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Poissons d’eau douce du Canada/Préface

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C. O. Beauchemin & Fils (p. v-xiv).

PRÉFACE



C’est à Beauharnois, dans les eaux d’un ruisseau qui sépare le Buisson des Cascades, que je jetai ma première ligne, formée d’une aiguillée de fil de chanvre, armée d’un hameçon d’épingle, et attachée à une branche de troène. Lorsque je rapportai, au soleil couchant, trois ablettes et un vairon dans ma petite chaudière, le fils du roi n’était pas plus fier que moi. Ce jour-là compte parmi les plus beaux jours de ma vie. Je n’avais que cinq ans, et cependant ma vocation de pêcheur à la ligne date de cet âge-là. Entre Beauharnois, Saint-Timothée, les Cèdres, le Coteau et Valleyfield, il y a de fort beaux endroits de pêche. Il ne manque pas de grèves sablées, en pente douce, où l’on seine ; ni de courants où l’anguille périt sous le dard du nigog ; ni d’anses où on l’enlève à la vermée ; encore moins d’eaux profondes où on la pêche à la ligne dormante. Au Buisson, des pêcheurs hardis, à la lueur d’un flambeau de cèdre, une gaffe de dix-huit pieds de longueur dans les mains, marchant jusqu’à mi-corps dans des vagues à fond noir, à crête blanche, harponnent cruellement des esturgeons énormes émergeant de l’eau en se tordant et montrant leur ventre, blanc comme une peau d’homme, déchiré par une plaie sanglante ; mais toutes ces manières de capturer le poisson, pour profitables qu’elles puissent être, n’en sont pas moins hideuses. Ce n’est pas de la pêche, c’est de la tuerie.

J’aurais pu me laisser aller, comme bien d’autres, à l’entraînement de cet exercice brutal, lorsque j’y échappai, grâce à Dieu, par l’exemple de notre vieux voisin, Fanfan Brossoit, qui n’eut jamais son égal comme chasseur et comme pêcheur à la ligne.


Ours et renard,
Outarde, huard,


avaient mauvais jeu contre lui. À l’époque de la débâcle des glaces, s’il apercevait au large, dans les rapides, la tête fauve d’un loup marin, il bourrait sa pipe, au pouce, l’allumait, puis décrochant son fusil pendu à la cloison, il filait d’un bon pas vers le Buisson, où le loup marin devait fatalement se diriger. Vingt minutes s’étaient à peine écoulées depuis son départ qu’un coup de fusil annonçait la mort inévitable du malheureux pennipède.

Comme pêcheur, le père Fanfan connaissait tous les caillous, toutes les battures, toutes les talles d’herbes, de joncs où pouvaient se cacher le doré, l’achigan et le brochet pour y guetter leur proie, et dès qu’il se donnait la peine de les relancer, on était sûr qu’il en faisait des razzias irrémissibles. Un maskinongé s’aventurait-il dans l’anse du Buisson, l’odeur de melon lui révélant sa présence, il allait droit à lui et le rapportait triomphalement dans son canot. Il n’en fallait pas plus pour gagner mon admiration et mettre les exploits du père Fanfan au-dessus de ceux de Joe Montferrant, qui représentait alors pour moi le plus grand homme du Canada. En somme, je n’eus que de faibles efforts à faire pour entrer dans la carrière de pêcheur à la ligne qui m’était ouverte par une main aussi habile, commandant d’autorité au succès. Au for de ma conscience, peut-être devrais-je avouer que j’y étais naturellement poussé.

Heureux celui qui naît avec le goût de la pêche ! Il a devant lui des jouissances douces, des plaisirs faciles, qui lui coûteront peu, lui profiteront souvent beaucoup, sans lui laisser ni remords ni regrets. Pour peu qu’il soit observateur, il recueillera en s’amusant des leçons puisées aux sources vraies de la Nature. Tout le temps de la pêche, l’esprit cherche, analyse, compare ou médite, Ce monde mystérieux des eaux, tantôt sombre et silencieux, profond et marmoréen, tantôt agité, murmurant et rugissant comme l’ouragan, comme le tonnerre, tantôt limpide et transparent comme le plus pur cristal, offre tour à tour à l’imagination et à l’œil des contrastes saisissants de poésie, des tableaux charmants, des paysages pittoresques. Si vous êtes deux ou trois amis à partager ces heures délicieuses d’étude, d’attention, de soins intéressés, vous n’avez qu’à vous laisser vivre pour être éminemment heureux.

