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Revue de la Littérature anglaise de 1840 à 1843/03

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REVUE
DE
LA LITTÉRATURE ANGLAISE.

Poètes, Romanciers et Prédicateurs. — Réaction Catholique.

Si l’on ne discerne aujourd’hui que très peu de mouvement dans la littérature anglaise, elle offre des symptômes qui méritent qu’on les observe. Les nuages qui passent au-dessus d’elle se reflètent dans son onde, et leur rapidité semble s’accroître par l’immobilité du miroir qui les reçoit. Elle dit peu de choses par elle-même ; c’est du calme et de la limpidité ; ce sont des sources connues et des vagues qui descendent à petit bruit des montagnes lointaines ; ce sont des ruisseaux qui tombent de l’imitation byronienne ou des théories de Wordsworth. Mais elle annonce ou du moins elle indique des faits dignes d’attention.

À la tête de ces faits, je place la réaction plutôt sentie qu’avouée des idées catholiques et de l’autorité contre les idées protestantes et l’examen. Cette tendance est d’une nouveauté si imprévue, que personne, assurément, et surtout nul protestant ne sera tenté de nous croire. Que l’on nous permette, au moins, de voir, de prévoir et d’annoncer.

Ce résultat ne nous étonne pas. La critique ayant poussé son travail, et sur les autres et sur elle-même, jusqu’aux dernières limites de l’analyse, que lui restait-il à faire, si ce n’est de s’abdiquer et de mourir ? — « Je vais vous dire ce qui me tue, écrivait le poète Shelley à sa femme ; il me semble que je puis détailler la moindre pointe d’herbe et le plus petit brin de gazon avec une finesse microscopique. » C’est la maladie de l’analyse, c’est l’infini de la subdivision, c’est la recherche des molécules dernières. Les chartistes ont réclamé la communauté de biens, au nom de l’analyse et de la subdivision exacte. Les ennemis de l’épiscopat ont demandé au même titre la destruction de la hiérarchie. Alors l’anglicanisme, prenant l’alarme, et voyant d’avance la chute de son institution et de ses droits, a sonné le tocsin contre les résultats définitifs du protestantisme. Un docteur Pusey a créé, dans Oxford, un centre de semi-catholicisme, dont tous les argumens et toutes les tendances sont identiques aux idées et aux formules romaines. Un récent ouvrage de M. Gladstone, membre du parlement (The State in relation with the Church), soutient la nécessité d’augmenter les garanties de la religion nationale, et de l’armer d’un pouvoir à peu près semblable au pouvoir de la papauté.

Récemment on parlait, dans le Quarterly Review, de renouveler les formules de l’excommunication papale contre les chartistes. Récemment encore, la Revue d’Édimbourg, adversaire du Quarterly, avouait franchement que le protestantisme s’affaiblissait, que le catholicisme acquérait du pouvoir, et que cette marche, ascendante d’une part, descendante de l’autre, n’avait pas cessé depuis un siècle. Déjà les institutions universitaires d’Oxford cessent d’inspirer une vénération superstitieuse. On ose porter la main sur ce système colossal et bizarre qui date du moyen-âge, qui en porte l’empreinte profonde, et qui ne ressemble pas mal, par ses anomalies et la complication de ses ressorts, au code de lois qui régit l’Angleterre. On discute ouvertement la question d’une réforme à introduire dans les rapports des professeurs et des élèves. Les tories eux-mêmes prennent part à la discussion ; au lieu d’opposer une résistance aveugle, ils essaient d’éviter, par l’adresse et la bonne grace, les atteintes qui pourraient être les plus fatales à l’établissement, base ancienne de leur existence et point de ralliement de leur parti. Ce sont des indices dont il faut tenir compte, et ce ne sont pas les seuls.

L’affaissement du préjugé protestant se fait sentir de toutes parts ; on travaille à réhabiliter Marie Tudor : quelques savans, et surtout Patrick Fraser Tytler, l’Écossais, doué de cette patience et de cette aptitude au labeur que rien n’effraie et que rien n’étonne, ont déjà effacé plusieurs des taches de sang que la postérité et le protestantisme avaient imprimées sur la mémoire de la reine catholique. Tous les documens que M. Tytler a exhumés et réunis dans un récent ouvrage (England under the reigns of Edward VI and Mary, with the contemporary history of Europe ; illustrated in a series of original Letters never before printed, with historical introductions, etc.), concourent à prouver le mensonge des opinions généralement admises à cet égard. Le caractère de Marie (comme l’avait affirmé le père Griffet dans un ouvrage trop peu connu) a été faussé par l’inimitié de l’histoire ; l’héritage de son souvenir, transmis à ceux qu’elle avait combattus, n’a rencontré qu’injustice et colère ; la vengeance et la haine l’ont mis en lambeaux. Une nation marchant tout entière dans les voies de la réforme ne pouvait agir autrement envers la fidèle alliée de la papauté. Les historiens reconnaîtront-ils enfin que les peuples ont des passions, comme les hommes ?

