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Six lectures sur l’annexion du Canada aux États-Unis/Quatrième Lecture

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QUATRIÈME LECTURE.



Messieurs de l’Institut,

Mesdames et Messieurs.


Il est une objection que les adversaires de l’annexion ne manquent jamais de nous faire, et derrière laquelle ils s’abritent, pour ainsi-dire, comme dans une position inattaquable. Je n’en ai pas encore rencontré un seul qui ne m’ait fait cette objection avec cet aplomb prétentieux que j’ai souvent observé chez ceux qui affirment ce qu’ils ignorent ; avec cette expression qui voulait dire : « Voyons, qu’avez-vous à répondre ? »

Eh bien, il ne me sera pas difficile de vous convaincre qu’ils ne sont pas plus heureux, là qu’ailleurs.

Nous avons vu que le capital total absorbé par les canaux et les chemins de fer Américains, était d’environ $520,000,000.

— Voyez, nous dit-on, n’est-ce pas énorme ? Et tout cela est du à l’Angleterre !

— Messieurs, il n’en est rien.

Les dettes réunies de tous les états particuliers qui ont une dette publique, se montent à $210,000,000, dont les deux tiers environ sont dus à des capitalistes Anglais, mais disons $150,000,000 : il y a donc $370,000,000 sur les canaux et les chemins de fer Américains qui sont propriété Américaine.

Les capitaux Anglais n’entrent donc dans leur construction que pour environ le quart des sommes qu’ils ont coûtées.

Pour mieux faire voir combien ces criailleries sur l’énormité des dettes des États-Unis, tant la dette fédérale que les dettes particulières, sont vaines et frivoles, je vais mettre en regard les engagements des États-Unis et leurs ressources.

Le montant total de la dette fédérale Américaine est d’environ $65,000,000.

À part les moyens ordinaires qui sont à la disposition de tous les gouvernements, le gouvernement fédéral possède dans les treize états suivants, l’Ohio, l’Indiana, l’Illinois, le Missouri, l’Alabama, le Mississipi, la Louisiane, le Michigan, l’Arkansas, le Wisconsin, l’Iowa, la Floride et la Californie, au-delà de $450,000,000 d’acres de terrain qui représentent une valeur d’au moins $600,000,000, c’est-à-dire, plus de neuf fois le montant de sa dette.

Ajoutez à cela la superficie des territoires qui contiennent environ un milliard d’acres, et vous conviendrez de suite que le gouvernement des États-Unis est, sans aucune comparaison, le gouvernement le plus riche qui soit au monde.

Passons maintenant aux dettes particulières.


Les dettes publiques des différent états forment une somme totale de
$210,000,000
Ces dettes sont été contractées pour faire marcher plus rapidement les travaux d’améliorations générales et sont en partie représentées aujourd’hui par la valeur en capital des travaux publics des différents états estimés d’après leur revenu annuel.
Or les travaux publics des différents états,[1]représentent, par le revenu annuel qu’ils produisent, une valeur de
$125,000,000
Balance contre eux
$85,000,000
Je ne mentionne que comme ressource éventuelle un capital de $28,000,000 qui est encore improductif.
Des $85,000,000 ci-dessus, Messieurs, il faut encore retrancher $35,000,000 qui forment le montant des dettes contingentes des différents états, montant qui se trouve compris dans les $210,000,000 ci-dessus.
Les dettes contingentes sont celles qui ont été contractées au moyen des cautionnements que les différents états ont donnés en faveur d’entreprises particulières.
Or l’intérêt de ces $35,000,000 leur étant remboursé par les compagnies dont ils sont cautions, les fonds des différents états n’en sont chargés que nominalement. Retranchant donc ces
$35,000,000

Il reste
$50,000,000
qui forment le surplus que les états particuliers doivent en sus

de la valeur des propriétés publiques actuellement productives qu’ils possèdent.

Mettons cette somme en regard de la valeur totale de la propriété, dans tous les États-Unis, et vous verrez combien elle est peu de chose.

La valeur totale de la propriété, dans les États-Unis est d’environ $5,520,000,000.

Les dettes absolues de tous les états particuliers forment un total de $175,000,000, c’est environ l/32me de la richesse, publique.

Pour le Canada, sa dette absolue et de $18,000,000, et la somme totale de sa richesse générale de 110,000,000 ; sa dette forme donc 1/6 de sa richesse

Mais si l’on ne prend que la somme que les différents états doivent en sus de ce qu’ils possèdent de propriétés productives, (nous avons vu que ce surplus était de $50,000,000) on verra que la balance contre eux ne forme que la 110me partie de leur richesse générale. Et c’est cette proportion ci qui est la vraie, car après avoir porté en compte contre les états particuliers un montant de dette quelconque, il faut bien porter en compte, à leur avoir, les valeurs qui balancent ou représentent leurs dettes en tout ou en partie.

Les propriétés publiques du Canada représentent aujourd’hui, par le revenu qu’elles donnent, un capital de $3,000,000 au plus : sa dette absolue est de $18,000,000 ; balance contre lui, $15,000,000 ou environ 1/7me de ses valeurs générales.

Je puis donc dire que la situation financière des États-Unis est à celle du Canada comme 110 est à 7.

La production du sol et la production manufacturière des deux Canadas ne peuvent pas être estimées à plus de $32,000,000 annuellement. L’excédant de leur dette $15,000,000 forme donc près de la moitié de leur production annuelle.

La production totale des États-Unis vaut environ $1,800,000,000 leur excédant de dette, $50,000,000 ne forme donc qu’1/36 de leur production annuelle.

L’excédant de la richesse publique, dans les États-Unis, sur les engagements nationaux est donc à peu près illimité.

Eh bien, nos habiles du Canada, nos gens pratiques, nos hommes positifs, nos intelligences sérieuses qui méprisent les théories et n’attachent d’importance qu’aux faits et aux chiffres, ne voient rien autre chose, dans les États-Unis, qu’une prospérité toute factice, toute artificielle, une richesse d’emprunt, et même mille indices différents de décadence prochaine.

Messieurs, ce sont les mêmes hommes qui admirent le gouvernement responsable ; vous pouvez juger du système par ceux qui le prônent ! !

Maintenant, comme on pourrait prétendre que les comparaisons que j’ai faites entre les rapports respectifs de la richesse et de la dette publique, tant en Canada qu’aux États-Unis, ne sont pas exactes, parce que j’ai réparti sur les États qui ont des dettes, la richesse publique de ceux qui n’en ont point, je vais prendre une autre base, et comparer notre situation financière avec celle de plusieurs états ; j’y inclus ceux dont le budget est le plus obéré.