Chacune de vos captures, en agitant votre ligne, a communiqué à votre cœur un mouvement de joie : vous ferrez et le coup tient ; dès lors le monde entier, pour vous, est attaché au bout d’un fil. Est-ce une perche, un chevesne, une truite qui va là ? On l’ignore. Vos compagnons suivent avec intérêt les évolutions que le captif imprime à la ligne, les ronds, les barres, les zigzags qu’elle trace à la surface. Vous tenez ferme, vous approchez votre proie du bout de votre canne à pêche, en supputant son poids par la résistance qu’elle offre ; la voici dans la couche éclairée de l’eau ; c’est une truite, et une truite de belle taille encore !

— Attention !… Prends garde de la manquer !… disent les compagnons, avec un peu d’amertume jalouse dans l’avis ou l’encouragement. Car, il n’est pas de satisfaction moins partagée que celle d’un coup de ligne heureux, comme il n’est pas de condoléances moins sincères que celles que l’on donne et prodigue à un coup manqué. La rivalité est l’un des attraits de la pêche à la ligne, et son principal stimulant : la taquinerie, la moquerie, la gouaillerie sont l’assaisonnement, le gros sel indispensable de ce plaisir pris en commun. Il n’y a que le pêcheur solitaire qui en connaisse la jouissance pure, exempte d’envie. Pour être moins éclatants, ses succès n’en sont pas moins méritoires.

Après deux ou trois bonds, quelques écarts, plusieurs plongeons, la truite épuisée se rend : la voici près de l’embarcation. Vite l’épuisette ! Un compagnon avance la pochette en mailles, assez gauchement et enfin, la truite roule pantelante au fond de l’embarcation. L’un d’eux la palpe, l’autre la mesure de l’œil, la compare avec une autre déjà prise, ou rappelle qu’il en a pris une plus grosse à tel ou tel endroit ; puis, le silence se rétablit jusqu’à la prochaine aubaine.

Voilà pour les pièces de haute ligne, les luttes en règle, les grands combats ; mais il va sans dire que le menu fretin ne reçoit pas les mêmes honneurs. Il passe du fond de l’eau au fond du panier sans laisser plus de traces dans l’esprit des pêcheurs qu’il en a laissé dans l’élément auquel il a été pourtant violemment arraché. N’en est-il pas ainsi de la disparition des petits parmi nous ? Une plainte, un cri, une prière, un trou, une pelletée de terre, puis une larme peut-être, et tout est fini.

Il fut un temps, qui n’est pas encore fort éloigné, où le titre de pêcheur, dans le district de Montréal, était l’équivalent de celui de paresseux. On ne disait pas un pêcheur, mais un poissonnier. La corporation des habitants[1] était alors toute-puissante. Pour avoir du mérite il fallait savoir manier avant tout la hache et la charrue. Les commis marchands n’étaient que des saute-comptoirs et les hommes de profession, des petits habits à poches. À cette époque, la valeur se mesurait par le travail agricole. Seul il était en honneur, et ce préjugé que nous appellerons providentiel nous a valu la conservation des plus belles terres de la province, de nos plus riches héritages.

Cet état de choses a bien changé depuis. Les habits à poches et les saute-comptoirs tiennent maintenant le haut du pavé. La vanité, l’usure, la chicane se sont répandues comme des chancres sur ces campagnes jadis si florissantes. Les plus belles propriétés ont changé de nom, et la plupart des autres portent au flanc la plaie hideuse de l’hypothèque.

Le pêcheur à la ligne a suivi le courant. De poissonnier qu’il était il est devenu Monsieur, gros comme le bras.

D’où vient cela ?

