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Réponse à l’écrit anonyme intitulé: de la formation des églises/chapitre 3

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Imprimerie et librairie L. Alex. Michod. (p. 64-72).



EXAMEN
de l’article contenu à la page 19, et intitulé :
la parole autorise-t-elle à nommer des présidents et des pasteurs ?

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Dans cet article, l’auteur combat par deux argumens, les Églises qui, dans le choix des Diacres et des Anciens, prennent pour elles les directions données par les Apôtres dans les épîtres à Timothée et à Tite. Il dit : 1° que « ces directions ont été données à Tite et à Timothée, et qu’elles n’ont été adressées à aucune Église quelconque ; » 2° que « ces compagnons de l’Apôtre ont été envoyés vers des Églises qui existaient déjà, pour y faire ces choix, ce qui démontre évidemment que l’Apôtre ne pouvait pas en conférer le droit aux Églises, même à celles qu’il avait formées lui-même. » — Examinons la validité de ces deux argumens.

Quant au premier, remarquons d’abord que les Églises ne sont pas les seules à prendre pour les temps actuels, où il n’y a plus de Tite ni de Timothée, les directions données à ces deux serviteurs de Dieu. Nous connaissons un homme dont l’auteur ne récusera sans doute pas l’autorité, qui a fait la même faute, si c’en est une. Cet homme…… c’est l’auteur lui-même, qui, dans sa brochure (page 16 et page 18) nous cite le précepte adressé par l’Apôtre à son disciple Timothée : Détourne-toi de ces gens-là (2 Tim. III, 5), comme applicable aux temps où nous sommes, et comme une direction donnée aux fidèles de nos jours. — Mais si nous lui disions à notre tour : C’est à Timothée que l’Apôtre disait cela, et non pas à une Église, ni a de simples fidèles : qu’aurait-il à nous répondre ? Il serait battu par ses propres armes. — Mais ce n’est pas tout, L’auteur qui condamne si fortement les Églises, parce qu’elles prennent pour direction les épîtres à Tite et à Timothée, dans le choix des Anciens et des Diacres, engage lui-même ces assemblées d’enfans de Dieu, auxquelles il ne donne pas le nom d’Églises, à faire quelque chose de tout semblable. Car ne croyez pas que l’auteur prétende que de nos jours, il n’y a plus de Pasteurs. Page 21, il dit en parlant des deux ou trois réunis au nom de Jésus, et qui, selon lui, ne doivent pas prendre le titre d’Église : « Si Dieu suscite au milieu de vous des Pasteurs, ou s’il vous en envoie ; c’est bien : c’est une grande bénédiction. » À la page 22, il dit que « maintenant l’Église doit reconnaître l’Esprit de Christ comme son seul gouvernement ; et que par là même elle reconnaît aussi chacun de ceux qu’il envoie, selon le don qu’il a reçu, et cela avec action de grâces envers Celui qui par ce don, rend tel ou tel frère, le serviteur de tous. » — Maintenant je demanderai à notre frère comment une Église reconnaîtra, dans un frère qui est au milieu d’elle, les dons d’Ancien ou de Pasteur, puisqu’il veut pourtant qu’on les reconnaisse ? Je ne crois pas qu’il lui soit possible de le faire autrement qu’en les confrontant avec le tableau que l’Esprit-Saint nous trace des qualités du Pasteur dans les épîtres à Timothée et à Tite. Il est évident que ce n’est pas à nous à décider quelles sont les qualités du Pasteur ; et que pour cela il faut consulter le portrait qu’en a tracé l’Esprit-Saint dans ces épîtres, qui, selon l’auteur lui-même, n’ont été adressées à aucune Église quelconque. — En vérité, valait-il la peine de nous blâmer avec tant d’assurance, pour tomber ensuite dans le défaut qu’on nous reproche ?

Remarquons ensuite que pour prouver solidement, que les directions données à Timothée et à Tite, ne pouvaient regarder en aucune manière les Églises, il faudrait prouver deux choses, premièrement, que les Églises ne participaient en rien au choix de leurs Pasteurs ; secondement, que lorsqu’il n’y aurait plus des Tite et des Timothée, Dieu en fendait qu’il n’y eût plus de nominations de Pasteurs. Tant que vous n’aurez pas établi clairement ces deux points par la Parole, ce que vous n’avez pas même essayé de faire ; les Églises croiront qu’il ne leur est nullement défendu de recueillir, comme un précieux héritage, les directions données à Tite et à Timothée, pour l’établissement des Anciens.

Quant au second argument de l’auteur qui est basé sur la supposition que « Timothée et Tite ont été laissés ou envoyés dans les Églises pour y faire le choix des Anciens et des Diacres » (page 20) ; elle me paraît tout au moins singulièrement hasardée. — Où est-il dit qu’ils ont été envoyés pour faire ce choix ? Oui, je vous le demande, à vous qui savez si bien nous dire (page 21) : « Où trouvez-vous trace de tout cela dans la Parole ? » Je vous retourne votre propre question, et je vous demande où vous trouvez trace dans la Parole, d’un choix de Diacres ou d’Anciens, dont Tite ou Timothée ait été chargé ? — Voyons ce que dit la Parole, et craignons d’y rien ajouter, autant que d’y retrancher quelque chose.