Dette absolue. Capital productif
de l’état.
Balance en
sa faveur.
Tennessee, $ 3,400,000 $ 4,900,000 $ 1,500,000
Massachusetts, 1,000,000 3,000,000 2,000,000
Caroline du Sud, 2,300,000 5,000,000 2,700,000
New-York, 22,000,000 45,000,000 23,000,000

Voici maintenant plusieurs des états qui doivent plus qu’ils ne possèdent.

Propriété. Dette absolue. Capital productif de l’État. Balance contre lui. Proportion avec la richesse générale.
Ohio, $432,000,000 19,000,000 18,000,000 1,000,000
Kentucky, 300,000,000 4,500,000 3,500,000 1,000,000
Virginie, 530,000,000 9,400,000 7,400,000 2,000,000
Pennsylvanie, 600,000,000 40,000,000 32,000,000 8,000,000
Alabama, 192,000,000 8,500,000 3,500,000 5,000,000
Maryland, 140,000,000 10,000,000 5,000,000 5,000,000
Indiana, 138,000,000 6,000,000 cédé aux créanciers 6,000,000
Illinois, 117,000,000 16,000,000 7,000,000 9,000,000
Canada, 110,000,000 18,000,000 3,000,000 15,000,000

Vous voyez, Messieurs, par ce tableau, l°. que plusieurs états possèdent des propriétés publiques dont la valeur excède de beaucoup le montant de leur dette :

2°. Que pas un seul des états dont le capital en propriétés publiques ne représente pas la somme de leur dette, n’est aussi obéré que le Canada.

Tous les états qui ont des dettes ont pourvu à leur extinction au moyen de fonds d’amortissement considérables. Ainsi l’état de New-York verra sa dette actuelle s’éteindre en 1868, l’Illinois (quoiqu’elle soit, relativement, presqu’aussi considérable que la nôtre) en 1872 : le fonds d’amortissement du Maryland excède aujourd’hui $2,000,000, et augmente rapidement. Enfin, il n’est pas un seul des états particuliers qui ne soit en état, sans augmenter les taxes actuelles, d’éteindre sa dette dans les vingt années prochaines ; pouvons-nous en dire autant, en Canada ?

En résumé, Messieurs, le Canada doit en sus de ce qu’il possède, une somme presqu’équivalente à un septième de ce qu’il vaut en totalité.

« Eh bien, c’est une misère, dit la Minerve ! »

Les États-Unis doivent, en sus de ce qu’ils possèdent, un 110me seulement de ce qu’ils valent.

« Mais c’est énorme ! ! dit encore Minerve ! »

On a voulu batailler aussi sur ce qu’on est convenu d’appeler le système de répudiation : eh bien, on sait maintenant à quoi s’en tenir là-dessus. On sait que pas un seul des états particuliers n’a renié sa dette légitime.

Il y a bien eu pour quelques uns, impossibilité de faire face à leurs obligations, à leur échéance ; mais cela ne prouve rien contre la bonne foi publique de ces états. On avait compté sur les engagements contractés par les banques envers l’état, quand leurs chartes leur avaient été octroyées. Ces engagements étaient onéreux, les banques ne purent faire leurs versements, la conséquence fut que quelques états se trouvèrent sans moyens immédiats pour payer les intérêts de leur dette. On avait compté aussi sur le revenu des travaux publics, et dans certains cas, les faits n’ont pas réalisé les prévisions aussitôt qu’on l’avait espéré ! Cela prouve peut-être de l’imprudence, un manque de calcul, une trop grande confiance dans l’extension des affaires, dans le progrès général, mais cela ne prouve nullement qu’on ait fait brèche à l’honneur national.

Messieurs, il y avait de l’injustice dans les reproches amers qu’on a faits, en Europe, aux Américains ; et il me semble que si ceux-ci n’ont pas été assez ponctuels, les créanciers Européens n’ont pas, non plus, été assez raisonnables.

Que les Américains soient jusqu’à un certain point blâmables pour avoir manqué à leurs engagements, quant aux échéances, je l’admets ; mais la raison de l’intensité du cri d’indignation qui s’est élevé de l’autre côté de l’Atlantique existe principalement dans ce fait, qu’un grand nombre de détenteurs des obligations Américaines étaient de petits capitalistes qui avaient placé leur argent à 3 pour 100 dans les fonds Anglais, et qui, voyant les Américains offrir 6, 7 et même 8 pour 100, s’étaient empressés de vendre leurs créances contre le gouvernement impérial pour escompter les bons Américains.

Quand quelques uns des états se sont trouvés incapables de payer les intérêts, cela causa une gêne considérable chez la grande majorité des créanciers des États-Unis, car un grand nombre d’entr’eux avaient mis tout leur avoir dans les fonds Américains. Or ventre affamé n’a point d’oreilles ; et les meilleures raisons du monde ne font pas disparaître le besoin dans lequel le créancier se trouve. Le cri fut général, les agioteurs s’en mêlèrent, crièrent à la répudiation, à la banqueroute, déprécièrent autant que possible les obligations Américaines afin de les acheter à de forts escomptes ; les petits capitalistes se laissèrent prendre au piège et échangèrent les meilleures obligations du monde contre des sommes modiques ; les grands capitalistes réalisèrent des bénéfices énormes, et la responsabilité des maux, de la détresse dont leur avidité avait été la cause principale, retomba sur les États-Unis seulement.

Ceux des états qui avaient manqué à leurs engagements, n’avaient d’autre alternative que de se taxer pour les remplir, en attendant que leurs travaux publics devinssent productifs. Ils ne reculèrent pas devant ce devoir, mais avant que les législatures se fussent assemblées, avant que les plans de taxation eussent été proposés, examinés, adoptés ; avant que le produit des taxes eût été versé dans les coffres publics, et transmis en Europe, il s’écoula quelquefois bien des mois et même jusqu’à deux ou trois années ; et pendant tout ce temps, rien n’était plus facile que de persuader aux créanciers des États-Unis qu’on ne faisait rien et qu’on ne voulait pas payer. C’est aussi ce que firent les agioteurs.

Néanmoins vous avez vu l’Indiana abandonner ses travaux publics à ses créanciers pour payer une partie de sa dette, et se taxer pour faire honneur au reste : vous avez vu le Maryland et l’Illinois se taxer aussi pour payer les intérêts de leur dette, et créer des fonds d’amortissement considérables : enfin aujourd’hui le crédit public est excellent, et d’ailleurs les États-Unis sont assez riches pour n’avoir plus besoin d’aller emprunter ailleurs.