C’est que d’Angleterre, d’Écosse et des États-Unis il nous est venu des amateurs fortunés — qui ont semé nos grèves d’écus — semence décevante et stérile — mais qui chatoie, fascine et éblouit. Ces personnages ne pêchaient plus dans des canots grossiers, faits d’un seul tronc de pin, mais dans des yachts, des péniches à liseré vert, bleu et quelquefois doré, volant sur l’onde à tire-de-voiles ; ils avaient des cannes à ligne d’un ajustage savant, des moulinets, des appareils à fla-fla, des tue-diable, des mouches artificielles, des viroles, et puis du vin, de la Jamaïque — voire même du vin de Champagne — qu’ils distribuaient à la ronde aux bons habitants ébahis.

Pauvres gens ! ils gobaient la mouche mieux que le poisson ! À ces touristes argentés et dorés, il fallait des commissionnaires, des guides, des rameurs, des cochers, un service considérable en somme. Payant grassement, ils se virent promptement entourés, choyés, caressés, adulés. Le mépris du pêcheur fut noyé dans un flot d’or. Désormais, les petits bourgeois, les hommes de profession pourront les imiter impunément et même avec considération : ce qui n’a pas manqué d’être, ce qui dure encore.



Ainsi donc, dès l’âge de cinq ans, je compris qu’il n’existait qu’une seule pêche noble, digne d’un galant homme, la pêche à la ligne. Tout autre moyen de surprise, d’assaut, d’enlèvement contre la gent squammeuse était réputée à mes yeux d’invention barbare. Je commençai par me livrer à cet intelligent et subtil exercice avec toute la vivacité de l’enfance, et j’avais à peine quinze ans que je connaissais tous les secrets du fleuve au-dessus de Montréal jusqu’à Cornwall, secrets qui m’avaient été légués par le père Fanfan avant sa mort, preuve qu’il me jugeait le seul héritier digne d’un pareil héritage.

Depuis, je me suis toujours efforcé de justifier cette marque d’estime qu’il m’avait donnée. C’est pour ainsi dire sous son regard, associé à son souvenir que j’ai fait toutes mes campagnes de pêche, pendant plus de trente ans, dans le bassin inférieur du grand fleuve, la splendeur de notre patrie. De bonne heure, je sondai les mystères des profondeurs et j’abordai avec respect la science ichtyologique des écrivains anglais et américains battant de loin la marche à ceux des autres nations. En faisant la pêche dans les lacs des Cantons de l’Est, et poussant du pied devant moi la petite truite de ruisseau cascadant dans la rivière Saint-Jean ; en remontant les pentes des Laurentides à la poursuite du saumon du Labrador ; en attaquant la truite des lacs dans les bassins des montagnes du nord, depuis le lac Saint-Jean jusqu’au lac Témiscamingue, toujours et partout je pêchais en tenant ma canne de ligne d’une main et mon crayon de l’autre. C’est ainsi que j’ai recueilli, une à une, dans les rivières, les lacs et les ruisseaux du pays, les notes que j’ai rédigées ensuite, à la lueur de ma lampe, aux dépens de mes loisirs, toujours avec le respect de l’art de Walton et de ses nombreux disciples, les Heney, les Henshall, Barnwell, Perry, Murray, Goode, Mosher, Jordan, Mather, Creighton, Chambers, autant d’auteurs américains et canadiens d’origine anglaise, auxquels nous ne pouvons malheureusement opposer que de trop rares noms français. Aussi, est-ce avec une crainte bien excusable, en présence de cette cohorte d’étrangers distingués, de savants consommés, que je risque la publication en français de ce livre traitant des poissons d’eau douce, non seulement de la province de Québec, mais de toutes les provinces et territoires compris dans l’immense domaine du Canada.



Il importe d’abord de connaître les éléments dont le poisson vit et se nourrit, et c’est pourquoi nous commençons par l’étude de l’eau douce, élément absolument essentiel à son existence.

Pour être potable ou propre à la consommation des poissons, l’eau qu’ils respirent doit être dégagée de toutes matières inertes qui pourraient gêner le jeu des organes ou les priver de l’oxygène nécessaire par l’action délétère de substances en décomposition pouvant causer la mort. Durant leur trajet souterrain, les sources, pendant leur cheminement dans leur lit, les cours d’eau, se chargent d’une proportion plus ou moins élevée de substances minérales et organiques solubles, comme la silice et l’alumine, les carbonates et sulfates de chaux, etc., etc.

