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Sainte Lydwine de Schiedam/Chapitre XV

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Plon-Nourrit (p. 291-322).

XV


Telle fut la vie de sainte Lydwine de Schiedam ; elle réjouira sans doute les achristes et affligera les nombreux catholiques qui, par tiédeur de foi, par respect humain, par ignorance, relèguent de leur mieux la mystique dans les asiles d’aliénés et les miracles dans le rancart des superstitions et des légendes. À ceux-là les biographies expurgées des Jansénistes pourraient suffire, s’ils n’avaient, à l’heure actuelle, toute une école d’hagiographes prêts à satisfaire leur haine du surnaturel, en fabriquant des histoires de saints confinés, avec défense de s’en échapper, sur la terre, de saints qui n’en sont plus. N’est-ce pas l’un de ces rationalistes et non l’un des moindres, Mgr Duchesne qui, consulté, il y a quelques années, à propos d’une révélation de l’incomparable sœur Emmerich que venait de confirmer une découverte près d’Éphèse, répondit : « je vous ai déjà dit qu’il est impossible d’introduire dans un débat sérieux un livre comme celui des visions de Catherine Emmerich ; l’archéologue se fonde sur des témoignages et non sur des hallucinations. »

Voilà qui proféré par un prêtre est bien ; ce qu’il doit la contemner la Mystique, celui-là !

N’en déplaise aux oracles de ce gabarit, il convient d’affirmer pourtant que, si étrange qu’elle paraisse, l’existence de Lydwine ne se singularise par rien d’anormal et par rien de neuf.

Sans parler des grâces spirituelles et des apparitions de Notre Seigneur et de la Vierge et des entretiens avec les Anges qui abondent dans toutes les vies des Saints et pour s’en tenir simplement aux phénomènes physiques, la plupart de ceux que nous avons divulgués, au cours de ce livre, se retrouvent consignés dans les biographies des innombrables élus qui vécurent avant ou après Lydwine.

Nous avons déjà remarqué, à l’occasion de ce don de l’ubiquité qu’elle posséda, que plusieurs autres célicoles se géminaient et se transféraient, dans des endroits différents, au même instant.

Si nous recherchons maintenant quels autres saints et quels autres serviteurs ou servantes de Dieu vécurent, ainsi que Lydwine, sans autre aliment que l’Eucharistie, nous découvrons, entre beaucoup de ces privilégiés, la vénérable Marie d’Oignies, sainte Angèle de Foligno, sainte Catherine de Sienne, la bienheureuse Élisabeth la bonne de Waldsée, sainte Colombe de Riéti, Dominique du Paradis, la bienheureuse Marie Bagnesi, Françoise de Serrone, Louise de la Résurrection, la Mère Agnès de Langeac, Catherine Emmerich, Louise Lateau et pour signaler, au hasard, deux hommes : le bienheureux Nicolas de Flue et saint Pierre d’Alcantara.

Parmi la foule de ceux qui vécurent aussi sans réfection de sommeil, nous discernons sainte Christine l’admirable, sainte Colette, sainte Catherine de Ricci, la bienheureuse Agathe de la Croix, saint Elpide, sainte Flore ou Fleur, hospitalière de l’ordre de saint Jean et j’en passe.

Les plaies devenues des cassolettes de parfums agissant non seulement sur l’odorat, mais encore sur les âmes qu’elles sanctifient, nous les reconnaissons également chez sainte Humiliane, sainte Ida de Louvain, Dominique du Paradis, Salomoni de Venise, la clarisse Jeanne-Marie de la Croix, Venturini de Bergame, le bienheureux Didée, chez le lépreux Barthole.

La bonne odeur de sainteté après la mort, elle exista chez le pape Marcel, sainte Aldegonde, saint Menard, saint Dominique, sainte Catherine de Bologne, la bienheureuse Lucie de Narni, la bienheureuse Catherine de Racconigi, sainte Claire de Rimini, sainte Fine de Toscane, sainte Élisabeth de Portugal, sainte Térèse, sainte Rose de Lima, saint Louis Bertrand, saint Joseph de Cupertino, saint Thomas de Villeneuve, saint Raymond de Pennafort, chez combien d’autres !

Au nombre des saints dont les corps furent, ainsi que celui de Lydwine, rétablis, après leur décès, dans leur jeunesse et leur beauté, figurent saint François d’Assise, saint Antoine de Padoue, saint Laurent Justinien, sainte Lutgarde, une victime réparatrice, elle aussi, sainte Catherine de Sienne, saint Didace, sainte Colombe de Riéti, sainte Catherine de Ricci, sainte Madeleine de Pazzi, la vénérable Françoise Dorothée, Marie Villani de Naples, sainte Rose de Lima et je pourrais prolonger la liste.

Par contre Lydwine ne fit point partie du groupe des Myroblites, c’est-à-dire des déicoles dont les cadavres distillèrent des essences et des baumes. Tels ceux de saint Nicolas de Myre, de saint Willibrord, l’apôtre de la Hollande, de saint Vitalien, de sainte Lutgarde, de sainte Walburge, de sainte Rose de Viterbe, de la bienheureuse Mathie de Nazzarei, de sainte Hedwige, de sainte Eustochie, de sainte Agnès de Montepulciano, de sainte Térèse, de sainte Madeleine de Pazzi, de la carmélite Marguerite Van Valkenissen et je ne les inscris pas tous.

Pour résumer maintenant, en quelques mots, l’existence de cette sainte que l’on ne voit jamais debout et jamais seule, l’on peut dire qu’elle fut peut-être celle qui souffrit le plus, et le moins, en paix. Cette infirme du corps devait, en effet, donner des consultations aux infirmes de l’âme ; sa chambre était une clinique des maladies de conscience ; elle y recevait indistinctement, prêtres et moines, échevins et bourgeois, patriciennes et bonnes femmes, gens de la plus basse extraction et princes et elle les opérait et les pansait.