Dans le mois de juillet dernier l’emprunt pour l’agrandissement du canal de l’Érié a été ouvert à New-York ; on avait besoin de $2,500,000. La somme a été complétée en quelques heures, et des offres avaient été faites pour plus de $7,000,000

Non, rien ne justifie la susceptibilité des peuples Européens vis-à-vis des États-Unis. L’Angleterre et la France aussi ont eu leurs crises commerciales, leurs gênes monétaires, leurs détresses publiques. La banque de Law a ruiné des milliers de familles. Les faillites de deux cent quarante banques, en Angleterre, en 1815 et 1816 ont causé des pertes immenses, des banqueroutes sans nombre, des souffrances infinies. D’ailleurs qu’est-ce aujourd’hui que la dette publique de l’Angleterre, sinon une banqueroute par consentement mutuel ? Qu’est-ce que le tiers consolidé, en France, sinon la preuve de deux autres tiers déconsolidés ?

D’ailleurs, Messieurs, sont-ce les habitants du Canada qui peuvent s’arroger le droit de jeter la pierre aux Américains à propos de leurs dettes publiques ? Nous sied-il bien de leur reprocher des folies quand notre dette est proportionnellement dix fois plus onéreuse que la leur ?

Les Américains ont employé utilement au moins les sommes qu’ils ont empruntées : nous, nous avons gaspillé le quart de celles que nous devons.

Ainsi, £75,000 ont été engloutis dans le lac St. Pierre, malgré les remontrances de tous les hommes spéciaux qui naviguaient sur le St. Laurent depuis vingt ans ; là on a fait une perte totale, car on s’est entêté non seulement contre le simple bon-sens, mais contre la nature elle-même.

Ainsi encore on a dépensé plus de £900, 000 pour l’élargissement du canal de Welland quand le coût probable de cet ouvrage avait été porté à £450, 000 seulement dans un mémoire en date du 12 Août 1841, soumis au Gouverneur-Général.

Enfin on a dépensé £515, 000 sur le canal de Cornwall, quoique l’estimation des dépenses probables de construction n’eût-été portée qu’à £192, 000, dans un rapport de Mr. Killaly daté d’Avril 1846.

Il en est de même pour le canal de Beauharnais qui a coûté £532, 000 : là aussi on a excédé de moitié les estimés originaires.

Je ne parle pas d’un grand nombre d’items moins importants, mais qui, réunis, forment encore une somme assez ronde.

Voilà bien du gaspillage ; et néanmoins ceux que nous pouvons tous montrer du doigt comme en étant les auteurs, remplissent aujourd’hui les plus hautes charges du gouvernement.

Maintenant Messieurs, examinons combien il en coûte aux États-Unis pour gouverner 23, 000, 000 d’hommes et combien il en coûte, en Canada, pour en gouverner 1, 600, 000.

Les dépenses propres du gouvernement de l’état de New-York se montent pour 1849 à $670, 000. Cette somme répartie sur une population de 3, 100, 000 âmes, donne une moyenne de 26 cents par tête ou environ 1 sheling 4 deniers.

Les dépenses propres du gouvernement du Canada se montent pour 1849 à $1, 150, 000 ou, en moyenne, à trois shelings sept deniers par tête.

L’habitant du Canada paie donc pour se faire gouverner, trois fois plus que celui de l’état de New-York, pour se gouverner lui-même.

Maintenant nous avons vu précédemment que la moyenne, par tête, de la richesse publique en Canada, était de $69 pendant que dans l’état de New-York elle est de $235 : l’habitant de l’état de New-York est donc près de quatre fois plus riche que celui du Canada.

Eh bien il est quatre fois plus riche et il paie son gouvernement trois fois moins cher que ce dernier ; notre fardeau est donc, relativement, douze fois plus lourd que le sien.

Voilà, Messieurs, l’état de choses que les ministres actuels et leurs amis, dans leur protêt contre le manifeste annexionniste, ont osé déclarer satisfaisant ! !

Si on prend le coût total de tous les gouvernements particuliers pour 1849, $5,250,000, on a une moyenne de 23 cents par tête, ou ls. 2d.

Si on ajoute à cela les dépenses propres du gouvernement fédéral, on aura un total de $11,000,000, ou 2s. 4d. de notre monnaie par tête. Ce n’est encore que les deux tiers de ce que le gouvernement responsable nous coûte.

Voyons maintenant quelles sont dans chaque pays les dépenses totales, y compris l’intérêt des dettes publiques.

Les dépenses totales du gouvernement des Canadas pour l’année 1850 ont été d’environ $2,500,000.

Je retranche $300,000 pour le produit des travaux publics et le revenu casuel et territorial, ce qui laisse une somme de $2,200,000 prélevée sur le peuple de la province. Cette somme répartie sur une population de 1,600,000 âmes donne une moyenne de dépense de 7s. par tête.


Les dépenses totales du gouvernement fédéral en 1850 se sont montées à 
$43,000,000
Je retranche une somme de 
$16,000,000
parce qu’elle été employée exclusivement à faire face aux besoins créés par la guerre du Mexique, ce qui ramène le budget normal à 
$27,000,000
Je retranche encore 
$3,000,000

qui forment à peu près l’intérêt de la dette publique fédérale. La vente des terres publiques paie au-delà de l’intérêt de cette dette, le peuple n’est conséquemment pas taxé pour cet item. Voilà donc une somme de 
$24,000,000
prélevée sur le peuple Américain pour les dépenses ordinaires du gouvernement fédéral 
À ces $24,000,000 il faut ajouter 
$5,000,000
qui coûtent les gouvernements particuliers, puis qui forment l’intérêt que les différents états ont à payer annuellement sur l’excédant de leurs dettes publiques 
$3,000,000
Total 
$32,000,000
qui forment, pour 1850, le montant prélevé sur le peuple Américain

pour les dépenses gouvernementales ordinaires et l’intérêt des dettes publiques locales.

Or $32,000,000 répartis sur une population de 23,000,000 d’âmes donnent une moyenne de dépense de sept shelings de notre monnaie par tête.

Ainsi, Messieurs, l’habitant des États-Unis paie annuellement, pour l’intérêt des dettes publiques locales, les dépenses des gouvernements particuliers, et celles du gouvernement fédéral, avec son armée, sa marine, ses relations étrangères, précisément la même somme que l’habitant du Canada pour l’intérêt de la dette publique et les dépenses d’administration intérieure ; et pourtant le Canada n’a ni armée, ni marine, ni relations étrangères !  !

Eh bien, Messieurs, ne payons nous pas un peu trop cher l’avantage d’appartenir à cet empire sur lequel le soleil ne se couche jamais ?

Je vais résumer en quelques chiffres tout ce que je viens de dire.

