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Râja-yoga/Chapitre 2

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Râja-yoga ou Conquête de la nature intérieure
Traduction par S. W..
Publications théosophiques (p. 21-37).

CHAPITRE II

LES PREMIERS DEGRÉS


Râja Yoga se divise en huit degrés. Le premier est Yama : ne pas tuer, ne pas mentir, ne pas voler, observer la continence, ne pas recevoir de présents. Niyama est le suivant : il enseigne la propreté, le contentement, la mortification, l’étude et la soumission à Dieu. Ensuite vient Âsana, ou les postures ; Pranâyâma, ou la maîtrise des forces vitales du corps ; Pratyâhâra, qui exerce l’âme à l’examen intérieur ; Dhrâranâ, ou la concentration ; Dhyâna ou la méditation ; et Samâdhi, ou la supra-conscience. Nous voyons que Yama et Niyama comportent un entrainement moral ; et si on ne les prend pas pour bases il est impossible de pratiquer le Yoga avec succès. À mesure qu’il suivra ces pratiques le Yogî commencera à en recueillir les fruits ; s’il ne s’exerce pas, tous ses efforts resteront stériles. Un Yogî ne doit songer à faire de mal à personne, pas plus en pensée qu’en parole ou en fait ; pas plus aux animaux qu’aux hommes. Qu’il ne réserve pas à eux seuls sa pitié, mais qu’il l’étende à l’univers tout entier.

L’étape suivante se nomme Âsana, ou posture. Chaque jour, il faut faire des séries d’exercices physiques et mentaux, jusqu’à ce qu’on ait atteint certains états plus élevés. Il est donc indispensable de trouver une attitude que l’on puisse conserver longtemps. La position la plus naturelle à chacun est celle qu’il convient d’adopter. Tel individu se sentira très à l’aise pour penser en telle posture qui serait intenable pour un autre.

Nous verrons plus tard, à ce sujet, que pendant l’étude de ces questions psychologiques, le corps travaille avec intensité. Il faudra déplacer certains courants nerveux et leur imprimer une direction différente. On éprouvera des vibrations nouvelles, et il semblera que la constitution entière se transforme. Mais la colonne vertébrale sera le siège principal de cette action, de sorte qu’elle devra de toute nécessité rester libre, verticale, maintenant la poitrine, le cou et la tête en ligne droite. Tout le poids du corps portera sur les côtes ; on arrive ainsi à une posture commode et naturelle. Vous constaterez par vous-même que l’on ne peut pas avoir des pensées élevées quand la poitrine est creusée. Cette partie du Yoga ressemble un peu au Hatha Yoga qui s’occupe exclusivement du corps et qui a pour but de lui donner une grande force physique. C’est une question que nous n’étudierons pas ici ; le résultat qu’elle se propose est très difficile à atteindre ; on ne saurait y prétendre en un jour ; il ne mène à aucun développement spirituel. Delsarte et divers autres maîtres s’étendent sur ce chapitre et enseignent la manière de donner au corps différentes postures ; mais c’est là un but physique, non pas psychologique. Il n’est pas un muscle de son corps sur lequel l’homme ne puisse exercer son empire ; il peut arrêter son cœur ou le laisser battre, à sa guise ; il peut aussi faire agir selon son gré chaque partie de son organisme.

Le résultat de cette partie du Yoga est de nous faire vivre vieux. La santé, voilà l’idée dominante, le seul vrai but du Hatha Yogî. L’homme qui est décidé à ne jamais tomber malade se porte toujours bien. Il vit longtemps. Atteindre la centaine, cela n’est rien pour lui ; à cent cinquante ans il est jeune et dispos, et il n’a pas un cheveu blanc. Mais c’est tout. Un arbre banyan vit parfois cinq mille ans ; mais ce n’est qu’un arbre, rien de plus. De même, l’homme qui vit longtemps n’est pas autre chose qu’un animal bien portant. Une ou deux leçons de Hatha Yoga sont très utiles. Ainsi, quelques-uns d’entre vous se trouveront peut-être bien, pour lutter contre le mal de tête, d’absorber par le nez, chaque matin, au lever, une certaine quantité d’eau froide ; votre cerveau en sera rafraîchi et rendu plus clair pour toute la journée et vous ne vous enrhumerez jamais. La chose est d’une application facile : mettez votre nez dans l’eau et faites avec la gorge un mouvement d’aspiration.