« Je suis persuadé, dit M. Tytler (M. Tytler est presbytérien), que Marie Tudor était fort digne d’estime. Avant son mariage avec Philippe (elle avait trente-neuf ans alors), on ne peut lui faire qu’un seul reproche, si c’est un reproche, celui d’être restée fidèle à la religion romaine. C’est pour ce seul motif que Fox, Carte, Strype, tous les protestans zélés ont si mal parlé d’elle. Ses lettres inédites que je publie sont simples, pleines de bonté de cœur et de convenance. Elles contrastent singulièrement avec le pédantisme, l’affectation et l’obscurité du style d’Élisabeth. Nous appelons encore aujourd’hui cette dernière « la bonne Betty » (queen Bess), et sa sœur, « la Sanguinaire : » sobriquets fort mal appliqués. Après le mariage de Marie avec Philippe, il s’opère dans ce caractère aimable et confiant un changement graduel, dont on n’a pas observé les causes. Son cœur ardent et tendre est blessé par la froideur, la négligence et l’abandon qui récompensent mal son dévouement. Espérances flétries, affection payée d’ingratitude, il y a là de quoi changer les dispositions les plus heureuses. L’ombrage, le dégoût et la tristesse pénétrèrent dans une ame trompée. Elle laissa ses ministres, Pole, Gardiner et Bonner, opposer leurs efforts aux progrès de la réforme. Souvent, comme nous le prouverons, elle se montra indulgente et charitable quand ils se montraient inexorables et violens. » En effet, M. Tytler cite une lettre charmante de Marie en faveur de deux pauvres domestiques, et prouve qu’elle s’est conduite avec une clémence extrême envers Élisabeth, coupable d’avoir trempé dans la conjuration de Wyatt. Cette complicité d’Élisabeth n’est plus l’objet d’un doute ; elle avait voulu détrôner sa sœur. Le châtiment, selon la loi, c’était la mort. Élisabeth reçut son pardon, fut traitée avec les égards les plus grands, vécut paisible et monta ensuite sur le trône. Elle ne fut pas aussi indulgente envers Marie Stuart.

À Élisabeth, reine protestante, appartenaient la coquetterie, pour ne pas dire mieux, la fourberie et la cruauté. On l’a bénie et environnée d’une constellation de vertus ; Marie a été maudite. Élisabeth marchait avec sa nation, et Marie contre sa nation. Suivre le courant des destinées et se laisser emporter au fleuve des opinions, c’est s’assurer le bénéfice de l’indulgence et préparer pour sa mémoire une guirlande de bonne renommée. Remonter le courant d’un siècle, témérité ou folie, courage néanmoins, a coûté cher à ces ames qui l’ont tenté. L’empereur Julien y gagna le sobriquet d’apostat et l’exécration de quatorze siècles. Marie Tudor fut surnommée la Sanguinaire (bloody Mary), bien qu’elle ne fût pas plus cruelle que Henri VIII ou Élisabeth. Il n’appartient qu’au philosophe de contredire les masses, de montrer aux nations leur route, quand elles sont ivres, de réveiller la conscience du genre humain, quand elle s’endort ; cela n’est point permis aux rois. Voilà pourquoi le philosophe s’élève si haut. La grandeur des prêtres de la vérité l’emporte sur toute grandeur ; Tacite domine Tibère ; Thucydide, Pisistrate ; Saint-Simon, Louis XIV. L’homme politique qui se croit maître et pilote, suit le courant, sous peine de s’abîmer. Il n’a point de libre arbitre, et il est enchaîné à son succès.

Marie Tudor, comme l’empereur Julien, n’a point réussi dans sa tentative, d’ailleurs mal calculée, pour arrêter l’essor des esprits et refouler le mouvement de son siècle. On ne réussit jamais à cela. Elle est morte sur le trône ; c’est tout ce qu’elle y a gagné. Aussitôt disparue, on s’est vengé cruellement. On a défiguré sa mémoire, effacé ses vertus, exagéré ses fautes et souillé son cadavre ; vengeance qui a duré trois cents ans. Le temps qui peut tout, ce galant’ uomo des Italiens, excellent et patient critique, a fini par dégager le souvenir de Marie de ses antiques flétrissures. Il a fallu pour cela que tout fût calme, que le protestantisme, essence vitale de la constitution anglaise, perdît après un développement splendide, sa vigueur avec sa passion.

Si l’on veut observer le premier jet de cette vigueur et de cette passion, avant la naissance même de Marie et à la première aube de la réforme, il faut consulter un vieux drame extrêmement curieux par sa date, pamphlet autant que drame, controverse autant que pamphlet, et qu’un membre de la société des antiquaires de Londres vient de publier. Payne Collier, dont les recherches ont éclairé les origines du théâtre anglais, et substitué des documens à cette légende qui passait encore, il y a vingt ans, pour l’histoire de Shakspeare, vient de découvrir dans de vieux papiers ce drame inédit, qui remonte au règne de Henri VIII d’Angleterre, et dont l’auteur est l’évêque protestant Bale. Il a pour titre : le Roi Jean (Kyng Johan, a play in two parts). On y voit le pape Innocent, le cardinal Pandolfo, Étienne Langton, Simon de Swinstead, un moine nommé Raymond, jouer leurs rôles à côté, de Noblesse, Clergé, Ordre Civil, Trahison, Vérité et Émeute : cette dernière remplace le fou de la pièce. Quelque talent se mêle à beaucoup de violence, dans cet essai tenté au commencement du XVIe siècle, pour unir la forme des moralités allégoriques à la tragédie politique ; on y découvre obscurément le germe du drame appliqué à l’histoire, tel que Shakspeare l’a conçu. Le roi Jean résiste au pape, voit son royaume frappé d’interdit, se soumet aux foudres romaines, et est empoisonné par un moine : dernière catastrophe qui n’est pas prouvée, mais que l’écrivain protestant a soin de développer, en haine du catholicisme.

