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Théorie mathématique de la lumière/1/Conclusions

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Georges Carré (1p. 398-401).

CONCLUSIONS

241. Dans l’étude de chaque phénomène nous avons exposé parallèlement plusieurs théories rendant également bien compte des faits observés. Ces théories peuvent d’ailleurs se rattacher à l’un des deux groupes suivants : celles où l’on suppose comme Fresnel l’élasticité du milieu constante ; celles où on admet avec Neumann que la densité de l’éther est constante. Nous n’avons trouvé aucune raison pouvant faire préférer l’une de ces hypothèses à l’autre. Seule l’explication de l’aberration par l’entraînement partiel de l’éther peut faire pencher la balance du côté de l’hypothèse de Fresnel ; car l’entraînement partiel de l’éther suppose que la densité de l’éther n’est pas la même dans tous les milieux. Mais, comme nous l’avons fait remarquer, il est difficile de se bien rendre compte de ces phénomènes d’aberration et aucune théorie n’est satisfaisante. Il n’y a donc pas là de raison suffisante pour décider du choix d’une théorie.

D’ailleurs nous ne pouvons nous plaindre d’être dans l’impossibilité de faire un choix. Cette impossibilité nous montre que les théories mathématiques des phénomènes physiques ne doivent être considérées que comme des instruments de recherches ; instruments très précieux, il est vrai, mais dont nous ne devons pas rester esclaves et que nous devons rejeter dès qu’ils se trouvent en contradiction formelle avec l’expérience.

242. Il y a une raison générale qui nous empêche de choisir entre les théories optiques que nous avons exposées. Nous savons en effet que les équations du mouvement dans un milieu élastique isotrope ou anisotrope sont des équations linéaires et à coefficients constants. Une propriété générale des équations de ce genre est que si et sont deux intégrales de l’une d’elles, la quantité en sera également une solution. Nous avons donc une infinité de manières de satisfaire aux problèmes optiques.

En outre nous avons vu que l’une des équations du mouvement dans un milieu élastique isotrope est

(1)

Si nous dérivons les deux membres de cette équation par rapport à une variable quelconque, nous aurons

Donc, si une fonction satisfait à l’équation (1) une dérivée quelconque de cette fonction y satisfera également.

Si nous désignons par les composantes du déplacement d’une molécule d’éther dans la théorie de Fresnel, quantités qui satisfont aux équations du mouvement telles que (1) les dérivées satisferont aussi aux équations. Il est aisé de constater qu’il en sera de même des binômes alternés

Or, nous savons que les composantes du déplacement d’une molécule d’éther dans la théorie de Neumann sont précisément ces binômes alternés ; par conséquent, elles seront aussi solutions des équations du mouvement. On peut donc être assuré que tout phénomène expliqué par la théorie de Fresnel le sera également par celle de Neumann. La réciproque est d’ailleurs vraie.

Dans certains cas cependant, nous avons eu des coefficients variables dans les équations du mouvement. Ainsi dans la théorie de M. Sarrau et dans la considération de la couche de passage dans la réflexion. Mais comme nous ignorons absolument la loi de variation de ces coefficients il nous suffit de quelques hypothèses pour faire concorder la théorie avec l’expérience et nous ne pouvons rien décider sur la justesse de la théorie.

243. L’étude d’un phénomène particulier, la polarisation par diffraction semblait pouvoir permettre de décider entre la théorie de Fresnel et celle de Neumann. On croyait être arrivé par le calcul à ce résultat que la rotation du plan de polarisation n’avait pas la même valeur dans ces deux théories. Mais certainement les calculs étaient inexacts, car les équations du mouvement étant à coefficients constants, il ne peut, comme nous venons de le dire, y avoir aucune divergence entre les résultats des deux théories. Cependant, à la suite de ces calculs, des expériences ont été tentées dans cette voie. Elles sont très délicates car la déviation d’un rayon diffracté est très faible et la rotation du plan de polarisation qui en résulte est excessivement petite. On a, dans le but d’augmenter la déviation du rayon diffracté, expérimenté avec des réseaux. Mais le problème se complique alors, car il y a à la fois diffraction et réfraction ou réflexion ; aussi les expériences ne furent d’accord ni entre elles, ni avec les conséquences de la théorie de Fresnel, ni avec celles de la théorie de Neumann.

Tout récemment M. Gouy a repris le même problème sans idée préconçue ; il a obtenu une déviation considérable du rayon diffracté en plaçant la source lumineuse, formée par la concentration de rayons au foyer d’une lentille convergente, sur le bord d’un écran. Les résultats de ses expériences pour la valeur de la rotation du plan de polarisation ne sont pas non plus d’accord avec les deux théories de la polarisation. La théorie de la diffraction se trouve même en défaut, car M. Gouy a constaté que les phénomènes dépendent de la forme du bord de l’écran et de la nature de cet écran. Ce désaccord entre les expériences de M. Gouy et la théorie de Fresnel ne doit pas nous surprendre, car nous avons dit qu’il était impossible de trouver une solution de l’équation

satisfaisant exactement aux conditions du problème. Ce n’est qu’en y satisfaisant approximativement que nous avons pu édifier une théorie de la diffraction.

L’approximation était très largement suffisante dans les conditions habituelles des expériences de diffraction ; car les quantités négligées sont alors extrêmement petites. Il n’en est plus de même dans les conditions où M. Gouy s’était placé.

FIN