C’était un hospice spirituel ouvert à tout venant ; et Dieu le voulait ainsi pour que les grâces qu’il lui dispensait fussent connues du public, pour que les miracles qu’elle œuvrait, en son nom, fussent visibles.

Sa vocation de guérisseuse des maux corporels fut, si l’on y songe, moindre. Elle fut moins prononcée, en tout cas, que celle de beaucoup d’autres saints ; mais elle présente cette particularité que les maladies ôtées par Lydwine n’étaient pas, la plupart du temps, détruites mais simplement transplantées sur elle.

Au point de vue de l’ascèse même, il faut encore noter que le Seigneur exigea d’elle plus qu’il n’exigea d’autres élus ; elle était déjà parvenue au sommet de la vie unitive, et il la replongeait dans la nuit ou plutôt dans le crépuscule de la vie purgative.

Cette division des trois étapes de l’ascension mystique, si distincte chez les théologiens, s’embrouille chez elle. Il n’est plus question de la halte du milieu, du relais illuminatif, mais des deux extrêmes, de la première et de la dernière étape dans lesquelles elle semble, à une certaine époque, s’être en même temps tenue. Cependant si Dieu l’humilia et la punit, il ne la fit pas descendre des cimes qu’elle avait atteintes. Il enténébra ces cimes, et il l’y esseula ; mais quand l’orage fut terminé, elle s’y retrouva, sans avoir perdu un pouce de terrain, indemne.

Elle fut, en somme, un fruit de souffrance que Dieu écrasa et pressura jusqu’à ce qu’il en eût exprimé le dernier suc ; l’écale était vide lorsqu’elle mourut ; Dieu allait confier à d’autres de ses filles le terrible fardeau qu’elle avait laissé ; elle avait pris, elle-même, la succession d’autres saintes et d’autres saintes allaient, à leur tour, hériter d’elle ; ses deux coadjutrices, sainte Colette et sainte Françoise Romaine avaient encore quelques années à souffrir ; deux des autres stigmatifères de son siècle, sainte Rite de Cassie et Pétronille Hergods touchaient à leur fin ; mais de nouvelles semailles de douleurs levaient, prêtes à les suppléer.

En thèse générale, tous les saints, tous les serviteurs du Christ sont des victimes d’expiation ; en dehors même de leur mission spéciale qui n’est pas toujours celle-là, car les uns sont plus personnellement désignés soit pour effectuer des conversions, soit pour régénérer des monastères, soit pour prêcher aux masses, tous néanmoins apportent au trésor commun de l’Église un appoint de maux ; tous ont été des amoureux de la Croix et ont obtenu de Jésus d’être mis en mesure de lui administrer la preuve authentique de l’amour, la souffrance ; l’on pourrait donc justement avancer que tous ont contribué à parachever l’œuvre de Lydwine ; mais elle eut des héritières plus proches encore, des légataires plus directes, des âmes plus particulièrement indiquées, comme elle-même le fut, pour servir de victimes propitiatoires, d’holocaustes ; et c’est parmi ses consœurs que le Fils blasonna de ses armes, marqua de l’étampe de ses plaies, c’est surtout parmi les stigmatisées qu’il les faut chercher.

Ne sied-il pas d’observer, à ce propos, que toutes ces victimes appartiennent au sexe féminin ?

Dieu paraît, en effet, leur avoir plus spécialement réservé ce rôle de débitrices ; les saints, eux, ont un rôle plus expansif, plus bruyant ; ils parcourent le monde, créent ou réforment des ordres, convertissent les idolâtres, agissent surtout par l’éloquence de la chaire, tandis que, plus passive, la femme, qui n’est pas revêtue d’ailleurs du caractère sacerdotal, se tord, en silence, sur un lit. La vérité est que son âme, et que son tempérament, sont plus amoureux, plus dévoués, moins égoïstes que ceux de l’homme ; elle est également plus impressionnable, plus facile à émouvoir ; aussi Jésus rencontre-t-il un accueil plus empressé chez elle ; elle a des attentions, des délicatesses, des petits soins qu’un homme, lorsqu’il n’est pas saint François d’Assise, ignore. Ajoutez que chez les vierges, l’amour maternel rentré se fond dans la dilection de l’Époux qui se dédouble pour elles et devient, quand elles le désirent, l’Enfant ; les allégresses de Bethléem leur sont plus accessibles qu’à l’homme et l’on conçoit aisément alors qu’elles réagissent moins que lui contre l’emprise divine. En dépit de leur côté versatile et sujet aux illusions, c’est donc chez les femmes que l’Époux recrute ses victimes de choix et c’est sans doute cela qui explique comment, sur les 321 stigmatisés que l’histoire connaît, il y a 274 femmes et 47 hommes.

La liste de ces réparatrices, héritières de Lydwine, elle existe tout au long dans un ouvrage merveilleusement documenté et absolument remarquable, dans « la Stigmatisation » du docteur Imbert-Gourbeyre.

Nous n’en extrairons cependant que celles des patientes dont la vocation de malades expiatrices ne peut être douteuse, celles dont la mission est écrite en toutes lettres et nous y adjoindrons quelques victimes qui, si elles ne portèrent pas sur leur corps les cachets sanglants du Christ, furent de grandes extatiques et de grandes infirmes dont la vie présente les plus complètes analogies avec celle de Lydwine.

Parmi ces femmes qui, après la mort de la sainte de la Hollande, acquittèrent par des souffrances la rançon des péchés de leur temps et se substituèrent, en étant innocentes, aux coupables, nous trouvons :


au XVe siècle


Sainte Colombe de Riéti, une Italienne, du tiers-ordre dominicain ; celle-là ne fut pas stigmatisée ; chargée par le Seigneur de sommer le Pape de corriger ses mœurs et d’épurer sa Cour, elle fut soumise aux plus impitoyables investigations et aux pires sévices, à Rome ; elle compensa aussi, par des maladies inconnues des médecins, les forfaits de son époque et mourut à la peine, en 1501.

