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Recherches sur la culture de la pomme de terre industrielle et fourragère/CHAP. IV

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Aimé Girard
Chapitre IV. Étude du développement progressif
de la pomme de terre.



CHAPITRE IV.


ÉTUDE DU DÉVELOPPEMENT PROGRESSIF DE LA POMME DE TERRE.




Méthodes employées.


L’étude dont je vais, dans ce Chapitre, exposer les résultats principaux, a été entreprise par moi dans le but d’établir, avec autant de précision que la complication du sujet le permet, les conditions physiologiques et pratiques du développement progressif de la pomme de terre.

Poursuivie pendant trois années consécutives (1886, 1887, 1888) d’après une méthode identique à celle qui, appliquée au développement progressif de la betterave à sucre, m’a fourni, en 1885, d’intéressants résultats, cette étude comprend

1° La constatation des résultats matériels auxquels aboutit en poids, en volume et en surface, l’accroissement des diverses parties de la pomme de terre tubercules, feuilles, tiges et radicelles

2° La détermination des proportions de matière végétale et minérale auxquelles cet accroissement progressif correspond ;

3° L’évaluation des quantités de matière amylacée formée par la végétation à ses diverses périodes ;

4° Le dosage, à ces diverses périodes également, des substances principales qui, indépendamment de la fécule, contribuent à la constitution de la plante ;

5° L’appréciation de l’influence exercée par les circonstances météorologiques de la saison sur l’accroissement de celle-ci et son enrichissement en matière sèche, particulièrement en fécule.

En dehors de ces déterminations, dont l’intérêt est plus spécialement cultural, je me suis efforcé d’apporter quelque lumière à la question encore inconnue du mécanisme physiologique suivant lequel les tubercules de la pomme de terre, en un temps relativement court, en cent, et même en quatre-vingts jours quelquefois, emmagasinent une masse de matière amylacée qui, dans quelques cas, s’élève jusqu’à 300gr par sujet.

Disposition des cultures. — Pour résoudre les différents problèmes que soulèvent les énoncés précédents, et préoccupé surtout de l’accroissement des tubercules, j’ai d’abord entrepris à la Ferme de la Faisanderie, à Joinville-le-Pont, de petites cultures faciles à surveiller (précisément à cause de leur peu d’étendue) pendant les diverses phases du développement de la plante.

Afin de pouvoir donner aux résultats constatés plus de généralité, quatre variétés de pommes de terre ont été, chaque année, mises en observation sur ces petites cultures.

Chacune de ces variétés a été cultivée dans une même terre légère et meuble, convenablement fumée, sur une superficie de 50mq environ, de telle sorte que, les poquets étant au nombre de 3,3 par mètre, il fût possible de procéder, à quatre dates également espacées, à l’arrachage de 20 à 25 poquets destinés à l’évaluation des moyennes et à l’analyse des produits.

Les dates auxquelles ont eu lieu les arrachages successifs, séparées l’une de l’autre par une période d’un mois environ, ont été, à quelques jours près, les 20 juillet, 20 août, 20 septembre et 20 octobre de chaque année.

Les quatre variétés cultivées en 1886 ont été les suivantes Hermann, Magnum bonum, Jeuxey et Chardon.

De ces quatre variétés, les deux premières ont présenté, à la récolte, quelques inconvénients la variété Hermann, parce que les tubercules y sont excessivement nombreux, la variété Magnum bonum, parce que les tubercules s’éloignent volontiers du centre de plantation et vont souvent se mélanger aux tubercules du poquet voisin.

Aussi ai-je cru devoir les laisser de côté pour les essais de 1887 et 1888, et pour ces deux campagnes porter mon choix sur les quatre variétés suivantes Richter’s Imperator, Gelbe rose, Jeuxey et Chardon.

Cependant, et quoique les essais entrepris dans les conditions que je viens d’indiquer m’aient fourni des résultats intéressants, il m’a semblé qu’ils n’étaient pas de nature à me conduire à des conclusions d’ensemble, et je me suis, en conséquence, décidé à répéter, en 1888, sur les diverses parties dont chaque pied de pommes de terre est composé tubercules, feuilles, tiges et radicelles, les longues et délicates expériences que, en 1885, j’avais faites en prenant la betterave à sucre comme sujet.

Le terre-plein sur lequel ces expériences avaient été conduites m’a servi, cette fois encore, de champ de culture.

Je n’insisterai pas sur les dispositions à l’aide desquelles je m’étais attaché à donner aux diverses cases de ce vaste appareil une homogénéité parfaite[1] ; je me contenterai de rappeler que, élevé de 2m au-dessus du sol, garanti par des murs en terre de 0m,80 d’épaisseur que maintenaient de solides cloisons en planches, il était, intérieurement et par des cloisons semblables, divisé en dix compartiments égaux, mesurant chacun une surface de 7mq sur 2m de profondeur, et remplis d’une même terre passée à la claie, meuble, mais susceptible, cependant, de faire corps par le tassement.

Sur ce terre-plein, après avoir additionné le sol d’une quantité modérée d’engrais complet (superphosphate, nitrate de soude et sulfate de potasse), j’ai, le 20 avril 1888, planté à om,50 les uns des antres, sur des lignes espacées à om,60 (soit 3,3 tubercules par mètre carré), 200 tubercules de la variété Jeuxey, pesant chacun 80gr environ, et groupés au nombre de 20 sur chaque compartiment.

Sur ces dix carrés, cependant, prévoyant les grandes difficultés que la récolte simultanée des parties souterraines et des parties aériennes de la pomme de terre allait présenter, je me proposais de procéder à six récoltes seulement pendant la campagne ; mais, à cause de ces difficultés mêmes, j’avais trouvé prudent de cultiver, comme réserves, les quatre derniers carrés du terre-plein ; j’ai dû, en effet, recourir plusieurs fois à ces carrés de réserve pour l’établissement des moyennes.

Les dates auxquelles chaque récolte successive devait avoir lieu ont été inégalement espacées ; une idée préconçue, et elle était juste, m’avait fait penser qu’il y aurait intérêt à multiplier les récoltes vers la fin de la campagne, quitte à les espacer davantage au début.

C’est ainsi que les récoltes ont eu lieu :

La première, le 3 juillet.

La deuxième, le 4 août, après une période de 31 jours.

La troisième, le 28 août, après une "ériode de 24 jo"rs.

La quatrième, le 20 septembre, apr"ériode de 23 jo"rs.

La cinquième, le 10 octobre, après "ériode de 20 jo"rs.

La sixième, le 25 octobre, après un"ériode de 15 jo"rs.


J’ai décrit en détail, en 1885, dans mes Recherches sur le développement progressif de la betterave à sucre, la méthode que j’ai inaugurée, à l’occasion de ces recherches mêmes, pour la récolte totale des radicelles des plantes, méthode dont j’avais déjà fait l’application à Joinville-le-Pont en 1883 et 1884 ; je rappellerai seulement qu’elle consiste, une fois les plantes soutenues au-dessus du sol, à faire ébouler doucement, au moyen de l’eau lancée sous pression tantôt par une lance, tantôt par une pomme d’arrosoir, toute la terre au milieu de laquelle les parties souterraines se sont développées.


Appliquée à la pomme de terre, cette méthode devait présenter de plus grandes difficultés qu’appliquée à d’autres plantes et notamment à la betterave. La souche de celle-ci, en effet, est solidement attachée au bouquet de feuilles qui la surmonte, de telle sorte que, une fois ce bouquet convenablement pincé et soutenu, on n’a pas à craindre que la betterave s’échappe ; il en est autrement des tubercules de la pomme de terre rattachés à la tige par un mince cordon végétal, le stolon, ils ont bientôt, et par leur poids, brisé leur attache, dès que la terre éboulée par l’eau ne les soutient plus.

De là, pour leur récolte, la nécessité d’adopter des dispositions nouvelles, que je décrirai, dans la pensée que d’autres personnes que moi pourront les utiliser.

Au-dessus des rangs de pommes de terre à récolter, des traverses métalliques horizontales étaient dressées à 0m,80 environ du sol ; sur ces traverses étaient posées, à cheval, des mâchoires susceptibles de glisser à leur surface et en nombre égal au nombre des pieds à soutenir.

A ces mâchoires venaient se rattacher, comme dans le cas de la récolte des betteraves, des chainettes légères portant à leur extrémité inférieure des colliers de liège destinés à pincer et à soutenir les organes aériens des plantes.

A l’avant de chacune de ces mâchoires, j’avais fait disposer un anneau livrant passage à une tige verticale de 1m de longueur environ. A l’extrémité inférieure de cette tige était vissé un croisillon supportant un plateau rond, annulaire, de 0m,30 de diamètre, composé de deux parties mobiles, semblables et établies à l’aide de deux demi-cercles de fer, concentriques, reliés par un plateau en toile métallique.

Le croisillon, vissé à la tige, était alors descendu au ras de terre, la tige verticale serrée sur la traverse, le bouquet de feuilles relevé, maintenu à l’aide du collier et de quelques liens, et le plateau en toile métallique fixé sur le croisillon.

Les choses étant ainsi disposées, la cloison établie en face de la case de végétation était abattue, et la terre attaquée doucement par le jet d’eau jusqu’à ce que les tubercules apparaissent. Aussitôt, et au-dessus de chaque tubercule, une aiguille verticale en acier, à pointe aiguë, portant une broche de liège à sa partie supérieure, était enfilée à travers une des mailles de la toile métallique et fortement enfoncée dans le corps du tubercule, jusqu’à ce que la broche vînt s’appuyer sur le plateau.

L’arrosage du sol, son éboulement à l’aide du jet d’eau, pouvaient alors être continués, avec les précautions nécessaires pour ne point briser les radicelles, sans qu’on eût à craindre de voir les tubercules, solidement suspendus au-dessous du plateau de toile métallique, briser leur attache aux diverses tiges de la plante.

Au début de ce long et difficile travail de récolte, l’eau était dirigée indistinctement à la surface des deux premiers rangs de pommes de terre (10 sujets), de façon à découvrir les tubercules ; puis, lorsque, parmi ces 10 sujets, ceux qui représentaient le mieux la moyenne avaient été reconnus, tous les efforts se concentraient sur ceux-ci, de manière à en récolter quatre ou cinq, dans leur entier et jusqu’à l’extrémité des radicelles les plus longues ; les autres, destinés à l’établissement des moyennes et de l’analyse, étaient arrachés simplement à la bêche, sans se préoccuper des radicelles.

Lotissement de la récolte. Établissement des moyennes. — C’est toujours au nombre de huit ou dix que les pieds arrachés, les uns pourvus, les autres dépourvus de leurs radicelles, étaient rentrés au laboratoire pour y être examinés. Le lotissement en a, dans certains cas, été difficile, par suite des variations de grosseur et de poids offertes par des pieds voisins ; pour augmenter le nombre des sujets déjà récoltés, il a fallu, lorsque ces cas se sont présentés, recourir aux carrés de réserve.



Pour les cultures faites en 1886 et 1887 sur les carrés de 50m dont j’ai parlé, comme aussi pour les essais faits en 1888 sur des carrés semblables, parallèlement aux essais du terre-plein, c’est de la même façon, mais sans se préoccuper des parties souterraines, que la récolte et le lotissement ont été conduits. Le lotissement, d’ailleurs, dans cette circonstance, a été moins difficile, la possibilité d’arracher, pour chaque variété, 20 ou 25 pieds à chaque opération permettant de rejeter a priori les pieds de force ou de petitesse exagérée.

Ce serait une nomenclature bien peu intéressante pour le lecteur que celle de ces récoltes et de ces lotissements successifs. J’en ai dû faire, en effet, 8 en 1886, 16 en 1887, et 22 en 1888.

Je me contenterai de transcrire ici, comme exemples pris parmi toutes ces données, les résultats obtenus à deux dates différentes, en 1888, sur deux des variétés cultivées l’un d’eux, le premier, peut être considéré comme le type des récoltes dans lesquelles les poids ont, pour les différents pieds arrachés, présenté les variations maxima ; l’autre, le second, comme le type au contraire des récoltes où ces poids ont présenté les moindres différences.

Ces deux exemples d’ailleurs sont pris parmi les résultats fournis par les cultures ordinaires, faites en dehors du terre-plein ; il n’y est, par conséquent, pas question des radicelles, et c’est, en outre, par un seul nombre que le poids des feuilles et des tiges réunies est exprimé.

L’étude des produits récoltés sur le terre-plein de Joinville-le-Pont montrera de quelle façon a été établi le compte des diverses parties de la plante.


Ier exemple de lotissement. — Gelbe rose (variété hâtive).


Ire récolte. — 20 juillet 1888.


Tubercules Tiges
Nombre. Poids. Répartition. Poids moyen. Nombre. Poids.
kg
1 gros 
75gr 75gr kg
1er pied 
10 0,340
7 moyens 
245 35 6 0,215
2 petits 
20 10
2 gros 
120 60
2e pied 
35 0,925
14 moyens 
510 36 7 1,120
19 petits 
295 15
2 gros 
135 67
3e pied 
25 0,880
12 moyens 
570 47 9 0,810
11 petits 
175 16
2 gros 
125 63
4e pied 
21 0,630
9 moyens 
365 40 6 0,610
10 petits 
140 14
1 gros 
65 65
5e pied 
10 0,350
7 moyens 
255 37 5 0,265
2 petits 
30 15
0 gros 
" "
6e pied 
13 0,370
8 moyens 
305 38 7 0,320
5 petits 
65 13
1 gros 
90 90
7e pied 
31 0,875
12 moyens 
500 41 13 0,745
18 petits 
285 16
1 gros 
150 75
8e pied 
31 0,760
12 moyens 
470 40 8 0,685
17 petits 
190 11
Moy. 
22 0,640 7 à 8 0,500


2e exemple de lotissement. — Richter's imperator.


2e récolte. — 20 août 1888.


Tubercules Tiges
Nombre. Poids. Répartition. Poids moyen. Nombre. Poids.
kg
1 gros 
620gr 620gr kg
1er pied 
10 1,645
5 moyens 
940 188 3 0,800
4 petits 
85 21
0 gros 
" "
2e pied 
16 1,310
4 moyens 
560 140 6 0,590
12 petits 
750 62
1 gros 
290 290
3e pied 
15 1,360
5 moyens 
600 120 4 0,640
9 petits 
470 52
0 gros 
" "
4e pied 
14 1,370
5 moyens 
720 144 4 0,700
9 petits 
650 61
1 gros 
320 320
5e pied 
18 1,770
5 moyens 
720 120 6 0,920
12 petits 
720 60
0 gros 
" "
6e pied 
16 1,280
6 moyens 
900 150 6 0,590
10 petits 
380 38
0 gros 
" "
7e pied 
23 1,030
4 moyens 
500 125 6 0,500
19 petits 
530 27
0 gros 
" "
8e pied 
14 1,060
5 moyens 
660 132 2 0,540
9 petits 
400 44
Moy. 
15 à 16 1,353 4 à 5 0,660


Ces deux exemples suffisent à montrer les résultats que le lotissement fournit ; c’est à des résultats analogues que les autres récoltes m’ont conduit, et c’est à l’aide de ces résultats que les poids moyens de chaque récolte ont été fixés..

Reproduction photographique des pieds moyens. — Pour conserver un souvenir graphique des récoltes faites sur le terre-plein de Joinville-le-Pont, pour permettre, à toute époque, la vérification des données constatées il m'a semblé utile de reproduire, à chacune de ces récoltes, et à l'aide de la photographie, le sujet qui, parmi ceux ayant servi à établir les moyennes, apparaissait comme le plus moyen par le nombre et la grosseur de ses tubercules, par la longueur de ses tiges et l'abondance de son feuillage, par le développement, enfin, de ses radicelles.

Cette reproduction photographique, pour laquelle l'un de mes préparateurs, M. Herbet, m'a particulièrement aidé, présentait d'assez grandes difficultés. La pomme de terre Jeuxey, en effet, acquiert, dans des circonstances favorables, un très grand développement aérien; je l'avais choisie parce que ses tubercules se massent régulièrement autour du centre végétal, et, de ce côté, j'ai, en effet, rencontré un grand avantage; mais, d'autre part, c'est une plante à tiges couchées, et l'on voit souvent ces tiges s'étendre sur le sol jusqu'à près de 2m du poquet.

Ces tiges formant quelquefois un véritable buisson, il fallait alors les relever, sans les briser, les soutenir à l'aide de grandes aiguilles contre l'écran blanc formant le fond de la vue photographique, et, de même, après avoir délivré chaque tubercule de l'aiguille verticale qui le soutenait, le fixer par une aiguille semblable, mais horizontale, contre ce même écran.