    1     Dépenses
propres du
gouv. fédé.
      Moyenne
par tête
  Dépen. des
gouv. loc.
L’habitant des États-Unis possède $240 il paie : £0 2 4
          Dépenses
propres du
gouv. loc.
do Et de N.Y. do 235 do £0 1 4
do Canada do 69 do 0 3 7
    2      
États-Unis Dettes particulières — gouverne-
mens locaux — gouvernement fé-
déral — relations étrangères — ar-
mée — marine.
£0 7 0
Canada Dette publique — administ. intér. 0 7 0
3

Apprécions maintenant les dépenses publiques, dans les deux pays, d’après la valeur de la propriété.

Propriété. Dépenses du ta-
bleau précédent.
Proportion
avec la val.
de la propriété
États-Unis, $5,520,000,000 32,000,000
Canada, 110,000,000 2,200,000

Voila, Messieurs, comment l’Union et le gouvernement responsable nous procurent une administration aussi économique, assurent tout autant notre prospérité, ménagent autant nos ressources que le feraient les institutions Américaines ! !

Maintenant, remarquez s’il vous plait, que l’Américain sait que la dette dont il paie l’intérêt diminue considérablement chaque année, pendant que le Canadien n’a pas d’autre perspective que de voir celle de son pays s’augmenter encore.

Enfin, au risque de vous ennuyer, Messieurs, mais ces questions sont tellement importantes qu’on ne peut pas trop les approfondir, je vais ajouter aux dépenses des deux tableaux précédents, les sommes qui doivent être payées cette année, par le gouvernement fédéral, pour l’intérêt de la dette publique fédérale, les remboursements sur son capital, et pour les besoins extraordinaires créés par la guerre du Mexique. Je prends le budget probable de 1851 parce qu’il est plus élevé de quelques millions que celui de 1850.


Nous avions tout-à-l’heure un total de dépense de 
$32,000,000
Il faut y ajouter 
28,000,000

Total 
60,000,000


Cette somme, Messieurs, répartie sur la population donne une moyenne de treize shelings de notre monnaie par tête, mais répartie d’après la valeur totale de la propriété, dans les États-Unis, elle ne donne qu’une proportion de 
Pour le Canada ses dépenses totales en 1850, y compris les £150,000 ajoutés au fonds d’amortissement forment une somme de $3,080,000, qui donne, sur la valeur totale de la propriété une proportion de 

Vous voyez, Messieurs, que le peuple Américain est beaucoup moins taxé que nous en réalité. Et en cas qu’on ne veuille me chicaner sur les taxes municipales et celles pour l’éducation, je vais ajouter celles-ci aux autres.

États-Unis, taxes gouvernementales, municipales, scolaires 
Canada, taxes gouvernementales, municipales, scolaires 

Et remarquez que dans le Bas-Canada, les taxes municipales ne sont presque rien.

Il est évident maintenant que la prétention émise par les journaux ministériels, que nous étions moins taxés que les Américains, vient de la base erronée qu’ils ont adoptée.

L’un d’entr’eux a pris le chiffre total des dépenses publiques des États-Unis ; s’est bien donné garde de voir que le peuple Américain n’était pas taxé pour faire face au trois quarts des intérêts des dettes particulières ; a présenté, comme dépenses permanentes, certains items extraordinaires, dus à des circonstances qui ne se présentent pas une fois en trente ans ; a réparti le total de la somme qu’il a lue sans la comprendre, sur la population des États-Unis, et est venu triomphalement apprendre a ses confrères que le peuple Américain était trois fois plus taxé que nous. Or comme l’abnégation de sa propre intelligence est la vertu cardinale de tout journaliste ministériel ; et que, quand le chef de file a parlé, les autres n’ont plus qu’à mouvoir la nuque par ordre de préséance, tous les confrères ont répété par cœur ce que le chef du troupeau avait cru découvrir, et on a réussi à créer une fausse impression chez beaucoup de personnes.

Or, Messieurs, vous comprendrez facilement que le mode de répartir les dépenses publiques d’un pays sur sa population et non sur la valeur de la propriété, doit être la source d’erreurs très graves, si on compare les charges de ce pays avec celles d’un autre pays, à moins que la richesse générale ne soit relativement la même dans tous les deux.

Voilà l’explication de l’erreur grossière qu’on a faite quand on a dit que les Américains étaient plus chargés de taxes que nous ne le sommes puisque chaque individu, dans les États-Unis, payait en totalité près du double de ce que chaque individu paie en Canada.

Cette assertion serait vraie si les Américains n’étaient pas plus riches que nous : mais comme ils le sont quatre fois plus, et qu’ils paient, par tête en moyenne, moins du double de ce que nous payons, il est évident que, relativement à leurs ressources, ils sont une fois moins chargés.

Cette différence sera plus frappante encore, si on établit la même comparaison entre la Grande-Bretagne et le Canada.

Les dépenses du gouvernement Anglais pour 1850 se montent à un peu plus de $50,000,000 sterling. Cette somme, répartie sur la population des Îles Britanniques donne une moyenne de dépense, par tête, de £2, 7s, de notre monnaie, celles du Canada sont par tête, de £0, 7s, de notre monnaie

Vous voyez qu’en adoptant ce mode de répartition, le Canadien parait avoir un immense avantage sur l’Anglais, en les supposant également riches ; mais par malheur, c’est précisément cette supposition qui n’est pas fondée.


Le Canadien qui paie £0 7s, possède en moyenne, £ 17 5s,
L’Anglais qui paie £2 7s, possède en moyenne, £167 0s,
Il peut donc payer £2 7s, plus facilement que le
Canadien ne peut payer £0 7s,


Voilà pourquoi, si on répartit les dépenses du gouvernement Anglais sur la valeur de la propriété, elle se trouve beaucoup moins chargée en Angleterre qu’en Canada.

Propriété Dép. tôt :
1850.
Proport. avec
la rich. gén.
Angleterre, £3,600,000,000 stg. £50,000,000 stg.
Canada, 22,150,000 stg. 628,000 stg.


Maintenant, Messieurs, je vous le demande, lequel d’entre vous soupçonnait seulement, que la propriété, en Canada, fût en réalité, deux fois plus chargée, pour les dépenses du gouvernement, que la propriété en Angleterre ? Quand à moi, je l’avoue, je m’attendais si peu à ce résultat que j’ai refait plusieurs fois mes calculs avant de me convaincre que je ne me trompais pas.

Voilà, en définitive, où nous en sommes arrivés, avec l’Union et le gouvernement responsable.

Messieurs, les membres de l’Assemblée qui ont publiquement déclaré que le Canada n’avait rien à envier aux États-Unis connaissaient-ils l’état de choses que je viens de retracer ? S’ils le connaissaient que devient leur honneur ? S’ils ne le connaissaient pas, ils ne savaient donc rien de ce qu’ils étaient obligés de savoir ! Dans ce dernier cas, que vaut leur opinion sur l’état du pays ?

