, le poisson les verra au travers du cristal dans lequel il se promène.

Si, au contraire, le temps s’assombrit et tourne à l’orage, si les eaux ont un peu de louche, on prendra des insectes de couleur brune, rouge, noire ou marron foncé. En effet, il est important, avant toute chose, que la couleur de la mouche tranche sur celle de l’eau, afin que le poisson puisse voir de loin le leurre, et y venir.


D’après Isaac Walton — le père des pêcheurs à la mouche artificielle — les principaux insectes employés avantageusement à l’état d’imitation, sont : les araignées, les papillons, les demoiselles, les sauterelles, les teignes aquatiques, et les insectes ailés des bords de l’eau.

Parmi eux, voici ce qu’il recommande comme choix, suivant le temps :


L’araignée rouge et le papillon jaspé conviennent pendant qu’il fait soleil ;

Le bibet, lorsque le temps est à l’orage.

Le charençon, lorsque le ciel est obscurci par les nuages.

Les chenilles jaunes et vertes s’emploient le matin, ainsi que le papillon des genêts et la sauterelle ;

La mouche fantaisiste (fancy), vers la fin du jour ;

La nymphe, au point du jour ;

La papette et le petit paon se mettent en usage toute la journée.

On emploie de préférence :


Araignées,
Chenilles,
Fourmis ailées,
Demoiselles,
Pour les Truites.
Ces désignations doivent être entendues dans un sens très élastique : par exemple, voici ce que l’on pourra prendre :


Araignées :


Fig. 189.


Fig. 190.


Fig. 191.

Chenilles :


Fig. 192.


Fig. 193.


Fig. 194.


Fig. 195.

Fourmis ailées :


Fig. 196.


Fig. 197.

Demoiselles :


Fig. 198.


Fig. 199.

Le petit Paon, pour le saumon :


Fig. 200 et 201. — Mouches à Saumon.