Toutes ces difficultés ont été heureusement surmontées, et j'ai pu, ainsi, dans les circonstances qui viennent d'être indiquées, obtenir six belles images photographiques représentant au dixième de la grandeur naturelle la pomme de terre (tiges, tubercules et radicelles) aux différentes époques de sa végétation. Reproduites en héliogravure avec un succès complet, par les remarquables procédés de M. Paul Dujardin, ces images permettront au lecteur, s'il juge convenable de les joindre à ce volume, de se rendre compte, à la simple vue, des conditions suivant lesquelles s'accomplit l'accroissement respectif des diverses parties de la pomme de terre.

Mesure des diverses parties de la plante. — En dehors du poids moyen de chacune des parties de la plante, j'ai trouvé intérêt à noter, à chaque récolte, les diverses données fournies par la mesure des longueurs et des surfaces de quelques-unes de ces parties.

Pour les tubercules, bien entendu, aucune mesure de ce genre n’est à considérer.

Pour les feuilles, la surface qu’elles développent il travers l’atmosphère a été établie, en détachant les limbes d’un sujet moyen, les profilant sur des grandes feuilles de papier, et pesant ensuite ces découpures comparativement au poids de 2 ou 3 décimètres carrés du même papier[2].

Pour les tiges, la longueur à chaque récolte a été soigneusement prise sur plusieurs pieds convenablement choisis, et la moyenne déduite de la comparaison de ces longueurs.

Pour les radicelles, la longueur a été notée de même, et la surface, enfin, mesurée par l’enrobage au soufre, en suivant le procédé que j’ai fait connaître il y a quelques années[3].


Analyse des tubercules. — L’un des points les plus importants et les plus délicats en même temps des analyses de cette sorte est le dosage de l’eau. Pour que celui-ci soit exact, il est nécessaire d’abord que l’échantillonnage soit parfait, ensuite que le produit végétal ne subisse à la dessiccation aucune altération.

Pour obtenir ce double résultat, j’ai, pour chaque analyse, choisi, sur le lot, tes vingt tubercules les plus moyens, et sur chacun d’eux j’ai détaché un fuseau mince, de façon à opérer sur un poids de 50gr. Enfilés alors sur un fil mince d’argent, soutenus par deux petites potences, ces 50gr de fuseaux ont été d’abord soumis à la dessiccation à l’air libre, à une température ne dépassant pas 400, puis logés dans un vase conique léger, à bouchon rodé, et la dessiccation achevée dans une étuve à vide à la température de 60°-65° au maximum.


Aussitôt ce dosage mis en train, les 2 kilogrammes environ laissés par le découpage des tubercules moyens étaient passés au moulin-râpe que j’ai imaginé et fait construire par M. Digeon pour obtenir une division parfaite des tissus végétaux, et ainsi transformés en une pulpe fine. Sur les dispositions de ce moulin-râpe, je ne m’arrêterai pas on en trouvera la description détaillée dans mon Mémoire Sur le développement progressif de la betterave à sucre[4].

C’est sur la pulpe ainsi obtenue que tout le travail d’analyse était ensuite conduit.


Pour déterminer la proportion relative des matières insolubles (ligneux et fécule), 50gr de cette pulpe étaient jetés sur un filtre à vide, et là soumis au lavage jusqu’à élimination de tous produits solubles ; le résidu, séché d’abord à l’air, allait ensuite achever sa dessiccation dans l’étuve à vide à 6o°-65°.


L’évaluation de la richesse des tubercules en fécule est, on le comprend aussitôt, capitale au point de vue des recherches que je poursuis. Les procédés à l’aide desquels cette évaluation est faite d’habitude ne peuvent pas cependant être considérés comme satisfaisants. Celui auquel on recourt le plus souvent, et qui consiste dans la mesure de la densité des tubercules, est insuffisant au point de vue scientifique.

D’autre part, le procédé par saccharification qui repose sur l’action de l’eau à haute température d’abord, sur l’action des acides étendus ensuite, entraîne, par suite d’une solubilisation partielle de la cellulose, une surcharge, variable avec le temps de chauffe, mais généralement voisine de 1 pour 100 dans le pourcentage de la matière amylacée. On sait en quoi ce procédé consiste : le produit végétal bien divisé est recouvert d’eau, logé dans un flacon de verre et celui-ci chauffé dans un autoclave à 120°-130°, de façon à obtenir la solubilisation de l’amidon ou de la fécule filtré ensuite, le liquide fourni par cette solubilisation est saccharifié à l’aide des acides et traité enfin par la liqueur de Fehling, suivant les procédés ordinaires.

Si, comme cela a lieu en distillerie, on se propose d’évaluer la somme des matières alcoolisables à la suite d’un chauffage sous pression, comme celui auquel les distillateurs allemands soumettent la pomme de terre, cette manière de faire peut, à la rigueur, être admise ; mais, si l’on se propose de doser exactement et spécialement la matière amylacée, il n’en est plus de même. Lorsque, en effet, on chauffe un produit végétal amylacé à 120°-130°, en présence de l’eau, une partie de la cellulose qui forme les parois cellulaires du tissu se solubilise, en même temps que la fécule, et vient, par suite, augmenter la dose des produits que plus tard le chimiste évaluera, d’après le poids de cuivre réduit que l’ébullition avec la liqueur de Fehling lui fournira.

J’ai vérifié ce fait, par l’expérience directe. Un mélange de ligneux et de fécule, obtenu par le lavage soigné d’une pulpe de pommes de terre, a été, par l’action successive de l’eau bouillante et de la diastase, amené à l’état de ligneux pur. Les traitements à l’eau de malt ont été répétés jusqu’à ce que le résidu ne donnât plus, au contact de l’eau iodée, la moindre coloration violette, puis ce résidu a été séché et pesé ; il représentait 1,85 pour 100 du poids de la pomme de terre.

Un résidu exactement semblable a été préparé ensuite, puis, une fois lavé, chauffé deux heures à l’autoclave en présence de l’eau à 130° ; lavé ensuite et séché, il ne représentait plus que 1,05 pour 100 du poids de la pomme de terre.

C’est donc une surcharge de 0,80 pour 100, de près de 1 pour 100, que le procédé à l’autoclave aurait dans ce cas apportée au dosage de la fécule.

Ce sont ces inconvénients qui m’ont engagé à rechercher un procédé prompt et précis à la fois pour le dosage des matières amylacées contenues dans les produits agricoles et, notamment, de la fécule contenue dans la pomme de terre.

J’ai fait connaître ce procédé en détail en 1887[5] et je ne puis que renvoyer le lecteur à la description que j’en ai donnée. Il doit suffire de rappeler ici qu’il repose sur l’observation de ce fait, que la cellulose d’amidon, convenablement dilatée, fixe, au contact de l’eau iodée, une quantité d’iode constante, mais différente de la quantité que fixe, de son côté, la granulose solubilisée ; d’où résulte, pour chaque matière amylacée, la faculté d’absorber, en se colorant en bien, une proportion d’iode qui lui est propre et qui dépend des proportions de granulose et de cellulose que cette matière amylacée contient.

Quatorze dosages exécutés sur des fécules de pomme de terre d’origines diverses m’ont conduit à fixer à 0gr,122 la quantité d’iode pur absorbée par 1gr de fécule anhydre.

Dans l’application de ce procédé aux recherches actuelles, 12gr,5 de pulpe récente et bien mélangée étaient coulés dans un bocal à l’émeri d’un demi-litre environ, la matière additionnée de quelques gouttes d’acide chlorhydrique, afin de déterminer la désagrégation des pectates du tissu cellulaire, et le tout laissé en contact quelques heures ; recouverte alors de 100cc de liqueur de Schweitzer aussi riche en cuivre que possible, la matière commence bientôt à se modifier ; après une nuit, quelquefois après une nuit et un jour de contact, le tissu examiné au microscope se montre désagrégé en partie et laisse nager en liberté les granules amylacés gonflés et prêts à éclater. Sur le magma ainsi préparé pour l’analyse, on versait alors une quantité d’acide acétique suffisante pour sursaturer la liqueur, et le dosage enfin avait lieu à l’aide d’une liqueur d’iode récemment titrée avec de la fécule pure.

Au cours de ces recherches, également, j’ai attaché une grande importance au dosage du squelette végétal et à la séparation des principaux éléments qu’il renferme. Le procédé que j’y ai employé a consisté à laver jusqu’à épuisement 50gr de pulpe, à faire bouillir le résidu pour transformer la fécule en empois, et enfin à faire macérer à 70° le produit avec des solutions de diastase renouvelées jusqu’à ce que le magma laissé par ce traitement ne prît aucune coloration au contact de l’eau iodée.

Ainsi débarrassé de toutes les matières solubles et de la fécule, le produit était séché à basse température, puis, après dessiccation et pesée, divisé en deux parties dont l’une était consacrée au dosage de l’azote, l’autre au dosage des matières minérales.

Déduites du poids du résidu desséché, les quantités de ligneux azoté et de matières minérales ainsi établies, fournissaient par différence le pourcentage de la cellulose.


L’importance que présente, au point de vue physiologique, la détermination des proportions de matières solubles, c’est-à-dire susceptibles de migration directe, que les tubercules renferment, aux diverses périodes de leur végétation, ne saurait échapper à personne.

Pour doser ces matières dans leur ensemble, la pulpe étant pressée, le jus fourni directement par cette pression était filtré et, après filtration, logé sous le volume tantôt de 25cc, tantôt de 50cc, dans un vase conique pour, dans ce vase, être évaporé à 40°, d’abord à l’air libre, puis dans l’étuve à vide à 6o°-65°.

Une fois pesé, l’extrait ainsi obtenu était traité pour y doser l’azote tantôt par le procédé à la chaux sodée, tantôt par le procédé à l’acide sulfurique de M. Kjeldahl. Les résultats obtenus soit par l’un, soit par l’autre procédé, n’ont jamais présenté de différences supérieures à celles que comportent les erreurs d’analyses.


Une autre partie du jus fourni directement à la presse était réservée pour le dosage des hydrates de carbone solubles, et notamment des matières sucrées. Les matières de cette sorte que le jus des tubercules contient sont au nombre de deux d’une part, le glucose, ou tout au moins un sucre réducteur, d’une autre, le saccharose. A côté de ces matières sucrées, j’ai, à diverses reprises, recherché les dextrines et l’amidon soluble je ne les ai jamais rencontrés.

La présence d’un sucre réducteur dans le jus des tubercules de la pomme de terre, à certains moments de la végétation du moins, était connue, la présence du saccharose ne l’était pas.

Dès mes premiers essais de 1886, étudiant le développement progressif de ces tubercules, je constatais dans le jus provenant de leur pression directe la présence d’une matière sucrée, ne réduisant pas la liqueur de Fehling, bouillante, déviant à droite le plan de polarisation et s’invertissant au contact des acides étendus. Même, et quoique la proportion de cette matière sucrée fût relativement faible, dans le jus, j’avais constaté que son pouvoir rotatoire pour la lumière jaune du gaz salé était de 67° ? environ. Cette matière sucrée était donc nécessairement du saccharose.

Déjà, en outre, l’analyse des tubercules m’avait permis de reconnaître qu’au début de la végétation, dans les tubercules jeunes, la proportion du saccharose était égale à 1 pour 100 environ et qu’avec l’âge elle allait en décroissant. C’est ce qu’établissent les nombres ci-dessous qui, pour deux périodes delà campagne 1886, indiquent en centièmes la quantité de saccharose contenue dans les tubercules récoltés le 1er juillet et le 13 août.



Dès cette époque, j’avais été frappé de l’importance que doit présenter, au point de vue physiologique, la présence régulièrement décroissante du saccharose dans un produit végétal en voie de formation aussi rapide qu’un tubercule de pomme de terre ; mais, désireux de contrôler ce fait par des expériences plus nombreuses, j’en avais retardé la publication jusqu’à l’époque où le but de mes recherches serait atteint.

Hermann. Jeuxey. Magnum bonum. Chardon.
1er juillet. 
0,88 1,27 0,88 1,23
13 août. 
0,22 0,22 0,81 0,35


Entre temps cependant, M. Hungerbühler annonçait que dans le jus de tubercules jeunes, récoltés en juin, il avait découvert un principe sucré soluble dans l’eau et l’alcool, et qui, chauffé en présence de l’acide chlorhydrique étendu, réduisait la liqueur de Fehling. Il ne s’était pas prononcé sur la nature de cette matière sucrée. Tout récemment, MM. Schulze et Seliwanoff[6], reprenant cette étude, parvenaient à extraire des tubercules de la pomme de terre le saccharose à l’état cristallisé. C’est donc à ces savants que revient le mérite d’avoir les premiers fait connaître la présence du saccharose dans le jus des tubercules de pommes de terre. J’indiquerai bientôt de quelle façon, à mon avis, il intervient à la formation de ces tubercules.

Je n’ai d’ailleurs, pour le dosage des matières sucrées, employé que les procédés ordinaires ; le jus étant déféqué à l’acétate de plomb basique, filtré d’abord et passé au polarimètre, une partie était traitée directement par la liqueur de Fehling, pour la recherche du sucre réducteur, tandis qu’une autre partie, additionnée de 10 pour 100 d’acide chlorhydrique, chauffée vingt minutes à la vapeur d’un bain-marie, était soumise à l’inversion, puis, comme la première, mélangée à une solution bouillante de tartrate de cuivre et de potasse.

Les matières minérales enfin étaient dosées par l’incinération directe en présence de l’acide sulfurique, et le poids constaté soumis à la correction ordinaire du dixième.


Analyse des feuilles. — Les détails que je viens de donner sur l’analyse des tubercules me permettront d’être beaucoup plus bref à propos de l’analyse des autres parties de la plante.

Dans les feuilles, je me suis attaché à doser l’eau en desséchant 50gr de feuilles enfilées sur un fil d’argent, d’abord à l’air libre à 40°, puis dans l’étuve à vide à 60°-65° ; le ligneux en lavant rapidement 50gr de pulpe préparée au moulin-râpe et recourant, pour faciliter ce lavage, à l’emploi de la presse hydraulique ;

Les matières solubles, en bloc, en évaporant, à l’état d’extrait, 25cc ou 50cc de jus direct préalablement filtré ;

Les matières azotées solubles, tantôt par le procédé à la chaux sodée, tantôt par le procédé de Kjeldahl ;

Les matières sucrées, sucre réducteur et saccharose de la façon qui vient d’être dite pour les tubercules (ce n’a pas été, certainement, l’un des faits les moins intéressants établis par ces recherches que la découverte du saccharose dans les feuilles de la pomme de terre) ;

Les matières minérales enfin, par l’incinération directe.


Analyse des tiges. — Tout ce que je viens de dire relativement à l’analyse des feuilles s’applique également à l’analyse des tiges ; je ferai seulement observer que, pour le dosage de l’eau surtout, j’ai eu soin de m’astreindre à prendre sur plusieurs tiges de longs fuseaux représentant leur composition depuis le niveau du sol jusqu’au dernier bouquet de feuilles ; entre la partie basse et la partie haute de ces tiges, en effet, on observe, sous le rapport de la teneur en eau, en ligneux, etc., des différences notables.


Analyse des radicelles. — La marche suivie pour l’analyse des radicelles a été la même encore ; la seule particularité à laquelle il convienne, en ce cas, d’arrêter l’attention, est celle qui résulte de la nécessité de laver soigneusement ces radicelles, et de les ramener, avant tout dosage, à un état d’humidité normal.

Pour réaliser ces deux conditions, trois ou quatre perruques de chevelu, récoltées à l’aide du jet d’eau dans toute leur longueur, étaient d’abord noyées dans un grand bassin plat, démêlées à la main et débarrassées ainsi de la terre, des cailloux et surtout des radicelles étrangères qu’elles avaient apportées avec elles. Propres alors, ces perruques étaient logées dans le panier d’une turbine et essorées jusqu’à ce que leur surface ne mouillât plus une feuille de papier buvard ; leur état d’hydratation était à ce moment considéré comme normal.


CONDITIONS MÉTÉOROLOGIQUES.


C’est un fait bien connu des cultivateurs que la pomme de terre doit être comptée au nombre des plantes sur lesquelles les conditions météorologiques exercent l’influence la plus grande. C’est dès lors une nécessité que de placer ici, à côté des résultats fournis par l’évaluation des récoltes et par l’analyse des produits récoltés, les données numériques correspondant aux quantités de pluie, de chaleur et de lumière, que la plante a eues à sa disposition pendant chaque période de sa végétation.

