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Théorie des fonctions analytiques/Partie I/Chapitre 01

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Première partie

PREMIÈRE PARTIE.

Exposition de la théorie, avec ses principaux usages dans l’analyse.

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CHAPITRE PREMIER.

Développement en série d’une fonction d’une variable lorsqu’on attribue un accroissement à cette variable. Formation successive des termes de la série. Théorème important sur la nature de ces séries.

1. Nous désignerons en général par la caractéristique ou placée devant une variable, toute fonction de cette variable, c’est-à-dire toute quantité dépendante de cette variable et qui varie avec elle suivant une loi donnée. Ainsi ou désignera une fonction de la variable désigneront des fonctions de de

Pour marquer une fonction de deux variables indépendantes, comme de nous écrirons et ainsi des autres.

Lorsque nous voudrons employer d’autres caractéristiques pour marquer les fonctions, nous aurons soin d’en avertir.

Considérons donc une fonction d’une variable quelconque . Si à la place de on y met étant une quantité quelconque indéterminée, elle deviendra et, par la théorie des séries, on pourra la développer en une série de cette forme

dans laquelle les quantités coefficients des puissances de

seront de nouvelles fonctions de dérivées de la fonction primitive et indépendantes de l’indéterminée .

2. Mais, pour ne rien avancer gratuitement, nous commenceronspar examiner la forme même de la série qui doit représenter le développement de toute fonction lorsqu’on y substitue à la place de et que nous avons supposée ne devoir contenir que des puissances entières et positives de .

Cette supposition se vérifie en effet par le développement des différentes fonctions connues ; mais personne, que je sache, n’a cherché à la démontrer a priori, ce qui me paraît néanmoins d’autant plus nécessaire, qu’il y a des cas particuliers où elle ne peut pas avoir lieu. D’ailleurs, le Calcul différentiel porte expressément sur cette même supposition, et les cas qui font exception sont précisément ceux où ce Calcul a été accusé d’être en défaut.

Je vais d’abord démontrer que, dans la série résultante du développement de la fonction il ne peut se trouver aucune puissance fractionnaire de à moins qu’on ne donne à des valeurs particulières.

En effet, il est clair que les radicaux de ne pourraient venir que des radicaux renfermés dans la fonction primitive et il est clair en même temps que la substitution de au lieu de ne pourrait ni augmenter ni diminuer le nombre de ces radicaux, ni en changer la nature, tant que et sont des quantités indéterminées. D’un autre côté, on sait par la théorie des équations que tout radical a autant de valeurs différentes qu’il y a d’unités dans son exposant, et que toute fonction irrationnelle par conséquent, autant de valeurs différentes qu’on peut faire de combinaisons des différentes valeurs des radicaux qu’elle renferme. Donc, si le développement de la fonction pouvait contenir un terme de la forme la fonction serait nécessairement irrationnelle et aurait par conséquent un certain nombre de valeurs différentes, qui serait le même pour la fonction ainsi que pour son développement. Mais, ce développement étant représenté par la série

chaque valeur de se combinerait avec chacune des valeurs du radical de sorte que la fonction développée aurait plus de valeurs différentes que la même fonction non développée, ce qui est absurde.

Cette démonstration est générale et rigoureuse tant que et demeurent indéterminés ; mais elle cesserait de l’être si l’on donnait à des valeurs déterminées, car il serait possible que ces valeurs détruisissent quelques radicaux dans qui pourraient néanmoins subsister dans Nous examinerons plus bas (Chap. V) ces cas particuliers et les conséquences qui en résultent.

Nous venons de voir que le développement de la fonction ne saurait contenir, en général, des puissances fractionnaires de il est facile de s’assurer aussi qu’il ne pourra contenir non plus des puissances négatives de .

Car, si parmi les termes de ce développement, il y en avait un de la forme étant un nombre entier positif, en faisant ce terme deviendrait infini ; donc la fonction devrait devenir infinie lorsque par conséquent, il faudrait que devînt infinie, ce qui ne peut avoir lieu que pour des valeurs particulières de .

3. Nous étant ainsi assurés de la forme générale du développement de la fonction voyons plus particulièrement en quoi ce développement consiste et ce que signifie chacun de ses termes.

On voit d’abord que, si l’on cherche dans cette fonction ce qui est indépendant de la quantité il n’y a qu’à faire ce qui la réduit à . Ainsi est la partie de qui reste lorsque la quantité devient nulle, de sorte que sera égale à plus à une quantité qui doit disparaître en faisant et qui sera par conséquent ou pourra être censée multipliée par une puissance positive de et, comme nous venons de démontrer que dans le développement de il ne peut entrer aucune puissance fractionnaire de il s’ensuit que la quantité dont il s’agit ne pourra être multipliée que par une puissance positive et entière de elle sera donc de la forme étant une fonction de et qui ne deviendra point infinie lorsque

On aura donc ainsi

donc et par conséquent divisible par la division faite, on aura

Or, étant une nouvelle fonction de et on pourra de même en séparer ce qui est indépendant de et qui, par conséquent, ne s’évanouit pas lorsque devient nul. Soit donc ce que devient lorsqu’on fait sera une fonction de sans et, par un raisonnement semblable au précédent, on prouvera que étant la partie de qui devient nulle lorsque et étant une nouvelle fonction de et qui ne devient pas infinie lorsque

On aura donc et par conséquent divisible par la division faite, on aura

Soit la valeur de en y faisant sera une fonction de sans et la partie de qui devient nulle lorsque devient nul sera, comme ci-dessus, de la forme étant une fonctions de et qui ne deviendra pas infinie lorsque et qu’on trouvera en divisant par et ainsi de suite.