Et puis, Messieurs, quand même il serait vrai que les charges publiques fussent plus fortes aux États-Unis qu’en Canada, qu’est-ce que cela prouverait ?

Tout au plus que le peuple Américain ne craint pas que le revenu public soit dissipé, gaspillé, comme le nôtre l’a été !

Il ne craint pas d’être taxé parce qu’il a un véritable contrôle, et surtout un contrôle annuel, sur les administrateurs de la fortune publique de chaque état. Il n’est pas, comme ici, obligé d’attendre quatre années pour chasser un homme qui le trahit, parce qu’une place est là qui lui miroite aux yeux.

La majorité de chaque législature représente réellement l’opinion du peuple de chaque état. De plus ce peuple est assez instruit pour surveiller exactement ses mandataires, et pour savoir au juste ce qu’il paie et quel emploi on fait de son argent. Il n’est pas exposé à être trompé comme le peuple de ce pays-ci l’est tous les jours. Il sait que les frais d’administration n’absorbent pas, comme ici, plus de la moitié du revenu public. Il voit, tous les jours, le produit des taxes qu’il paie employé avec intelligence ; il sent qu’elles lui sont profitables parce qu’on lui rend en améliorations utiles, productives, la valeur de l’argent qu’il donne.

Voilà pourquoi il ne les regarde pas comme un fardeau.

En peut-on dire autant du peuple du Canada, Messieurs ?

Pour le Haut-Canada, qui a tout englouti, je sais qu’il est content.[2] Mais qu’a-t-on donné au Bas-Canada en échange des sommes qu’on a empruntées sur son crédit seul, car à l’époque de l’Union, le Haut-Canada était, de fait, en banqueroute ? Des chemins dans le Haut-Canada — un chenal impraticable et inachevé dans le lac St. Pierre — et des canaux magnifiques qui relativement ne produisent presque rien.

C’est à cause de ces folies que nos dépenses publiques sont plus fortes aujourd’hui, relativement, que celles d’aucun autre peuple.

Néanmoins, comme il n’existe pas, en Canada, de taxes directes pour le soutien du gouvernement, le peuple de ce pays en est encore à s’imaginer qu’il n’est pas taxé.

Le système des taxes indirectes, le plus commode peut-être quand il fonctionne sous la direction d’hommes habiles, honnêtes, — ou au moins exactement surveillés par un peuple éclairé, — peut devenir extrêmement dangereux, dans les pays où une oligarchie domine.

Il est vrai que le peuple ressent moins le fardeau des taxes indirectes ; d’ailleurs il a, pour ainsi-dire, le choix de ne les pas payer : mais aussi, comme il ne se rend pas exactement compte de ce qu’il paie, il ne s’alarme pas beaucoup de leur augmentation.

Ce système est dangereux parce qu’en général le peuple n’a pas la compréhension de ses résultats ordinaires, et que des gouvernants malhonnêtes ou incapables peuvent, pour ainsi-dire, les augmenter indéfiniment.

Si l’Angleterre n’avait eu à payer que des taxes directes, sa dette publique ne serait peut-être pas si énorme aujourd’hui : son gouvernement n’aurait peut-être pas osé soudoyer à plaisir les nations ennemies de la France : elle n’en serait peut-être pas arrivée à payer annuellement, pour l’intérêt de sa dette publique, environ $130,000,000, c’est-à-dire, le double du capital de la dette fédérale Américaine.

C’est sans doute quelque chose que le peuple ressente très peu le fardeau des taxes indirectes ; mais aussi la contrepartie est qu’elles donnent aux gouvernements la plus grande latitude pour dissiper, sans nécessité comme sans profit, le revenu public.

Je n’entends pas soutenir que le système des taxes directes soit certainement le meilleur ; c’est une question controversée aujourd’hui et qu’il ne m’appartient pas de décider, mais il n’est peut-être pas inutile d’indiquer l’inconvénient le plus ordinaire du système opposé, inconvénient qui se fait fortement sentir, aujourd’hui, en Canada.

Ainsi, si en Canada, on n’avait eu que des taxes directes à payer, n’est-il pas au moins très probable que les hommes qui n’ont pas voulu s’opposer à l’Union quand il en était encore temps, et qui, tout en parlant contre en public, s’entendaient avec les libéraux du Haut-Canada pour la faire imposer au pays ; n’est-il pas très probable dis-je, que les chefs du parti libéral qui, en 1841, étaient tout aussi intrigants qu’ils le sont aujourd’hui, y auraient regardé à deux fois avant d’accepter l’Union et de sanctionner par conséquent les extravagances du Haut-Canada ?

Si nous n’avions eu à payer que des taxes directes, nos députés n’auraient peut-être jamais consenti à laisser tranquillement le Haut-Canada faire sa part si grosse et la nôtre si petite, engloutir les quatre cinquièmes du produit des emprunts et les deux tiers du revenu public !

Si à chacune des folies Haut-Canadiennes, il avait fallu demander directement au peuple du Bas-Canada, une augmentation des taxes de l’année précédente, le système des votes de confiance, mendiés à propos de tout, même à propos de leur lâcheté, par nos ministres, et accordés avec une si déplorable facilité par la chambre et même par la population du pays, serait mort depuis longtemps !

Sous un système de taxes directes, les représentants du Bas-Canada n’auraient peut-être pas laissé percer tant d’indifférence sur l’augmentation effrayante de la dette publique ! Mais avec des taxes indirectes, pourquoi de la rigidité ! Le peuple ne sait pas ce qu’il paie, ne s’aperçoit pas qu’on le pille, pourquoi le lui apprendre ? ne vaut-il pas bien mieux que les ministres et leurs fidèles en profitent ? Un vote de confiance n’est-il pas bien plus agréable au ministère et conséquemment bien plus utile au pays qu’une réduction dans les salaires, ou une économie sur le budget ?

Aussi, voyez ce bon peuple du Canada, comme il dort tranquille, depuis dix ans, sur la foi de ses pilotes ! comme il ne se doute pas qu’il doit déjà $18,000,000, c’est-à-dire environ onze piastres par tête, ou environ quatre-vingt-dix piastres par chaque propriétaire ! Qu’est-ce que cette misère pour refuser sa confiance aux hommes qui lui ont fait cette enviable position ?[3]

Voilà le grand danger des taxes indirectes, Messieurs, le peuple ne se réveille souvent que quand le mal est sans remède !