C’est ce que je puis faire, grâce à l’obligeance de mon savant confrère de la Société d’Agriculture, M. Renou. Les registres d’observation si complets dont il dirige la rédaction à l’observatoire du Parc de Saint-Maur ont été, par lui, mis à ma disposition, et j’en ai extrait le Tableau suivant, où sont relatées, pour les mois de juillet, août, septembre et octobre 1888 :

1° La quantité d’eau tombée chaque jour, exprimée en millimètres et en dixièmes de millimètre ;

2° La température moyenne de chaque jour ;

3° La nébulosité moyenne de chaque jour (le nombre 100 correspondant à un ciel absolument couvert, le nombre 0 à un ciel absolument lumineux).

La comparaison entre les chiffres contenus dans ce Tableau et les résultats fournis tant par les récoltes que par les analyses m’a permis, au cours de me ; recherches, d’expliquer, à plusieurs reprises, des faits en apparence anormaux.
OBSERVATIONS MÉTÉOROLOGIQUES POUR LA CAMPAGNE 1888.
Parc de Saint-Maur. M. E. Renou, Directeur.
juillet. août. septembre. octobre.
pluie. tem
péra
ture.
nébu
losité.
pluie. tem
péra
ture.
nébu
losité.
pluie. tem
péra
ture.
nébu
losité.
pluie. tem
péra
ture.
nébu
losité.
1 " 12,3 68 1 1,1 14,8 64 1 " 10,8 23 1 " 7,8 59
2 6,1 13,8 62 2 1,6 13,0 34 2 " 11,1 63 2 5,4 6,5 94
3 9,1 16,0 96 3 " 14,4 48 3 " 14,0 36 3 1,9 8,8 33
4 0,8 15,7 98 4 " 16,2 35 4 " 1,3 28 4 " 9,1 40
5 1,7 15,6 88 5 8,8 14,7 69 5 " 16,2 25 5 1,4 6,2 44
6 1,2 15,8 66 6 0,4 3,5 75 6 " 16,5 35 6 16,6 5,4 68
7 11,3 15,1 58 7 1,3 15,7 66 7 " 14,4 46 7 " 4,4 41
8 5,3 14,7 95 8 " 18,9 23 8 2,1 11,7 58 8 0,4 4,8 40
9 0,1 15,9 33 9 " 20,8 21 9 2,4 11,1 82 9 1,8 4,9 91
10 0,9 14,9 78 10 " 21,9 4 10 " 11,4 38 10 3,4 9,4 100
11 2,3 11,5 82 11 " 22,9 14 11 " 11,1 13 11 " 8,3 45
12 " 12,6 99 12 " 21,3 62 12 " 12,0 0 12 " 7,9 33
13 " 14,5 44 13 " 18,9 33 13 " 14,7 8 13 3,2 8,0 59
14 " 15,9 24 14 " 16,7 38 14 " 17,4 18 14 " 5,9 34
15 " 18,3 82 15 9,5 17,4 80 15 " 17,5 3 15 " 5,0 5
16 " 16,7 95 16 1,4 14,1 100 16 " 16,3 82 16 " 5,2 64
17 1,2 15,7 81 17 " 14,0 95 17 " 15,3 81 17 " 8,1 28
18 1,0 15,7 95 18 " 13,0 83 18 " 16,4 45 18 " 8,0 1
19 " 14,9 70 19 " 13,9 60 19 " 14,6 0 19 " 6,8 0
20 0,5 16,1 95 20 0,3 15,6 85 20 " 13,0 0 20 " 4,6 6
21 " 17,8 56 21 4,0 17,9 91 21 " 13,7 5 21 " 4,5 0
22 19,8 19,1 40 22 6,6 15,5 56 22 " 14,9 0 22 " 4,5 1
23 10,3 17,2 82 23 " 15,6 28 23 " 17,9 44 23 " 3,2 0
24 0,4 16,4 66 24 0,3 20,0 28 24 " 18,6 69 24 " 3,4 16
25 " 18,9 64 25 5,5 17,2 61 25 10,7 16,5 85 25 " 8,5 21
26 1,8 17,3 64 26 " 16,4 44 26 " 15,3 84 26 " 12,9 50
27 2,2 17,5 70 27 0,9 16,8 62 27 " 14,4 56 27 " 12,2 5
28 0,1 14,8 82 28 1,1 16,6 74 28 " 16,1 69 28 " 11,5 9
29 0,5 14,3 90 29 " 14,6 29 29 8,8 17,8 98 29 " 12,4 70
30 4,3 15,5 98 30 " 14,3 38 30 1,8 11,9 57 30 " 15,2 98
31 0,7 15,9 80 31 " 11,8 34 " " " " 31 0,1 11,8 97
81,6 40,7 24,8 34,2
Étude des tubercules.


La végétation de la pomme de terre présente à l’observateur deux périodes bien distinctes. Des tubercules mis en terre, trois semaines environ après la plantation, sortent d’abord des tiges qui, aussitôt, se garnissent de radicelles, et pendant un mois, six semaines quelquefois, c’est au développement simultané de ces tiges et de ces radicelles que le travail végétal se borne ; puis, à cette première période en succède une seconde à la base des tiges s’allongent des rameaux souterrains dont l’extrémité s’arrondit sous forme de tubercules féculents ; ceux-ci vont ensuite grossissant pendant un temps qui, suivant les variétés, se prolonge de deux à trois mois.

Plantée dans la première moitié d’avril, montrant ses premières tiges du 1er au 10 mai, la pomme de terre forme ses tubercules vers la fin de juin, et les accroît progressivement jusqu’au milieu de septembre, si la saison est favorable, jusqu’au milieu d’octobre si la saison est mauvaise, au contraire.

Des deux périodes que je viens de définir, il m’a semblé que, au point de vue des applications qui forment l’objectif principal de ces recherches, la première pouvait être négligée, et c’est au moment même où les tubercules apparaissent au pied de la plante que j’ai placé le début de mes observations.

A ce moment, d’ailleurs, et même en se tenant sur le terrain purement physiologique, plusieurs questions importantes se posent.

Au sujet des tubercules, dont je m’occupe exclusivement en ce moment, on est conduit alors à se demander

1° Quelle est, en poids, la marche de leur accroissement progressif

2° Quelle est, en poids, la marche de l’accroissement de la matière sèche qu’ils renferment ;

3° Quelle est, à des dates déterminées et convenablement espacées, la composition des tubercules fournis par chaque récolte ;

4° Quelle est cette composition par rapport au poids sec des tubercules et indépendamment de l’eau que la végétation y a fixée ; 5° Quel est, à l’état sec, le poids de chacune des matières principales contenues dans les tubercules formant, à chacune de ces dates, la récolte d’un sujet moyen ;

6° Quelle peut être enfin l’origine physiologique de ces matières principales et surtout de la fécule ;

Déterminer, en un mot, le poids de matière utile fixée par la plante sous la forme de tubercules, au cours de sa végétation, et rechercher le mécanisme de cette formation tel est le but qu’il convient de poursuivre.


ACCROISSEMENT EN POIDS DES TUBERCULES.


J’ai indiqué précédemment[7] dans quelles conditions et à quelles dates ont eu lieu en 1886, 1887 et 1888, les récoltes successives des diverses parties de la plante et particulièrement des tubercules.

C’est de ces tubercules seulement que je dois m’occuper en ce moment, et, pour faire connaître aussitôt les résultats auxquels aboutit leur accroissement progressif, j’indiquerai dans les quatre Tableaux qui vont suivre, le poids moyen de tubercules qui, pour chacune des époques choisies, a été récolté au pied des sujets de chacune des variétés mises en expérience.

Campagne 1886.
Variétés. 1er juillet 13 août 15 septembre 15 octobre
kg kg kg
Hermann 
0,240 0,453 " 1,064
Jeuxey 
0,244 0,539 Récolte 0,804
Magnum bonum 
0,292 0,660 perdue. 1,063
Chardon 
0,175 0,514 " 0,695
Campagne 1887.
Variétés. 18 juillet 18 août 20 septembre 20 octobre
kg kg kg kg
Richter's imperator 
0,020 0,166 0,826 0,960
Gelbe rose 
0,033 0,207 0,521 0,674
Jeuxey 
Néant. 0,080 0,494 0,548
Chardon 
0,079 0,289 0,710 0,863
Campagne 1888.
Variétés. 20 juillet 20 août 20 septembre 20 octobre
kg kg kg kg
Richter's imperator 
0,715 1,330 1,332 1,530
Gelbe rose 
0,641 1,042 1,173 Réc. faite.
Jeuxey 
0,352 1,121 1,094 1,350
Chardon 
0,578 1,118 1,131 1,260
Campagne 1888 (terre-plein).
Variétés. 3 juillet 4 août 28 août 20 sept. 10 octobre 25 octobre
Jeuxey 
0,031 0,7191 1,270 1,530 1,770 1,553

De l’examen des chiffres qui précèdent et de leur comparaison découlent plusieurs conséquences importantes.

C’est d’abord la vérification, à l’aide de nombres recueillis à dates fixes, de l’accroissement en poids des tubercules. Quelque année, quelque variété que l’on considère, on voit, du début à la fin de la campagne, les tubercules subir, au pied de chaque sujet, un accroissement considérable.

Mais cet accroissement, on est aussitôt frappé des anomalies qu’il présente. C’est ainsi qu’en 1888 on constate que la récolte de chacune des quatre variétés conserve, du 20 août au 20 septembre, un poids sensiblement égal ; c’est ainsi, au contraire, que sur le terre-plein la récolte de chaque pied de Jeuxey se montre, le 25 octobre, inférieure de 250gr environ à ce qu’elle était le 10 octobre.

Ces anomalies ne sont qu’apparentes ; on en aura bientôt la preuve lorsque, soumettant les tubercules à la dessiccation, et faisant abstraction de l’eau qu’ils contiennent, on considérera le poids de matière sèche que chaque pied a fourni sous la forme de tubercules ; à l’irrégularité apparente que je viens de signaler, se substituera alors une régularité parfaite.

Mais, avant d’examiner ce point de vue, il en est un autre que je ne dois pas négliger ce point de vue, c’est la considération du moment auquel, suivant l’année, a lieu, au pied de la pomme de terre, l’apparition des tubercules. Des différences très grandes se produisent à ce sujet, et, pour les apprécier, il suffit de comparer le poids de ces tubercules à des dates identiques, mais au cours de campagnes différentes.

C’est ainsi que nous voyons la variété Jeuxey fournir à chaque pied, le 2 juillet 1888, un poids de tubercules égal à 0kg,352, tandis qu’à la même date de l’année 1887 on ne trouve encore aux pieds de cette variété aucun tubercule formé, que nous voyons cette même variété fournir, sur le terre-plein en 1888, le 1er juillet, 31gr de tubercules seulement, et en donner 0kg,244 à la même date, en 1886.

Sur les Tableaux qui précèdent, on peut également constater des différences de même ordre pour les autres variétés et les autres dates de récolte ; les plus remarquables certainement sont celles offertes parles récoltes du 18 août en 1887, et du 20 août en 1888, où l’on voit les quatre variétés mises en culture fournir à chaque pied des poids de tubercules qui, d’une année à l’autre, varient de près d’un kilogramme.

Ces différences, il n’est pas cependant nécessaire d’en rechercher bien loin la cause c’est à la différence des conditions météorologiques dans l’un et l’autre cas qu’il les faut imputer ; c’est particulièrement, pour l’exemple que je viens de citer, aux retards apportés à la levée en 1887 par un mois de mai pluvieux et froid[8].

C’est à la différence aussi des conditions météorologiques correspondant aux mois successifs de la campagne 1888 qu’il faut attribuer les anomalies que paraissent présenter les récoltes de cette année.

Ces anomalies apparentes sont singulières c’est ainsi qu’au 20 août et au 20 septembre les quatre variétés cultivées côte à côte apportent à la récolte un poids moyen de tubercules sensiblement égal, d’où il semble résulter que, pendant un mois entier, la végétation est restée stationnaire.

Plus singulière encore est l’anomalie que présente, sur le terreplein, la récolte en fin de campagne le 20 septembre, le poids des tubercules s’élève à 1kg, 530 par pied ; le 10 octobre, il a augmenté


Diagramme n° I.
Accroissement, en poids, des diverses parties de la pomme de terre,
à six époques successives de sa végétation.


de 240gr, il égale 1kg ,770 mais quinze jours plus tard, le 25 octobre, on le trouve inférieur de 217gr il est retombé à 1kg,533, c’est-à-dire à un chiffre à peine supérieur au chiffre du 20 septembre. Ces différences sont représentées avec une grande netteté par la ligne qui, sur le diagramme n° I, exprime l’accroissement en poids des tubercules.

Ces diverses anomalies, cependant, c’est chose aisée que d’en faire disparaître l’apparence.-Si, en effet, profitant des données que l’analyse des tubercules, aux diverses époques de récolte, apportera bientôt, on considère les tubercules non plus à l’état d’hydratation sous lequel le sol les livre, mais après qu’ils ont été, par une chaleur de 100°, amenés à l’état de matière sèche, les choses se présentent avec un aspect tout différent ; le poids moyen des tubercules, supposés secs, devient alors à chaque pied :

Campagne 1888.
Variétés. 20 juillet 20 août 20 septembre 25 octobre
graa graa graa graa
Richter's imperator 
132 338 387 406
Gelbe rose 
144 257 291 Réc. faite.
Jeuxey 
162 271 276 317
Chardon 
109 254 268 277


De l’examen de ces poids de matière sèche, il faut alors conclure que, du 20 août au 20 septembre, la végétation a fait encore sentir ses effets au point de vue de l’accroissement des tubercules, surtout pour les variétés Richter’s et Gelbe rose où cet accroissement atteint 49gr et 34gr, mais que cet accroissement a été faible, comme d’ailleurs il a été faible aussi du 20 septembre au 20 octobre résultat important et qui déjà nous montre que six semaines. deux mois au plus, après l’apparition des tubercules, le travail de l’accroissement est déjà avancé.

C’est de même à l’hydratation différente des tubercules au 20 septembre, au 10 et au 25 octobre qu’il faut attribuer l’anomalie apparente présentée par la récolte du 10 octobre sur le terre-plein pour le reconnaître, il suffit de consulter le Tableau suivant, qui représente, à l’état sec, le poids moyen de tubercules récolté à chaque pied :

3 juillet. 4 août. 28 août. 20 septembre 10 octobre 25 octobre
5gr 138gr 277gr 360gr 350gr 356gr

La démonstration est ici plus nette encore, et sur le diagramme n° II[9], la ligne pleine qui, représentant le poids des tubercules secs, s’étend horizontalement du 20 septembre au 25 octobre, suffit à établir que, de l’une à l’autre date, le poids de matière sèche a cessé de s’accroître ; le travail de la végétation était achevé.

Je n’insisterai pas davantage sur ce point en ce moment, j’y reviendrai bientôt, lorsque j’aborderai l’étude des feuilles, des tiges et des radicelles, et j’établirai alors que cet arrêt d’accroissement des tubercules correspond précisément au moment où les

Diagramme n° II.
Accroissement, en poids sec, des diverses parties de la pomme de terre,
à six époques successives de végétation.


feuilles, du fait de leur fanaison, à quelque date que cette fanaison se produise, ont perdu la faculté de produire de nouvelles quantités de matière organique.

C’est, d’ailleurs, un phénomène considérable, à certains moments, que celui de l’accroissement en poids des tubercules, et l’on doit remarquer combien est grande la quantité de matière sèche qu’à ces moments la pomme de terre accumule au pied de chaque sujet sous cette forme, et indépendamment des quantités de matière, sèche également, qu’elle constitue à l’état de feuilles, de tiges et de radicelles.

L’étendue de ce phénomène est établie par les chiffres inscrits ci-dessous, chiffres qui expriment la quantité de matière sèche emmagasinée par chaque sujet sous forme de tubercules, d’un côté pendant la période de temps qui sépare une récolte de la suivante, d’un autre pendant chaque jour de cette période.

