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Répertoire national/Vol 1/La Somnambule

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Collectif
Texte établi par J. Huston, Imprimerie de Lovell et Gibson (Volume 1p. 278).

1835.

LA SOMNAMBULE.

ROMANCE.

 
Le jour avait fait place aux ombres de la nuit,
Un silence profond régnait sur la nature ;
Cet éclat ténébreux que la lune produit
Des champs et des vallons argentait la verdure ;
        Sur le sommet d’un précipice affreux
        Je vois paraître une forme angélique,
        Un ton plaintif, des accents douloureux
        Me font entendre un chant mélancolique.

« Tout est beau, tout est grand dans ces endroits chéris,
À goûter le bonheur tout ici nous invite,
Pourquoi retardes-tu, toi pour qui seul je vis ?
Veux-tu donc que je meure ?… hélas ! je le mérite :
        Un pur amour avait uni nos cœurs,
        Tu m’étais cher, je te fus infidèle ;…
        Ô tendre ami, pardonnes mes erreurs,
        Des cœurs constants je serai le modèle. »

« Au bord de ce ruisseau, dans ce bocage frais,
Jadis nous partagions nos plaisirs et nos peines,
Sous ces arbres touffus avec moi tu pleurais,
Tu riais avec moi : tu gisais dans mes chaînes ;
        Combien de fois je t’ai vu me jurer
        Que pour toujours je te serais unie ;
        Tu fuis de moi, tu ne veux plus m’aimer,
        Je suis coupable,… ah ! que je suis punie ! »

« Peut-être en ce moment, plus heureuse que moi,
Une autre dans tes bras jouit de sa conquête
Mais où suis-je ? que vois-je ? est-ce un rêve, est-ce toi ? »
À ces mots je la vois vers moi pencher la tête.
        Un cri perçant frappe soudain les airs,
        Elle frémit, chancelle, tombe, expire.
        Elle dormait : sur ces rochers déserts
        L’avait conduite un amoureux délire.

Pierre Petitclair.[1]
  1. M. Petitclair est né à Québec, et il a résidé alternativement au Labrador, à Québec et dans le district de Gaspé où il réside actuellement.