Ce drame-pamphlet est une date politique. Sous les yeux de Henri VIII, la réforme commence à évoquer l’examen. La critique est livrée au peuple ; jamais elle n’avait encore attaqué ouvertement les actes de ses maîtres. Elle l’ose enfin sous Henri VIII ; et le drame de Bale, composé tout exprès pour affermir l’œuvre du monarque, nous place au berceau même du pouvoir nouveau. Non-seulement les destinées politiques de l’Angleterre ont été modifiées par lui, mais il a donné sa couleur à toute la littérature du même pays. Le drame moral de Shakspeare, c’est la liberté souveraine portée dans l’examen de l’homme, de ses conditions, de ses humeurs et de ses passions. Le drame historique du même poète, c’est la liberté portée dans l’examen des faits, sans exception de classes, de rangs et de fortunes. Mais, chez Bale, cette liberté ne se produit encore que sous la forme d’une attaque sans justice. Chez Shakspeare et Cervantes, deux intelligences pures, deux types de l’impartialité souveraine, elle comprend et embrasse l’équité, la sympathie, la miséricorde, le sentiment du beau, tout ce qui rend ces deux génies véritablement divins.

Bale fait venir une pauvre veuve éplorée dans le palais du roi Jean. Cette veuve est l’Angleterre, qui porte plainte contre le clergé.


La veuve Angleterre[1]. — J’espère que votre grace soutiendra la cause d’une pauvre veuve, traitée contre la loi de Dieu, comme vous le verrez dans mon bref plaidoyer.

Le roi Jean. — Oui, je le jure, si votre plainte est vraie et juste, j’y ferai droit.

La veuve Angleterre. — Comme c’est la vérité, permettez que je la fasse entendre.

Le roi Jean. — Eh bien ! douce veuve, dites-moi quel est le sujet de votre plainte ?

La veuve Angleterre. — Hélas ! votre clergé s’est bien mal conduit, et m’a traitée contre tout droit et toute justice. Il excite d’autres personnes à me faire du mal.

Le roi Jean. — Quels sont ceux qu’il excite à vous maltraiter ?

La veuve Angleterre. — Les hypocrites et les fourbes, ceux qui ressemblent à de mauvais arbres chargés d’épines, et donnant des fruits pires que leurs épines.

Le roi Jean. — Expliquez-vous !

La veuve Angleterre. — Ce sont ces gens inutiles[2] dont les têtes s’enferment sous des capuchons ; moines, nonnes, chanoines de nuances et de formes diverses, blancs, noirs et tachetés ; que Dieu les empêche de s’accroître[3] !

Le roi Jean. — Que je sache votre nom, avant d’aller plus loin ?

La veuve Angleterre. — Angleterre, monseigneur, Angleterre ; c’est bien mon nom.

Le roi Jean. — Je suis étonné et affligé de vous voir si changée, etc.


Ainsi les moines, pour le peuple anglais, étaient des lubbers, un fardeau : la colère, l’aigreur, la vengeance, règnent dans ce libelle dramatique. Le clergé romain y apparaît sous la forme d’un cardinal ventru, dont la rotondité est, pour le roi Henri VIII, le texte de quelques mauvaises plaisanteries. — « Mon cher, lui dit-il, vous m’avez l’air d’avoir trop d’embonpoint ; on vous dégraissera. » — Dissimulation, placée tout à côté du clergé, et sa conseillère habituelle, lui dit alors : — « Taisez-vous. Je vais mettre mes lunettes et voir si l’on ne peut pas aller remuer le peuple :

« Peace, for with my spectacles vadam et videbo ! »