ACCROISSEMENT DU POIDS DE MATIÈRE SÈCHE DES TUBERCULES.
Campagne 1888.
Du 20 juillet
au 20 août.
Du 20 août
au 20 septembre.
Du 20 septembre
au 20 octobre.
Total. Par jour. Total. Par jour. Total. Par jour.
gr gr gr gr gr gr
Richter's imperator 
206 6,6 49 1,6 19 0,1
Gelbe rose 
113 3,6 34 1,0 Réc. faite.
Jeuxey 
209 6,8 5 0,1 41 1,3
Chardon 
45 1,5 14 0,5 9 0,3
Campagne 1888 (terre-plein).
Du 2 juillet
au 4 août.
Du 4 août
au 28 août.
Du 28 août
au 20 septembre.
Du 20 septembre
au 10 octobre.
Du 10 octobre
au 25 octobre.
Total 
133gr 139gr 83gr Néant. Néant.
Par jour 
4,3 4,6 3,6

Ces chiffres sont dignes d’attention ils montrent combien est puissante l’activité productive d’un végétal qui, indépendamment des matériaux nécessaires à son propre développement, peut élaborer et emmagasiner, sous forme de tubercules, une quantité de matière sèche qui, à certains moments, s’élève au delà de 6gr par jour.

Mais ce n’est pas seulement à démontrer l’intensité de la puissance productive de la pomme de terre que ces chiffres peuvent servir, ils établissent en outre que cette intensité varie avec l’époque du développement de la plante dans les plus larges limites ; tout d’abord, à partir du moment où les tubercules se sont formés, l’accroissement est extrêmement rapide, et pendant deux mois environ cette rapidité se soutient, puis l’activité productive diminue et enfin l’accroissement s’arrête.

Ces différences dans l’intensité du phénomène sont nettement indiquées dans le diagramme n° I et surtout dans le diagramme n° II[10], où l’on voit la ligne pleine qui représente le poids sec des tubercules s’élever rapidement du 3 juillet au 28 août, s’incliner vers la ligne des abscisses du 28 août au 20 septembre et enfin lui devenir parallèle à partir de cette date.

C’est à la variété Jeuxey cultivée sur le terre-plein de Joinville que les données précédentes s’appliquent, mais on observerait des faits absolument semblables avec toutes les variétés de pommes de terre ; les conditions météorologiques de l’année, la qualité hâtive ou tardive de ces variétés, amèneraient seules des changements dans les dates successives auxquelles on les pourrait constater.

De tout ce qui précède, il résulte que, dès à présent, une conclusion est acquise au sujet de l’accroissement des tubercules, conclusion que l’analyse de ces tubercules confirmera ; rapide d’abord, plus lent ensuite, cet accroissement s’arrête enfin à une date moins avancée en saison qu’on ne le croit généralement. A partir de cette date, ce devient chose inutile que de retarder l’arrachage.

Cette conclusion, cependant, ne saurait avoir toute sa force que si, à partir de cette date, le poids de matière utile, c’est-à-dire de fécule, reste stationnaire comme le poids total de la matière sèche.


Il convient de rechercher, en outre, si, par quelques caractères extérieurs, la plante elle-même ne peut pas permettre de fixer cette date c’est ce que l’étude des parties aériennes apprendra bientôt.

Composition des tubercules aux diverses dates de récolte. — Accroissement en poids des diverses substances qu'ils contiennent.


A l'étude de l'accroissement progressif des tubercules pris dans leur masse entière doit succéder l'étude de l'accroissement personnel de chacune des substances qui interviennent à leur composition. De cette étude doivent résulter au point de vue pratique, la connaissance du poids de chacune de ces substances, et notamment de la fécule, logé au pied de chaque sujet; au point de vue physiologique, un aperçu du mécanisme à l'aide duquel cette fécule se forme et s'accroît avec le temps.


Pour atteindre ces deux buts, l'examen des résultats obtenus en 1888 suffira; je ferai connaître d'abord ceux qu'a fournis l'analyse des tubercules de la variété Jeuxey cultivée sur le terre-plein de Joinville; et, de leur examen, je chercherai à tirer des conclusions dont je demanderai ensuite la confirmation aux résultats fournis par l'analyse des quatre variétés cultivées la même année, à côté les unes des autres.

Dans le Tableau suivant sont résumées les données fournies par l'analyse des tubercules moyens de la variété Jeuxey, récoltés dans les cases du terre-plein de Joinville-le-Pont.


Composition des tubercules du terre-plein (Jeuxey, 1888).
3 juillet 4 août 28 août 20 sept. 10 oct. 23 oct.
Eau 
85,22 80,79 78,16 75,04 80,22 77,05
Matières solubles
Saccharose. 
1,48 1,12 0,64 0,27 0,10 0,02
Sucre réducteur. 
0,67 0,00 0,00 0,00 0,00 0,00
Matières azotées. 
1,36 0,91 1,19 2,06 1,99 1,98
Mat. organ. autres. 
0,35 0,72 0,13 0,96 1,19 1,14
Matières minérales. 
0,86 1,14 1,38 1,31 1,39 1,46
                         Total. 
4,72 3,87 3,34 4,60 4,67 4,60
3 juillet 4 août 28 août 20 sept. 10 oct. 23 oct.
Matières insolubles
Fécule. 
8,40 13,92 15,67 17,44 13,70 16,38
Cellulose. 
1,66 1,23 1,60 1,60 1,31 1,66
Ligneux azoté. 
0,08 0,19 0,32 0,13 0,06
Matières minérales. 
0,09 0,09 0,09 1,39 1,46
                         Total. 
10,06 15,22 17,55 19,47 15,33 18,29
               Total général. 
100,00 100,00 99,95 99,99 100,22 99,95
Polarisation du jus direct, déféqué. 
" 1°,15 1°,10 0°,88 0°,55 0°,00


Parmi les diverses matières dont les nombres ci-dessus représentent le pourcentage aux six époques successives de récolte, celle dont l’accroissement progressif doit en premier lieu fixer l’attention est la fécule ; c’est, en effet, à la production maxima de cette matière que tendent les recherches actuelles.

Cet accroissement se montre d’abord bien régulier, et d’une récolte à l’autre on voit, jusqu’au 20 septembre, la proportion de fécule augmenter ; mais, à ce moment, une brusque anomalie se produit, et les tubercules qui, à cette date, se montraient riches à 17,44 pour 100 de fécule anhydre n’en contiennent plus le 10 octobre que 13,70 pour 100 ; la perte est de 4 pour 100 environ.

Cet abaissement de la teneur en fécule est passager d’ailleurs ; quinze jours plus tard, le a5 octobre, ce sont des tubercules, non pas aussi riches que ceux du 20 septembre, mais s’en rapprochant cependant, que la récolte fournit.

Pour comprendre d’où provient cet abaissement subit de la proportion de fécule, d’où provient ensuite son relèvement, il suffit, après avoir étudié les variations centésimales de cette fécule, d’examiner les variations centésimales de l’eau. Le pourcentage de celleci est très élevé au début ; le 2 juillet, il atteint 85,22 pour 100 du poids des tubercules ; mais régulièrement, à partir de cette date, on le voit décroître, jusqu’à 75,94 pour 100, pour, le 10 octobre, se relever subitement, atteindre 80,22 pour 100, et quinze jours après retomber à 77,00 pour 100.

Du 20 septembre au 10 octobre, en un mot, la fécule a diminué de 4 pour 100 environ, l’eau a augmenté de 4 pour 100 environ. Ce rapprochement est frappant ; il conduit aussitôt à penser que, sous une influence à déterminer, les tubercules se sont d’abord hydratés d’une façon excessive, pour se déshydrater ensuite. Le calcul suivant permet d’établir le bien-fondé de cette hypothèse ; si l’on considère le poids moyen de chaque poquet lors de l’une et de l’autre récolte 1kg,530 et 1kg,770, si l’on calcule le poids d’eau que chacune de ces récoltes contient, on trouve, pour la première, 1kg,161 ; pour la seconde, 1kg,419, dont la différence 1kg,419 - 1kg,161 = 0kg,258 représente un poids d’eau sensiblement égal à la différence du poids brut des récoltes 1kg,770 - 1kg,530 = 0kg,240.

C’est donc bien, en réalité, un accroissement important de la quantité d’eau emmagasinée par les tubercules, et non pas, comme on aurait pu le croire, la disparition d’une partie de la matière utile qui y était logée qui, dans le premier cas, a abaissé leur teneur en fécule, et, par un calcul tout semblable, il serait facile d’expliquer comment, entre la récolte du 10 et celle du 25 octobre, une perte d’eau de 200gr environ par pied a relevé de 3 pour 100 environ le pourcentage de la fécule sans que le poids absolu de celle-ci ait augmenté, et abaissé de 3 pour 100 environ le pourcentage de l’eau.


Cette relation inverse entre les proportions d’eau et de fécule n’est pas du reste spéciale au cas que je viens d’examiner, et, pendant toute la durée de la végétation, on voit le pourcentage de l’eau s’abaisser quand le pourcentage de la fécule augmente ; les variations, dans l’un et dans l’autre sens, sont alors assez régulières pour que l’on puisse considérer les quantités d’eau et de fécule entrant dans la composition des tubercules comme formant une constante, non pas générale à toutes les variétés, mais propre à chacune d’elles.

C’est ainsi que l’on voit la variété Jeuxey, cultivée sur le terre-plein de Joinville, fournir en centièmes, pour la somme de l’eau et de la fécule, les nombres suivants :

23 juillet 
93,62
20 septembre 
93,38
24 août 
94,61
10 octobre 
93,92
28 août 
93,83
25 octobre 
93,43

Si on laisse de côté le chiffre relatif au 4 août, chiffre qui peut avoir été influencé par quelque erreur d’analyse, on voit qu’en effet, et pour cette variété, la somme de l’eau et de la fécule a été continûment égale à 93,5 pour 100 en moyenne, pendant toute la durée de la végétation.

Des constatations analogues faites sur d’autres variétés m’ont permis, d’autre part, de reconnaître la généralité de cette observation.



Son importance ne saurait échapper ; elle montre, en effet, que. contrairement à une idée assez répandue, l’activité de la végétation aérienne, à la suite d’une période de pluies, n’est due en aucune façon à la consommation des réserves accumulées au pied de la plante ; ces réserves subsistent intégralement ; si le tissu dans lequel elles sont logées paraît proportionnellement plus pauvre, c’est qu’il s’est hydraté, et c’est à l’aide de matériaux nouveaux empruntés à l’atmosphère que la végétation s’accroît.

Déjà, en 1880, l’étude de la betterave à sucre m’avait permis de reconnaître des faits identiques.

Les courbes à l’aide desquelles, sur le diagramme n° III[11], le pourcentage de l’eau et celui de la fécule sont représentés, rendent frappante la démonstration des faits que je viens d’établir : l’une s’élève quand l’autre s’abaisse, et réciproquement, suivant des hauteurs sensiblement proportionnelles si bien que les deux courbes sont inversement superposables.


C’est dans les variations de l’état météorologique aux diverses époques de la végétation que l’on trouve la cause déterminante des variations d’hydratation des tubercules de pomme de terre qui viennent d’être constatées.

Il me suffira, pour le montrer, de mettre en parallèle, d’un côté, les résultats des trois dernières récoltes, d’un autre, l’état météorologique qui s’est produit du 28 août au 25 octobre.

Les observations dirigées au Parc de Saint-Maur par M. Renou apportent à ce sujet un enseignement complet[12] du 28 août au 20 septembre, le temps a été remarquablement beau et sec ; en vingt-quatre jours, il n’est tombé que 5mm,6 d’eau, et, dans ces conditions, les tubercules ont continué leur accroissement nor-


Diagramme n° III.


Pourcentage des principaux produits contenus dans les tubercules de la pomme de terre, à six époques successives de la végétation.


mal ; mais, du 20 septembre au 10 octobre, le temps a été tout autre sur une période de vingt jours, on a compté dix jours de pluie, et celle-ci, en certain cas, a été assez abondante pour qu’au total elle se soit élevée à 53mm,2 ; dans ces conditions, les tubercules à peine enterrés, à fleur de sol par suite de l’abaissement des buttes, indépendants des tiges et des radicelles mortes à ce moment, se sont, dans une large mesure, imprégnés de l’eau que la terre avait reçue ; puis, du 10 au 25 octobre, le temps chaud et sec a reparu dans la quinzaine, on n’a compté qu’un seul jour de pluie, et celui-ci n’a fourni que 3mm,2 d’eau ; aussi, dans ces conditions, les tubercules se sont-ils rapidement séchés et débarrassés de l’eau en excès dont ils s’étaient imprégnés, pour redescendre au poids constaté un mois auparavant.

On conçoit, dès lors, quelles différences doit présenter dans ses résultats le rendement d’une culture, suivant que la récolte en a lieu à la suite d’une période de pluie ou d’une période de sécheresse.


Si, considérant encore les tubercules en l’état où la récolte les fourni, on étudie les variations des matières autres que l’eau et la fécule qui interviennent à leur composition, il est trois de ces matières surtout qui appellent l’attention et qui, au, point de vue physiologique, semblent devoir jouer un rôle important ce sont, d’une part, les sucres, d’une autre, les matières azotées solubles. Lorsque le tubercule est jeune, on y constate la présence d’un sucre réducteur que, pour simplifier, j’appellerai un glucose, et celle du saccharose ; mais de bonne heure, dès le 4 août, le glucose a disparu, et jusqu’à la fin de la campagne on ne le voit pas réapparaître, tandis que, du premier au dernier jour de cette campagne, le saccharose subsiste, allant en diminuant d’une récolte à l’autre, pour enfin disparaître lors de la dernière.

C’est dans un sens contraire qu’ont lieu les variations de la matière azotée soluble ; à partir du 4 août et jusqu’au 20 septembre, on la voit augmenter pour, à partir de cette date et jusqu’à la fin de la campagne, rester stationnaire.

Quant aux autres matières, ligneux, matières azotées insolubles, matières minérales solubles ou insolubles, leur proportion centésimale ne varie, au cours de la campagne, que dans des limites assez faibles pour qu’on puisse attribuer à des défauts d’échantillonnage ou à des erreurs d’analyse les différences constatées.

L’allure qu’affectent dans leurs variations les matières principales dont le tubercule est composé est déjà clairement indiquée sur le diagramme n° III[13], mais cette allure devient plus appréciable encore si, au lieu de considérer le tubercule normal, on fait abstraction de l’eau qu’il contient, pour ne considérer que la matière sèche.

Sur cent parties de tubercules moyens desséchés, on trouve alors, aux six époques successives de récolte, en négligeant les matières organiques non dosées et réunies à l’analyse directe sous le nom de matière autres


Composition centésimale des tubercules secs.
2 juillet 3 août 27 août 20 sept. 20 oct. 23 oct.
Saccharose. 
10,0 5,8 3,0 1,2 0,5 0,1
Glucose. 
4,5 0,0 0,0 0,0 0,0 0,0
Matières azotées solubles. 
9,2 4,7 5,4 8,5 10,0 8,6
Matières minérales solubles. 
5,8 5,9 6,3 5,4 6,0 6,3
Fécule. 
56,7 72,1 71,7 72,4 69,2 71,3
Ligneux. 
11,2 7,2 8,6 8,3 8,2 8,3


Les conditions dans lesquelles la matière sèche des tubercules s’accroît apparaissent alors avec netteté.

Du 2 juillet au 23 octobre, le saccharose décroît régulièrement ; après le 2 juillet, le glucose ne se retrouve plus.

Les matières azotées solubles, plus abondantes au début, décroissent dans la période du 3 juillet au 4 août, remontent au taux primitif entre le août et le 20 septembre et y restent stationnaires.

Pendant toute la campagne, la proportion des matières minérales solubles reste sensiblement invariable.

La proportion centésimale de fécule, après avoir grandi rapidement du 3 juillet au 4 août, reste, elle aussi, stationnaire jusqu’au moment de la récolte ; c’est là un résultat absolument inattendu. Quant aux ligneux, la proportion en reste toujours sensiblement la même dans les tubercules.

Sur le diagramme n° IV, les faits que je viens de résumer sont reproduits graphiquement d’une façon saisissante ; du 3 juillet au 4 août, la courbe de la fécule s’élève rapidement, tandis que toutes les autres, à l’exception de la courbe des matières minérales, sensiblement parallèles entre elles, s’inclinent vers la ligne des abscisses.

Puis, à partir du 4 août, la courbe du saccharose continue de s’abaisser régulièrement, celle des matières azotées se relève, tandis qu’à côté d’elles les autres s’allongent parallèlement entre elles et parallèlement à la ligne des abscisses.