Après avoir appris à s’asseoir dans une position verticale, le disciple doit, suivant certaines écoles, pratiquer ce qu’on appelle la purification des nerfs. Cet exercice a été rejeté par quelques personnes, comme n’appartenant pas au Râja Yoga, mais je crois devoir en faire mention puisqu’il est recommandé par la grande autorité du commentateur Sankarâchârya ; voici ses propres instructions, tirées des commentaires du Svetâsvatara Upanishad.

« L’intelligence qui a été purifiée par Prânâyâma se fixe en Brahman, c’est pourquoi Prânâyâma est nécessaire. Il faut d’abord purifier les nerfs et l’on peut ensuite pratiquer Prânâyâma.

Il faut boucher la narine droite avec le pouce et aspirer par la narine gauche autant d’air que possible. Puis, sans arrêt, l’on expire par la narine droite en fermant la gauche. Respirant à nouveau par la narine droite, on rejette l’air par la gauche.

« Cet exercice doit se répéter trois ou cinq fois de suite et à quatre reprises par jour, aux heures suivantes : avant le lever du soleil, au milieu du jour, le soir et à minuit ; au bout de quinze jours ou d’un mois les nerfs sont purifiés ; alors commence Prânâyâma. »

La pratique de cet exercice est indispensable. Vous pouvez vous asseoir là et m’écouter tout le jour, sans faire un seul pas en avant si vous ne pratiquez pas en personne. Car tout est là. Nous ne pouvons pas comprendre ces phénomènes avant de les avoir expérimentés. Il nous faut les sentir et les voir par nous-mêmes ; et nous aurons beau prêter l’oreille aux théories et aux explications, cela ne nous servira de rien. Il peut y avoir plus d’un empêchement à pratiquer soi-même ; la maladie en constitue un premier ; si le corps n’est pas en bon état, la pratique sera entravée. Nous devons donc nous maintenir en bonne santé ; veiller à ce que nous mangeons, buvons, faisons ; pour demeurer robuste, ayez-en le désir très sincère ; faites cet effort moral que conseille la christian science. Et voilà tout. Il n’y a rien de plus à dire au sujet du corps. N’oublions pas, en effet, que la santé n’est qu’un moyen d’atteindre le but et non pas le but lui-même, Car s’il en était ainsi, nous serions pareils aux animaux, et les animaux sont rarement malades.

Le doute constitue un second empêchement. Nous doutons toujours des choses que nous ne voyons pas. L’homme ne peut pas vivre de mots, encore qu’il l’essaye. Nous doutons, et nous nous demandons si ces choses sont vraies ou fausses ; le meilleur d’entre nous pourra douter parfois. Après quelques jours d’exercice, une lueur naîtra ; elle suffira pour vous donner courage et espoir.

Un commentateur de la philosophie Yoga dit : « Qu’une épreuve réussisse, si minime soit-elle, et nous aurons alors foi en tous les enseignements de Yoga. C’est ainsi qu’après quelques mois d’entraînement et d’étude vous vous apercevrez que vous commencez à lire les pensées d’autrui ; elles se présenteront à vous, telles des images. Peut-être qu’en concentrant votre esprit et en vous efforçant, vous entendrez des bruits extrêmement éloignés. Ces lueurs vous viendront pâles au début, mais suffisantes pour vous donner la foi, la force et I espoir. Si, par exemple, vous concentrez vos pensées sur le bout de votre nez, vous sentirez après quelques jours des odeurs tout à fait exquises ; il n’en faudra pas davantage pour vous démontrer que certaine perceptions mentales peuvent nous devenir sensibles sans le contact d’objets matériels. Mais nous devons nous rappeler toujours qu’elles ne constituent que les moyens ; libérer l’âme, tel est le but, la fin, l’idéal que nous poursuivons par tout cet entraînement. Et cet idéal ne doit être rien moins que la domination absolue de la nature. C’est nous, non pas elle, qui devons être les maîtres ; nous ne devons subir le joug ni de l’intelligence ni du corps ; n’oublions pas que c’est notre corps qui nous appartient et non pas nous qui appartenons à notre corps.