La Bienheureuse Osanne, la patronne de la ville de Mantoue, une Italienne, tertiaire de l’ordre de saint Dominique ; elle naquit six années après le trépas de Lydwine et à sept ans Jésus lui posa sur l’épaule sa croix et lui prédit une vie de tortures ; sa chambre fut, ainsi que celle de la sainte de Schiedam, un cabinet de consultation pour les affections spirituelles. Les princes, les religieux, les laïques y défilèrent et elle débridait, elle aussi, les plaies des vices, perçait les apostumes des fautes et les pansait ; elle décéda, après une existence de douleurs atroces, en 1505.

Sainte Catherine de Gênes, une Italienne. Elle fut mariée et vécut d’abord de la vie mondaine, puis Jésus jeta sur elle son épreinte et sa conversion eut lieu, en coup de foudre, comme celle de saint Paul ; modèle des maladies extraterrestres, elle fut, suivant son expression : « déchirée de la tête aux pieds » ; elle endura, de son vivant, les feux du Purgatoire pour sauver des âmes et elle a laissé, sur ce séjour des supplices, un traité persuasif et surélevé ; elle connut également les affres de la Passion et trépassa, en 1510, après une série de macérations et de souffrances dont le détail effraie. Son cadavre subsiste, à l’état d’incorruption, visible pour tous, à Gênes.


au XVIe siècle


La Bienheureuse Marie Bagnési, une Italienne du tiers-ordre de Saint-Dominique, non stigmatisée mais dont la vie semble une copie de celle de Lydwine ; elle souffrit pour réparer les scélératesses des hommes tout ce qu’il est possible de souffrir ; pendant quarante-cinq ans, elle fut tenaillée par des maux de tête, brisée par des fièvres, frappée de mutisme et de surdité ; elle n’eut pas un seul de ses membres qui fût intact, attestent les Bollandistes ; elle mourut de la pierre, ainsi que Lydwine, en 1577.

Sainte Térèse, une Espagnole, la réformatrice des carmels, l’inégalable historienne des luttes de l’âme et des combats divins. Son histoire est trop connue pour qu’il soit besoin d’en parler ici ; notons seulement qu’elle fut constamment malade et expia, de même que la sainte des Pays-Bas, pour les âmes du Purgatoire, pour les pécheurs, pour les mauvais prêtres ; elle naquit au ciel en 1582.

Sainte Catherine de Ricci, une Italienne, issue d’une illustre famille de Florence et appartenant à un monastère du tiers-ordre dominicain dont elle fut élue abbesse ; la demande qu’elle adressa à Jésus de subir dans son corps et son âme les châtiments mérités par l’expansion des hérésies et le dérèglement des mœurs fut accueillie ; son existence fut un enfer de maux ; le Seigneur avait sculpté les instruments de la Passion dans ses chairs, affirme la bulle qui la canonise ; elle trépassa en 1590.

Archangèle Tardera, une Italienne, tertiaire de l’ordre de saint-François ; elle fut malade pendant trente-six ans et passa les vingt-deux dernières années de sa vie au lit ; sa mission consistait à rédimer les offenses des impies ; elle mourut en 1599.


au XVIIe siècle


Sainte Madeleine de Pazzi, une Italienne, carmélite ; elle avait proposé au Sauveur d’endosser les péchés du monde et elle fut prise au mot. Elle vécut toujours malade et dans un état presque permanent d’extase ; elle fut douée de l’esprit prophétique et elle a dicté des œuvres spirituelles qui sont des dialogues entre l’âme et Dieu et, surtout des apostrophes volubiles, des hourras d’allégresse, des cris enflammés de joie ; elle décéda en 1607.

Pudentienne Zagnoni, une Italienne, fille d’un tailleur de Bologne, tertiaire de saint-François. Elle fut, ici-bas, écrasée par des infirmités dont l’origine sur naturelle fut reconnue par les médecins ; elle était, en outre, traînée par les cheveux et rouée de coups par les démons ; elle satisfaisait de la sorte aux iniquités qu’elle n’avait pas commises ; neuf semaines avant qu’elle mourût, les neuf chœurs des anges la communièrent, à tour de rôle ; elle succomba, en 1608.

La Bienheureuse Passidée de Sienne, une Italienne, de l’ordre des capucines ; elle se sacrifia pour désarmer le Seigneur irrité par les impuretés de son temps. En sus de ses maladies qu’aucun remède n’apaisait, elle s’infligea, les jugeant inefficaces, d’épouvantables pénitences ; elle se fouettait jusqu’au sang avec des branches de genévriers et des tiges d’épines et elle étuvait ses déchirures avec du vinaigre salé chaud ; elle marchait dans la neige, pieds nus, ou se mettait des dragées de plomb dans ses chaussures ; elle s’enfonçait dans des tonnes d’eau glacée l’hiver, et l’été, se pendait, la tête en bas, au-dessus du feu ; elle fut communiée par Jésus, par sa Mère, par les anges et ses extases étaient si fréquentes que le P. Venturi, son historien, écrivait « qu’elles la faisaient bien plus vivre dans le Paradis que sur la terre ». Elle expira, en 1615.

La Vénérable Stéphanie des Apôtres, une Espagnole, carmélite, non stigmatisée ; elle sollicita et obtint du Seigneur l’autorisation de se subroger aux pécheurs ; elle accéléra les détresses d’une santé déjà débile, par des jeûnes prolongés, des cilices, des cercles de fer et des chaînes. Elle acheva sa mission purificatrice en 1617.

Ursule Bénincasa, une Italienne, la fondatrice de la congrégation des théatines ; elle para par ses tortures aux dangers qui menaçaient l’Église : son existence fut effroyable ; elle brûlait des flammes du Purgatoire pour exonérer des âmes et l’amour divin l’incendiait de telle sorte qu’il lui sortait une colonne de fumée de la bouche ; en sus de ses maladies propitiatoires, elle fut soumise, à Rome, aux plus durs traitements et mourut en 1618.