L’Apôtre dit à Timothée : Suivant la prière que je te fis, lorsque je partis pour la Macédoine, de demeurer à Éphèse, je te prie encore d’avertir certaines personnes de n’enseigner point une doctrine différente (1 Tim. I. 3). Au chapitre trois de la même épître, l’Apôtre décrit les qualités que doivent avoir les Évêques ou Surveillants, les Diacres, et probablement les sœurs Diaconesses. Après quoi il dit à son disciple : Je t’écris ceci, espérant d’aller te voir bientôt ; afin que, si je tarde, tu saches comment il faut se conduire dans la maison de Dieu, qui est l’Église du Dieu vivant, la colonne et l’appui de la vérité (v. 14 et 15). Remarquons en passant que dans ce passage, l’Apôtre ne dit pas : comment il faut te conduire ; mais en s’exprimant d’une manière générale : comment il faut se conduire dans l’Église de Dieu ; expression qui ne semble nullement indiquer des directions, limitées à la personne et au temps de Timothée. Au chapitre cinq de la même épître, il est dit : Que les Pasteurs qui s’acquittent bien de leurs fonctions, soient jugés dignes d’un double honneur ; principalement ceux qui travaillent à la prédication de la Parole et à l’instruction. Car l’Écriture dit : Tu ne lieras point la bouche au bœuf qui foule le grain ; et l’ouvrier est digne de son salaire. Ne reçois aucune accusation contre un Pasteur, que sur la déposition de deux ou trois témoins. Reprends publiquement ceux qui pèchent, afin de donner de la crainte aux autres. Je te conjure devant Dieu, devant le Seigneur Jésus-Christ, et devant les anges élus, d’observer ces choses sans aucune prévention, et sans rien faire par des affections particulières. N’impose les mains à personne avec précipitation et ne participe point aux péchés d’autrui ; conserve-toi pur toi-même (1. Tim. V, 17–22). Dans l’épître à Tite, l’Apôtre caractérise ainsi la commission qu’il a donnée à son disciple : La raison pour laquelle je t’ai laissé en Crète, c’est afin que tu règles les choses qui restent à régler, et que tu établisses des Pasteurs dans chaque ville, suivant que je te l’ai ordonné ; savoir, s’il se trouve quelqu’un qui soit irrépréhensible, etc., etc. (Tite I, 5-9).

Nous croyons avoir rappelé tous les endroits de ces épîtres, relatifs à la commission donnée par l’Apôtre à Tite et à Timothée, quant à l’établissement des Pasteurs et Évêques (ou Anciens et Surveillants). Maintenant nous demandons dans lequel de ces endroits, il est parlé d’un choix, confié aux deux envoyés de l’Apôtre ? Oui, encore une fois, où trouvez vous cela dans la Parole ? Citez un chapitre, citez un verset, citez une ligne, où il soit parlé de choisir.

Mais, dira-t-on : N’est-ce pas la même chose ? Il est dit à Tite, qu’il doit établir des Pasteurs dans chaque ville : établir, n’est-ce pas choisir ? — Non assurément, et dans certains cas la différence est grande. Voyez par exemple ce qui arriva lorsque Moïse établit des juges pour le seconder et le soulager, dans la direction du peuple qui marchait dans le désert. Lisez le récit de cette circonstance au chapitre premier du Deutéronome, depuis le verset huit jusqu’au dix-sept. Là vous verrez au verset treize, que Moïse laisse le choix au peuple, en lui disant : Prenez de vos tribus des hommes sages, habiles et connus. Et cependant il ajoute immédiatement : Je vous les établirai pour chefs. — Voilà donc un cas où évidemment celui qui établit, n’est pas celui qui choisit ; mais seulement celui qui reconnaît le choix, et qui peut-être impose les mains ou installe par telle autre cérémonie, l’homme qui a été choisi par le peuple. Établir n’est donc pas toujours choisir. — Prenons encore un exemple tiré des actes des apôtres. Nous voyons que lorsqu’il s’agit de nommer des Diacres, le choix en est laissé aux frères. Les Apôtres convoquent la multitude des disciples, et leur disent : Choisissez, frères, sept hommes d’entre vous, (ou bien jetez les yeux, frères, sur sept hommes d’entre vous) que nous établirons[1] pour pourvoir aux besoins ; et au verset cinquième il est dit que cette proposition plut à toute l’assemblée, et qu’ils élurent (ou choisirent) Étienne, etc, etc. Et au verset six, il est dit qu’ils les présentèrent aux Apôtres qui, après avoir prié, leur imposèrent les mains (Actes VI, 2–6). Voilà donc encore un cas où les Apôtres sont dits établir, lorsqu’ils n’ont fait que reconnaître ou sanctionner par l’imposition des mains, un choix fait par l’Église. Si l’Esprit-Saint qui a tout prévu, ne nous eût pas donné dans sa profonde sagesse, les détails de cette nomination des sept premiers Diacres, et qu’il eût dit simplement que les Apôtres en établirent sept, vous auriez peut-être tiré parti de cet endroit pour nous dire que le choix des Diacres était laissé aux Apôtres, et que les Églises n’y avaient rien à voir. Mais en cela, vous vous seriez égaré, en faisant ce que vous nous reprochez à tort, à la page 21 : « un raisonnement humain. » Vous auriez conclu d’établir à choisir, et vous vous seriez trompé. Ne pourrait-il pas en être de même, si de ce que Tite a dû établir des Pasteurs, vous en concluez qu’il les ait choisis ?