Un dieu et un démon allèrent trouver un grand sage pour apprendre de lui ce qu’était le « Moi ». Après de longues études, le sage leur dit enfin : « Vous êtes vous-mêmes l’Être que vous cherchez. » Tous deux crurent que leur corps était leur « Moi ». « Nous possédons tout », dirent-ils, puis allèrent rejoindre les leurs et dirent : « Nous avons appris tout ce qu’on peut apprendre ; manger, boire et être joyeux ; nous sommes le « Moi » ; rien ne nous est supérieur. »

Le démon était d’un naturel ignorant et obtus ; il n’essaya pas d’en savoir davantage, parfaitement convaincu de l’idée qu’il était dieu, que par le « Moi », on entendait le corps. Mais le dieu avait une nature plus pure. Il commit d’abord l’erreur de croire. « Moi, ce corps que voici, je suis Brahman ; il faut donc le conserver vigoureux et sain, le bien vêtir et lui procurer toutes sortes de jouissances matérielles. » Mais, quelques jours après, il comprit que tel n’avait pu être le sens des enseignements du sage, leur maître, et qu’il devait y avoir quelque chose de plus élevé.

Alors il revint et dit ; « Maître, m’avez-vous enseigné que ce corps-ci est le « Moi » ? S’il en est ainsi, je vois mourir tous les corps et le « Moi » ne peut pas mourir. » Le sage dit : « Découvre-le ; tu es Cela. » Alors le dieu crut que le sage voulait parler des forces vitales qui animent le corps. Mais, peu de temps après, il observa que, s’il mangeait, ses forces vitales restaient vigoureuses, que, par contre, elles faiblissaient s’il venait à jeûner. Alors le dieu retourna auprès du sage et lui dit : « Maître, voulez-vous dire que ce sont les forces vitales qui constituent le « Moi » ? » Le sage dit : « Trouve toi-même, tu es Cela. » Le dieu s’en alla encore et crut que le « Moi », c’était l’intelligence, mais bientôt il songea que les pensées sont inconstantes, parfois bonnes, parfois mauvaises, et il en conclut que la pensée était trop variable pour que ce fût elle le « Moi », Il alla retrouver le sage et lui dit : « Maître, je ne crois pas que l’intelligence soit le « Moi » ; est-ce là ce que vous vouliez dire ? — Non, répondit le sage, tu es Cela, trouve l’explication toi-même. » Le dieu s’en fut de nouveau et découvrit enfin qu’il était le « Moi » au delà de toute pensée ; Celui qui n’a ni naissance ni mort, que l’épée ne peut transpercer, le feu brûler, l’air dessécher, l’eau dissoudre, qui n’a ni commencement ni naissance, l’intangible, l’omniscient, l’Être omnipotent, qui n’est formé ni d’un corps ni d’une intelligence, mais de quelque chose de bien supérieur à tout cela. Il fut satisfait ainsi, mais le pauvre démon ne put atteindre à la vérité parce qu’il aimait trop son corps.

Ces natures démoniaques sont nombreuses en ce monde, mais il y a quelques dieux aussi. Que quelqu’un se mette à enseigner une science capable d’augmenter les plaisirs des sens, il trouvera des foules prêtes à l’écouter. Mais celui qui veut enseigner à l’humanité le but suprême ne rencontre que l’indifférence de tous. Très peu d’hommes sont capables de comprendre ce qui est le plus élevé ; moins encore ont la patience d’y atteindre ; mais quelques-uns savent aussi que si le corps vivait mille ans le résultat serait finalement le même. Il se désagrège lorsque les forces qui le maintenaient l’abandonnent. Aucun homme n’a jamais pu un seul moment arrêter la transformation constante de son corps. Le corps est le nom même d’une succession de changements. « Il en est du corps comme d’une rivière, où vous voyez avec leur même forme les flots changer à chaque instant et d’autres flots nouveaux prendre la place des premiers. » Mais il importe de conserver au corps sa force et sa santé ; car c’est lui notre meilleur instrument.