Agathe de la Croix, une Espagnole, tertiaire de l’ordre de saint-Dominique ; elle devint par désir d’immolation estropiée et aveugle. Ses chairs, comme celles de Lydwine, tombaient en pourriture sur la paille et elle était aussi consumée par les feux du Purgatoire ; elle décéda en 1621.

Marine Escobar, une Espagnole, la réformatrice de la règle de sainte-Brigitte ; elle fut cinquante ans malade et en passa trente, étendue sur sa couche ; elle exhalait, ainsi que la sainte de la Hollande, les plus délicats parfums. Quand on la changeait de linge, rapporte son biographe, il semblait que celui qu’on enlevait de son corps était un parterre odorant de fleurs ; elle trépassa en 1633.

Agnès de Langeac, une Française, tertiaire de l’ordre de saint-Dominique ; elle supporta tous les tourments du Purgatoire pour affranchir des âmes ; elle vécut, infirme, se traînant sur des potences, atténuant par ses maux les méfaits du prochain ; elle mourut en 1634.

Jacqueline du Saint-Esprit, une Française, dominicaine, alitée, toujours obligée de garder la chambre ; elle expira, après d’horribles souffrances réparatives, en 1638.

Marguerite du Saint-Sacrement, une Française, carmélite ; celle-là endura des tortures extraordinaires ; elle souffrit de telles douleurs dans le crâne, qu’après l’avoir vainement piquée avec des clous de fer rouge, les chirurgiens la trépanèrent ; elle n’éprouva aucun allégement de ces sévices ; seule, l’apposition des reliques chassait son mal. Elle expia plus spécialement les offenses faites au Seigneur par le manque de charité des riches ; elle participa au supplice de différents martyrs pendant quinze mois, s’offrit au Sauveur, comme victime, pour délivrer la France de l’invasion des armées allemandes ; elle termina son sacrifice, en 1648.

Lucie Gonzalès, une Italienne, rongée par les fièvres, n’ayant pas une place sur son corps qui fût saine ; elle racheta plus particulièrement les abominations que commirent en 1647 les révolutionnaires de Naples ; sa vie fut un livre de douleur ; il se ferma en 1648.

Paule de sainte Térèse, une Italienne, du tiers-ordre de saint Dominique, prenait à son compte les péchés des séculiers et des prêtres ; elle vécut couchée et fut, ainsi que Lydwine, communiée de la main du Christ ; elle libéra aussi par ses souffrances les âmes du Purgatoire qui la cernaient de toutes parts ; son décès eut lieu en 1657.

Marie de la Très Sainte Trinité, une Espagnole, tertiaire de saint Dominique ; elle était accablée d’infirmités et réduite, lorsqu’elle n’était pas allongée sur des alèzes, à se traîner sur les genoux ; sa mission piaculaire prit fin en 1660.

Pudentienne Zagnoni, italienne, Clarisse, qu’il ne faut pas confondre avec sa sœur, la stigmatisée du même nom et du même prénom, citée plus haut. Elle fut, pendant trente-deux ans, malade. Ainsi que Lydwine, elle voyageait avec son ange, dans le Paradis et amendait sur son grabat les forfaits du monde ; elle mourut en 1662.

Marie Ock, une Belge, tertiaire carmélite ; elle souffrait des peines appropriées aux excès des personnes qu’elle suppléait dans leur pénitence ; elle purgeait les peines des âmes du Purgatoire et était tannée par les coups, roulée dans les escaliers, plongée dans des puits par les démons. Quand elle n’était pas alitée, elle courait dans les mauvais gîtes pour en retirer leurs hôtesses ; elle fut une des compensatrices les plus fertiles et les plus résolues dont la biographie, vraiment curieuse, est à lire. Elle succomba à la peine, en 1684.

Jeanne Marie de la Croix, une Italienne, tertiaire franciscaine. Constamment malade, torturée par des douleurs atroces dans les reins, elle dut subir les traitements les plus barbares des médecins qui finirent cependant par reconnaître l’origine préternaturelle de ses maux et mi permirent de gémir en paix. Elle reçut l’anneau mystique, épandit de sa personne d’inexplicables parfums, guérit par sa bénédiction les infirmes et multiplia les pains. Elle s’immola plus spécialement pour combattre l’hérésie des protestants et naquit au ciel en 1673.

Marie Angélique de la Providence, une Française, tertiaire carmélite ; elle intercéda plus particulièrement pour les communautés dévergondées et pour les prêtres. Le Seigneur lui indiquait, lui-même, les pécheurs dont il voulait qu’elle neutralisât par ses maladies les offenses ; elle fut une grande adoratrice du saint Sacrement et l’une des victimes sur laquelle s’acharnèrent le plus les démons. Ils la battaient comme tapis, la cognaient contre les murailles, la piétinaient sur le sol ; elle mourut en 1685.


au XVIIIe siècle


Marcelline Pauper, une Française, sœur de la Charité, à Nevers ; celle-là fut une réparatrice des profanations du saint Sacrement et des vols d’hosties ; c’est elle qui disait : « ma vie est un purgatoire délicieux où le corps souffre et où l’âme jouit » ; elle décéda en 1708.

Fialetta-Rosa Fialetti, Italienne, tertiaire de saint Dominique. Son existence ne fut qu’une série de maladies rédemptrices ; elle se termina en 1717.

Sainte Véronique Giulani, Italienne, clarisse ; elle fut une vivante image du Christ en croix. Tandis que les maladies la dévoraient, elle criait : vive la croix toute seule et toute nue, vive la souffrance ! Comme Lydwine elle s’offrait au Seigneur pour acquitter le supplément de péchés que suscitent les godailles des jours gras. Elle eut la transverbération du cœur ainsi que sainte Térèse et l’impression des instruments du Calvaire, ainsi que sainte Claire de Montefalco. Elle mourut en 1727.