Si les habitants de ce pays avaient été assez instruits pour se mettre au courant des affaires publiques, ou bien s’ils avaient été taxés directement, peu leur eût importé que tel ou tel de leurs prétendus amis fût casé et cotté sur la liste civile, à six mille piastres de salaire annuel, — somme assez ronde pour un pays où on est très riche avec mille louis de revenu — peu leur eût importé que tel ou tel prétendu libéral pût se donner la gloriole si pleine de bon goût de leur faire dire par ses journaux : « Je suis au pouvoir, soyez contents et satisfaits » ce qu’il aurait exigé, sous peine de déchéance morale, c’eut été un équivalent pour les sommes qu’on lui a fait payer !

Cet équivalent, Messieurs, il ne l’a jamais eu ; et il ne l’aura jamais tant qu’il ne jouira pas du système électif dans toute sa vérité ; du système électif tel qu’il est constitué dans les États-Unis : il ne l’aura probablement jamais tant qu’il aura foi dans notre gouvernement responsable et dans ceux qui le prônent ; il ne l’aura probablement jamais tant que l’Angleterre sera là pour acheter avec des salaires ceux qu’il croit être ses défenseurs : il ne l’aura probablement jamais tant que l’annexion aux États-Unis ne sera pas venue lui donner la pleine compréhension de ses droits, des obligations de ses mandataires et des devoirs de ces officiers publics qui se croient dictateurs parce qu’on les appelle « les ministres ; » tant que l’annexion enfin ne sera pas venue donner une valeur réelle à tous ces travaux publics, tous ces canaux au fond desquels dorment paisiblement les millions qu’ils ont coûtés !

— Mais une fois l’annexion obtenue, disent nos adversaires, et c’est là leur principale objection, une fois l’annexion obtenue, le Canada perdra tout le revenu actuel de ses douanes c’est-à-dire, environ £4 ou 500,000 annuellement, qui appartiendront au gouvernement fédéral.

Ici, Messieurs, il faut faire une distinction.

D’abord, le produit des douanes sera-t-il aussi considérable après l’annexion qu’il l’est aujourd’hui ? Non, Messieurs, il subira tout-à-la-fois de grandes modifications et une grande diminution. Ensuite le revenu des douanes sera-t-il perdu pour le pays parce qu’après l’annexion on n’en fera plus le même emploi qu’aujourd’hui ? il ne faut pas ainsi abuser des mots.

Il est bien vrai que ce ne sera plus avec le produit des douanes qu’on défraiera les dépenses du gouvernement local, mais là n’est pas la question principale. Il ne s’agit pas seulement de savoir si sa destination sera changée, mais bien de savoir s’il sera plus utilement employé qu’il ne l’est aujourd’hui ; si les institutions qu’il sera destiné à faire fonctionner vaudront mieux que celles que nous possédons maintenant.

Or Messieurs, pour celui qui regarde la pleine liberté politique comme le plus grand de tous les biens pour sa patrie, et l’état colonial comme une cause infaillible, invariable de mécontentement, de malaise, d’infériorité ; pour celui qui sait apprécier la différence qu’il y a entre l’entière liberté d’action et la dépendance ; pour celui qui tient le moins du monde à voir son pays prendre rang parmi les nations et cesser d’être une fraction politique ; pour celui qui désire voir son pays jouir de ce que tout individu regarde comme son droit le plus imprescriptible, son bien le plus précieux, le libre arbitre moral ; pour celui enfin qui n’a pas fermé son intelligence et son cœur à tout sentiment de dignité nationale et personnelle, peut-il y avoir doute sur l’immense supériorité des institutions Américaines sur l’absurde organisation politique que l’on nous a imposée ? Peut-t-il y avoir, chez tous ceux qui ne sont pas payés pour le nier, la moindre hésitation à croire, que consacrer au soutien du gouvernement fédéral Américain, — celui de tous les gouvernements constitués aujourd’hui sur la surface du globe, qui a opéré les plus magnifiques résultats, — la moitié des sommes que notre gouvernement responsable absorbe chaque année, peut-il y avoir, dis-je, la moindre hésitation à croire qu’elles seraient mille fois mieux employées ? Enfin payer pour être libres la moitié de ce que nous payons maintenant pour être colons, et voir en même temps notre richesse publique doubler par le seul fait de la transition, n’y a-t-il pas là quelque chose d’assez flatteur pour un peuple qui a toujours été exploité au profit d’une oligarchie ?

Voilà, me direz-vous, des prévisions qu’il faut appuyer sur quelque chose de tangible, c’est ce que je vais essayer de faire. Je crois pouvoir prouver que la perte du revenu des douanes pour le gouvernement local sera beaucoup plus que compensée par l’augmentation du revenu des travaux publics ; par la diminution inévitable des douanes : par l’abolition complète des douanes américaines actuelles, auxquelles nous payons des sommes considérables chaque année ; par l’augmentation surtout de la valeur de la propriété qui sera doublée, peut-être même triplée par le seul fait de l’annexion enfin par la création de notre industrie intérieure qui est encore dans l’enfance et que le régime colonial étouffe.

Les importations du Canada, pour 1849, représentent une valeur de $12,000,000.

Elles se répartissent ainsi :


Anglet : Colonies, pays étrang : États-Unis.
Articles libres. Payant des droits. Articles libres. Payant des droits.
$200,000 $7,000,000 $900,000 $4,100,000
Droits payés, 920,000 …… 860,000


Nos importations des États-Unis représentent donc une proportion de 42 pour 100 sur le total, et celles d’Angleterre et des autres pays une proportion de 58 pour 100.

Proportion des importations venant des États-Unis en 
1846 20 pour 100
" 1847 25 pour 100
" 1848 34 pour 100
" 1849 39 pour 100
" 1850 44 pour 100


Vous voyez, Messieurs, combien nos affaires commerciales avec les États-Unis ont pris d’accroissement depuis cinq ans, et il est certain que cette progression va continuer encore.

Or si les restrictions qui pèsent aujourd’hui sur nos relations commerciales avec les États-Unis n’ont pas pu empêcher celles-ci d’augmenter dans une proportion si notable, cela n’est-il pas un indice, ou plutôt une preuve que l’abolition de toute restriction les fera doubler de suite ? Cela ne prouve-t-il pas que, commercialement, les États-Unis sont nos fournisseurs naturels ; que notre commerce est aujourd’hui détourné de sa vie normale ; que nos intérêts n’ont pas été compris, ont été sacrifiés, par l’Angleterre et par nous-mêmes ?