Depuis que Vidua Ynglond, comme disait l’évêque réformateur, adressait à Henri VIII ses suppliques, les réformes qu’elle demandait se sont opérées avec une liberté et une puissance que l’évêque ne prévoyait pas sans doute. En dépit des injonctions de ce roi, qui voulait que personne ne quittât le sentier tracé par lui, et qui faisait tomber la hache sur quiconque osait dévier à droite ou à gauche, fût-ce d’une ligne, l’examen royal a encouragé l’examen des sujets ; autour de l’église nationale, fondée par lui, mille églises se sont élevées. Le protestantisme a suivi son vaste cours ; ce n’est pas à nous d’en refaire l’histoire. Bossuet l’a tracée d’avance. Mais le grand écrivain catholique, pontife gallican du catholicisme, et debout comme gardien de la foi au pied du trône de Louis XIV, n’a ni dû prévoir, ni pu révéler les conquêtes futures du mouvement social auquel l’examen protestant présidait. Ce mouvement embrasse le nord de l’Europe tout entier, et comprend la révolution de 1688 en Angleterre, la fondation des États-Unis, toute la littérature anglaise et allemande depuis deux siècles, notre philosophie du XVIIIe siècle, et notre révolution de 1789. Cet ensemble de faits qu’on doit, pour être logique, ou condamner dans son ensemble, ou absoudre sans réserve, découle de la même pensée. La pensée est la source des faits, quoi qu’on en dise. Aujourd’hui, ce travail tout protestant, tout d’examen, est arrivé à son terme. La civilisation le réclamait autrefois ; devenu inutile, la civilisation l’abjure. Le protestantisme ou le génie de la critique perd du terrain dans toute l’Europe.

Un de ces écrivains qui spéculent sur la curiosité, et qui l’exploitent pour le bénéfice des libraires et pour le leur, après avoir publié les portraits et les caricatures des membres du parlement, vient de passer en revue les prédicateurs de la métropole britannique. Ses deux volumes (The metropolitan Pulpit, or sketches of the most popular preachers in London), ne se recommandent ni par la sagacité, ni par l’élégance, encore moins par la profondeur ; c’est une verbosité qui ne dit rien ; ce sont des détails dont la niaiserie étonne ; c’est la fidélité d’un rapporteur sans esprit. L’auteur nous apprend que M. Dale, le révérend Thomas Dale, touche 562 livres sterling par an ; que M. Harding improvise ses discours ; que le docteur Croly lève le bras perpendiculairement et l’agite transversalement ; que M. Melvil aime les allusions politiques ; que M. Judkins fait vendre ses poésies à la porte de sa chapelle. Tout cela, exprimé dans un style qui ne vaut pas mieux que le fonds de l’ouvrage, est peut-être d’une exactitude que nous devons admirer ; mais ce qui étonne davantage, c’est la stérilité, la maigreur et l’insignifiance des compositions que font imprimer ces prédicateurs passés en revue par M. Grant.

Il n’y a pas de pays où l’on prêche plus qu’en Angleterre. Un million de sermons par année, tombant régulièrement de toutes les chaires, trouvent des auditeurs toujours, quelquefois des imprimeurs, des lecteurs jamais. La fadeur, la subtilité, la nullité, le lieu commun de ceux de ces discours que nous nous sommes imposé la tâche de parcourir, justifient bien l’indifférence du public. Point d’émotion, nulle simplicité, nul enthousiasme, aucun style. Ainsi s’annonce la décadence de l’anglicanisme dans son propre domaine. Les devoirs, les dogmes, les douleurs, les calamités, les consolations de l’humanité ne tiennent point de place dans ces sermons. Ils traitent « d’esthétique, de causes finales, de volition et d’impénétrabilité, de nécessité morale et de puissance déterminante ; grace au balancement des périodes et à leur lenteur, ces investigations de la chaire sont du sommeil tout préparé. Le temps n’est plus où cette chaire servait de citadelle aux ennuis de la papauté alliée à Louis XIV. C’était un tambour, comme le dit Hudibras[4], au moyen duquel on appelait aux armes les bourgeois émus et furieux. Maintenant, personne ne craint plus les catholiques ; on laisse en paix Louis XIV et les dissidens les plus déterminés renoncent à l’invective. Un examen philosophique a remplacé l’examen théologique, et plusieurs membres de l’église établie publient des opinions que Gibbon ou Hume auraient avouées. M. Milman, dans sa récente Histoire du Christianisme (the History of Christianity, from the birth of Christ to the abolition of paganism… etc. By the rev. H. H. Milman, prebendary of Saint-Peter), s’éloigne complètement des voies de l’église anglicane, à laquelle il appartient comme prébendaire de l’église de Saint-Pierre. Il ne rejette pas tout-à-fait la révélation et l’Évangile ; il n’adopte pas les doctrines de Strauss et de Kuinoël ; mais il laisse deviner son penchant pour cette théorie du rationalisme allemand, qui cherche dans la vie du Christ le développement d’un mythe déposé au sein des populations souffrantes et fécondé par le cours des évènemens. Ainsi, pendant que le docteur Pusey, dans Oxford même, au centre de l’anglicanisme, relève la bannière de l’autorité contre l’examen, Milman, un autre ecclésiastique, pousse jusqu’à ses limites la hardiesse de l’examen, et porte atteinte à la réalité du Messie. Le protestantisme britannique est frappé de deux blessures à la fois.

Les romanciers anglais, si l’on excepte miss Martineau, M. James et Ainsworth, dorment d’un profond sommeil. M. Ainsworth s’est emparé de la terreur, du mouvement, des brigands et des escrocs. Le mélodrame de ses narrations plaît à un certain public, à ce public qui veut des sensations et ne s’embarrasse pas du reste. M. James est un imitateur pacifique et prosaïque de Walter Scott ; un laborieux romancier de l’histoire. Miss Martineau, l’économiste politique, a dépensé quelque talent pour prouver au monde que la révolution de Saint-Domingue s’est faite très vertueusement, et que Toussaint-Louverture valait un peu mieux que Socrate. Haïti doit une statue à miss Martineau.