« Dans un travail sur la composition chimique des eaux, M. Weith prétend que l’abondance du poisson dans une eau donnée est toujours en rapport direct avec la quantité de carbonate de chaux que l’eau renferme en dissolution.

« L’explication du fait est la suivante, dit M. Raveret Wattel : le carbonate de chaux existe en abondance au fond et sur les bords des lacs ; mais comme il est insoluble, l’eau ne peut s’en emparer. Si cependant l’eau renferme de l’acide carbonique en abondance (du fait de la respiration des animaux qui y vivent), le carbonate insoluble est transformé en bicarbonate, lequel est facilement soluble dans l’eau. On peut donc, jusqu’à un certain point, au moyen de l’analyse chimique, juger de la quantité de poissons qu’une eau peut contenir. »

« Cette observation peut être vraie, dit Jobin, pour des eaux qui reposent sur des terrains calcaires ; mais il y a des eaux poissonneuses dans des terrains siliceux, granitiques, argileux et même tourbeux, et presque complètement dénués de calcaire. »

Les eaux doivent de plus renfermer les substances nécessaires à l’alimentation de leurs habitants. C’est, pour une bonne part, la végé­tation aquatique qui y pourvoit, en produisant des plantes qui servent, soit directement à la nourriture de certaines espèces, soit indirectement à celle d’une multitude d’animaux dont d’autres espèces font leur proie, soit en servant à retenir leurs œufs et les insectes. Ces plantes jouent encore un autre rôle ; elles absorbent le carbone de l’acide carbonique contenu dans l’eau, en en dégageant l’oxygène, et contri­buent ainsi à le rendre plus respirable.

Il y a quelques rares espèces de poissons herbivores et carnivores ; le plus grand nombre sont insectivores et carnivores, et c’est par la connaissance de leur alimentation qu’on arrive à les tenter, par les mets ou matières qu’ils préfèrent, soit qu’on les leur offre en nature soit qu’on les leur présente en leurres.

La végétation spontanée du fond et des rives peut modifier favo­rablement l’aptitude des cours d’eau à l’entretien des poissons. Les plantes submergées assurent, par leur respiration, la régénération de l’oxygène, et entretiennent l’aération de l’eau ; puis elles fournissent le vivre et le couvert à une multitude de petits êtres formant une proie recherchée par les poissons à l’état d’alevins, surtout par la classe des cyprins. Enfin, elle offre à tous les genres de poissons un abri contre la lumière trop vive ou la chaleur trop intense, un refuge contre la poursuite de leurs ennemis, un asile pour la fraie, une pro­tection pour les œufs agglomérés. Certaines plantes, comme le cresson de fontaine, sont un indice certain de la qualité supérieure des eaux pour le poisson et de leur convenance spéciale pour l’écrevisse.

La traversée, par un cours d’eau, d’une agglomération humaine qui l’enrichit de détritus organiques, est, au dire du Traité de la pisciculture en eaux douces, dans certaines limites, favorable aux poissons ; mais, lorsque cette agglomération est une immense ville qui y jette tous ses débris, le fleuve se trouve pollué, et certaines espèces l’abandonnent. Il en est de même du voisinage de certaines usines qui déversent dans des cours d’eau de la sciure de bois, des eaux chargées de tanin, de chlore, d’acide sulfurique, etc., et y détruisent toute la population aquatique de l’aval.



La première page de ce livre s’ouvre par la description générale du poisson, qu’elle prend dans un œuf de la grosseur d’un pois, s’il s’agit d’un esturgeon, et d’une graine de pavot, s’il est question du chevesne. Mais jugez de la merveille ; la Nature donne aux poissons qui fraient en hiver, des œufs plus lourds que l’eau, afin qu’ils puissent aller au fond chercher une température égale contre la glace et contre les crues, pendant que les œufs des poissons qui fraient en été surnagent les rivières et vont s’attacher aux herbes et aux cailloux du rivage. Ce n’est pas tout encore ; l’heure de la fraie vient chez ces poissons précieux entre tous, pour la plupart des salmonidés, à l’époque où leurs pires ennemis, les lottes et les brochets, sont forcés par le froid de se réfugier dans les profondeurs des lacs. Si la chance veut qu’ils viennent à la vie, après avoir échappé à la dent de ces voraces animaux, il leur reste encore, comme sauvegarde, un sac de provision qui leur dure de vingt-cinq à trente jours.

