Théorie des fonctions analytiques/Partie II/Chapitre 05

La bibliothèque libre.
Gauthier-Villars (Œuvres de Lagrange. Tome IXp. 232-237).
Seconde partie


CHAPITRE V.

Des plus grandies et des moindres valeurs des fonctions d’une variable.

24. Il y a un genre de questions qui, quoique indépendantes de la considération des tangentes, peuvent néanmoins s’y rapporter : ce sont celles qu’on appelle de maximis et minimis, et qui consistent à trouver, pour une fonction donnée d’une variable, la valeur de cette variable qui rend celle de la fonction la plus grande ou la plus petite. Comme les courbes ne sont que la représentation ou le tableau de toutes les valeurs de la fonction de l’abscisse, représentée par l’ordonnée, il est visible que la question de trouver la plus grande ou la plus petite valeur d’une fonction donnée d’une variable revient à déterminer la plus grande ou la plus petite ordonnée de la courbe dont cette variable serait l’abscisse et la fonction donnée serait l’ordonnée.

Or l’inspection seule de la courbe suffit pour faire voir que ces ordonnées ne peuvent être que celles qui répondent aux points dont les tangentes seront parallèles à l’axe des abscisses. Si la courbe est convexe à l’axe, l’ordonnée sera alors évidemment un minimum, et, si la courbe est concave, l’ordonnée est un maximum.

Nous avons vu (no 7) que la tangente de l’angle que la tangente d’une courbe fait avec l’axe est exprimée en général par étant l’ordonnée que l’on suppose fonction de l’abscisse donc, pour que cette tangente devienne parallèle à l’axe, il faut que l’on ait or, si l’on fait dans les expressions des coordonnées et (no 9), qui déterminent le lieu du centre du cercle osculateur, on a

d’où l’on voit que, si est une quantité positive, ce centre tombera au delà de la courbe, qui sera par-conséquent, convexe vers l’axe, et que, si est une quantité négative, le même centre tombera en deçà de la courbe, c’est-à-dire du côté de l’axe, et que, par conséquent, la courbe sera alors concave vers l’axe. Donc, la fonction sera un maximum ou un minimum lorsque sa fonction prime sera nulle, et, en particulier, elle sera un minimum lorsque la fonction seconde sera en même temps une quantité positive, et un maximum lorsque sera une quantité négative c’est en quoi consiste la méthode connue de maximis et minimis.

25. Mais il n’est pas inutile de faire voir comment cette méthode peut se déduire directement de l’analyse des fonctions sans la considération intermédiaire des courbes.

Soit la fonction de dont on demande le maximum ou le minimum. Soit la valeur de qui répond au maximum ou au minimum il faudra que la valeur de soit toujours plus grande ou toujours moindre que la valeur de quelle que soit la quantité positive ou négative, et quelque petite qu’elle puisse être. Je dis quelque petite que la quantité puisse être, car une quantité est censée devenir un maximum ou un minimum lorsqu’elle parvient au terme de son accroissement ou de sa diminution, de manière qu’en deçà et au delà de ce terme elle se trouve moindre dans le cas du maximum ou plus grande dans le cas du minimum que dans le même terme. Concevons à la place de la condition du maximum sera

et celle du minimum sera

quelque petit que soit positif ou négatif.

Développons la fonction en série par nos formules (no 40, Ire Partie), et arrêtons-nous d’abord aux deux premiers termes ; on aura ainsi

étant une quantité renfermée entre les limites et Il faudra donc que l’on ait

pour le maximum et pour le minimum.

Or nous avons déjà vu (no 3) que l’on peut prendre assez petit pour que la valeur absolue du terme soit plus grande que celle du terme ce qui étant vrai pour une valeur de aura lieu aussi pour toutes les valeurs de plus petites. ; donc la quantité

deviendra alors positive ou négative, suivant que la quantité le sera. Mais celle-ci change de signe avec la quantité donc il sera, impossible que la condition du maximum ou du minimum ait lieu, à moins que l’on n’ait

Prenons maintenant dans le développement de un terme de plus ; nous aurons

donc, à cause de il faudra que l’on ait

pour le maximum et pour le minimum.

On peut aussi prendre assez petit pour que la valeur absolue du terme soit plus grande que celle de alors la quantité

sera positive ou négative, suivant que celle de le sera. Donc,

puisque la valeur de est toujours positive, il faudra que l’on ait
pour le maximum et pour le minimum.

Si l’on fait alors, reprenant le développementde et employant un terme de plus, on aurait

donc, puisqu’on suppose et on aurait pour le maximum la condition

et pour le minimum la condition opposée. Or on peut prendre assez petit pour que la valeur absolue du terme surpasse celle du terme alors la valeur de

sera positive ou négative, suivant celle de Mais celle-ci change de signe avec la quantité donc il sera impossible que la condition du maximum ou du minimum ait lieu, à moins qu’on n’ait

Employons encore le terme suivant dans le développement de on aura

et les conditions du minimum ou du maximum deviendront

ou

à cause de et On prouvera ici, comme

plus haut, que l’on pourra prendre assez petit pour que le terme affecté de pris absolument, c’est-à-dire abstraction faite du signe, devienne plus grand que l’autre terme affecté de et que, par conséquent, la somme des deux termes soit nécessairement positive ou négative, selon que le terme le sera. D’où il est aisé de conclure, à cause que il est toujours une quantité positive, qu’il faudra que l’on ait
pour le maximum pour le minimum,

et ainsi de suite.

26. Donc, en général, si est une fonction quelconque de on aura d’abord, pour le maximum ou le minimum, la condition laquelle donnera la valeur de ensuite ou ce qui s’accorde avec ce que nous avons trouvé ci-dessus (no 24). Mais nous venons de trouver de plus que, si il faudra que l’on ait aussi en même temps ensuite

pour le maximum pour le minimum ;

et ainsi de suite. En général, si une fonction dérivée d’un ordre quelconque pair disparaît, il faudra que la fonction de l’ordre impair suivant disparaisse aussi, et que la suivante de l’ordre pair soit négative pour le maximum et positive pour le minimum.

Si la fonction n’est donnée que par une équation

il n’y aura qu’à prendre l’équation prime

et faire ce qui la réduira à celle-ci,

laquelle, combinée avec servira à déterminer les valeurs

de et répondant au maximum ou au minimum. Ensuite on prendra l’équation seconde, et, faisant de même on aura la valeur de dans laquelle on substituera les valeurs trouvées de et et l’on pourra juger, par cette valeur, du maximum ou du minimum ; et ainsi de suite.

Si la fonction ou devenait infinie, c’est-à-dire si ce serait une marque que le développement de contiendrait, pour la valeur trouvée de un terme de la forme étant entre et (no 30, Ire Partie) ; et, en considérant la courbe de l’équation on pourrait connaître, par la forme de son cours dans le point donné, si la fonction est un maximum ou un minimum (no 24). On pourrait même donner pour cela des règles générales, mais qui nous écarteraient trop de notre objet.

Nous ne nous arrêterons pas à donner des exemples des règles précédentes pour la détermination des maxima et minima ; comme elles s’accordent en tout avec celles que l’on connaît d’après le Calcul différentiel, on pourra en faire les mêmes applications. Il n’y aura qu’à changer les symboles


Séparateur