Il y a plus de vigueur de style, plus de vivacité de coloris, plus de passion et même de poésie dans deux simples traités de chasse qui viennent de paraître à Londres et à Édimbourg, que dans les romans de M. Ainsworth et dans tous les poèmes dus à la fécondité des muses féminines : La Ligne et le Fusil (the Rod and the Gun), par M. Wilson, et le traité de M. Scrope sur la Chasse au Cerf (Deer-Stalking), ouvrage imprimé avec magnificence, réunissent le mérite d’exactitude que l’on demande aux traités didactiques, et la chaleur d’entraînement qui relève les œuvres d’imagination. Nous sommes fort peu chasseur, nous l’avouons humblement ; nous partageons l’avis du rêveur Jacques, ce bon personnage de Shakspeare qui estimait le cerf au bord de son torrent, au sein de sa forêt, plus digne d’intérêt que son persécuteur. Mais M. Scrope nous a fait connaître les émotions de la grande chasse. C’est merveille de le suivre dans ses immenses bois de l’Écosse septentrionale, et d’écouter avec effroi ses naïves et plaisantes prédications sur le caractère, la moralité, le talent, l’adresse et le courage nécessaires au chasseur. « Ses muscles sont de marbre, ses nerfs sont d’acier ; sa course est celle de l’antilope, et la brise ne le devance pas. Il faut qu’il sache marcher ou plutôt courir courbé, le front a deux pouces de terre, le buste parallèle au niveau du sol, pendant une lieue. Il doit glisser comme une anguille, ventre à terre, au milieu des sables mouvans ; c’est son plaisir de mettre le pied sur les roches aiguës des torrens, sans se laisser entraîner par le flot qui se précipite. Renversé dans le courant, il tient son fusil suspendu au-dessus de sa tête, pour que le plus grand des accidens, sa poudre mouillée, ne détruise pas toute l’espérance de sa journée. Je lui recommande de pratiquer cet exercice dans le Tilt, pendant vingt-quatre heures, par une bonne bise gaillarde, qui le rafraîchira et qui le mettra parfaitement au fait de la chose. Ce vent est défavorable à la chasse du cerf, et il est bon de ne pas perdre une heure dans le cours d’une éducation si difficile. Apprendre à nager serait peu digne d’un bon chasseur ; subterfuge misérable ! Se laisser noyer ne serait pas pardonnable ; le chasseur que j’élève m’est cher : son honneur m’intéresse ; et mourir, c’est être battu. »

Ceci est l’humour de M. Scrope.

Mais les bonnes anecdotes, les chaudes narrations, les descriptions exactes et animées abondent dans son livre. On se retrouve au milieu des forêts si bien peintes par Walter Scott, dont la poésie a peu de force lorsqu’il veut atteindre la tragédie et l’épopée ; mais qui, dans le domaine de ses halliers et de ses bois, n’a point d’égal en fraîcheur et en délicatesse. On voit passer à chaque instant ces troupes de daims sauvages qu’il aimait tant : vous les suivez du regard ; — « sortant de l’ombre des vieux sapins, troupe royale ; le beau cerf au port auguste, et la biche svelte, l’œil aux aguets, le nez au vent, respirant l’air sauvage. Près d’eux bondit sans défiance le fils du printemps et de leurs amours ; le petit daim délicat et joyeux, avec ses taches roses comme le ciel du matin, et folâtre même dans sa terreur[5]. » Tous les bruits, tous les évènemens, toutes les tragédies de la forêt, se retrouvent dans le récit de M. Scrope, ouvrage plus littéraire par sa vérité et sa verve qu’une foule de romans prétentieux et philosophiques.

Parmi les nouveaux poètes, je ne vois que M. Robert Monckton Milnes qui mérite une mention très brillante. Les Poèmes de M. John Sterling justifient mal, à notre sens, les éloges que les Revues anglaises lui prodiguent. Coleridge et Wordsworth ont déteint sur cette poésie dont la pâleur manque de vie, dont l’abondance manque de force, et qui atteint presque constamment la région moyenne de ces deux genres, sans jamais s’élever plus haut. M. Sterling est essentiellement imitateur. Sans doute il faut que le flambeau d’un poète s’allume aux foyers consacrés. Mais ensuite, que sa flamme lui devienne propre ; qu’elle soit nourrie et animée des alimens qui lui appartiennent, qu’elle soit à lui seul, comme son étoile et sa splendeur. Les poésies de reflet ne sont pas des poésies, mais des études.