Nous avons payé en 1849 sur les importations venant des États-Unis 
$860,000

Dans cette somme les objets de production domestique Américaine entrent pour 
$480,000
Ceux de production étrangère pour 
$380,000
Si le Canada eût été annexé aux États-Unis, les $480,000 ci-dessus n’auraient évidemment pas été payées au gouvernement fédéral.
Sur les $380,000 payées sur les importations venues des États-Unis, mais qui sont de production étrangère, nous aurions épargné 
$160,000
que nous avons payées à notre gouvernement pour droits de douanes sur le thé et le café, car aux États-Unis, ces articles sont francs de droits.
Enfin nous aurions épargné sur les sucres, les mélasses, les vins, environ 
$140,000

Total 
$780,000

Nous avons de plus payé $920,000 sur nos importations venant d’Angleterre, des colonies et des pays étrangers. Ces importations représentaient une valeur d’environ $7,000,000. Si nous n’eussions pas été une colonie Anglaise, nous aurions très probablement importé la moitié de cette valeur des États-Unis, et conséquemment nous aurions épargné les droits que nous avons payés à notre gouvernement sur la moitié de ces $7,000,000.

D’un autre côté, les droits américains sur les étoffes de laine et de coton, les fers, les liqueurs alcooliques étant plus forts que les droits canadiens, nous aurions payé au gouvernement fédéral sur ces articles qu’il nous aurait toujours fallu acheter en grande partie en Angleterre, une somme environ double de celle que nous avons payée à notre gouvernement : ainsi l’économie que nous aurions probablement faite sur la moitié des objets que nous avons importés d’Angleterre aurait peut-être été couverte par l’excédant de droits que nous aurions eu à payer sur l’autre moitié, qu’il fallait, dans tous les cas, faire venir d’Angleterre.

Je vais donc admettre que sur les étoffes de laine et de coton, les fers, les liqueurs fortes, les huiles et quelques autres articles, nous aurions probablement payé au gouvernement fédéral une somme équivalente à celle que nous avons payée au nôtre sur toutes nos importations venant d’Angleterre et des colonies ; l’admission doit satisfaire les plus exigeants : eh bien, le pays aurait encore, dans tous les cas épargné les $780,000 qu’il a payées sur les importations venant des États-Unis.

J’ai vu, dans le Merchant’s Magazine de New-York, un état comparatif, tiré d’un journal de Montréal, par lequel on prétendait prouver que si le Canada eût été annexé aux États-Unis en 1849, nous aurions payé sur nos importations totales de la même année £800,000 au lieu de £455,000. Cet état est évidemment erroné, et cela est du, je pense à la supposition que l’auteur me parait avoir faite, qu’après l’annexion, nous continuerions à importer nos articles de consommation des mêmes pays d’où nous les faisons venir aujourd’hui.

Or Messieurs, il n’y a pas de doute que l’annexion donnera une nouvelle direction à notre commerce, et que nous achèterons aux États-Unis une grande partie des objets que nous achetons maintenant ailleurs.

Après l’annexion, il y aura pleine et entière liberté de commerce entre les États-Unis et le Canada. Nous ne paierons donc de droits que sur les articles qui ne se fabriquent pas aux États-Unis, ou sur ceux dont le prix de fabrication, y est tellement plus élevé qu’ailleurs qu’il vaudrait mieux, malgré les droits, les importer des autres pays. Or le nombre de ces articles est comparativement petit.

Ainsi il est bien vrai que si, après l’annexion, nous n’achetions presque rien aux États-Unis, et presque tout ce dont nous avons besoin en Angleterre ou ailleurs, nous paierions des sommes plus considérables au gouvernement fédéral que celles que nous payons maintenant à notre gouvernement colonial ; mais voilà précisément ce qui n’aura pas lieu.

Si aujourd’hui nous n’achetions rien des États-Unis, je m’expliquerais les alarmes des partisans du statu-quo ; alarmes hypocrites, alarmes dictées par l’ignorance ou l’intérêt. Mais quand on voit dès à présent nos importations venant des États-Unis balancer à peu près celles venant d’Angleterre, malgré la différence des droits qui est toute contre les États-Unis sur les produits manufacturés, cela me paraît être la preuve la plus irréfragable qu’une fois la pleine liberté de commerce établie définitivement entre les États-Unis et le Canada, nos relations commerciales avec ceux-là prendront un accroissement considérable..

Or il est une chose certaine, c’est que plus, après l’annexion, nos achats aux États-Unis seront considérables, moins nous aurons à payer pour le soutien du gouvernement fédéral.

Et puis pourquoi donc tant appuyer sur ce fait, ou plutôt cette nécessité ou nous serons, de payer une certaine somme au gouvernement fédéral ? Est-ce donc que nous ne lui payons rien aujourd’hui ?

Ne savez-vous pas tous, Messieurs, que tous les ans, nous payons au gouvernement fédéral, sur nos exportations aux États-Unis, une somme à peu près aussi forte que celle que nous lui paierons après l’annexion sur nos importations de l’étranger ?

Messieurs, dix-sept ou dix-huit des états de la confédération Américaine paient annuellement, pour le soutien du gouvernement fédéral, use somme moindre que celle qu’il perçoit sur les exportations du Canada !

C’est-à-dire que nous payons à l’intérieur, parce que nous sommes colons Anglais, le double de ce que nous paierions si nous étions citoyens Américains, et qu’à l’extérieur nous payons au gouvernement Américain des sommes considérables parce que nous n’avons pas voulu être des citoyens Américains.

Partout ailleurs on aime mieux payer davantage et être libre : en Canada on préfère payer davantage et ne pas l’être.



La valeur de nos exportations aux États-Unis en 1849, d’après les renseignements donnés par les employés du département des douanes, aux États-Unis, est porté à une somme de 
$3,439,000
Mais ces renseignements sont peu complets et ne donnent guères que les trois quarts de la valeur réelle de nos exportations aux États-Unis. Ainsi on peut ajouter à cette somme 20 pour 100 
$ 686,000

Total 
$4,116,000

Sur cette valeur, le gouvernement fédéral a prélevé 20 pour 100 ou $823,000, qui, avec l’annexion, seraient restées au producteur Canadien.

Ainsi en ajoutant à ces 
$ 823,000
la somme que nous avons payée à notre gouvernement pour nos importations des États-Unis 
$ 780,000

Nous aurons une somme totale de 
$1,603,000
que l’annexion eût épargné au pays 


Pour 1850, comme nos exportations aux États-Unis ont excédé de près de $2,000,000 celles de 1849, l’épargne totale, avec l’annexion aurait été de près de $2,000,000

Eh bien, Messieurs, le bonheur d’appartenir à un autre peuple ; le bonheur de n’exécuter nos volontés que si on veut bien nous le permettre ; l’honneur d’être les sujets d’une femme valent-ils cette somme.

Le gouvernement responsable vaut-il plus d’un million et demi chaque année ?

Avec la moitié de cette somme, si nous étions indépendants, nous ferions face à toutes les dépenses propres de notre gouvernement local ! Le pays ferait un bénéfice clair de près d’un million, seulement sur ses charges publiques annuelles !