La conséquence à tirer de ces observations au point de vue de


Diagramme n° IV.
Pourcentage des principaux produits contenus dans les tubercules séchés de la pomme de terre, à six époques successives de la végétation.


l’accroissement des diverses matières contenues dans les tubercules est, je crois, des plus nettes ; à partir du 4 août, c’est-à-dire à partir du moment où la plante est constituée dans son entier, toutes obéissent à la même loi d’accroissement, à l’exception du saccharose et des matières azotées ; la fécule, le ligneux, les matières minérales augmentent parallèlement et dans les mêmes proportions relatives ; ce sont donc de simples produits de la végétation.

Le saccharose et la matière azotée seuls se comportent différemment le saccharose décroît et la matière azotée croît, et dès lors il semble naturel de voir en eux non seulement des produits, mais aussi des agents de la végétation ; dans quelques instants, l’étude du point de vue physiologique de la question me ramènera en face de cette hypothèse.


Mais. avant que d’aborder ce point de vue, et pour achever l’étude pratique de l’accroissement des tubercules, il convient de dresser le Tableau des quantités qui, en poids, représentent, à chaque pied, les matières formées par la végétation. Voici comment ce Tableau se présente


Poids des matières diverses contenues dans la récolte en tubercules d’un poids moyen.
3 juillet 4 août 28 août 20 sept. 20 oct. 25 oct.
gr gr gr gr gr gr
Saccharose. 
0,46 8,09 8,31 4,32 1,75 0,36
Glucose. 
0,20 0,00 0,00 0,00 0,00 0,00
Matières azot. solubles. 
0,50 6,49 14,95 30,60 35,00 30,61
Matières minér. solubles. 
0,26 8,14 17,45 19,44 21,00 22,42
Fécule. 
2,60 100,00 199,00 264,00 245,00 254,00
Ligneux. 
0,51 9,91 23,87 29,88 28,70 29,55

C’est à des conclusions absolument semblables à celles qu’a déjà fournies l’étude de l’accroissement des tubercules en poids de matière sèche que l’examen de ces chiffres conduit.

On y voit, en effet, qu’à partir du 20 septembre, c’est-à-dire à partir du moment on les tubercules ont cessé de croître en poids sec, la matière utile, la fécule, a également cessé de croitre ; le 2o septembre, le 10 octobre, le 25 du même mois, la quantité de fécule emmagasinée par chaque pied moyen reste sensiblement constante : les différences de 10gr à 20gr, en effet, que l’on constate dans le poids de cette substance aux trois dernières dates d’arrachage sont de l’ordre de celles qui peuvent être expliquées par des erreurs d’échantillonnage ou d’analyse.

De cette constatation, il résulte que les considérations que je n’ai fait qu’indiquer précédemment, au sujet de l’inutilité des récoltes tardives, se trouvent définitivement confirmées.

Cependant, et à bon droit, on pourrait considérer comme hasardées les conclusions qui, à la suite des études précédentes, se présentent à l’esprit, si je n’avais, pour les appuyer, que les documents fournis par une seule culture. Aussi, pour donner à ces conclusions la force qui leur est nécessaire, et sans remonter jusqu’à 1886 et 1887, donnerai-je ici les résultats fournis par l’analyse des tubercules récoltés, aux époques que j’ai précédemment indiquées, an pied des sujets moyens appartenant aux quatre variétés cultivées en sol ordinaire, et côte à côte, à Joinville-le-Pont. Ces variétés sont celles qui précédemment, et pour la campagne 1888, m’ont servi[14] à confirmer, au point de vue de l’accroissement en poids, les résultats obtenus par la culture de la variété Jeuxey sur le terre-plein.

Voici les nombres que ces analyses ont fournis :

richter’s imperator.
20 juillet 20 août 20 sept. 20 oct.
Eau 
81,50 74,52 71,88 73,43
Matières solubles
Saccharose. 
0,97 1,00 0,92 0,43
Glucose. 
0,51 0,00 0,00 0,68[15]
Matières azotées. 
0,66 0,82 1,62 1,33
Matières organiques autres. 
0,14 0,28 0,41 0,55
Matières minérales. 
0,82 1,30 1,47 1,42
                         Total. 
3,10 3,46 4,42 4,41
Matières insolubles
Fécule. 
14,00 19,15 20,98 19,87
Cellulose. 
1,17 1,87 2,10 1,62
Ligneux azoté. 
0,14 0,12 0,29 0,21
Matières minérales. 
0,09 0,09 0,11 0,06
                         Total. 
15,40 21,21 23,48 21,76
               Total général. 
100,00 99,19 99,78 99,60
Polarisation du jus direct, déféqué. 
" 1°,05 1°,42 0°,66
gelbe rose.
20 juillet. 20 août. 20 septembre. 20 octobre.
Eau 
77,47 75,35 74,32 Réc. faite.
Matières solubles
Saccharose. 
0,96 0,55 0,57 "
Glucose. 
0,16 0,00 0,00 "
Matières azotées. 
1,00 1,85 1,62 1,33
Matières organiques autres. 
0,35 0,50 0,62 "
Matières minérales. 
0,94 1,39 1,39 "
                         Total. 
3,41 4,29 4,35 "
Matières insolubles
Fécule. 
17,25 17,77 18,15 "
Cellulose. 
1,48 2,36 2,05 "
Ligneux azoté. 
0,22 0,14 0,19 "
Matières minérales. 
0,12 0,09 0,36 "
                         Total. 
19,07 20,36 20,75
               Total général. 
100,15 100,00 99,62
Polarisation du jus direct, déféqué. 
" 0°,66 0°,66


jeuxey.
20 juillet. 20 août. 20 septembre. 20 octobre.
Eau 
82,50 75,81 74,81 76,48
Matières solubles
Saccharose. 
1,04 0,72 0,50 0,26
Glucose. 
0,36 0,00 0,00 0,15[16]
Matières azotées. 
0,81 1,35 1,32 1,41
Matières organiques autres. 
0,43 0,67 0,11 0,72
Matières minérales. 
0,98 1,27 1,39 1,46
                         Total. 
3,64 3,32 4,00 4,41
20 juillet. 20 août. 20 septembre. 20 octobre.
Matières insolubles
Fécule. 
12,40 17,39 19,50 17,66
Cellulose. 
1,50 2,33 2,26 1,74
Ligneux azoté. 
0,33 0,16 0,31 0,32
Matières minérales. 
0,11 0,08 0,07 0,09
                         Total. 
15,17 19,96 22,14 19,81
               Total général. 
99,87 99,80 100,22 100,29
Polarisation du jus direct, déféqué. 
" 1°,1 0°,88 0°49


chardon.
20 juillet. 20 août. 20 septembre. 20 octobre.
Eau 
81,15 77,26 76,30 77,98
Matières solubles
Saccharose. 
1,16 1,02 0,50 0,29
Glucose. 
0,49 0,20 0,21 0,66[17]
Matières azotées. 
0,77 1,31 1,31 1,50
Matières organiques autres. 
0,19 0,38 0,62 0,47
Matières minérales. 
0,94 1,10 1,23 1,16
                         Total. 
3,55 4,01 3,87 4,08
Matières insolubles
Fécule. 
13,44 15,96 17,20 15,83
Cellulose. 
1,38 2,35 1,84 1,45
Ligneux azoté. 
0,24 0,11 0,31 0,21
Matières minérales. 
0,11 0,12 0,06 0,07
                         Total. 
15,17 18,54 19,41 17,57
               Total général. 
99,87 99,81 99,58 99,52
Polarisation du jus direct, déféqué. 
" 1°,3 1°,15 0°,77

Les chiffres dont la longue série précède confirment, d'une façon aussi satisfaisante qu'on peut le désirer, les faits que l'étude de la variété Jeuxey, cultivée sur le terre-plein de Joinville-le-Pont, m’a déjà permis d’établir. Tout au plus y rencontre-t-on un petit nombre de résultats anormaux qu’expliquent aisément la multiplicité et la difficulté des analyses exécutées. Le sens général des phénomènes n’en est pas moins net et précis.

Considère-t-on, par exemple, les proportions relatives d’eau et de fécule, on voit celle-là diminuer régulièrement du 20 juillet au 20 septembre, celle-ci augmenter avec la même régularité, puis, du 20 septembre au 20 octobre, l’effet contraire se produit. C’est un résultat identique à celui que j’ai précédemment constaté, et c’est à la même cause, c’est aux pluies du commencement d’octobre, à l’hydratation consécutive des tubercules que ce résultat est dû.

Pour toutes les variétés d’ailleurs, les proportions centésimales de fécule et d’eau vont croissant ou décroissant inversement aux quatre époques de récolte, d’où résulte une démonstration nouvelle de la conservation des réserves et particulièrement de la fécule, alors que, du fait de leur hydratation, les tubercules semblent s’appauvrir.

C’est également suivant le sens déjà constaté pour les tubercules précédemment étudiés que se modifie, avec l’âge, le pourcentage du saccharose dans les tubercules de ces quatre variétés. Régulièrement on le voit décroître du 20 juillet au 20 octobre, et si, à la fin de la campagne, il en subsiste une petite proportion, c’est à coup sûr à une maturation encore incomplète qu’il le faut attribuer.

Pour trois des variétés, on voit, comme on l’a déjà précédemment reconnu, le glucose disparaître dès la seconde récolte ; seule et sans que j’aie pu en découvrir la cause, la variété Chardon fait exception ses tubercules contiennent encore, à la deuxième et à la troisième récolte, une petite quantité : 0, 20-0, 21 pour 100 de glucose ; cette exception doit, provisoirement, être laissée de côté.

Pour ces trois variétés, par conséquent, la loi des variations du glucose est certainement la même que pour les tubercules de Jeuxey déjà étudiés. A la vérité, soumis à l’analyse, les tubercules de la dernière récolte ont de nouveau fourni du glucose, mais cette réapparition du sucre réducteur est le résultat d’un accident. A la suite de cette récolte, en effet, j’ai dû, pendant près de deux mois, et par suite d'un excès de travail, abandonner ces tubercules en cave, avant que de les analyser. Or, c'est un fait connu que, dans ces conditions, une partie de la fécule se saccharifie; de cette réapparition accidentelle du glucose, il convient donc de ne pas tenir compte; elle ne porte aucune atteinte à la généralité du fait constate.

C'est à une même conclusion que conduit l'examen des chiffres relatifs l'accroissement centésimal des matières azotées solubles; cet accroissement, notable au début de la campagne, s'arrête vers la fin d'août, et le pourcentage de ces matières devient constant.

Il en est de même des matières minérales et du ligneux.

Quelle que soit donc la matière intervenant à la composition des tubercules que l'on considère, les faits qu'a permis de reconnaître l'analyse des récoltes de Jeuxey faites sur le terre-plein en 1888 doivent être regardés comme n'offrant rien d'exceptionnel et comme représentant, d'une manière générale, les conditions d'accroissement et de variation de composition des tubercules de la pomme de terre.


CONSÉQUENCES DES FAITS PRÉCÉDENTS AU POINT DE VUE DE LA FORMATION DE LA FÉCULE ET DE SON ACCUMULATION DANS LES TUBERCULES.


Des faits constatés au sujet de ces conditions d'accroissement doivent naturellement découler des conséquences pratiques que j'essayerai de formuler bientôt; mais, auparavant, il convient de voir si l'étude de ces faits ne peut pas fournir quelques aperçus au sujet du mécanisme d'où résultent la formation et l'accumulation de la fécule dans les tubercules de la pomme de terre.

Lorsqu'on étudie les données fournies par l'analyse des tubercules, on est frappé de cette considération qu'en dehors de l'eau et de la fécule deux matières seulement subissent, au cours de la végétation et dans le tissu de ces tubercules, des variations régulières la matière azotée d'une part, le saccharose, d'une autre.

Au fur et à mesure que la végétation s'avance, la matière azotée soluble croît on n'a pas lieu d'en être surpris; cette matière azotée, en effet, est dans tous les tissus végétaux l’intermédiaire principal de l’élaboration organique ; sur cet accroissement, par suite, il semble inutile d’insister ; mais, en même temps et par un phénomène absolument inattendu, on voit le saccharose, abondant au début, aller en décroissant, au fur et mesure que le tubercule s’enrichit en fécule, pour enfin disparaître lorsque ce tubercule est arrivé à maturité.

Dans cette concomitance, de la diminution du saccharose et de l’augmentation de la fécule, il est bien difficile de ne pas voir, d’un côté, la cause, d’un autre, l’effet.

Au début de la formation des tubercules, le 3 juillet, on trouve, au pied de chaque sujet, pour 2gr,60 de fécule, 0gr,46 de saccharose celui-ci représente 17 pour 100 du poids de celle-là ; l’activité végétale est alors très intense, et les tubercules croissent avec rapidité ; puis, à partir de cette date et jusqu’au 28 août, l’accroissement, tout en restant rapide, prend une régularité parfaite, il devient constant ; constant aussi reste pendant cette période le poids de saccharose qu’au août, au 28 août, on trouve emmagasiné dans les tubercules de chaque pied c’est à 8gr environ que ce poids s’élève à l’une et à l’autre date, puis l’accroissement en poids de la fécule devient plus lent et, par une coïncidence frappante, le poids de saccharose diminue ; à partir du 20 septembre enfin cet accroissement s’arrête et rapidement les dernières portions de saccharose disparaissent.

La relation de ces deux mouvements me paraît évidente ; les faits que je viens de rapporter d’ailleurs présentent une analogie remarquable avec d’autres faits que je me réserve d’exposer plus tard, et qui tous aboutissent à démontrer l’importance de l’intervention du saccharose à la formation des tissus végétaux. Ces faits m’ont conduit à penser qu’en maintes circonstances le saccharose devient l’agent principal de cette formation. Des recherches, dues à Levallois, ont appris, il y a quelques années, que la cellulose dont est formée la trame des tissus végétaux dévie, à gauche, au moins en certaines circonstances, le plan de la lumière polarisée. Une hypothèse se présente alors à l’esprit qui, si je ne me trompe, est de nature à expliquer un grand nombre de faits de physiologie végétale elle consiste à imaginer que le saccharose, se dédoublant au sein des tissus en lévulose et en glucose, constitue, à l’aide du premier, la cellulose, à l’aide du second. la matière amylacée : fécule ou amidon. Sans doute les produits de ce dédoublement n’interviennent pas par leur poids tout entier à ces formations ; aisément oxydables, ils deviennent, pour un(grande partie au moins, les agents de la respiration végétale, et c’est dans une moindre mesure qu’on les voit jouer le rôle d’agents plastiques que j’indiquais à l’instant.

Si cette hypothèse est admise, il devient aisé de comprendre comment, se remplaçant par des apports nouveaux au fur et à mesure que les tubercules le consomment, en partie pour en brûler les dérivés, en partie pour immobiliser ceux-ci à l’état de cellulose ou de fécule, le saccharose figure dans la masse de ces tubercules, sous des poids égaux, tant qu’un approvisionnement abondant est nécessaire ; comment, aussitôt que la végétation perd son activité, aucun apport nouveau ne se produisant plus, la réserve est rapidement consommée.

Ces apports incessants de saccharose, dont l’hypothèse qui vient d’être développée oblige à rechercher l’origine, ce sont les parties aériennes, ce sont les feuilles qui les fournissent. L’étude qui va suivre en apportera la preuve.


Étude des feuilles.


Les résultats auxquels aboutit l’accroissement des tubercules de la pomme de terre, soit en poids, soit en richesse féculente. donnent un intérêt particulier à l’étude des parties aériennes de cette plante, et notamment de ses feuilles.

Dans ces feuilles, en effet, la physiologie nous apprend à reconnaître le laboratoire synthétique où prennent naissance, soit immédiatement, soit médiatement, toutes les matières organiques que les tubercules contiennent, et particulièrement la fécule.

Cette conception se trouve bientôt confirmée lorsque, parallèlement à l’accroissement des tubercules, on étudie l’accroissement d’abord, et la diminution ensuite des organes foliacés de la plante.

Tant que les feuilles, abondantes et fraîches, vivent étagées sur la tige, les tubercules s’accroissent avec rapidité ; dès qu’une partie de ces feuilles commence à se dessécher, les tubercules s’accroissent lentement ; lorsque la fanaison des feuilles est complète, l’accroissement des tubercules s’arrête, quelque temps qu’on les abandonne dans le sol.


ACCROISSEMENT ET DIMINUTION SUCCESSIFS DU POIDS ET DE LA SURFACE DES FEUILLES.
.