Les idées habituelles de M. Sterling, jeune ecclésiastique, lui ont inspiré toutefois une pièce de vers remarquable, et qui se détache singulièrement sur le fonds un peu commun de son recueil. Ce poème est intitulé The Sexton’s daughter. Le sexton d’une paroisse d’Angleterre est à la fois bedeau, fossoyeur et gardien de l’église, une espèce d’officier de la mort et de ministre placé sur les limites des deux mondes. Notre sexton, veuf de sa femme, a transporté toutes ses affections sur sa fille. Jeanne rit si gaiement, qu’elle arrache des sourires au vieillard. Le sexton qui ne voit dans l’univers qu’un tombeau, cet homme qui végète à l’abri du clocher de village, le cœur endurci comme une des pierres sur lesquelles il inscrit le nom de ses morts, comprend l’espoir et la joie, la passion et la souffrance, le bonheur et la vie, par cette émotion unique. Cependant Jeanne grandit, elle aime ; celui dont elle a fait choix meurt, et elle-même le suit bientôt dans la tombe. Le sexton reste seul et pleure. C’est la première fois qu’il pleure. La mort, la jeunesse, l’amour paternel, réunis dans ce petit cadre à l’abri de la pensée de Dieu, composent une harmonie très singulière dont la simplicité profonde fait le charme.


« Il avait une petite fille, cet homme taciturne ; et quand la petite Jeanne riait aux éclats dans sa libre joie, la figure grave du vieillard s’épanouissait,

« C’est qu’elle s’était emparée de son cœur, et s’y était enlacée, lui-même n’aurait pu dire comment ; mais souvent il lui arrivait de sentir son ame tout oppressée, parce que l’enfant pleurait.

« Le reste ne lui semblait rien : le monde et les hommes étaient matière à linceul. Il se trouvait là, pour jeter la terre sur les corps, indifférent et muet d’ailleurs.

« L’homme, la femme, les époux et les amours, il regardait toutes choses comme mortes. Mais sa petite Jeanne vivait si bien, que lui croyait qu’elle ne mourrait jamais.

« Elle pouvait à peine marcher que, tenant de sa petite main le doigt ridé du vieillard, et babillant sans cesse, elle lui faisait quitter son labeur pour écouter Jeanne.

« Souvent, quand le soleil dorait le bord de la fosse commencé, il relevait son front ridé, s’arrêtait, regardait Jeanne et se remettait travailler pour la mort. »



« Mais un jour, la beauté de l’enfant changea ;

« Le sourire de Jeanne devint plus grave ; on aperçut dans l’œil voilé de la vierge un rayon de l’âme de la femme.

« C’était une vie qui allait commencer pour elle, un nouveau destin qui s’annonçait ; c’était l’ombre sérieuse que projette devant soi la passion, quand elle va naître. »


Il y a du talent et de la sensibilité dans cette peinture ; mais le reste des œuvres de ce jeune ecclésiastique manquent d’originalité. M. Sterling a versifié des mythes sur Dédale, sur Aphrodite, sur Mirabeau et sur Jeanne d’Arc. Je n’aime point un mythe sur Mirabeau ; un mythe sur Dédale m’intéresse médiocrement. Le poète a consacré une description païenne à l’entrée de Jeanne d’Arc aux champs élyséens. La lumière pure et suave de Virgile, les ombres molles des chênes verdoyans, les douces promenades des ames heureuses sous les feuillages odorans, tout s’y trouve, et les voluptés du paganisme se réveillent autour de cette noble et chrétienne villageoise de la Lorraine. C’est pousser bien loin l’ardeur de l’imitation. Dans la plupart de ses poèmes, M. Sterling est moins classique et beaucoup plus métaphysique ; selon la coutume de ses compatriotes.

Les trois géans de la poésie anglaise, Milton, Shakspeare et Byron, ont lutté avec succès contre le penchant et le danger des muses septentrionales, contre la rêverie sans forme, l’analyse sans puissance, la subtilité sans fécondité, la maladie de la pensée, se dévorant elle-même dans ses cavernes. Milton, Shakspeare et Byron ont su trouver la forme, et l’ont consacrée sur l’autel du beau, en lui donnant le rhythme et l’image. Le Satan et l’Adam de Milton sont des formes vraies, ainsi que tous les personnages de Shakspeare. Wordsworth lui-même et William Cowper ont détaillé finement la simplicité des mœurs, l’humilité des conditions, les tristesses et les tendresses de la vie rustique ; cette réalité chez eux n’a jamais la prétention de la grandeur, elle possède la grace du vrai. Mais Spencer, au XVIe siècle, Cowley au XVIIe, Shelley au XIXe, et de nos jours Alfred Tennyson, ont essayé la poésie métaphysique, la poésie sans forme : le nuage qui passe dans le ciel et se disperse sous le vent qui souffle, la mélodie sans mesure et sans terme qui parcourt les feuillages de la forêt, l’encens qui fuit et qui caresse au loin l’espace. On est entraîné par un certain charme vers cette jouissance qui semble réunir les priviléges de la pureté et de l’élévation ; mais l’absence de l’art, pouvoir solide qui concentre et qui règle, se fait bientôt regretter. Les œuvres de ces poètes auxquels appartenait le don de poésie, mais non sa couronne, ne se gravent pas, elles flottent ; la mollesse de contours, la diffusion des couleurs, l’incertitude des images, la finesse des analyses, la ténuité des rapports, fatiguent (si l’on me passe l’audace de ce terme en faveur de sa justesse) l’œil et l’oreille de l’intelligence. Bien des routes conduisent à ce résultat ; les écrivains que j’ai nommés, et auxquels j’aurais dû joindre Akenside, représentant de la même école au XVIIIe siècle, y sont parvenus, chacun selon le goût de son temps. Spencer procède par l’allégorie ; Cowley adopte le concetto italien ; Akenside suit les pas de Berkeley ; Shelley rédige en vers le néo-platonisme, et Tennyson essaie de versifier les systèmes de Hegel. Personne n’a mieux décrit cette inspiration mystique que Shelley, qui l’a toujours éprouvée. « Ce souffle divin, dit-il quelque part, m’emporta au-dessus des vagues lumineuses, et je fus soutenu par cette moelleuse nacelle, dont le duvet éthéré ne s’abîme sous aucune tempête. Et je planais comme plane un ange, dans les régions où s’écoule éternellement, sous la sérénité sublime, un esprit d’émotion profonde[6]. » On ne peut rien ajouter à la mélodie de ces vers dans l’original, à la richesse de leur expression, et même à la profondeur de leur sens ; l’ame s’abandonne un moment à ce prestige, émue et comme enchantée, mais bientôt elle cherche un point solide, une forme précise, un contour arrêté ; elle a peur de ce nuage qui l’environne, comme elle aurait peur de l’ivresse.