Sainte Marie Françoise des cinq plaies de Jésus, une Italienne, du tiers ordre de saint François ; sa vie fut un tissu d’infirmités ; elle souffrit de douleurs d’entrailles atroces, de fièvres, de gangrène. De même que Lydwine elle transbordait sur elle-même les maladies du prochain ; elle fut persécutée par sa famille et par son confesseur et communiée par les anges. Douée de l’esprit prophétique, elle annonça longtemps à l’avance la Révolution Française et la mort de Louis XVI, mais à la vue des souffrances de l’Église qui lui furent montrées, son cœur éclata et elle supplia le Seigneur de la délivrer de la vie ; sa requête fut accueillie en 1791.


au XIXe siècle


Marie-Josépha Kümi, une Suissesse, dominicaine ; elle fut une victime expiatrice de l’Église, des pécheurs, des âmes du Purgatoire dont elle partagea les tourments ; son corps n’était qu’une plaie ; elle décéda en 1817.

Anne-Catherine Emmerich, une Allemande, augustine, la plus grande voyante des temps modernes et qui plus est, bien qu’illettrée, une magnifique artiste ; son histoire est trop connue pour qu’il soit besoin de la rappeler ; ses livres sont entre toutes les mains. Constatons seulement que cette stigmatifère fut toujours couchée et qu’elle est parmi les réparatrices celle qui, avec Marie Bagnési, se rapproche le plus de Lydwine ; elle est son héritière directe à travers les âges ; elle est morte après une vie de douleurs sans nom, en 1824.

Élisabeth Canori Mora, une Italienne, du tiers-ordre des trinitaires déchaussées ; elle amortit surtout la dette des iniquités des persécuteurs de l’Église et trépassa en 1825.

Anna-Maria Taïgi, une Italienne, du tiers-ordre des trinitaires déchaussées ; elle fut saccagée par une série de tortures ; les céphalagies, les fièvres, la goutte, l’asthme ne lui laissèrent pas un instant de repos ; ses yeux, comme ceux de Lydwine, versaient du sang lorsqu’ils étaient atteints par les moindres lueurs ; elle se sacrifia plus spécialement pour les bourreaux de l’Église ; son holocauste prit fin en 1837.

Sœur Bernard de la Croix, une Française, de la congrégation de Marie-Thérèse, à Lyon ; elle acceptait les tentations des personnes trop faibles pour les supporter et souffrait mort et passion pour elles ; elle mourut en 1847.

Marie-Rosa Andriani, Italienne, du tiers-ordre franciscain ; elle fut, depuis l’âge de cinq ans, une martyre par délégation et le Seigneur aggravait ses tourments, en ne la consolant pas ; elle s’arrachait de la poitrine des os tout chauds et ne fut sustentée, pendant vingt-cinq ans, que par l’Eucharistie ; elle décéda en 1848.

Marie Domenica Lazzari, l’une des stigmatisées du Tyrol ; médiatrice des mécréants, son existence fut une continuelle agonie ; brisée par des convulsions, par une toux opiniâtre, par des douleurs dans le bas-ventre, elle ne fut nourrie, durant quatorze années, que par les saintes Espèces ; sa mort eut lieu en 1848.

Marie de saint-Pierre de la sainte-Famille, une Française, carmélite, non stigmatisée. Elle s’interposa entre Dieu et la France qui était sur le point d’être châtiée ; elle eut gain de cause mais endura le martyre. Elle résumait, elle-même, sa vie en cette phrase : « c’est pour la réparation que j’ai été mise au monde et c’est d’elle que je meurs. » Elle succomba à la peine en 1848.

Marie-Agnès Steiner, une Allemande, clarisse dans un monastère de l’Ombrie ; elle éprouva, pour le bien de l’Église, les plus cruelles maladies ; elle effluait, comme Lydwine, de célestes arômes ; elle trépassa en 1862.

Marie du Bourg, en religion Mère Marie de Jésus, une Française, fondatrice de la congrégation des sœurs du Saint-Sauveur et de la Sainte-Vierge ; elle fut de même que la sainte de Hollande, une gloutonne de maux ; elle a terriblement pâti pour les impies, pour les possédés et pour les âmes en attente. « Elle est tout occupée à peupler le Ciel et à vider le Purgatoire », disait l’une de ses filles ; elle subit des attaques furieuses de la part des démons et mourut en 1862.

Marie de Moerl, la plus connue des stigmatisées du Tyrol, tertiaire de l’ordre de saint-François ; elle expia surtout pour l’Église ; elle était douée de l’esprit prophétique et lisait dans les âmes ; l’abbé Curicque, l’un de ses historiens, narre ce fait qui pourrait figurer dans la vie de Lydwine : un religieux dont elle ignorait jusqu’au nom vint, accompagné de plusieurs personnes, pour se recommander à ses prières ; elle accepta d’invoquer le Seigneur à son intention, mais elle jugea nécessaire de lui signaler un défaut que, lui seul, pouvait connaître et dont il lui fallait à tout prix se débarrasser. Ne voulant point l’humilier devant des tiers, elle prit, sous son traversin, le psautier, l’ouvrit et lui montra du doigt un passage qui visait expressément ce défaut ; puis elle lui sourit doucement et retomba dans l’extase que cette visite avait interrompue ; elle décéda en 1868.

Barbe de saint-Dominique, une Espagnole, dominicaine ; elle assuma les péchés du prochain, fut en butte aux assauts du Maudit et mourut, victime de la substitution mystique ; elle offrit, en effet, sa vie au Christ pour la guérison d’une autre religieuse dont l’état était désespéré ; celle-ci recouvra aussitôt la santé et, elle, s’alita pour ne plus se relever ; elle avait à peine trente ans, alors qu’on l’inhuma, en 1872.