Mais je ne vous ai pas cité qu’une partie de ce que l’état colonial nous fait perdre.

Voyons maintenant quel est son effet sur la production du pays.

La production agricole des deux Canadas peut-être estimée à environ $24,000,000.

Ce genre de produits étant frappé aux États-Unis, d’un droit de 20 pour 100, il est clair que toute notre production agricole vaut 200 pour 100 de moins qu’elle ne vaudrait si ce droit n’existait pas, car c’est le prix qu’on en obtient pour l’exportation qui, dans les circonstances ordinaires, règle sa valeur à l’intérieur.

Afin de ne rien exagérer, j’admets que si nos céréales n’étaient pas frappées de ce droit de 20 pour 100, elles ne vaudraient que 10 pour 100 de plus qu’elles ne valent aujourd’hui.

10 pour 100 sur une valeur de $24,000,000 donneraient un surplus de 
$2,400,000
que le producteur canadien perd chaque année.
Sur l’exportation de ses bois (je n’inclus pas ici ce que nous avons exporté aux États-Unis) le pays a encore perdu au moins 10 pour 100. Or 10 pour 100 sur une exportation de $4,000,000 auraient produit une somme de 
$ 400,000

Sur que le pays a perdue 
Total $2,800,000

Voilà donc, Messieurs, une perte de plus de $8,000,000 que le pays a faite depuis trois ans sur sa production seulement et qu’il n’eût certainement pas faite, s’il avait été annexé aux États-Unis. Il est vrai, qu’en échange, nous avons eu trois canadiens dans le ministère.

Eh bien, en dépit de ces faits si concluants, nous avons vu, il y a à peine un an, un rédacteur de journal, membre de l’Assemblée, qui savait comme nous que nos produits agricoles et nos bois valaient moins, sous l’état de choses actuel, qu’ils ne vaudraient après l’annexion, demander ironiquement si l’annexion donnerait des capitaux au pays ! ! Et pourtant ce même personnage regrette aujourd’hui que le ministère ait eu aussi peu de succès dans sa tentative pour obtenir la réciprocité de commerce entre les États-Unis et le Canada. Il le regrette, parce qu’avec la réciprocité nos grains et nos bois vaudraient plus qu’ils ne valent aujourd’hui, ce qui, conséquemment procurerait des capitaux au pays. Ainsi, suivant ce savant membre, ce zélé serviteur du peuple, la réciprocité sans l’annexion produirait des capitaux dans le pays ; mais la réciprocité au moyen de l’annexion n’en produirait pas ! !

Heureux le comté qui possède un pareil représentant !

Messieurs, ces résultats du régime colonial sont-ils assez déplorables ? Le pays a-t-il vraiment un si grand intérêt à le maintenir ? N’a-t-il pas au contraire le plus pressant besoin d’en voir la fin ?

Quoi ! le régime colonial nous coûte, au point de vue gouvernemental, le double de ce que l’indépendance nous coûtera ; il nous écrase et nous nullifie au point de vue politique ; il nous appauvrit au point de vue commercial ; il ne nous offre aucune de ces garanties absolues, infaillibles, de sécurité civile, de bonne administration, d’économie publique, de libre arbitre politique, de prospérité générale, de développement moral et industriel, d’importance nationale que nous sommes sûrs de trouver au sein de la liberté Américaine, et nous allons réfléchir, discuter, hésiter pendant des années, avant de nous hasarder à penser que, pour un peuple, l’état colonial soit le pire état possible ! !

Allons-nous attacher plus d’importance à des craintes sans fondement qu’aux maux passés ; à des alarmes frivoles qu’à des convictions raisonnées ; à des possibilités éloignées qu’au fait actuel ?

Allons-nous reculer devant des dangers imaginaires pour nous entêter à tenir une position évidemment insoutenable ? Allons-nous nous laisser effrayer par des malheurs impossibles quand aujourd’hui même nous sommes, par la force des choses, placés en face de malheurs certains, inévitables, que le régime colonial ne fera qu’accroître ?

Allons-nous rétrograder devant des prévisions en l’air, des prévisions qui découlent directement des préjugés monarchiques qui dominent encore, en Canada, certaine classe et certains hommes ?

Allons-nous nous roidir contre la raison, la nature, les enseignements de l’histoire ; contre les nécessités locales résultant des positions géographiques et des besoins commerciaux ?

Allons-nous enfin ne pas tenir compte de cette association d’idées générale, universelle qui domine aujourd’hui les événements et des hommes dans le nouveau monde, et les dominera finalement dans l’ancien ; de cette association d’idées qui a irrévocablement décrété la chute, la mort de tout état social qui n’est pas la démocratie ; de tout principe politique qui n’est pas la souveraineté du peuple ; de toute organisation nationale qui n’est pas la république ?

Messieurs, assez d’hésitations nous ont compromis !

Assez de faux pas nous ont attristés !

Assez d’hommes, dans ce pays, ont renié leurs antécédents !

Assez d’hommes, dans ce pays, ont oublié leurs devoirs !

Assez d’hommes, en Canada, ont refoulé leurs convictions à cet endroit où autrefois ils avaient un cœur !

N’allons pas, à l’exemple de ces faux frères qui ont déserté le drapeau du libéralisme pour se couvrir des oripeaux du régime colonial, n’allons pas, nous aussi repousser, proscrire les seules idées saines, les seuls principes justes, les seuls sentiments honorables pour les nations comme pour les individus ! N’allons pas nous poser, dans le courant des choses humaines, à l’instar de l’écueil inerte et impassible qui brise le cours du fleuve !

Messieurs, nous avons des devoirs à remplir non seulement envers ceux de nos concitoyens qui sont moins à portée que nous de connaître leur position actuelle et d’apprécier leur sort futur ; nous en avons aussi envers la jeune génération qui nous pousse irrésistiblement vers l’avenir.

Cette génération, Messieurs, n’a pas encore la conscience du mal que nous pouvons lui faire, ni du bien qu’elle peut nous devoir ; mais, plus tard, elle acquerra le droit de nous juger.

Nous avons le choix aujourd’hui entre sa reconnaissance et son mépris. — Nous aurons l’une ou l’autre selon que nous aurons été inspirés par l’esprit d’indépendance, ou dégradés par le servilisme ministériel.

  1. Il n’est question ici que de ceux qui ont des dettes.
  2. Le Haut Canada a obtenu, à même l’argent provenant de la dette publique, £440,000 pour chemins et améliorations locales, le Bas-Canada £180,000.
  3. Si l’emprunt pour le chemin de fer d’Halifax se négocie, la dette publique répartie sur le nombre des propriétaires, donnera une moyenne de $175.