Mais, direz-vous peut-être : Il n’est pas dit non plus que les Églises les aient choisis. J’en conviens : mais puisqu’il n’est pas dit qui les a choisis, et que l’Écriture a laissé la chose indécise, ne blâmons pas d’un ton si décidé les Églises qui se croient libres de faire ce choix, que la Parole ne leur a point défendu, et qu’elle n’a point attribué à d’autres. Blâmons-les d’autant moins, que puisque les Apôtres ont remis au corps des disciples assemblés au nombre de cent vingt personnes, le choix de l’Apôtre qui devait remplacer Judas (Actes I, 16–26), et à la multitude des disciples, le choix des sept premiers Diacres ; les Églises ont l’analogie en leur faveur, lorsqu’elles s’attribuent le choix des Anciens, ou si vous voulez, le droit de reconnaître et de désigner ceux qui parmi elles, sont manifestés comme ayant les dons de cette charge[2].

Alléguerait-on peut-être en faveur du choix des Pasteurs, fait par Timothée, le passage où l’Apôtre lui dit : N’impose les mains à personne avec précipitation et ne participe point aux péchés d’autrui ; conserve-toi pur toi-même (1 Tim. V, 22.) ? Dirait-on peut-être, que si l’Apôtre n’avait qu’à re connaître les choix des Églises, par l’imposition des mains, il n’y avait point, de responsabilité pour lui ? — Nous ne trouverions point ce raisonnement concluant. Si nous remontons au chapitre trois de la même épître, nous voyons que l’Apôtre, après avoir tracé à Timothée les caractères des Pasteurs, et des Diacres, ajoute : Et que ceux-ci soient aussi premièrement éprouvés ; qu’ensuite ils servent, s’ils sont trouvés sans reproche (verset 10). Ce verset nous paraît une explication suffisante de la recommandation faite à Timothée, de n’imposer les mains à personne avec précipitation. Les Pasteurs et les Diacres, nommés par l’Église, devaient être éprouvés avant de servir, et par conséquent avant qu’on leur imposât les mains ; car il ne viendra à l’esprit de personne de supposer que l’imposition des mains dût précéder le temps d’épreuve. On comprend donc que la recommandation donnée à Timothée de se garder de toute précipitation dans cet acte solennel, se rapportait à ce temps d’épreuve, qui aurait pu être dans l’occasion, singulièrement abrégé, si on se fut laissé conduire par des préventions, et par des affections particulières (1 Tim. V, 51).

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  1. Le verbe grec, ici employé, est le même que celui qui se trouve dans le passage où l’Apôtre charge Tite d’établir des Anciens.
  2. Nous n’avons pas cité ici en faveur du choix, fait par les Églises, le passage contenu Act, XIV, 23, que Martin a traduit : Et après que par l’avis des assemblées, ils eurent établi des Anciens dans chaque Église ; parce que d’autres versions ont traduit : Ils établirent des Anciens dans chaque Église, et que nous tenons à ne citer que des passages sur le sens desquels on est parfaitement d’accord. Toutefois nous devons dire que la meilleure version latine du Nouveau Testament, qui est celle de Théodore de Bèze, traduit : Lorsqu’ils leur eurent, par le moyen des suffrages, établi des Anciens dans chaque ville. Nous ajouterons que le dictionnaire grec du Nouveau Testament, de Pasor, traduit le verbe grec qui est ici employé, par ces mots : je crée par le moyen des suffrages ; et il fait remarquer que ce verbe vient de deux mots dont l’un signifie main, et l’autre signifie étendre ; et qu’ainsi d’après sa composition, ce mot signifie : je choisis en étendant la main. La nouvelle version du Nouveau Testament, publiée à Lausanne en 1839, et qui est généralement reconnue comme étant la traduction textuelle de l’original, traduit ainsi : Et leur ayant nommé par voix de suffrage des Anciens dans chaque assemblée. J’ouvre dans ce moment la traduction du Nouveau Testament par Érasme, et j’y vois qu’il a traduit comme Théodore de Bèze. J’estime donc que ce passage est plutôt favorable au choix des Anciens par les Églises, et je ne puis guère expliquer les traductions qui ont ôté l’idée de suffrages, que par une préoccupa ion qui a saisi les traducteurs, à leur insu, et qui venait des fausses idées, généralement répandues, dans les Églises nationales où le choix des Pasteurs n’est pas remis à la masse de ceux qui les composent. — Plus qu’on ne le croit, on porte jusque dans les traductions de la Parole, l’impression de coutumes et de manières de voir, dont on ne soupçonne pas la fausseté, et auxquelles on fait ployer la Parole, lorsque de quelque manière elle peut s’y prêter.