On aura, par ce procédé,

donc, substituant successivement,

ce qui donnera, pour le développement de une série de la forme que nous avons supposée au commencement.

4. Soit, par exemple, on aura

donc

ainsi l’on aura

comme il résulte de la division actuelle.

Prenons encore pour exemple la fonction irrationnelle On aura donc

donc

De sorte qu’on aura, de cette manière,

Cette dernière série est celle que l’on trouve par l’extraction actuelle de la racine carrée ou par la formule du binôme.

5. Il serait difficile d’exécuter ces opérations sur des fonctions irrationnelles plus compliquées ; mais, en faisant disparaître les irrationnalités par rapport à la quantité l’application de la méthode n’aura plus de difficulté.

Ainsi, en reprenant l’exemple précédent, on partira de l’équation

qui, étant élevée au carré pour dégager l’ de dessous le signe radical, devient, après la division par

Faisant devient et l’on aura

On fera donc ce qui étant substitué, on aura, après la division par

Faisant devient donc on aura

d’où l’on tire

On fera donc et ainsi de suite.

On peut, à la vérité, trouver les valeurs de d’une manière plus expéditive en faisant tout de suite l’équation

l’élevant au carré pour dégager la quantité de dessous le signe, et comparant ensuite les termes affectés des mêmes puissances de pour que cette quantité puisse demeurer indéterminée, comme on le suppose mais la méthode précédente a l’avantage de ne développer la série qu’autant qu’on veut et de donner la valeur exacte du reste. En effet, si l’on voulait, par exemple, s’arrêter au second terme on aurait pour la valeur du reste, et l’on pourrait déterminer par la résolution de l’équation en Dans l’exemple ci-dessus, cette équation est

et, pour la résoudre de manière que l’expression de ne présente pas la quantité au dénominateur, il n’y a qu’à faire ce qui réduira l’équation à cette forme,

d’où l’on tire

et, comme ne doit pas devenir infini lorsque (no 3), il faudra que ne devienne pas nul dans le même cas ; par conséquent, il faudra prendre le signe inférieur du radical ; on aura ainsi

et de là

comme plus haut. On en usera de même dans tous les cas semblables.

6. Mais le principal avantage de la méthode que nous avons exposée consiste en ce qu’elle fait voir comment les fonctions résultent de la fonction principale et surtout en ce qu’elle prouve que les restes sont des quantités qui doivent devenir nulles lorsque d’où l’on tire cette conséquence importante que, dans la série

qui naît du développement de on peut toujours prendre assez petit pour qu’un terme quelconque soit plus grand que la somme de tous les termes qui le suivent, et que cela doit avoir lieu aussi pour toutes les valeurs plus petites de .

Car, puisque les restes sont des fonctions de qui deviennent nulles, par la nature même du développement, lorsque il s’ensuit que, en considérant la courbe dont serait l’abscisse et l’une dè ces fonctions l’ordonnée, cette courbe coupera l’axe à l’origine des abscisses, et, à moins que ce point ne soit un point singulier, ce qui ne peut avoir lieu qiie pour des valeurs particulières de comme il est facile de s’en convaincre avec un peu de réflexion et par un raisonnement analogue à celui du no 2, le cours de la courbe sera nécessairement continu depuis ce point ; donc elle s’approchera peu à peu de l’axe avant de le couper et s’en approchera, par conséquent, d’une quantité moindre qu’aucune quantité donnée, de sorte qu’on pourra toujours trouver une abscisse correspondant à une ordonnée moindre qu’une quantité donnée, et alors toute valeur plus petite de répondra aussi à des ordonnées moindres que la quantité donnée.

On pourra donc prendre assez petit, sans être nul, pour que soit moindre que ou pour que soit moindre que ou pour que soit moindre que et ainsi des autres, et par conséquent pour que soit moindre que ou que soit moindre que etc. ; donc, puisque (no 3)

il s’ensuit qu’on pourra toujours donner à une valeur assez petite pour que chaque terme de la série

devienne plus grand que la somme de tous les termes suivants, et alors toute valeur de plus petite que celle-là satisfera toujours à la même condition.

On doit regarder ce théorème comme un des principes fondamentaux de la théorie que nous nous proposons de développer ; on le suppose tacitement dans le Calcul différentiel et dans celui des fluxions, et c’est par cet endroit qu’on peut dire que ces calculs donnent le plus de prise sur eux, surtout dans leur application aux problèmes géométriques et mécaniques. Les doutes qui pourraient rester sur la démonstration de ce théorème, parce que le procédé que nous avons employé pour trouver les restes n’est applicable qu’aux fonctions algébriques, seront levés dans le Chapitre V, où nous donnerons l’expression générale de ces restes et la manière d’en déterminer les limites.

7. Il faut remarquer, au reste, que la méthode que nous venons de donner pour trouver successivement les termes de la série qui représente une fonction de développée suivant les puissances de ne peut s’appliquer, en général, au développement d’une fonction de et de qu’autant que cette fonction est susceptible d’être réduite en une série qui procède suivant les puissances positives et entières de car le raisonnement du no 2, par lequel nous avons prouvé que toute fonction de est, généralement parlant, susceptible de cette forme ne pourrait pas s’appliquer à une fonction quelconque de et Mais, dans les cas où cette réduction est possible, on pourra toujours appliquer à la série résultante du développement suivant les puissances ascendantes de la conséquence que nous en avons tirée dans le numéro précédent, savoir, que la quantité pourra être prise assez petite pour qu’un terme quelconque de la série soit plus grand que tous ceux qui le suivent, pris ensemble.


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