Nous préférons de beaucoup M. Milnes à M. Sterling. M. Milnes est parmi les jeunes poètes anglais celui dont l’inspiration est la plus décidée et la plus énergique. Sans compter la variété d’une érudition qui se révèle souvent, mais qui est ici de peu de valeur, l’originalité de ses impressions le détache de presque tous les versificateurs qui ont tenté la fortune poétique dans ces derniers temps. Son dernier volume, Poésie du Peuple (Poetry for the People), l’emporte de beaucoup en simplicité et en concision sur l’œuvre de son début (Poems of many years). On y reconnaît un effort habile et souvent très heureux pour ramener à une forme plus simple et plus populaire l’étude de l’émotion humaine, telle que Wordsworth l’a tentée et accomplie avec une profondeur philosophique ; Il y a de la grace dans la pièce suivante :

« À moi, disais-je, un toit domestique[7], abri certain et favorable pour les pas les plus fatigués. À moi les travaux de la journée, que l’espérance soutiendra, et qui amèneront des soirées de délices. Puis une vigne aux larges pampres environnera mon toit, et un ruisseau des montagnes murmurera le langage que je sais, le langage que j’aime.

« Tout cela, c’était un rêve.

« À moi cette retraite qui eût donné joie au plus sombre cœur, un temple pour l’amour pur, un lieu que les années respecteront, quelque chose de doux et de charmant comme la lueur de la nuit, lorsque tous les contours s’arrondissent, lorsque tout est grace et harmonie dans le monde enchanté.

C’était un rêve. »

Le sonnet suivant est bien plus remarquable par la grandeur de la pensée et l’excellence de l’exécution :

LA MADELEINE À PARIS.

Les années n’ont pas ménagé ce temple d’Athènes que Jupiter Olympien remplissait de sa majesté. Il s’écroule au milieu de ce paysage doux et calme de l’Hymette qui éteignait mollement tant de splendeur. Cependant, aujourd’hui, sur des rives alors barbares, aux bords de la Seine, le même type reparaît dans la perfection de sa beauté. Il est consacré, — à quel Dieu, je vous prie ?… — à un pauvre être, un enfant de Syrie, créature misérable et fragile, qui traîna ses jours méprisés dans l’infamie et la douleur ; humble créature qui n’a eu pour histoire que ces mots : « Elle aima le Christ, et pleura près de sa tombe. Elle aima ; tout lui fut pardonné. »

La traduction ne reproduit jamais, on le sait, l’harmonie, la concision, le mètre, l’idiotisme, c’est-à-dire, tout ce qui est le pouvoir actif et le magnétisme de la poésie. Cette tapisserie retournée fait grand-tort aux poètes. Voici un autre sonnet qui, dans l’original, est parfait de rapidité, d’expression, de brièveté et de mouvement :

« Sans crainte et sans honte ils avouèrent qu’ils s’aimaient, et ce mariage de l’ame, ils le jugeaient plus saint que le devoir du foyer domestique, et les hommes disaient entre eux que le châtiment viendrait les frapper.

« Cela fut vrai. La vie pour eux fut mauvaise. Lui savait bien qu’il avait brisé sa vie de jeune fille, et semé le trouble, le regret, la douleur et l’angoisse là où croissaient auparavant les tendresses et les plaisirs.

« Il souffrait, et la souffrance de la personne aimée lui rendait le supplice qu’il avait créé pour elle. La Douleur les suivait l’un et l’autre ; c’était leur page ; dans cette fête de l’Amour, la Douleur versait l’amer nectar et remplissait les deux coupes jusqu’aux bords[8].

