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Suite de Joseph Delorme/Le Bouquet

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Suite de Joseph DelormeMichel Lévy frères. (p. 268-269).

LE BOUQUET


Tout passe, tout renaît, le Printemps recommence :
Il rend la joie au monde et la vie à nos sens.
Marie, au boulevard, à remplacé Clémence :
Bouquetière de mai doit n’avoir que quinze ans.

Bouton qui s’ouvre à peine, et qui promet la rose,
Tu viens t’offrir à nous, et tu nous dis : « Cueillez !
Cueillez, il en est temps : même avant d’être éclose,
Souvent la fleur échappe aux rameaux dépouillés. »

Toute fleur de beauté n’a que de courts passages ;
Jouissons, jouissons de l’heure et du rayon :
C’est ce qu’ont, de tout temps, répété les plus sages,
Et Marion le sait autant qu’Anacréon.

Quand, ta rose à la main, tu prends ma boutonnière,
Poursuivant le passant de ton joli caquet,
Je dis : « Fi d’une fleur, gentille bouquetière !
J’achète la corbeille et veux tout le bouquet.


Je veux ta lèvre fraiche et ta gorge brillante,
Les parfums naturels qu’exhalent tes cheveux,
Le nœud prompt et léger que fait ta main coulante…
Vite un bouquet, Marie ! et viens le faire à deux[1]. »


  1. Mais, en fait de Bouquetière, voici ce que j’aime mieux et qui est du Joseph Delorme en prose :
    Traduit (ou censé traduit) d’une épigramme de l’Anthologie :

    « Charmante Bouquetière, qui es toi-même comme une fleur riante dans l’avenue des Tombeaux, tu m’offres chaque fois que je passe une couronne, et chaque fois je la prends et j’en décore le marbre de celle que je pleure et qui ornait de sa tendresse mes dernières et pâlissantes saisons. Et ce n’est pas moi seulement, tous ceux qui passent comme moi veulent prendre de tes mains les fleurs. Jamais les morts chéris, jamais les mortes, les amantes même les plus pleurées, n’ont été honorées plus pieusement ; jamais elles n’ont reçu plus de fleurs fidèles en toute saison, et jusque dans l’hiver de l’année, que depuis que toi, la fraêche Bouquetière, comme le plus léger des printemps, tu es assise, guirlandes et couronnes en main, au seuil des tombeaux. »