Les phases successives de la vie des tubercules ont été caractérisées dans le paragraphe précédent ; je m’attacherai maintenant à montrer, par des données numériques, leur relation avec les phases successives du développement des feuilles.

J’ai dit précédemment comment et par quel procédé les feuilles ont été recueillies ; leur récolte cependant n’a pu être prolongée au delà du 20 septembre ; le 10 octobre, toutes les feuilles étaient fanées et la plupart d’entre elles gisaient sur le sol ; le 25 octobre, les tiges, desséchées à leur tour. n’en retenaient plus une seule. Portées sur la balance, à l’état vert et frais, ces feuilles ont, par sujet, fourni les poids moyens suivants :

3 juillet. 4 août. 28 août. 20 septembre. 10 octobre. 20 octobre.
0kg,338 0kg,438 0kg,320 0kg,125 Mortes. Tombées.


Dès le 20 septembre, comme le montre d’ailleurs avec une grande netteté la vue photographique prise à cette date sur un sujet moyen et qui porte le n° 4 dans l’album d’héliogravure anexé à ce volume, les trois quarts des feuilles étaient fanées ; ces feuilles fanées, j’ai eu soin de les recueillir, de les sécher et de les ramener, par le calcul, au même état d’hydratation que les feuilles encore vertes portées par la tige (eau 84,62 pour 100) ; mais, malgré cette reconstitution, je n’ai pu constater alors un poids égal à celui qu’un sujet, moyen également, m’avait fourni le 28 août. Au lieu de 0kg,520, je n’ai pu retrouver (feuilles vertes et feuilles fanées reconstituées) que 0kg,353 ; le tiers environ des feuilles était déjà, et après fanaison, tombé sur le sol ; au delà du 20 septembre, aucune récolte n’était plus possible.

Si, ces constatations faites, on se reporte au Tableau de l’accroissement en poids des tubercules, on est frappé de cette coïncidence qu’à partir de cette date (20 septembre) leur accroissement a cessé absolument, après avoir, du 28 août au 20 septembre, diminué sous l’influence de la fanaison partielle des feuilles.


Cependant la pesée directe des feuilles vertes ne saurait donner une idée suffisamment précise de leur accroissement. Pour se rendre compte de cet accroissement, il est nécessaire de considérer le poids de matière sèche que les feuilles, à chaque récolte, représentent par sujet moyen. Ces poids sont les suivants

3 juillet. 4 août. 28 août. 20 septembre.
40gr 63gr 69gr 19gr


On voit alors nettement de quelle façon l’accroissement de la matière qui constitue le tissu même des feuilles se produit ; du 3 juillet au 4 août, l’accroissement est de 23gr : c’est un accroissement de 0gr,75 par jour ; du 4 au 28 août, l’accroissement n’est plus que de 6gr, soit 0gr,25 par jour.

Ces chiffres ne sont, en aucune façon, comparables aux chiffres de 4gr et même 6gr par jour, par lesquels, aux mêmes moments, se traduit l’accroissement journalier des tubercules.

Entre ces deux phénomènes, on observe donc une différence complète ; les feuilles croissent jusqu’à ce que leur développement corresponde au maximum de puissance travaillante de la plante; ce point atteint, l’appareil foliacé reste stationnaire, tandis que la réserve souterraine, au contraire, croît jusqu’à ce que cet appareil, en perdant sa vitalité, cesse de l’alimenter.

Bientôt, d’ailleurs, cette vitalité commence à s’affaiblir, et, pour avoir la mesure de cet affaiblissement, il suffit de considérer que, du 28 août au 20 septembre, en vingt-trois jours, un sujet moyen a perdu 50gr, soit plus de 2gr par jour, plus de 3 pour 100 par rapport au poids de matière sèche que représentent, par sujet, les feuilles arrivées à leur maximum de développement.

On n’a pas lieu d’être surpris alors de voir, sous l’influence du développement rapide de l’appareil foliacé d’abord, de son état stationnaire ensuite, enfin de sa caducité non moins rapide, le poids des tubercules, au pied d’un sujet moyen, augmenter de 4gr,3 par jour du 3 juillet au 4 août, de 4gr,6 du 4 au 28 août, pour, à partir de ce jour, quand là fanaison des feuilles commence, ne plus gagner que 3gr,6 par jour, et finalement rester stationnaire lorsque, à partir du 20 septembre, cette fanaison devient générale.

Les relations que les observations précédentes ont permis de constater entre les changements de poids des tubercules et des


Diagramme n° I.
Accroissement, en poids, des diverses parties de la pomme de terre, à six époques successives de sa végétation.

feuilles sont aisées à reconnaître sur le diagramme n° I, et particulièrement sur le diagramme n° II où les matières sèches seules sont considérées. On voit sur celui-ci la courbe des feuilles, s'élevant plus lentement que la courbe des tubercules, redescendre du 28 août au 20 septembre, période pendant laquelle la courbe des tubercules continue à s'élever, mais plus lentement que pendant les périodes précédentes. A partir du 20 septembre, la relation devient plus frappante encore la courbe des feuilles rejoint rapidement la ligne des abscisses, tandis qu'en même temps la courbe des tubercules lui devient parallèle.


Pour corroborer les appréciations qui précèdent, il est bon de considérer non seulement le poids des feuilles, mais encore la sur-

Diagramme n° II.
Accroissement, en poids sec, des diverses parties de la pomme de terre, à six époques successives de sa végétation.


face qu'à travers l'atmosphère elles présentent à la synthèse organique. Calculée par le procédé des découpures sur papier, cette surface a été :

3 juillet. 4 août. 28 août. 20 septembre. 10 octobre. 20 octobre.
0mq,46 1mq,48 1mq,84 0mq,48[18] Nulle. Nulle.

On constate ainsi, entre les données qu’apportent, d’un côté, les poids, d’un autre, les surfaces, une concordance absolue.


Arrivé à ce point, il n’est pas sans intérêt de chercher à se rendre compte de l’étendue de la surface offerte par un champ de pommes de terre à l’absorption des différentes matières premières que l’atmosphère en mouvement lui présente incessamment.

Dans le système de culture que j’ai adopté, on doit compter (à moins d’emploi de variétés exceptionnelles) 33000 pieds de pommes de terre à l’hectare. Si l’on se place au moment du développement maximum de l’appareil aérien, les feuilles de chacun de ces sujets (du moins pour la variété Jeuxey) occuperont dans l’espace une surface simple de 1mq,84, soit par hectare une surface de 6 hectares environ si l’on admet que la feuille travaille par ses deux faces, cette surface sera double, c’est-à-dire de 12 hectares environ.


COMPOSITION DES FEUILLES ; PRÉSENCE DES SUCRES DANS LEURS TISSUS ; LEUR RÔLE AU POINT DE VUE DE LA SYNTHÈSE VÉGÉTALE.


Ces faits constatés, il convient de rechercher quels sont les produits dont la réunion constitue la masse végétale que limite cette énorme surface.

Il en est dont la nature est toute prévue, ce sont les matières azotées solubles et insolubles, les matières minérales, la cellulose et les analogues, et enfin, à côté de matières organiques solubles et mal définies, des matières sucrées ; mais, parmi ces matières sucrées, il en est une dont la présence jusqu’ici, à ma connaissance du moins, n’avait pas été signalée dans les feuilles de la pomme de terre c’est une matière sucrée, douée d’un pouvoir rotatoire droit, ne réduisant pas la liqueur de Fehling et s’invertissant au contact des acides faibles ; une seule matière sucrée réunit ces différents caractères c’est le saccharose.

C’est seulement aux quatre premières époques de récolte que ces différents produits ont été dosés dans les feuilles de pomme de terre ; le co octobre, on ne trouvait plus sur les tiges qu’un petit nombre de feuilles mortes et dont l’étude n’aurait offert aucun intérêt ; le 25 octobre il eût été impossible de trouver les matériaux nécessaires pour une analyse. Les données obtenues à ces quatre époques sont réunies dans le Tableau suivant :


3 juillet. 4 août. 28 août. 20 septembre.
Eau 
88,26 86,24 86,72 84,62
Matières solubles
Saccharose. 
0,06 0,36 0,09 0,29
Glucose. 
0,25 0,87 0,45 0,26
Matières azotées. 
2,37 2,75 1,75 2,59
Matières organiques autres. 
1,36 2,04 1,94 3,27
Matières minérales. 
1,54 1,32 1,94 2,73
                         Total. 
5,58 7,34 6,07 9,14
Matières insolubles
Cellulose. 
4,20 3,62 3,99 4,29
Ligneux azoté. 
0,85 1,57 0,92
Matières minérales. 
0,96 1,30 1,40 1,25
                         Total. 
5,16 5,77 6,96 6,46
               Total général. 
99,00 99,35 99,75 100,22


Des nombres qui précèdent, il serait difficile de tirer quelque conclusion certaine au sujet des transformations que peut subir. dans son ensemble, au cours de la végétation, la composition des feuilles de la pomme de terre ; en présence des anomalies que présentent quelques dosages, par exemple, celui des matières azotées solubles, le 28 août, on est obligé de reconnaître que le nombre des observations n’est pas assez considérable.

Le seul fait bien net, quant à l’ensemble de cette composition. c’est l’abaissement progressif de l’état d’hydratation des feuilles du 3 juillet au 20 septembre, la proportion d’eau s’abaisse de près de 4 pour 100, et l’on constate que c’est parallèlement à la diminution de l’activité organique de la feuille que cette diminution dans la proportion d’eau se manifeste.

Mais si, pour tous les autres produits, on ne peut baser, sur les chiures qui précèdent, une loi de croissance ou de décroissance graduelle, tout au moins convient-il d'arrêter l'attention sur la présence simultanée d'un sucre réducteur et du saccharose dans les feuilles de la pomme de terre.

Ce fait est loin d'être isolé. Déjà j'ai montré[19] que les feuilles de la betterave à sucre donnent directement naissance au saccharose, au milieu de leurs tissus, qu'elles le produisent pendant le jour, et cela en quantité d'autant plus grande que la lumière est plus vive, pour ensuite l'écouler vers la souche.

Depuis la publication de ce fait important, et même avant cette époque, j'avais fait, sur les feuilles d'un certains nombre de plantes, des constatations analogues.

Je ne saurais incidemment exposer ici les résultats de ces recherches je les publierai bientôt dans leur ensemble et me contenterai d'en résumer aujourd'hui quelques-uns.

C'est ainsi que, dès 1884, j'avais reconnu la présence d'une matière sucrée qui, d'après tous ces caractères, semble pouvoir être considérée comme du saccharose dans les feuilles de pois, d'hélianthus, de wigandia, de betteraves fourragères, de ricin, de carottes fourragères, etc., qu'en t885 je l'ai retrouvée dans les feuilles du blé, de l'avoine, du pavot, etc.

Dans un grand nombre de cas, soumettant les feuilles des plantes à l'analyse, d'abord après une journée lumineuse, ensuite après la nuit consécutive à cette journée, j'ai vu, comme pour la betterave à sucre, la proportion de saccharose accusée par le dosage du soir diminuer dans une mesure importante lors du dosage du matin.

Ces dosages comparatifs du soir et du matin, je n'ai pu les faire en 1888 pour les feuilles de la pomme de terre; la campagne était en vérité trop chargée, mais si ce document important, au point de vue de l'influence de la lumière, me fait défaut, il me sera permis cependant de faire remarquer que, des quatre dosages compris au Tableau précédent, ceux qui sont faibles correspondent à des journées sombres, ceux qui sont forts à des journées lumineuses ou au moins convenablement éclairées.

C'est ce que montre le rapprochement des chiffres indiquant, d'un côté, l'état météorologique aux jours de récolte; d'un autre, la proportion de saccharose constatée aux mêmes jours.

Pluie. température. Nébulosité. Saccharose p. 100.
3 juillet. 
9,1 16,0 96 0,06
4 août. 
0,0 16,2 35 0,36
28 août. 
1,1 16,6 74 0,09
20 septembre. 
0,0 13,0 0 0,29


Sans donner à ces observations plus d'importance que ne permet de leur en accorder leur petit nombre, on ne peut s'empêcher d'être frappé de l'analogie qu'elles présentent avec les observations si nombreuses que j'ai faites en 1880 sur les feuilles de la betterave à sucre, comme aussi avec celles que je viens de rappeler et dont les feuilles de diverses plantes ont été le sujet.

On est conduit alors à penser que, dans les feuilles de la pomme de terre, comme dans les feuilles de ces plantes, le saccharose figure au nombre des matières primordiales qui, formées sous l'action de la lumière solaire, deviennent ensuite, par leurs migrations et leurs transformations, les agents constituants des diverses parties du tissu végétal.

Entraîné dans les tiges et circulant à travers celles-ci sous l'influence des mouvements osmotiques qui s'y croisent, amené, par ces mouvements mêmes, dans la masse des tubercules, le saccharose peut ainsi, et suivant la théorie que j'ai précédemment esquissée avec réserve, devenir la matière première de la production de la fécule.

L'étude des tiges apportera un nouvel argument à l'appui de cette manière de voir.


Étude des tiges.


Le rôle physiologique des tiges est certainement moins important que celui des feuilles; il mérite l'attention cependant. C'est dans le tissu des tiges, en effet, que s'effectuent les échanges réciproques d’où dérive le transport vers les tubercules des matériaux qui doivent s’y accumuler sous forme de réserve.

Ces tiges, d’ailleurs, représentent une fraction considérable de la plante entière. Lorsqu’elles ont atteint leur développement maximum, le poids moyen s’en élève, pour chaque sujet, au double du poids des feuilles, aux deux tiers, quelquefois aux trois quarts du poids des tubercules.

Un temps relativement court leur suffit pour atteindre ce développement maximum mais c’est pendant un temps court également qu’elles se maintiennent au point atteint. Pour la variété Jeuxey, cultivée en 1888, c’est dès le 20 septembre que les tiges ont commencé à se dessécher et à perdre leur vitalité : le 10 octobre, leur dessiccation était complète, et le 20 enfin. à moitié détruites déjà, par une décomposition singulièrement rapide, elles gisaient informes sur le sol.

J’ai pensé néanmoins qu’il serait intéressant de poursuivre la récolte des tiges jusqu’à la fin de la campagne, non point dans le but d’en apprécier le poids, ce qui eût été sans intérêt, puisqu’elles n’interviennent plus dès ce moment à la végétation, mais pour chercher à reconnaître, par l’analyse, dans quelle condition leur décomposition s’opère.


ACCROISSEMENT ET DIMINUTION SUCCESSIFS DES TIGES EN POIDS.


Coupées au ras du sol, débarrassées des feuilles qu’elles portaient, les tiges vertes ont, aux époques successives de récolte, fourni par sujet les poids moyens ci-dessous notés.

3 juillet. 5 août. 28 août. 20 septembre. 10 octobre. 23 octobre.
0kg,366 0kg,692 1kg,080 0kg,642 175gr (sèches) altérées.


L’accroissement est, on le voit, beaucoup plus rapide que celui des feuilles du 3 juillet au 4 août, il est de près de go pour 100 ; du 4 au 28 août, il est encore de 5o pour 100 ; mais, arrivé à ce point, l’accroissement s’arrête, et dès le 20 septembre le poids des tiges encore vertes retombe au chiffre auquel il s’élevait le 4 août ; à côté de ces tiges vertes, se dressent encore, à ce moment, celles qui, sur pied, se sont partiellement desséchées ; récoltées séparément, séchées et ramenées, par le calcul, à l’état d’hydratation normal, ces tiges représentaient, le 20 septembre, un poids de 0kg,367 de tiges vertes, soit, pour les deux récoltes (vertes et desséchées), un poids de 1kg,059, sensiblement égal au poids de 1kg,080 constaté le 28 août. L’exactitude de cette constatation se trouve ainsi confirmée.

Puis, à partir du 20 septembre, la dessiccation sur pied s’accélère, et, le 10 octobre, à la place d’un poids de tiges vertes égal à 1kg,080, on ne trouve plus que 175gr de tiges entièrement desséchées ; c’est au cours de cette période (20 septembre au 10 octobre) que les organes aériens ont perdu leur vitalité. Cependant, on ne saurait avoir de l’accroissement organique des tiges une notion précise qu’en substituant aux poids fournis par la récolte directe les poids de matière sèche que ces tiges représentent ces poids sont les suivants :


3 juillet. 4 août. 28 août. 20 septembre. 10 octobre.
28gr 60gr 115gr 119gr 79gr


L’allure de la végétation dans les tiges se trouve ainsi nettement caractérisée ; jusqu’au 28 août, on les voit assimiler une proportion importante de matière organique pour se constituer elles-mêmes ; puis, à partir du 28 août, cette assimilation cesse, le poids de matière sèche organisée devient stationnaire, et jusqu’au moment (10 octobre) où leur altération commence, cessant de vivre pour elles-mêmes, elles se bornent au rôle d’appareils de transport pour les matières organiques élaborées dans les feuilles, comme aussi pour les produits minéraux enlevés au sol par les radicelles.


