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Satires (Horace, Leconte de Lisle)/II/4

La bibliothèque libre.
1er siècle av. J.-C.
Traduction Leconte de Lisle, 1873
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SATIRE IV.


horatius.

D’où vient Catius et où va-t-il ?

catius.

Je n’ai pas le temps de m’arrêter avant d’avoir fixé par des signes de nouveaux préceptes, qui l’emportent sur tous ceux de Pythagoras, de l’accusé d’Anytus et du docte Plato.

horatius.

J’avoue ma faute de t’avoir ainsi interrompu à contre-temps ; mais sois assez bon pour me pardonner, je te prie. Si maintenant quelque chose t’a échappé, tu la rattraperas bientôt à l’aide de la nature ou de l’art, car tu es étonnamment doué des deux côtés.

catius.

C’était mon inquiétude de savoir comment je

retiendrais tout, car ce sont choses subtiles exprimées en termes subtils.
horatius.

Apprends-moi le nom de l’homme ; est-il Romain ou étranger ?

catius.

Je vais te redire les leçons, mais je tairai l’auteur. — Que la forme des œufs que tu fais servir soit allongée, souviens-t’en. Ils ont une meilleure saveur et sont plus blancs que les ronds, car leur coque calleuse enferme un germe mâle.

Le chou qui croît dans un terrain sec est plus savoureux que le chou suburbain. Rien de plus fade que ce qui pousse dans un jardin trop arrosé.

Si, vers le soir, un hôte imprévu t’arrive, de peur que la poule soit dure au palais, tu sauras qu’il faut la baigner vivante dans du Falernum mêlé d’eau ; ce qui la rendra tendre.

La nature des champignons des prés est excellente ; il est dangereux de se fier aux autres. Celui-là passera sainement les étés, qui finira son repas par des mûres noires qu’il aura cueillies sur l’arbre avant l’ardeur brûlante du soleil.

Aufidius mêlait le miel à du Falernum fort. Erreur ! il ne faut introduire rien que de doux dans les veines vides. Il est mieux de mouiller son estomac d’une boisson douce.

Si le ventre est dur et en retard, la moule et les coquillages communs chasseront l’obstacle, et aussi la petite oseille, mais non sans du vin blanc de Cos.

Les nouvelles lunes emplissent les coquillages lubriques ; mais toute mer n’en fournit pas d’excellents. La pélore Lucrinienne est meilleure que le murex Baïen. Que les huîtres viennent de Circéium, les hérissons du cap Misénus. La molle Tarentus se glorifie de ses larges pétoncles.

Que personne ne se vante témérairement de posséder l’art des repas, avant d’avoir acquis la science subtile des dégustations. Ce n’est point assez d’enlever tout ce qu’il y a de poissons pour sa table coûteuse, si on ne sait quelle sauce leur convient mieux, ni quels sont ceux qui, grillés, remettront sur le coude le convive languissant.

Que le sanglier Umbrien, nourri de glands d’yeuse, pèse sur de larges plats pour qui n’aime pas la chair fade ; car le sanglier Laurentin est mauvais, s’étant engraissé de joncs et de roseaux.

Les vignes ne fournissent pas toujours des chèvres mangeables. Le connaisseur recherchera l’épaule du lièvre prolifique.

Nul palais n’avait recherché et découvert, avant le mien, la nature et l’âge des poissons et des oiseaux. Il en est dont un nouveau petit mets occupe tout le génie. Ce n’est point assez que de s’absorber en une seule chose, de savoir, par exemple, si les vins sont mauvais, sans s’inquiéter de l’huile qui arrosera le poisson.

Si tu exposes, par un beau temps, les Massicus en plein ciel, et s’ils sont un peu épais, l’air de la nuit les rendra légers et ils perdront leur odeur qui fait mal aux nerfs ; mais, passés à travers un linge, ils n’ont plus de saveur.

L’homme habile qui mêle les vins de Surrentum à la lie du Falernum les clarifie avec un œuf de colombe dont le germe précipite au fond les parties impures.

Tu te reposeras, ayant trop bu, avec des squilles grillées et des escargots Africains ; car, après le vin, la laitue surnage dans l’estomac irrité. C’est par le jambon, et mieux encore par des cervelas, qu’il doit être excité ; et, même, il préférera par-dessus tout ce qui sort bouillant des immondes tavernes.

Il est bon de bien connaître la nature de deux sauces. La sauce simple est faite d’huile douce à laquelle il convient de mêler du vin épais et de la saumure, mais aucune autre que celle qui a macéré dans l’orque Byzantienne. Dès que le tout a bouilli avec des herbes hachées et s’est reposé, saupoudré de safran Corycien, on l’arrose d’huile retirée par le pressoir des olives de Vénafrum.

Les fruits de Tibur le cèdent en saveur à ceux du Picénum, mais ils l’emportent par l’apparence. Il convient de mettre les raisins de Vénusia dans des pots de terre, mais tu conserveras mieux le raisin Albain à la fumée. J’ai le premier imaginé de servir ce raisin dans de beaux plats, autour de la table, avec des grenades, de la lie, une sardine saumurée, du poivre blanc et du sel noir. C’est un vice horrible de donner au marché trois mille sesterces pour entasser sur un plat étroit des poissons qui s’en échappent. Le dégoût soulève l’estomac, soit que l’esclave ait manié la coupe avec des doigts graisseux qu’il lèche furtivement, soit que la lie soit restée attachée à un vieux cratère. Achète-t-on si cher des balais, des torchons, de la sciure de bois ? C’est un grand tort de négliger cela. Ferais-tu rayer des mosaïques par une palme boueuse et mettre un tapis Tyrien sur des coussins qui n’ont point été lavés, oubliant que, ces choses exigeant moins de soins et de dépenses, cette négligence est plus justement blâmée que le manque de ce qui est réservé aux tables opulentes ?

horatius.

Docte Catius, je t’en supplie par les Dieux et l’amitié, souviens-toi de m’emmener en quelque endroit que ce soit, quand tu iras entendre ce sage ; car, bien que tu me rapportes avec une fidèle mémoire toutes ses leçons, cependant il ne me suffit pas que tu les interprètes. Ajoute le visage, la manière d’être de l’homme. Tu n’y attaches pas un grand prix, ayant été assez heureux pour l’avoir vu ; mais je n’ai pas un médiocre désir d’approcher moi-même de la source cachée et d’y puiser les préceptes de la vie heureuse !