Procès des grands criminels de guerre/Vol 1/Section 38

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REQUÊTE TENDANT À L’EXAMEN MENTAL DE L’ACCUSÉ HESS PAR UN MÉDECIN-EXPERT NEUTRE.


Au Secrétaire Général
du Tribunal Militaire International,
Nuremberg.


En ma qualité d’avocat de l’accusé Hess, je dépose la requête suivante :


I


A. Qu’un médecin-expert soit désigné par le Tribunal afin de procéder à un examen complet de l’accusé Hess et de déclarer, d’une manière détaillée, si ledit accusé est :

a) sain d’esprit,

b) apte à comparaître devant le Tribunal,
avec la possibilité pour lui de comparaître ultérieurement à la barre comme témoin.

Cet expert pourrait être indiqué au Tribunal par la Faculté de Médecine de l’Université de Zurich ou, si aucun expert compétent n’y est actuellement disponible, par la Faculté de Médecine de l’Université de Lausanne.

B. Au cas où le Tribunal aurait déjà procédé à la nomination d’un expert, que le médecin-expert demandé au paragraphe I, A ci-dessus soit néanmoins désigné et agisse de concert avec son collègue désigné par le Tribunal, avec la possibilité de venir déposer comme témoin.

C. Au cas où le Tribunal aurait, entre temps, déjà demandé un rapport à une commission d’experts, que cette liste soit complétée, en dehors de l’expert mentionné au paragraphe I, A ci-dessus, par un autre médecin-expert de la Faculté de Médecine de Zurich ou de Lausanne.


II


Motifs à l’appui du paragraphe I.

L’avocat soussigné a des doutes graves quant à la responsabilité mentale de l’accusé Hess et à la possibilité de le faire comparaître devant le Tribunal en raison de son comportement au cours des nombreuses conversations qu’il eut avec lui, sans même faire état des nombreuses publications passées et présentes parues sur le « cas Hess » dans la presse allemande et étrangère.

L’accusé n’est pas en état de donner à son avocat la moindre information sur les crimes qui lui sont imputés par l’Acte d’accusation. Son visage est sans expression ; son attitude envers son avocat et son comportement devant ce Procès imminent sont sans rapports avec les réactions naturelles des autres accusés.

L’accusé déclare qu’il a complètement perdu la mémoire depuis une période éloignée qu’il ne peut plus déterminer.

La déclaration officielle du Parti émanant du ministère allemand de la Propagande faisant déjà état, le 12 mai 1941, « d’une maladie qui a été en se développant au cours des années » et de « signes de dérangement mental ». La presse anglaise rapportait également le fait que l’attitude de l’accusé, après son atterrissage en Écosse, trahissait une absence de « clarté mentale ».

Ces faits sont suffisamment importants pour établir l’irresponsabilité de l’accusé comme résultat d’un désordre morbide de ses facultés mentales et justifier la requête du paragraphe I.

Ces faits appellent en même temps l’examen de l’aptitude de l’accusé à se défendre.

Au cas où le Tribunal aurait déjà, de sa propre initiative, confié à une commission d’experts la rédaction d’un rapport, il serait équitable pour l’accusé de permettre l’adjonction de plusieurs médecins-experts désignés par la Défense.


Signé : von Rohrscheidt.
Avocat.


Nuremberg, 7 novembre 1945.