ACCROISSEMENT DES TIGES EN LONGUEUR.


A côté du poids des tiges, il est intéressant de considérer leur longueur. Dans son accroissement, en effet, on trouve un contrôle de l’allure végétative qui vient d’être définie.

La variété Jeuxey à laquelle s’appliquent les observations actuelles offre, sous le rapport de la forme et de la longueur des tiges, une particularité ; ces tiges sont traçantes, en effet, et s’étendent au loin sur le sol ; aussi ne faut-il pas s’étonner si leur longueur atteignait


3 juillet. 4 août. 28 août. 20 septembre.
0m,80 1m,45 1m,80 1m,80


Comme pour le poids, on observe, dans ce cas, une période d’accroissement rapide (3 juillet au 28 août) suivie d’une période stationnaire (28 août au 20 septembre) ; celle-ci correspond au maximum de longueur.

Des faits qui viennent d’être notés, il résulte que, sur les diagrammes n° I et n° II (voir p. 82 et 83), l’accroissement et la diminution du poids des tiges doivent être représentés différemment ; sur le diagramme n° I, en effet, ne figurent que les tiges encore vertes récoltées à chaque époque ; sur le diagramme n° II figure le poids sec de matière existant à cette époque sous la forme de tiges, soit vertes, soit déjà partiellement desséchées.

C’est pourquoi, sur le diagramme n° 1 (voir p. 82), la courbe des tiges, après s’être élevée rapidement jusqu’au 28 août, commence à s’infléchir pour bientôt descendre rapidement aussi, tandis que, sur le diagramme n° II, cette courbe se maintient à même hauteur le 28 août et le 20 septembre, pour ne redescendre qu’à partir de cette époque, c’est-à-dire à partir du moment où commence l’altération chimique des tiges mortes.

L’examen des six vues héliogravées que renferme l’album annexé à ce volume et dont chacune représente l’un des sujets moyens de chacune des six récoltes donne, d’autre part, une idée exacte de l’accroissement rapide des tiges pendant la période active de la végétation et de leur décadence également rapide, lorsque cette végétation prend fin.


COMPOSITION DES TIGES AUX DIVERSES ÉPOQUES DE RÉCOLTE.


Soumises à l’analyse chimique, les tiges, aux six époques de récolte, ont fourni les résultats suivants

3 juillet. 4 août. 28 août. 10 sept. 10 oct. 23 oct.
Eau 
92,16 91,27 89,33 88,74 55,00 12,44
Matières solubles
Saccharose. 
0,27 0,07 0,15 0,14 0,00 0,00
Glucose. 
0,00 0,54 0,23 0,00 0,00 0,00
Matières azotées. 
1,11 0,77 0,75 0,57 0,28 0,38
Matières organiques autres. 
0,03 0,99 0,28 0,35 0,23 1,12
Matières minérales. 
1,38 1,33 1,93 1,60 1,26 2,13
                         Total. 
2,78 3,40 3,33 2,56 1,77 3,60
Matières insolubles
Cellulose. 
3,99 4,48 6,17 6,81 19,17 72,27
Ligneux azoté. 
0,36 0,30 0,36 8,10
Matières minérales. 
0,76 0,67 0,87 0,78 15,36 11,13
                         Total. 
4,73 5,51 7,34 7,05 42,63 83,30
               Total général. 
99,68 99,88 100,00 99,35 99,40 99,34


Des six analyses qui précèdent, deux doivent être considérées à part ce sont les deux dernières. Seules les récoltes du 3 juillet au 28 août ont fourni des tiges vertes, c’est-à-dire douées de vie ; seules, par conséquent, elles présentaient de l’intérêt au point de vue de la marche de la végétation. C’est de ces quatre récoltes qu’il convient de s’occuper en premier lieu.

Des données fournies par l’analyse des tiges récoltées le 3 juillet, le 4 et le 28 août, le 20 septembre enfin, on peut tirer quelques conclusions intéressantes. Parmi les matières diverses dont les tiges sont composées, il en est deux, en effet, qui, inversement, décroissent et croissent avec régularité ; d’un côté, la proportion d’eau s’abaisse progressivement de 92,16 à 88,74 ; d’un autre, la proportion de ligneux (cellulose, produits azotés et minéraux réunis) s’élève progressivement aussi de 4,73 à 7,90, si bien que, aux quatre époques de récolte, la somme de l’eau et du ligneux représente une constante, comme le montrent les chiffres suivants

3 juillet. 4 août. 28 août. 20 septembre.
96,89 96,78 96,67 96,69


C’est donc bien à s’organiser sous la forme de tiges solides et élevées que la matière est principalement appelée dans ce cas.

Mais ces tiges ont un autre rôle à jouer encore elles doivent servir au transport des matériaux destinés à l’accroissement des tubercules ; parmi ces matériaux, il en est dont la présence attire aussitôt l’attention ce sont, d’un côté, un sucre réducteur, d’un autre, le saccharose.

Chose remarquable d’ailleurs, deux fois le sucre réducteurs fait défaut à l’analyse, tandis qu’aux quatre récoltes le saccharose figure parmi les produits solubles qui cheminent à travers la tige, comme si la présence du premier était moins nécessaire au développement végétal que la présence du second.

Des quantités de saccharose que la tige contient aux diverses récoltes, on ne saurait, il est vrai, tirer aucune conclusion quant à son importance au point de vue de l’accroissement du végétal ; mais le fait seul de sa présence constante dans la tige en activité suffit à donner un certain poids à l’hypothèse que j’ai précédemment émise, de la formation dans le tissu des feuilles d’un sucre invertible, le saccharose très probablement, qui, du laboratoire où il a pris naissance, descendrait à travers les tiges pour, dans les tubercules, s’invertir et donner naissance à des sucres réducteurs utilisés en partie pour la formation de la fécule, en partie pour la formation du tissu cellulaire, en partie pour la respiration de ces tubercules mêmes.

A l’appui de cette hypothèse, il est une observation encore que je ne dois pas négliger. Les sucres réducteurs logés dans les feuilles et ceux logés dans les tiges ont des pouvoirs rotatoires de sens différent ; convenablement déféqué, le jus des feuilles dévie à gauche le plan de polarisation, le jus des tiges le dévie à droite. Dans le premier cas, c’est du sucre inverti (lévulose et glucose) qui masque le pouvoir droit du saccharose ; dans le second, le lévulose a disparu sans doute et c’est le glucose seul qui ajoute son pouvoir droit au pouvoir de même sens du saccharose.

Les déviations constatées, dans l’un et l’autre cas, étaient trop petites pour que j’aie pu y trouver les éléments d’un dosage ; mais le sens en était si nettement prononcé qu’aucune hésitation sur la différence des sucres réducteurs contenus dans les feuilles et dans les tiges n’est possible.

C’est encore un examen intéressant que celui des tiges desséchées qui, sur le champ et en attendant l’arrachage des tubercules, vont se décomposant peu à peu sous l’influence de la combustion par l’oxygène atmosphérique et du lavage par l’eau de la pluie.

Pour rendre la marche de cette décomposition plus sensible, je ramènerai par le calcul, à l’état de siccité, les matières principales dont l’analyse a fixé la proportion dans les tiges récoltées directement, le i et le a5 octobre, en rapprochant des nombres ainsi obtenus les nombres obtenus en appliquant un calcul semblable aux tiges vertes récoltées le 20 septembre ; les proportions ainsi calculées sont ci-dessous exprimées en centièmes du poids sec :

20 sept. 10 octobre. 25 octobre.
Matières solubles 
Saccharose 
1,2 0,0 0,0
Glucose 
0,0 0,0 0,0
Matières azotées 
5,0 0,6 0,4
Ligneux 
70,0 91,7 95,1


On voit combien est rapide, en ce cas, l’altération des matières solubles contenues dans les tiges. Dès le 10 octobre, ces matières ont presque totalement disparu, et c’est à l’état de ligneux que ces tiges sont réduites.


DÉMONSTRATION DE L’EXISTENCE D’UN RAPPORT RÉGULIER ENTRE LA RICHESSE DE LA VÉGÉTATION AÉRIENNE ET L’ABONDANCE DE LA RÉCOLTE DES TUBERCULES.


A côté des faits que je viens d’exposer et qui intéressent surtout le point de vue physiologique de la question du développement progressif de la pomme de terre, il en est un autre d’ordre scientifique et pratique à la fois qui mérite l’attention tant par lui-même que par les services qu’il est appelé à rendre à la culture.

Ce fait, c’est celui de la relation qui existe, dans une variété déterminée, entre la puissance du développement aérien de chaque sujet et la richesse de la récolte de tubercules que ce sujet doit fournir.

Beaucoup de personnes seraient, a priori, portées à nier l’existence d’une relation de cette sorte ; beaucoup, en effet, supposent que, dépensant, ses produits à la formation de tiges et de feuilles abondantes, la plante n’en doit plus avoir à sa disposition une quantité suffisante pour former des réserves.

Des expériences très nombreuses m’ont permis d’établir que cette manière de voir n’est pas exacte, et que l’on doit considérer comme certaine l’existence, dans chaque variété, d’une relation déterminée entre le développement des tiges foliacées et l’abondance de la récolte en tubercules.

Sans doute ce serait exagérer que de considérer cette relation comme proportionnelle, quoiqu’en certaines circonstances elle se rapproche beaucoup de la proportionnalité, et l’on doit se contenter de dire qu’au pied de chaque bouquet vigoureux on trouve, à de rares exceptions près, une riche récolte, comme aussi au pied de tiges maigres et peu feuillues on ne trouve généralement qu’un faible poids de tubercules.

Je pourrais, ce propos, rapporter un grand nombre d’exemples je me contenterai d’en citer quelques-uns.

Les deux premiers sont pris sur une culture ordinaire ; dans les carrés où j’ai chaque année cultivé quatre variétés côte à côte, pour en établir la composition (carrés sur lesquels avaient été plantés des tubercules de bonne qualité, pris à même la récolte de l’année précédente et ne présentant aucune particularité d’origine), j’ai arraché, sur une même ligne et sans choisir, huit pieds à la file. Les tiges et les tubercules de ces huit pieds contigus ont été alors pesés séparément en leur état d’hydratation normal et ont donné les résultats suivants


Produit, en tubercules et en tiges, de huit pieds de la variété Jeuxey, arrachés à la file sur une culture ordinaire, le 20 septembre 1887.
Tubercules. Tiges.
Nombre. Poids. Nombre. Poids.
1er pied 
12 0,550 7 0,505
2epi "ed 
16 0,670 7 0,670
3epi "ed 
12 0,495 6 0,505
4epi "ed 
7 0,180 2 0,240
5epi "ed 
9 0,550 7 0,490
6epi "ed 
7 0,520 7 0,670
7epi "ed 
10 0,450 4 0,470
8epi "ed 
8 0,845 7 0,405
Produit, en tubercules et en tiges, de huit pieds de la variété Richter's Imperator, arrachés à la file sur une culture ordinaire, le 20 août 1888.
Tubercules. Tiges.
Nombre. Poids. Nombre. Poids.
1er pied 
10 1,645 3 0,800
2epi "ed 
16 1,310 6 0,590
3epi "ed 
15 1,360 4 0,640
4epi "ed 
14 1,370 4 0,700
5epi "ed 
18 1,770 6 0,920
6epi "ed 
16 1,289 6 0,590
7epi "ed 
23 1,030 2 0,500
8epi "ed 
14 1,060 6 0,540


Traduits graphiquement sur les diagrammes V et VI, les résultats numériques fournis par ces deux exemples deviennent

Diagramme n° V.
Produit, en tubercules et en tiges, de huit pieds de Jeuxey arrachés à la file, sur une culture ordinaire, le 20 septembre 1887.
tout à fait frappants. Sur ces diagrammes, où les ordonnées représentent le poids des récoltes fournies par chacun des sujets dont les abscisses indiquent le numéro d’ordre, on voit, en effet, chaque fois que l’on passe de l’un de ces sujets au sujet suivant, le poids des tiges et des tubercules augmenter ou diminuer à la fois ; même sur l’exemple emprunté à la variété Richter’s Imperator, on pour-


Diagramme n° VI.
Produit, en tubercules et en tiges, de huit pieds de Richter’s Imperator arrachés à la file, sur une culture ordinaire, le 20 août 1888.


rait. à la rigueur, considérer les augmentations ou les diminutions comme proportionnelles ; il serait excessif cependant d’adopter cette conclusion ; elle est d’ailleurs inutile au but que je poursuis, et il suffit d’avoir, par ces deux exemples, reconnu la relation annoncée au sujet de la richesse ou de la pauvreté simultanées des parties aériennes et des parties souterraines d’un même sujet.

Les exemples qui vont suivre sont peut-être plus propanes encore. Pour reconnaître le pouvoir producteur des différentes tubercules récoltés au pied d’un même sujet, j’ai institué, en 1887, une série d’essais sur lesquels je reviendrai bientôt en détail, et dont je me contenterai de dire en ce moment que, chacun de ces

Diagramme n° VII.
Produit, en tubercules et en tiges (1887), de dix-sept tubercules individuellement pesés, formant la récolte d’un pied de Gelbe rose en 1886.


tubercules ayant été individuellement pesé, tous ont été plantés côte à côte dans le même terrain, et cultivés parallèlement. A la récolte, tubercules et tiges ont été soigneusement pesés, les tiges ramenées par le calcul au degré d’hydratation normal lorsqu’elles étaient partiellement desséchées, et toutes les récoltes enfin comparées entre elles.

Je ne m’occuperai pas pour l’instant des différences ou des similitudes de rendement que les divers tubercules provenant d'un même pied ont offertes, l'étude du pouvoir producteur m'y ramènera tout à l'heure; je me contenterai pour l'instant de constater que, dans cette circonstance encore, et malgré la variabilité des récoltes, on voit, à de rares exceptions près, toute récolte riche en tiges et en feuilles se montrer également riche en tubercules.

Diagramme n° VIII.
Produit, en tubercules et en tiges (1887), de sept tubercules individuellement pesés, formant la récolte d'un pied d'Early rose en 1886.


Le premier de ces exemples (diagramme n° VII)[20] est fourni par un pied de la variété Gelbe rose, récolté en 1886, et dont les dix-sept tubercules ont été plantés au mois d'avril 188-

Le second (diagramme n° VIII), par un pied de la variété Early rose, de même récolte et comptant sept tubercules seulement. Le troisième (diagramme n° IX)[21], par un pied de la variété Shaw, comptant neuf tubercules.

Le quatrième (diagramme n° X)[22], par un pied de la variété Magnum bonum comptant dix-huit tubercules.

Les résultats numériques fournis par la récolte de ces quatre cultures ont été les suivants[23] :

Gelbe rose (17 tubercules).
Tubercules. Tiges.
Poids
du plant.
Nombre. Poids. Nombre. Poids.
6 16 0,265 2 84 (a)
8 21 0,560 6 161 (a)
16 25 0,565 7 177 (a)
23 27 0,765 8 161 (a)
31 31 0,720 11 223 (a)
39 40 0,520 13 138 (a)
41 36 1,300 11 438 (a)
42 24 1,220 10 363 (a)
42 51 0,900 11 161 (a)
54 49 1,360 16 523 (a)
64 37 1,175 10 415 (a)
67 28 0,850 14 207 (a)
73 47 1,140 21 353 (a)
87 36 1,090 13 353 (a)
93 54 1,260 21 384 (a)
123 63 1,900 23 661 (a)
164 68 1,930 22 600 (b)


Early rose (7 tubercules).


Tubercules. Tiges.
Poids
du plant.
Nombre. Poids. Nombre. Poids.
33 25 1,010 8 130
42 22 0,590 3 61
84 36 2,800 17 937
95 40 2,300 15 850
107 34 2,800 18 887
120 27 2,400 13 777
157 36 1,180 19 262
Shaw (9 tubercules).
Tubercules. Tiges.
Poids
du plant.
Nombre. Poids. Nombre. Poids.
7 8 0,530 4 126
23 11 1,025 4 407
40 15 1,320 10 553
43 13 0,640 9 254
47 20 1,093 8 feuilles tombées (a)
71 18 1,350 8 370
86 26 1,950 11 676
101 19 2,210 8 769
133 22 1,430 20 407


Magnum bonum (18 tubercules).