« Ils demandèrent à leurs semblables un peu d’espoir. Non. La mort vint, qui leur donna l’espoir avec l’éternité. Puis on les pleura ; — le monde suivit sa route ; — et aujourd’hui comme jadis, ceux qui aiment aiment, et ceux-là se perdent. »


Les illuminations du Vatican, la bénédiction papale, les mystères et les légendes, compris dans le sens le plus entièrement catholique, ont inspiré à M. Milnes, membre du parlement, et tory ecclésiastique, des vers que l’énergie de l’expression, souvent la profondeur de l’idée, isolent et distinguent. C’est assurément une des intelligences les plus avancées et les plus actives de la jeune Angleterre ; il se livre hardiment et résolument à cette impulsion. Depuis l’an 1450 jusqu’au milieu du XVIe siècle, nul voyageur philosophe ne visita Rome sans en rapporter le mécontentement, la colère, la tristesse, souvent la haine. La réforme commençait alors. Cette cataracte qui a couvert le Nord de ses eaux, bondissait de son premier élan. Rome, en 1500, faisait des protestans. En 1840, elle fait des catholiques. La phase est terminée, la période est accomplie.

Il ne s’agit pas ici du mérite des doctrines protestante ou catholique, de leur lutte ou de leur supériorité. Il ne s’agit point de maudire ou de bénir. Au lieu de considérer le protestantisme comme frappé d’anathème ou marqué du sceau divin, si l’on abandonne la stérilité et la petitesse de ce point de vue, si l’on gravit cette hauteur de l’histoire qui ennoblit l’impartialité sans l’amollir par indifférence, on reconnaîtra la double place et la double mission des deux systèmes. L’un a créé l’Europe par la foi, l’autre a détruit et balayé par le doute les souillures mêlées à ce que l’autre avait fondé. L’énergie du catholicisme s’est ravivée dans sa lutte avec la réforme. Aujourd’hui la réforme, en possession de son triomphe, est vaincue par sa victoire. Ce qui se passe en Angleterre et en Allemagne le prouve.

L’institution catholique a nourri de son lait énergique l’Europe moderne. Le palais, le temple et le trône de la puissance chrétienne ont surgi sous la main des papes. Mais le catholicisme avait pour instrumens des hommes, c’est-à-dire des vices ; et quand le pouvoir fut assuré, lorsque les colonnes et les degrés du temple étincelèrent aux yeux du monde ébloui, les maîtres s’endormirent dans leur autorité. Ce fut alors que la force antagoniste et secondaire, le doute, souffla comme l’orage et réveilla ce sommeil sous la pourpre, cette langueur sous la couronne. Œuvre qui touche à sa fin ; tout est détruit. Aussi voit-on le protestantisme effrayé reculer sur lui-même, comme s’il craignait sa puissance, comme s’il prévoyait sa propre destruction, comme si l’élément qui fait sa force commençait à exercer cette force pour le suicide.

On peut donc, sans blasphème et sans contradiction, réserver une part d’estime diverse à ces deux philosophies, à ces deux religions, à ces deux zones. Il n’est pas étonnant de voir reparaître même en Angleterre, et d’une manière que les publicistes n’avaient point prévue, le catholicisme, la loi qui embrasse et contient le protestantisme, fragment détaché, mais nécessaire, du vaste ensemble. Le principe qui affirme et le principe qui doute, l’autorité et l’examen, l’amour et l’ironie, la croyance et le soupçon, s’enchaînant dans le tissu et dans le mystère de l’existence et du monde, comme la vie est enchaînée à la mort, ne cesseront leur alliance et leur antagonisme qu’au moment où tout finira. Quand même la grande ère nouvelle, dont les ruines actuelles sont la lointaine prédiction, ne devrait commencer à se développer que dans des siècles avec une régularité féconde, la civilisation ne pourrait s’avancer que par la lutte soutenue des deux forces, tour à tour victorieuses et vaincues. Mais ces assertions paraîtront téméraires. Il semble en vérité que l’on ne puisse, dans la même piété d’ame et dans la même hauteur d’esprit, admirer les résultats providentiels des deux principes, ces nobles évêques qui civilisèrent la Gaule, et ces sublimes puritains qui fondèrent les États-Unis ; ces chrétiens de deux âges, les chrétiens de la foi sans mélange, fils de la première époque, et les chrétiens de l’examen, enfans de la réaction !


Philarète Chasles.
  1. Ynglond vidua
  2. Lubbers.
  3. Suche lubbers as hath disgysed heads in their hoodes
    Whych in ydelness do lyve by other mennes goodes,
    Monkes, Chanons, and Nones in dyverse colour and shappe,
    Bothe wyght, blake and pyed, God send their increase yll happe !

  4. Drum ecclesiastick.
  5. The spring-born offspring of their loves. —
    The delicate and playful fawn
    Dappled like the rosy dawn,
    And sportive in its fear
    .

  6. It bore me, like an Angel, o’er the waves
    Of sunlight, whose swift pinnace of dewy air, etc.

  7. I had a home.
  8. Thus, at love’s feast, did Misery minister
    And fill their cups together to the brim.

    They askt their kind for hope, but there vas none,
    Till death came by and gave them that and more ;
    Then men lamented — But the earth rolls on ; —
    And lovers love and perish as before.