Louise Lateau, Belge ; son cas est célèbre ; elle vécut toujours couchée, rachetant par ses douleurs les forfaits d’autrui ; pendant douze années, la communion fut son seul aliment. Trop de livres ont été écrits sur cette sainte fille pour qu’il soit utile d’en parier ici ; elle mourut en 1883.

Marie-Catherine Putigny, une Française, visitandine ; elle s’était proposée comme victime réparatrice au Seigneur ; elle souffrit les plus lancinantes tortures pour les âmes du Purgatoire ; elle voyait, de même que Lydwine et que la sœur Emmerich, les tableaux de la Passion ; elle est décédée à son monastère de Metz, en 1885.

La cause de béatification de la plupart de ces femmes a été introduite à Rome ; sans préjuger en rien le jugement qui interviendra pour chacune d elles, il sied d’espérer que l’origine céleste de leurs vocations et de leurs maux sera reconnue.

L’on remarquera que, parmi ces héritières de Lydwine, il n’en est pas une qui soit issue, ainsi qu’elle, du territoire des Pays-Bas. Il y a des Italiennes, des Espagnoles, des Françaises, des Belges, des Tyroliennes, des Allemandes, une Suissesse et pas une Hollandaise ; et cependant le Dr Imbert-Gourbeyre en cite une, mais sans renseignements assez précis pour nous permettre d’affirmer qu’elle fut une victime expiatrice ; c’est une nommée Dorothée Visser, née en 1820, à Gendringen et qui aurait été étampée des stigmates de la Passion, vers 1843 ; il serait bien désirable qu’un moine ou qu’un prêtre hollandais suivît cette piste et nous montrât, s’il y a lieu, que la succession de Lydwine a été recueillie dans son pays même.

L’on remarquera également la large part qui est faite au XIXe siècle dans cette répartition des donatrices.

Ces listes sont, est-il utile de le dire, très incomplètes ; elles suffisent néanmoins à prouver que l’héritage de Lydwine n’est pas tombé en déshérence et que les desseins de Dieu n’ont pas varié ; son procédé de faire appel à la charité de certaines âmes pour satisfaire aux nécessités de sa Justice demeure immuable y la loi de la substitution est toujours en vigueur ; depuis l’époque de sainte Lydwine rien n’est changé.

Il faut ajouter qu’à l’heure actuelle, les besoins de l’Église sont immenses ; un vent de malheur souffle sur les régions inabritées des croyants. Il y a une sorte d’affaissement des devoirs, de déchéance d’énergie dans les pays qui sont plus particulièrement les fiefs spirituels du Saint-Siège.

L’Autriche est rongée jusqu’aux moelles par la vermine juive ; l’Italie est devenue un repaire maçonnique, une sentine démoniaque, au sens strict du mot ; l’Espagne et le Portugal sont, eux aussi, dépecés par les crocs des Loges ; seule, la petite Belgique paraît moins cariée, de foi moins rance, d’âme plus saine ; quant à la nation privilégiée du Christ, la France, elle a été attaquée, à moitié étranglée, saboulée à coups de bottes, roulée dans le purin des fosses par une racaille payée de mécréants. La franc-maçonnerie a démuselé, pour cette infâme besogne, la meute avide des israélites et des protestants.

Dans un tel désarroi, il eût peut-être fallu recourir aux mesures abolies d’antan, user de quelques chemises dûment soufrées et de quelques bons bûchers de bois bien sec, mais l’âme poussive des catholiques eût été incapable de souffler sur le feu pour le faire prendre ! puis, ce sont là des expédients sanitaires désuets, des pratiques que d’aucuns qualifieraient d’indiscrètes et qui ne sont plus, en tout cas, d’accord avec les mœurs desserrées de notre temps.

Étant donné alors que l’Église gît sans défense, l’on pourrait s’inquiéter de l’avenir, si l’on ne savait qu’elle rajeunit chaque fois qu’on la persécute ; — les larmes de ses martyrs, c’est son eau de Jouvence, à elle ! — Quand on refoule le catholicisme d’un pays, il s’infiltre dans un autre et revient à son point de départ, après ; c’est l’histoire des congrégations qui, lorsqu’on les chasse de la France, y rentrent quand même, après avoir fondé à l’étranger de nouveaux cloîtres. En dépit de tous les obstacles, le catholicisme, qui semble parfois stagnant, coule ; il s’insinue en Angleterre, en Amérique, dans les Pays-Bas, gagne peu à peu du terrain dans les régions hérétiques et il s’impose.

Fût-il d’ailleurs ligoté et saigné aux quatre veines qu’il revivrait encore, car l’Église détient des promesses formelles et ne peut périr. Elle en a vu d’autres, du reste, et elle doit, tout en peinant, patiemment attendre !

Il n’en est pas moins vrai, qu’au point de vue des offenses divines, des sacrilèges et des blasphèmes, la situation de la France est lamentable. Ce commencement de siècle présente, dans ce pays surtout, cette singularité qu’il est imbibé, saturé comme une éponge de Satanisme et il ne paraît même pas s’en douter !

Dupés par les palinodies d’un fétide renégat, les catholiques ne soupçonnent même point que ce malheureux a plus menti le jour où il déclara s’être moqué d’eux que lorsque, pendant des années, il leur enrobait des documents dont la plupart étaient exacts, dans un excipient d’invraisemblables bourdes !

Il y a dans tous les cas, un fait, indéniable, absolu, sûr, c’est, qu’en dépit des dénégations intéressées, le culte Luciférien existe ; il gouverne la franc-maçonnerie et tire, silencieux, les ficelles des sinistres baladins qui nous régissent ; et ce qui leur sert d’âme à ceux-là est si pourri qu’ils ne s’imaginent même pas qu’ils ne sont, quand ils dirigent l’assaut contre le Christ et son Église, que les bas domestiques d’un maître à l’existence duquel ils ne croient pas ! Si habile à se faire nier, le Démon les mène.