Les nageoires du poisson sont à la fois des bras et des rames qui se prêtent à tous les mouvements, à toutes les évolutions ; quelle armure, quel manteau royal est comparable à l’éclat du vêtement de la perchaude ou du huananiche ? L’œil de la barbotte vulgaire a plus de facettes que le plus riche diamant ; l’oreille, d’un faible écho, se mesure à sa voix, mais en revanche, tout poisson est doué d’un merveilleux odorat, qui lui prête la nervosité la plus étrange. Dans le changement des couleurs, l’engourdissement des poissons, dans l’intelligence dont ils font preuve en de fréquentes occasions, dans le mécanisme général de leurs organes, dans la correspondance du temps du frai chez les deux sexes, dans l’équilibre maintenu par la vessie natatoire, dans l’admirable circulation du sang, d’une nature exceptionnelle chez ces animaux, il nous semble qu’il y a des sujets d’étude dignes de l’attention des élèves de nos meilleures institutions et dignes aussi peut-être de la préoccupation d’hommes sérieux et instruits.

Il ne faut pas avoir honte de reprendre sur le tard une étude qui a malheureusement manqué jusqu’ici aux cours de presque tous nos collèges, nos couvents et nos lycées. On aurait tort surtout d’ignorer les classifications des poissons, dues, les premières à Linnée, si savamment modifiées ensuite par Cuvier, Agassiz, Muller et Duméril, si admirablement simplifiées par les auteurs américains de nos jours attachés au Smithsonian Institute.

On verra que dans la préparation et la disposition de cet ouvrage, j’ai fait de mon mieux pour suivre ces savants et trop inimitables modèles. En essayant de marcher sur leurs traces, j’ai su me réserver le droit d’utiliser leur science à mon profit et à celui de mon pays. Qu’on ne me taxe pas de présomption. J’apporte ce livre à l’enseignement comme un enfant apporte une pierre à la construction de la maison paternelle. Lorsque je fais preuve de bonne volonté, que d’autres viennent à la suite et fassent mieux.



Arrivé à la description des salmonidés, j’ai jugé qu’il était opportun de traiter la question des engins de pêche inventés principalement pour la capture de ces poissons. De là je me suis rendu dans la Colombie anglaise, dont les récoltes saumonières font l’étonnement du monde entier et donnent de graves soucis aux économistes américains. Éclairé aux lueurs du houlican, brillant de longue date avant les rutilations de l’or du Youkon, je passe au Grand-Nord du Canada, le territoire rival, en salmonidés, de celui de la Colombie anglaise. Puis un mot d’admiration m’échappe devant le huananiche dominant, des hauteurs du Labrador comme du haut d’un trône, les plaines de l’océan Atlantique et ses nombreux tributaires où le saumon s’est toujours cru roi.

Un mot en passant pour les cyprinoïdes, en souvenir des premières ablettes que j’ai capturées, entre les Cascades et le Buisson, à Beauharnois ; un autre mot au sujet des engins de pêche perfectionnés, consacrés depuis mon enfance à la capture de ces beaux petits poissons argentés que je n’oublierai jamais ; et je finis en exprimant l’espoir que l’on trouvera bientôt les moyens de créer, dans les Laurentides et les Cantons de l’Est, des étangs de carpes, de tanches, de chevesnes et autres cyprinoïdes pour le plus grand développement des salmonidés si abondants dans les lacs de ces deux régions. Nous avons besoin de la carpe française, de la carpe allemande, de la tanche et de toute la blanchaille énumérée dans notre dernier chapitre. Il ne faudra pas oublier non plus la culture de l’anguille, celle du bars, de l’éperlan, et celle de l’esturgeon, telle que je l’ai suggérée.

Quant à la culture du huananiche, elle s’impose en grand — dans certains lacs choisis des Laurentides — pour l’honneur de la province de Québec, la patrie de ce noble poisson.

  1. Cultivateurs