Le corps humain est le corps le plus parfait de l’univers, comme la créature humaine est la plus parfaite des créatures. L’homme est supérieur à tous les animaux, supérieur à tous les anges ; nul n’est plus grand que lui. Les devas eux-mêmes auront à redescendre sur terre et c’est sous une forme humaine qu’ils gagneront leur salut. Seul, l’homme atteint à la perfection que les devas eux-mêmes ne connaissent pas. Selon les Juifs et les Muhométans, Dieu crèa l’homme après avoir créé les anges et tout le reste de l’univers ; il dit alors aux anges de venir et de le saluer, ce que tous firent, sauf Iblis ; alors, Dieu le maudit et il devint Satan. Cette allégorie cache une grande vérité ; la naissance de l’homme est la plus belle de toutes les naissances. La création inférieure, représentée par l’animal, est obscure ; elle procède surtout de Tamas. Les animaux ne peuvent avoir de belles pensées ; les anges, non plus que les devus, ne peuvent conquérir directement leur liberté, sans une renaissance humaine. De même dans la société des hommes, un excès de richesse ou de pauvreté est un puissant obstacle au développement supérieur de l’âme. Les grands de ce monde surgissent de la classe moyenne. Chez elle les forces sont équitablement reparties et elles se balancent.

Revenons à notre sujet. Voici maintenant Prânâyâma ou règles de la respiration. Quel rapport cela a-t-il avec le pouvoir de concentration du mental ? La respiration est comme le volant de notre machine. Dans une machine puissante, c’est le volant qui se met en marche d’abord ; son mouvement se transmet à des rouages de moins en moins grossiers, jusqu’à ce que les plus délicats marchent d’accord avec l’ensemble. Eh bien, la respiration est ce volant qui fournit et régularise la force motrice dont chaque parcelle de notre corps a besoin.

Il y avait une fois le ministre d’un grand roi ; il tomba un jour en disgrâce, et le roi, pour le châtier, le fit enfermer tout en haut d’une haute tour. Il voulait l’y laisser mourir. Mais ce ministre avait une femme fidèle, qui, la nuit, vint à la tour, appela son mari et lui demanda de quel secours elle lui pouvait être. Il lui répondit de revenir la nuit suivante et d’apporter une longue corde, une ficelle solide, un gros fil, un fil de soie, une blatte et un peu de miel. Très intriguée, la brave épouse obéit et lui apporta les objets demandés. Le mari lui dit d’attacher solidement le fil de soie à la blatte, de barbouiller ensuite ses antennes d’une goutte de miel, et de la lâcher sur le mur de la tour, la tête pointant vers le sommet. Elle se conforma à toutes ces prescriptions et la blatte se mit en route pour son long voyage. Sentant le miel devant elle, elle grimpa dans l’espoir de l’atteindre, lentement, toujours en avant jusqu’à ce qu’elle eût finalement gagné le sommet de la tour ; le ministre saisit alors l’insecte, et s’empara du fil de soie, à l’autre extrémité duquel il pria sa femme d’attacher le gros fil. Lorsqu’il l’eut en main il renouvela l’opération avec la grosse ficelle et finalement avec la corde. La suite était facile ; le ministre à l’aide de la corde descendit de la tour et s’évada. Dans notre corps le mouvement respiratoire est comme « le fil de soie » ; rendons-nous en maître ; en apprenant à le dominer nous nous saisirons du gros fil, c’est-à-dire des courants nerveux ; ceux-ci nous donneront le fil plus fort de nos pensées, puis enfin la corde de Prâna ; et le jour où nous en serons maîtres, nous aurons atteint la liberté.

Nous ne savons rien de notre propre corps, et nous n’en pouvons rien savoir. Tout au plus pouvons-nous prendre un cadavre et le disséquer ; il y a même des personnes qui se livrent à ce travail sur des animaux vivants, afin de voir ce que le corps renferme. Mais cela n’a rien à faire avec notre propre corps, dont nous ne savons que très peu de chose ; pourquoi en est-il ainsi ? Parce que nous manquons de discernement pour percevoir les mouvements très délicats qui se produisent en dedans de nous. Nous ne pouvons y parvenir que si l’intelligence pénètre en quelque sorte le corps et devient plus subtile. Avant de posséder ce degré de subtilité il faut commencer par des perceptions plus grossières ; nous devons nous rendre maîtres de ce qui met toute la machine en mouvement. Or, c’est à Prâna qu’appartient ce rôle, Prâna dont la respiration constitue la manifestation la plus tangible. Grâce à lui, nous pénétrons lentement dans le corps, où nous pourrons découvrir ce que sont ces forces subtiles, comment les courants nerveux agissent dans le corps entier et dès que nous les aurons perçus et que nous aurons appris à les sentir, nous commencerons à les maîtriser et, par eux, à dominer l’ensemble de notre corps. L’intelligence étant également mue par ces divers courants nerveux, nous atteindrons finalement à cet étal de maîtrise parfaite du corps et de l’intelligence, dont nous aurons fait nos serviteurs. La science, c’est de la force ; il nous faut acquérir cette force ; nous devons commencer par le commencement, par le Prânâyâma qui domine le Prâna. Ce Prânâyâma forme un sujet étendu, et il nous faudra plusieurs leçons pour l’expliquer complètement. Nous l’étudierons partie par partie, chapitre par chapitre.