Le XXe siècle débute donc, ainsi que le précédent a fini en France, par une éruption infernale ; la lutte est ouverte entre Lucifer et Dieu.

En vérité, il faut espérer que, pour contrebalancer le poids de tels défis, les victimes d’expiation abondent, et que, dans les cloîtres et que dans le monde, beaucoup de moines, de prêtres et de laïques acceptent de continuer l’œuvre réparative des holocaustes.

Certainement, dans les ordres dont le but est la mortification et la pénitence, tels que les calvairiennes bénédictines, les trappistines, les clarisses, les carmélites, pour n’en nommer que quatre, des femmes prostrées sur des lits et dont les maladies déroutent les diagnostics des médecins, souffrent pour neutraliser les abominations démoniaques de notre époque ; mais l’on peut se demander si ces couvents d’immolées sont assez nombreux, car lorsque l’on connaît certains détails de bruyantes catastrophes, de celle du bazar de la Charité, par exemple, il est bien difficile de ne croire qu’à des causes matérielles énumérées dans des rapports de magistrats et de pompiers.

Ce jour-là, ce sont, en effet, les femmes vraiment pieuses, les femmes venues non pour arborer des toilettes et s’exhiber, mais pour aider à soulager des infortunes et à faire le bien, des femmes qui avaient toutes ou presque toutes entendu la messe, ce matin-là et communié, qui ont été brûlées vives. Les autres s’en sont tirées. Il semble donc qu’il y ait eu une volonté du Ciel de choisir, dans cette mêlée, les meilleures, les plus saintes des visiteuses, pour les obliger à expier, dans les flammes, la plénitude sans regrets de nos péchés.

Et finalement l’on arrive à se poser cette question : un pareil désastre aurait-il été évité s’il y avait eu plus de monastères de la dure observance, plus d’âmes déterminées à s’infliger des sacrifices volontaires et à se céder pour subir l’indispensable châtiment des impies ?

L’on ne peut évidemment répondre, d’une façon nette, à une semblable question ; mais ce qu’il est possible d’affirmer, c’est qu’il n’y a jamais eu tant besoin de Lydwine qu’à présent ; car, elles seules seraient à même d’apaiser la colère certaine du Juge et de nous servir de paratonnerre et d’abri contre les cataclysmes qui se préparent !

Je ne me dissimule pas qu’en parlant, de la sorte, dans un siècle où chacun ne poursuit qu’un but : voler son prochain et jouir en paix dans l’adultère ou le divorce de ses dols, j’ai peu de chances d’être compris. Je sais très bien aussi que devant ce catholicisme dont la base est la désaccoutumance de soi-même et la souffrance, les fidèles épris de dévotionettes et abêtis par la lecture de pieuses fariboles, s’exclameront ; ce sera pour eux l’occasion de ressasser, une fois de plus, la complaisante théorie « que Dieu n’en demande pas tant, qu’il est si bon ».

Oui, je sais bien, mais le malheur, c’est qu’il en demande autant et qu’il est néanmoins infiniment bon. Mais il faut le répéter, une fois de plus aussi, il dédommage, ici-bas même, par des joies intérieures, ceux qui le prient, de leurs afflictions et de leurs maux ; et chez les êtres privilégiés qu’il torture, l’outrance des liesses dépasse l’excès des peines ; tous ont dans des corps broyés des âmes qui rayonnent, tous s’écrient comme Lydwine qu’ils ne souhaitent pas d’être guéris, qu’ils n’échangeraient pas les consolations qu’ils reçoivent pour tous les bonheurs du monde.

D’ailleurs, les ouailles que l’existence exceptionnelle de ces protectrices effare, auraient tort de s’alarmer ; prenant en pitié leur ignorance et leur faiblesse, Dieu les épargnera plus sans doute qu’il n’a épargné son propre Fils ; il ne cherche pas parmi ceux qu’il n’a point nanti d’âmes bien robustes les poids destinés à rétablir l’équilibre de la balance dont le plateau des fautes descend si bas… De même que personne n’est tenté au-dessus de ses forces, de même personne n’est chargé de douleurs qu’il ne puisse, d’une façon ou d’une autre, tolérer. Il les dose aux moyens de résistance de chacun ; seulement, ceux qui ne souffrent que modérément auraient tort de se trop réjouir, car cette abstinence de tourments n’est ni un signe de validité spirituelle, ni d’amoureuse préférence.

Mais ce livre n’est pas écrit, en somme, pour ceux-là. Il est, en effet, difficile, pour des gens qui vivent en bonne santé, de le bien comprendre ; ils le saisiront mieux, plus tard, lorsque séviront les mauvais jours ; par contre, il s’adresse plus spécialement aux pauvres êtres atteints de maladies incurables et étendus, à jamais, sur une couche. Ceux-là sont, pour la plupart, des victimes de choix ; mais combien, parmi eux, savent qu’ils réalisent l’œuvre admirable de la réparation et pour eux-mêmes et pour les autres ? cependant, pour que cette œuvre soit véritablement satisfactoire, il sied de l’accepter avec résignation et de la présenter humblement au Seigneur. Il ne s’agit pas de se dire : je ne saurais m’exécuter de bon cœur, je ne suis pas un saint, moi, tel que Lydwine, car, elle non plus, ne pénétra pas les desseins de la Providence lorsqu’elle débuta dans les voies douloureuses de la Mystique ; elle aussi, se lamentait, comme son père Job et maudissait sa destinée ; elle aussi, se demandait quels péchés elle avait bien pu commettre pour être traitée de la sorte et elle ne se sentait pas du tout incitée à offrir de son plein gré ses tourments à Dieu ; elle faillit sombrer dans le désespoir ; elle ne fut pas une sainte du premier coup ; et néanmoins après tant d’efforts tentés pour méditer la Passion du Sauveur dont les tortures l’intéressaient beaucoup moins que les siennes, elle est parvenue à les aimer et elles l’ont enlevée dans un ouragan de délices jusqu’aux cimes de la vie parfaite ! La vérité est que Jésus commence par faire souffrir et qu’il s’explique après. L’important est donc de se soumettre d’abord, quitte à réclamer ensuite. Il est le plus grand Mendiant que le ciel et la terre aient jamais porté, le Mendiant terrible de l’Amour ! les plaies de ses mains sont des bourses toujours vides et il les tend pour que chacun les emplisse avec la menue monnaie de ses souffrances et de ses pleurs.

