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Roxane/22

La bibliothèque libre.
Éditions Édouard Garand (13p. 37-38).

CHAPITRE XXII

SUR LE MONT ROXANE


Les excursionnistes se dirigèrent gaiement vers le Mont Roxane ; il y avait, d’abord Hugues et Roxane, puis venaient Mme Dussol et le Docteur Philibert, entre lesquels marchait Rita, il y avait aussi Armand et Lucie. À une petite distance en arrière étaient Célestin et Souple-Échine, puis Mathurin et sa femme, qui avait nom Prospérine.

La colline fut bientôt atteinte et, parvenus à son sommet, une petite cérémonie eut lieu ; Roxane déploya un grand drapeau blanc, sur lequel Lucie avait écrit en grosses lettres : « ÎLE RITA ». Dans un coin de ce drapeau, elle avait peint une touffe de marguerite. Car, on s’en doute bien, le véritable nom de la petite infirme c’était Margarita, quoiqu’elle n’eut jamais porté ce nom. Ce drapeau, attaché à une longue et forte perche, fut ensuite planté au sommet du Mont Roxane.

— Mes amis, dit Hugues, il est d’usage de saluer un drapeau par trois coups de canon. Nous n’avons pas de canon ici ; nous nous contenterons donc de crier à pleins poumons : « Vive l’Île Rita  ! »

— Vive l’Île Rita, crièrent-ils tous.

— Et vive la mignonne Rita, la marraine de l’île ! ajouta Lucie.

— Vive la mignonne Rita, la marraine de l’île, répétèrent-ils.

Hugues fit asseoir Rita sur un rocher. Aussitôt, Mme Dussol s’approcha de l’enfant et lui posa sur la tête une guirlande de marguerites. Alors, tous se mirent à chanter les couplets suivants, que Roxane avait composés, pour la circonstance :


L’ÎLE RITA


Comme un pendentif d’émeraude,
L’Île Rita,
Durant toute la saison chaude,
Se voit là-bas.

REFRAIN


        Ô vous qui naviguez
        Sur ce lac, arrêtez
        Devant cette île belle ;
        Vous serez enchantés
        Quand vous contemplerez
        Sa beauté si réelle.

II


Comme l’on aime et l’on admire
Ce pur joyau !…
Voyez : dans le lac il se mire
Le cher îlot.

III


Que hautement notre voix chante,
En ce moment,
L’Île Rita, qui nous enchante
Si grandement !


Rita devint, soudain, très-pâle, puis des larmes coulèrent sur ses joues. Mme Dussol, qui observait l’enfant, s’aperçut qu’elle était très énervée. Elle ne jouissait pas d’une santé bien robuste la pauvre petite infirme, et ce qui venait de se passer l’avait trop fortement émue. Roxane, en voyant pâlir sa petite sœur, voulut s’élancer vers elle, mais Mme Dussol lui fit signe de n’en rien faire.

— Rita, dit Mme Dussol, si tu voulais, nous redescendrions la colline, toi et moi. Je suis un peu fatiguée.

— Oui, oui ! Descendons ! fit Rita. Puis s’adressant à tous, elle ajouta : Oh ! je suis si contente ! L’Île Rita…je…

— J’ai tenu ma promesse, hein, Rita ? demanda Hugues, en souriant.

— Oui ! Oui ! répondit la petite, et je vous aime tant, M. Hugues ! Merci, bon Docteur, de nous amenés ici sur votre beau yacht ! Merci, Roxane, pour la belle chanson ! Merci, Lucie, pour le beau drapeau, et merci M. Lagrève, pour la jolie guirlande de marguerites ; Mme Dussol m’a dit que c’était vous qui l’aviez faite… Je vous aime bien gros, M. Armand ; Lucie elle aussi vous aime. N’est-ce pas, Lucie, que vous….

— Viens ! Viens, Rita ! s’empressa de dire Mme Dussol. Et vite, elle entraîna l’enfant. Armand et Lucie avaient rougi. Le Docteur Philibert, Roxane et Hugues avaient souri : le secret d’Armand Lagrève et de Lucie de St-Éloi était connu de tous.

— « La vérité sort de la bouche des enfants », dit, sentencieusement et assez malicieusement le Docteur Philibert. Et tous de rire d’un bon cœur.

— Oh ! Voyez donc ce beau port naturel qu’on aperçoit d’ici ! s’écria Lucie, afin de changer le cours des idées de tous.

— Puisque c’est vous qui l’avez découvert ce port, Mlle de St-Éloi, dit Hugues, je propose que nous le nommions le Port Lucie.

Tous applaudirent.

Au pied du Mont Roxane il y avait des arbres magnifiques, qu’on eût dit placés à distance régulière par la main de l’homme.

— C’est un vrai parc ! dit le Docteur Philibert, en désignant les arbres…

— Que nous nommerons le Parc Philibert, répondit Hugues.

Encore une fois tous applaudirent.

— Quand vous nous aurez quittés, mes amis, dit Hugues, Armand et moi nous aimerons à passer par le Parc Philibert avant de franchir le Mont Roxane du sommet duquel nous aurons vue sur le Port Lucie.

Ce soir-là, on se coucha de bonne heure sur l’Île Rita, car le lendemain se construirait la maison de Hugues et d’Armand ; tous voulaient aider à la construction et prêter main-forte, si possible.