Nous verrons au fur et à mesure les raisons qui justifient chacun des exercices, et les forces corporelles que chacun d’eux exerce. Petit à petit, nous comprendrons, mais il nous faut pratiquer d’abord avec constance et la pratique amènera la preuve. Il n’est pas de raisonnement que je puisse vous faire, capable de vous convaincre tant que vous n’aurez pas fait l’expérience vous-même. Dès que vous commencerez à ressentir l’action de ces courants dans tout votre être, vos doutes disparaîtront ; mais une pratique quotidienne et opiniâtre s’impose pour cela. Il faut vous exercer au moins deux fois par jour ; le matin et le soir sont les moments les mieux choisis de la journée. À l’aube, au crépuscule, il se produit un état de calme relatif. Le point du jour et les premiers instants du soir sont les deux pôles de ce calme. Nous devons profiter de ces conditions naturelles et nous mettre alors à pratiquer. Faites-vous une règle de ne pas manger avant d’avoir fait vos exercices et si vous suivez cette règle la seule faim aura raison de votre paresse. Aux Indes on enseigne aux enfants à ne jamais manger avant d’avoir pratiqué et fait leurs dévotions ; en très peu de temps, leur naturel se conforme à cet usage, et un jeune garçon n’aura jamais faim avant de s’être baigné et exercé.

Ceux d’entre vous qui le peuvent feront bien de réserver une pièce uniquement à la pratique ; n’y dormez pas ; ce lieu doit rester saint ; n’y entrez pas sans vous être baigné, et sans être parfaitement pur de corps et d’esprit. Que cette pièce soit toujours garnie de fleurs : un Yogî ne saurait avoir de meilleure compagnie qu’elles ; qu’aux murs pendent d’agréables tableaux. Brûlez-y de l’encens matin et soir. Que ce lieu ne connaisse ni disputes, ni colère, ni pensées profanes. N’en permettez l’accès qu’à ceux dont les pensées sont pareilles aux vôtres ; petit à petit, dans cette chambre régnera une atmosphère de sainteté, et quand vous vous sentirez malheureux, triste, en proie au doute, ou bien l’âme troublée, le seul fait d’y pénétrer vous calmera. Telle est la raison d’être du temple et de l’église ; de nos jours encore on la retrouve dans quelques temples, quelques églises, mais pour la plupart l’idée première a disparu. Elle consiste à croire qu’en maintenant en ces sanctuaires des vibrations saintes, ils s’illuminent et demeurent illuminés. Ceux qui n’ont pas le moyen de consacrer une pièce à cet usage peuvent faire leurs exercices là où ils veulent. Asseyez-vous bien droit et adressez à la création tout entière un courant de sainte pensée. C’est par là qu’il faut commencer. Dites et redites mentalement ces paroles : « Que tous les êtres soient heureux, que tous les êtres soient en paix ; que tous les êtres soient bienheureux. » Lancez ces mots vers l’est, le sud, le nord et l’ouest. Et plus vous ferez cet exercice et mieux vous vous sentirez. Vous finirez par découvrir que le meilleur moyen de se bien porter est de veiller à ce que les autres soient en bonne santé, et que la méthode la plus sûre pour se sentir heureux est de veiller à ce que les autres soient heureux. Après cela, ceux qui croient en Dieu doivent prier, mais prier non point pour qu’il leur soit accordé argent, santé, ou pour gagner le ciel ; prier pour conquérir le savoir et la lumière ; toute autre prière est égoïste. Ensuite il faut penser à son corps. Veillez à ce qu’il soit fort et sain ; vous ne possédez pas de meilleur instrument que lui. Imaginez-vous qu’il est aussi robuste que l’acier et que, grâce à lui, vous traverserez cet océan de la vie ; les faibles n’atteindront jamais à la libération ; dépouillez toute faiblesse, dites à votre corps qu’il est puissant, à votre intelligence qu’elle est forte ; ayez en vous-même une foi et un espoir sans bornes.