Il n’y a donc qu’à Lui donner. La consolation, la paix de l’âme, le moyen de s’utiliser et de transmuter à la longue ses tourments en joie, ne peuvent s’obtenir qu’à ce prix. Le récepte de cette divine alchimie qu’est la Douleur, c’est l’abnégation et le sacrifice. Après la période d’incubation nécessaire, le grand œuvre s’accomplit ; il sort du brasier, de l’athanor de l’âme, l’or, c’est-à-dire l’Amour qui consume les abattements et les larmes ; la vraie pierre philosophale est celle-là.

Pour en revenir maintenant à Lydwine, il nous faut narrer, en quelques lignes, le sort qui fut réservé à ses reliques.

Ainsi qu’il fut dit, plus haut, les recteurs de l’église de saint Jean-Baptiste de Schiedam édifièrent, en 1434, une petite chapelle sur sa tombe et Molanus ajoute ce détail que cette chapelle fut parée de tableaux dépeignant divers épisodes de sa vie.

Les reliques y furent vénérées, jusqu’au moment où les Protestants devinrent les maîtres de cette Hollande qu’ils n’ont plus quittée. Ils s’emparèrent à Schiedam de la dépouille de Lydwine et les catholiques durent la racheter.

En 1615 le corps fut exhumé sur les ordres du Prince Albert, archiduc d’Autriche et souverain des Pays-Bas et de sa femme Isabelle-Claire-Eugénie, fille de Philippe II, roi d’Espagne et petite-fille de Henri II, roi de France.

Cette princesse, que passionnait la mémoire de Lydwine, fit transférer ses ossements enfermés en une châsse d’argent, dans l’oratoire de son palais, à Bruxelles.

Un an après, en 1616, une partie de ces restes fut remise, dans un coffret d’ébène et d’argent, aux dames chanoinesses de Mons et confiée à leur garde, dans le sanctuaire de sainte-Waudru.

Cette illation eut lieu, en grande pompe ; une procession solennelle de plus de six cents cierges, à laquelle s’associèrent les magistrats de la cité, les ordres religieux, les prêtres, le peuple, se réunit à l’église sainte-Élisabeth et accompagna les reliques portées par l’abbé de saint-Denis jusqu’à la cathédrale de sainte-Waudru.

Une seconde partie des ossements fut encore concédée par la princesse, en 1626, au couvent des carmélites qu’elle avait fondé, en 1607, à Bruxelles ; enfin une troisième partie échut, en 1650, après la mort d’Isabelle, à l’église sainte-Gudule, dans la même ville.

Une note des Bollandistes constate, de son côté, qu’un fragment du corps et que l’un des tableaux de l’église de Schiedam furent impartis, au moment où les hérétiques allaient faire main basse sur ces biens, au supérieur des prémontrés d’Anvers. Ils furent déposés dans la chapelle des saints-Apôtres où ils demeurèrent pendant de longues années ; puis le tableau se détériora et fut jeté au rebut et quant aux reliques, elles disparurent sans qu’on ait jamais su comment.

À l’heure actuelle, d’après les renseignements que nous avons pu recueillir, aucune trace ne subsiste à sainte-Waudru et à sainte-Gudule des dépouilles de Lydwine ; elles auraient été dispersées pendant la Révolution ; seul le carmel de Bruxelles garde encore son précieux dépôt, mais il en a abandonné une partie, en 1871, pour permettre au moins à la ville de Schiedam de posséder quelques vestiges de sa sainte. La portion la plus considérable de ce présent, les os entiers des deux bras, se trouvent maintenant dans l’église paroissiale de la Visitation, à Schiedam.

Enfin, les jansénistes de cette ville détiendraient, eux aussi, quelques détriments, mais ils les cachent et subitement ils n’entendent plus le français, quand on leur en parle.

Peut-être bien que leurs ancêtres ont dérobé un reliquaire dont on pourrait, en déchiffrant le nom ou les armes gravées dans le métal, reconnaître l’origine ; et ils ne se soucient pas d’avoir à s’expliquer sur sa provenance.

Ajoutons, pour parler des honneurs rendus par l’Église à Lydwine, que l’archevêque de Malines, métropolitain de la Belgique, Mgr Mathias Hovius a, par une lettre pastorale du 14 janvier 1616, autorisé le culte de la bienheureuse dans les Flandres.

Des années s’écoulèrent. Lydwine, dont le culte était antérieur aux décrets du pape Urbain VIII, était comprise au nombre des Béatifiées, mais il lui restait à acquérir le titre définitif de Sainte.

Ce fut, vers la fin du siècle dernier, qu’un prêtre de la Hollande se dévoua à cette cause ; la paroisse de la Visitation de Notre-Dame venait d’être instituée à Schiedam ; son premier curé fut M. l’abbé Van Leeuven ; il admirait et vénérait Lydwine. Il se mit en campagne et décida l’archevêque de Malines, l’évêque d’Harlem ainsi que les autres prélats des Pays-Bas et la prieure du carmel de Bruxelles, à introduire des instances auprès de Rome pour obtenir la canonisation de la bienheureuse.

Ces instances ont été accueillies et un décret du 14 mars 1890 a élevé Lydwine au rang des saintes ; mais le promoteur véritable de cette cause, l’abbé Van Leeuwen, n’eut pas la joie d’assister à la réussite de ses efforts, car il mourut avant la promulgation de ce décret.