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Tableau de Paris/051

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CHAPITRE LI.

Pont-Royal.


On jouit sur le Pont-Royal, du plus beau coup-d’œil de la ville. On y découvre d’un côté, le Cours, les Tuileries, le Louvre ; de l’autre, le Palais-Bourbon, & une longue suite de superbes hôtels. Les deux quais de l’Isle-du-Palais, & les deux autres qui bordent la riviere, ajoutent beaucoup à l’agrément de la perspective.

L’entrée par le pont de Neuilly frappe d’admiration le voyageur, à mesure qu’il s’avance vers la barriere de Chaillot, d’où se présentent à ses regards étonnés la magnifique place de Louis XV, le jardin & le palais des Tuileries.

Si l’on exécutait enfin le plan si souvent proposé de débarrasser le pont S. Michel, le pont au Change, le pont Notre-Dame, & le pont Marie, des gothiques bâtimens qui les surchargent désagréablement, l’œil plongeroit avec plaisir d’une extrémité de la ville à l’autre.

Quel contraste choquant entre la magnifique rive droite du fleuve, & la rive gauche qui n’est point pavée & est toujours remplie de boue & d’immondices ! Elle n’est couverte que de chantiers & de masures habitées par la lie du peuple. Mais ce qui surprend davantage encore, c’est que ce cloaque dégoûtant est borné d’un côté par le Palais-Bourbon ; & de l’autre, par le beau quai des Théatins.

La galiote de Saint-Cloud part régulierement du Pont-Royal ; & la modicité du prix y attire les fêtes & les dimanches une foule de Parisiens. Le départ & l’arrivée de ce bateau ne donnent pas une bien haute opinion des talens nautiques des matelots de la Seine, par leur mal-adresse à partir & à aborder. D’autres Parisiens, arrivés trop tard pour profiter de la galiote, se jettent à corps perdu dans des batelets particuliers, oubliant dans de si frêles bâtimens, que le filet d’eau de la Seine peut les engloutir, comme les gouffres du vaste Océan. Ceux qui ont accoutumé de parcourir les mers, tremblent à la vue de cet embarquement dangereux.