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Rymes/Sans congnoissance aucune en mon Printemps j’estois

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Sans congnoissance aucune en mon Printemps j’estois :
Alors aucun souspir encor point ne gectois
Libre sans liberté : car rien ne regrectois
En ma vague pensee
De molz, & vains desir follement dispensee.

Mais Amour tout jaloux du commun bien des Dieux
Se voulant rendre a moy, comme a maintz odieux,
Me vint escarmoucher par faulx alarmes d’yeulx,
Mais je veis sa fallace :
Parquoy me retiray, & luy quictay la place.

Je vous laisse penser, s’il fut alors fasché :
Car depuis en maintz lieux il s’est tousjours caché,
Et quand a descouvert ma veue, m’a lasché
Maintz traictz a la volee :
Mais onc ne m’en sentis autrement affolee.

A la fin congnoissant, qu’il n’avoit la puissance
De me contraindre en rien luy faire obeissance,
Tascha le plus, qu’il peult, d’avoir la congnoissance
Des Archiers de Vertu,
Par qui mon cueur forcé fut soubdain abbatu.


Mais elle ne permit qu’on me feist autre oultrage,
Fors seulement blesser chastement mon courage,
Dont Amour escumoit & d’envie, & de rage :
O bien heureuse envie,
Qui pour un si hault bien, m’à hors de moy ravie.

Ne pleures plus, Amour : car a toy suis tenue,
Veu que par ton moyen Vertu chassa la nue,
Qui me garda long temps de me congnoistre nue,
Et frustree du bien,
Lequel, en le goustant, j’ayme Dieu sçait combien.

Ainsi toute aveuglee en tes lyens je vins,
Et tu me mis es mains, ou heureuse devins,
D’un qui est haultementent ses escriptz divins,
Comme de mon, severe,
Et chaste tellement, que chascun l’en revere.

Si mainte Dame veult son amytié avoir,
Voulant participer de son heureux sçavoir,
Et que par tout il tasche acquicter son debvoir,
Ses vertus j’en accuse
Plus puissantes, que luy, & tant que je l’excuse.