Tubercules. Tiges.
Poids
du plant.
Nombre. Poids. Nombre. Poids.
18 7 0,780 3 0,307 (a)
19 12 0,705 3 0,138 (a)
28 12 0,640 4 0,100 (a)
30 36 1,770 8 0,623 (a)
36 28 1,570 11 0,480 (a)
38 26 1,730 9 0,480 (a)
41 22 0,830 8 0,147 (a)
46 23 1,210 7 0,215 (a)
47 39 2,240 7 1,107 (a)
51 22 1,670 9 0,914 (a)
55 31 1,750 12 0,630 (a)
58 23 0,870 8 0,307 (a)
59 32 1,500 7 0,507 (a)
62 21 1,340 6 0,430 (a)
62 28 1,430 9 0,480 (a)
72 24 1,675 6 0,623 (a)
88 34 2,250 8 0,876 (a)
92 31 1,940 10 0,738 (b)

On ne saurait espérer de démonstration plus nette de la proposition que j’ai récemment formulée ; l’examen des diagrammes rend cette démonstration plus frappante encore ; sur le diagramme n° VII, en effet, la relation entre le poids des tiges et celui de la récolte se vérifie pour tous les sujets ; sur le diagramme n° VII, on ne trouve aucune exception encore ; sur le diagramme n° IX, une seule donnée fait défaut ; les feuilles du pied fourni par le plant de 47gr étant toutes tombées à la récolte, la pesée des parties

Diagramme n° IX.
Produit, en tubercules et en tiges (1887) de neuf tubercules individuellement pesés, formant la récolte d’un pied de Shaw en 1886.


aériennes n’a pu être faite ; sur le diagramme n° X, seulement, on observe deux irrégularités ; les tiges de deux tubercules (de 55gr et 92gr) ne répondent pas à l’importance de la récolte en tubercules. Ce sont, en somme, deux exceptions contre quarante-neuf observations conformes. A côté des six exemples qui précèdent, j’en pourrais placer d'autres encore qui, en 1887 et 1888, m'ont fourni des résultats absolument semblables mais ceux qui précèdent suffisent, je crois, à établir définitivement qu'il existe une relation, voisine de la proportionnalité, entre l'importance qu'acquiert le développement de


Diagramme n°- X.
Produit, en tubercules et en tiges (1887) de dix-huit tubercules individuellement pesés, formant la récolte d'un pied de Magnum bonum en 18S6.


la partie aérienne d'un sujet et l'importance de la récolte en tubercules que ce sujet doit fournir.

De l'existence de cette relation découleront des conséquences importantes au point de vue de la sélection du plant, lorsque j'aurai établi l'influence des qualités héréditaires personnelles il chaque sujet.


Étude des radicelles.


Les radicelles que la pomme de terre distribue à travers le sol sont, en longueur, en poids, en surface, beaucoup plus importantes que ne le pensent généralement les cultivateurs.

Habitués à voir, au moment de l’arrachage, tiges et tubercules s’enlever avec facilité, sans qu’aucune attache solide les retienne au sol, la plupart d’entre eux n’attribuent à cette plante qu’un développement souterrain très limité.

Cette manière d’envisager les choses n’est pas exacte ; autour de la pomme de terre rayonnent de nombreuses radicelles qui, à de grandes distances quelquefois, vont chercher les produits minéraux et azotés nécessaires à la végétation.

C’est ce que permettent de constater aussitôt les héliogravures (lui forment l’album que chaque lecteur peut annexer à ce volume. Sur les vues photographiques, en effet, que j’ai prises à Joinville-le-Pont, en 1888, à la suite des six récoltes faites sur le terre-plein qui me servait de champ d’expériences, on voit se dessiner, nombreuses et pressées, les fines radicelles qui, soigneusement relevées pour trouver place dans le champ photographique, vont s’allongeant régulièrement de la première à la cinquième récolte, dépérissant dans une large proportion dès la cinquième, pour enfin complètement disparaître à la fin de la campagne.


ACCROISSEMENT ET DIMINUTION SUCCESSIFS DES RADICELLES DE LA POMME DE TERRE EN LONGUEUR, EN POIDS ET EN SURFACE.


C’est une étude particulièrement intéressante que celle de ces radicelles sous le rapport de leur longueur, de leur poids, de leur surface ; et, pour la faciliter, j’indiquerai immédiatement les nombres qui, pour chacune des récoltes successives, en ont donné la mesure.

3 juillet. 4 août. 28 août. 20 sept. 10 octobre. 25 octobre.
Longueur 
0m,95 1m,25 1m,55 1m,80 partielle-
ment
détruites.
complète-
ment
détruites.
Poids 
78gr 62gr 62gr 65gr
Surface 
0mq,42 0mq,41 0mq,43 0mq,37

Sur l’accroissement des radicelles en longueur, je n’insisterai pas, il n’offre rien que de prévu, et les vues photographiques de l’album permettent de mesurer la marche de cet accroissement.


Mais, sous le rapport du poids et de la surface, les nombres ci-dessus recueillis sont de nature à causer quelque surprise.

Au début, alors que la plante est en pleine activité vitale, le poids moyen des radicelles est, au pied de chaque sujet, plus élevé qu’il ne le sera lorsque les feuilles, les tiges, les tubercules, atteindront leur développement maximum, et pendant cette deuxième période le poids en restera sensiblement stationnaire.

D’autre part, malgré ces différences et cette égalité, les radicelles, aux trois premières récoltes, développent dans le sol une surface sensiblement égale, tandis qu’à la quatrième, au moment où leur poids s’élève un peu, cette surface diminue.

Une étude attentive des détails représentant, sur les quatre premières vues photographiques de l’album, la disposition des radicelles, permet d’expliquer ces anomalies apparentes.

Sur la première, en effet, on voit, attachées au pied des tiges, des radicelles d’une grande finesse, dont le nombre est incalculable et dont le poids par conséquent doit être élevé.

Sur la deuxième vue, les radicelles sans doute se sont allongées, mais, au bas des tiges, le nombre en est déjà moins grand quelques-unes des radicelles de la première époque, tendres et altérables, ont évidemment péri, et quoique, parmi celles qui subsistent, plusieurs aient grossi en diamètre, on conçoit que le poids, dans ce cas, soit de 16gr inférieur à ce qu’il est dans le premier.

Sur la troisième vue, le phénomène s’accuse davantage ; à la loupe, il est aisé de compter les radicelles ; une partie notable encore a disparu, et il n’est pas surprenant, par suite, que, plus grosses et plus longues, celles qui restent ne pèsent cependant pas au total plus que celles de la seconde récolte.

Sur la quatrième, l’effet est plus marqué encore c’est à peine si le quart des radicelles primitives subsiste.

De telle sorte qu’il est aisé de comprendre comment, au point de vue du poids, la disparition des unes vient compenser l’accroissement des autres, comment même, à un poids plus fort de radicelles plus grosses, mais moins nombreuses, peut correspondre (quatrième récolte) un développement superficiel moins étendu.

Les radicelles sont, d'ailleurs, dès ce moment, à la limite de leur résistance vitale, et leur fonctionnement se réduit dans une large mesure, au moment même où le fonctionnement des feuilles commence, lui aussi, à diminuer.

Aussi, dès la cinquième récolte, ne retrouve-t-on plus dans lu sol qu'un petit nombre de radicelles, altérées, de couleur brunâtre, cassantes, et qu'il est impossible de récolter.

Quelques jours après, ces derniers vestiges de la végétation souterraine ont disparu.

Les radicelles de la pomme de terre doivent être comptées au nombre des tissus végétaux les plus aisément altérables.

De leur abondance d'ailleurs, de leur faculté d'allongement découle, au point de vue de la pratique, la nécessité d'offrir à la pomme de terre un terrain meuble où son appareil souterrain puisse se développer librement.


COMPOSITION DES RADICELLES.


La composition chimique des radicelles est remarquable par sa simplicité. Analysées à l'époque des quatre premières récoltes (les dernières n'ayant fourni que des produits altérés et devant être laissées de côté), elles ont donné les résultats suivants :


3 juillet. 4 août. 28 août. 20 sept.
Eau 
92,46 90,91 89,04 88,40
Matières solubles
Saccharose. 
0,13 0,00 0,00 0,00
Glucose. 
0,00 0,00 0,00 0,00
Matières azotées. 
0,41 0,46 0,42 0,40
Matières organiques autres. 
0,43 0,60 0,69 0,63
Matières minérales. 
0,80 0,77 0,79 0,53
                         Total. 
1,87 1,83 1,90 1,56
Matières insolubles
Cellulose. 
4,59 5,50 5,67 8,04
Ligneux azoté. 
0,62 0,80 0,86
Matières minérales. 
1,01 1,14 1,64 3,36
                         Total. 
5,60 7,26 8,11 13,36


En étudiant ces chiffres, on est frappé de l’analogie que la composition des radicelles présente avec la composition des tiges.

Comme pour celles-ci, on y voit deux produits seulement varier suivant une progression régulière, et ces deux produits, par leur somme, représentent 98 pour 100 environ du poids des radicelles ; ce sont leau, d’un côté, d’un autre, le ligneux (cellulose, matières azotées et matières minérales réunies).

Du 3 juillet au 20 septembre, la proportion d’eau s’abaisse de 92,46 à 84,40 pour 100, tandis que la proportion de ligneux s’élève de 5,60 à 13,26 ; la régularité de cette diminution et de cet accroissement est même telle que l’on peut considérer ces deux produits comme formant, sensiblement, une constante, ainsi que le montrent les sommes suivantes :

3 juillet. 4 août. 28 août. 20 septembre.
98,00 98,17 97,15 97,66

C’est donc à s’organiser surtout que les radicelles travaillent, et lorsqu’on réfléchit que la proportion des matières solubles, en élaboration, par conséquent, n’y atteint jamais 2 pour 100, on est conduit à abandonner toute idée d’intervention de leur part à la constitution de la matière organique.

C’est à l’aide des matériaux élaborés par les feuilles, transmis par les tiges, que les radicelles s’organisent et vont grossissant peu à peu, s’allongeant pour chercher, à distance du centre végétal. les produits minéraux qu’elles délivrent ensuite à la plante et qui, incessamment renouvelés, représentent cependant, à toute époque, près de la moitié du poids des matières solubles que leurs tissus contiennent.


Conclusions tirées de l’étude du développement progressif
de la pomme de terre.


Du long exposé que je viens de faire des conditions dans lesquelles la pomme de terre se développe progressivement, comme aussi des résultats auxquels ce développement aboutit, découlent des conséquences intéressantes tant au point de vue physiologique qu’au point de vue cultural. Je me contenterai d’en indiquer rapidement le sens, me proposant de grouper plus tard les conclusions diverses auxquelles conduisent les recherches exposées dans chacun des Chapitres de ce Volume.


Lorsque, au lieu de considérer séparément, comme je viens de le faire, chacune des diverses parties dont la pomme de terre est composée, on considère la plante dans son ensemble, on observe, dans son développement progressif, quatre phases principales, bien distinctes, phases qui, suivant les conditions météorologiques de la campagne, suivant que la variété cultivée est hâtive ou tardive, viennent se placer à des dates un peu différentes, mais que, pour la clarté des explications, je placerai aux dates mêmes où elles se sont, en 1888, produites pour la variété Jeuxey cultivée sur le terre-plein de Joinville-le-Pont.

C’est d’abord une période préliminaire consacrée exclusivement l’organisation de la partie aérienne de la plante ; les tiges grandissent rapidement, les radicelles piquent à travers le sol et rapidement s’étendent à de grandes distances à ce moment, les tubercules n’existent pas encore.

A cette première période succède bientôt, et dès les premiers jours de juillet, une seconde période, au cours de laquelle on voit l’activité végétale augmenter encore. Au pied des tiges les tubercules apparaissent et s’en vont grossissant de jour en jour, les tiges s’allongent encore et se couvrent de feuilles, les radicelles étendent de tous côtés leur inextricable chevelu. C’est vers la seconde moitié de juillet que cette seconde période entre dans son plein et jusqu’au 28 août ce sont les mêmes phénomènes qui se poursuivent sans interruption.

C'est l'accroissement des tubercules surtout que cette activité s'applique, mais les tiges et les feuilles y participent également bientôt cependant l'accroissement de celles-ci s'arrête, et leur état devient stationnaire, tandis que, parmi les radicelles, les unes périssent, les autres, au contraire, s'accroissent en longueur et en diamètre.

Mais, à partir du 20 septembre, deux mois et demi après le commencement de la deuxième période, tout change les tiges se dessèchent, les feuilles commencent à faner et à tomber sur le sol c'est la troisième période; les tubercules continuent à croître, cependant, mais plus faiblement, et leur accroissement devient proportionnel à la quantité de feuilles vertes que les tiges portent encore; la vie des radicelles reste la même que précédemment. mais déjà leur altération commence.

Vient enfin la quatrième période. C'est au o octobre qu'elle s'est produite pourra Jeuxey en 1888. Les feuilles sont mortes à ce moment et tombées en partie, les tiges se sont desséchées sur pied. les radicelles n'existent plus; les tubercules sont isolés dans le sol; ils n'empruntent plus rien ni à l'atmosphère, ni à la terre; aucune transformation sérieuse de la matière ne s'effectue plus dans leurs tissus; le but de la culture est rempli : la fécule a atteint son maximum de production.


Cette fécule, qu'on voit alors représenter les trois quarts du poids de la matière sèche des tubercules, dont l'accroissement régulier n'a été troublé que par le changement des conditions météorologiques de la saison, c'est dans les feuilles qu'il en faut chercher l'origine.

C'est alors une hypothèse autorisée, basée sur les résultats fournis par l'analyse répétée des diverses parties de la plante que celle qui consiste à chercher cette origine dans le saccharose qui, au milieu du tissu des feuilles, sous l'influence de la lumière solaire prend incessamment naissance; qui, dans ces feuilles, déjà s'invertit et se dédouble en partie pour contribuer à l'organisation de l'appareil foliacé, et s'en vient enfin, pour toute la partie non invertie, et après avoir traversé les tiges, se loger dans les tubercules. Là, par inversion encore, ce saccharose se transforme en lévulose et en glucose, dont le premier intervient à la formation de la cellulose lévogyre, tandis que le second devient la matière première de la formation de la fécule dextrogyre la plus grande partie de l’un et de l’autre étant, d’ailleurs, directement utilisée comme aliment respiratoire, par les tubercules eux-mêmes.






  1. Annales de l’Institut national agronomique, t. X (1884-1885), p. 153.
  2. Annales de l’Institut national agronomique, t. X (1884-1885), p. 173.
  3. Comptes rendus du séances de l’Académie des Sciences, t. CII, p. 1257.
  4. Annales de l’Institut national agronomique, t. X (1884-1885), p. 178.
  5. Annales de Chimie et de Physique, 6° série, t. XII, p. 275.
  6. Landwirtch. Vers. Stat., XXXIV, p. 403 ; 1887.
  7. Voir pages 38 et 39.
  8. D’après les données qu’a bien voulu me communiquer M. E. Renou, on a observé pour le mois de mai :
    En 1887. En 1888.
    Pluie tombée. 
    76mm 20mm
    Température moyenne. 
    11°,37 13°,33
  9. Voir page 61.
  10. Voir pages 59 et 61.
  11. Voir page 68.
  12. Voir le Tableau des observations météorologiques, page 51.
  13. Voir page 68.
  14. Voir page 57.
  15. Cette réapparition du glucose est accidentelle ; l’explication en est donnée dans le texte.
  16. Cette réapparition du glucose est accidentelle ; l’explication en est donnée dans le texte.
  17. Cette augmentation du glucose est accidentelle; l'explication en est donnée dans le texte.
  18. En reconstituant, l'état vert, les feuilles fanées cueillies sur la plante, on trouve une surface totale égale à 1mq,36, ce qui montre, comme la pesée l’avait montré déjà, que, dès le 20 septembre, une portion des feuilles fanées était détachée de la plante.
  19. Recherches sur le développement de la betterave à sucre (Annales de l'Institut agronomique, t. X (1884-1885), p. 223 et suiv.
  20. Voir page 97.
  21. Voir page 101.
  22. Voir page 102.
  23. Les récoltes qui font exception à la règle sont indiquées sur le texte par les lettres (a), (b).